Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRET DU 12 DECEMBRE 2014
(n° 2014- , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/10189
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Mai 2014 -Juge de la mise en état de PARIS - RG n° 13/08529
APPELANTE
SARL HOTELIERE MODERNE agissant en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Gérard TAIEB, avocat au barreau de PARIS, toque : D0831
Assistée de Me Amélie COISNE, avocat au barreau de PARIS, toque : D831
INTIMÉES
Madame [I] [Z] Épouse [B]
[Adresse 1]
Chambre 31
[Localité 1]
Défaillante. Régulièrement assignée.
CENTRE D'ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE PARIS pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Yves CLAISSE de la SELARL CLAISSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0500
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère, chargée d'instruire le dossier.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne VIDAL, présidente de chambre
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère
Madame Isabelle CHESNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER
ARRÊT :
- par défaut,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne VIDAL, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
Le 5 juin 2013, la société Hôtelière moderne, exerçant l'activité commerciale d'hôtel meublé, a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris le Centre d'action sociale de la Ville de [Localité 1] et Mme [B], entendant faire prononcer leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 16 097 euros au titre de l'hébergement de cette dernière et de sa famille dans les chambres 53 du 1er septembre 2011 au 1er mars 2012 et 55 du 1er septembre 2010 au 21 mars 2012.
Le Centre d'action sociale de la Ville de Paris a, par conclusions d'incident du 10 février 2014, décliné la compétence de la juridiction saisie au profit de celle du tribunal administratif de Paris. Par ordonnance du 6 mai 2014, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance de Paris incompétent, a renvoyé la société Hôtelière moderne à mieux se pourvoir, et l'a condamnée à payer au Centre d'action sociale de la Ville de Paris la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens. Le juge de la mise en état a retenu qu'en l'absence de preuve d'un contrat conclu entre le Centre d'action sociale de la Ville de [Localité 1], établissement public administratif, et la société Hôtelière moderne, il n'existait pas de relation de droit privé entre les parties fondant la compétence du juge judiciaire.
La société Hôtelière moderne a relevé appel de cette décision le 9 mai 2014 et, dans ses dernières conclusions notifiées le 3 juillet 2014, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état, de déclarer le juge judiciaire compétent, et usant de son pouvoir d'évocation de condamner in solidum Mme [B] et le Centre d'action sociale de la Ville de Paris à lui payer la somme de 16 097 euros au titre des nuitées occupées par Mme [B] avec intérêts au taux légal calculés à compter d'une mise en demeure du 20 juin 2012 et capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil, ainsi que celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens de première instance et d'appel. Elle fait valoir que, même si l'hébergement de Mme [B] et de son fils au sein de son hôtel a été effectué dans le cadre de l'octroi d'une aide sociale à l'enfance et que le Centre d'action sociale de la Ville de Paris est un établissement public administratif, il existe bien un rapport contractuel de nature privé entre les parties compte tenu de la demande d'hébergement qui lui a été faite moyennant la prise en charge de son coût par le centre d'action sociale qui n'a jamais discuté son obligation au paiement en contrepartie de la mise à disposition par l'hôtel de tourisme d'une chambre à usage privatif.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 septembre 2014, le Centre d'action sociale de la Ville de Paris demande, au visa des articles L. 123-4 et suivants et R. 123-39 et suivants du code de l'action sociale et des familles et de la convention du 10 juin 1992 conclue entre la Commune de [Localité 1] et le Bureau d'aide sociale de [Localité 1], de confirmer l'ordonnance et en conséquence de constater l'incompétence du tribunal de grande instance de Paris pour statuer sur le litige. A titre subsidiaire, il conclut au rejet de l'ensemble des demandes formées par la société Hôtelière moderne à son encontre. En tout état de cause, il sollicite la condamnation de la société Hôtelière moderne à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens. Il fait valoir qu'il a agi dans le cadre de sa mission de service public à caractère administratif d'attribution des aides sociales à l'enfance sans être lié à l'hôtel par aucun contrat, que les aides financières sont en principe versées à l'usager bénéficiaire auquel il appartient de choisir un des établissements hôteliers répertoriés par le centre d'action sociale mais peuvent également être versées directement à l'hôtelier lorsque le bénéficiaire l'autorise, que ce versement ne saurait s'analyser en un engagement de financer le prix de l'hébergement ni d'en garantir le paiement, que l'usager bénéficiaire reste tenu de régler le complément de l'aide conditionnée par une évaluation sociale de la famille et de ses ressources, que ces aides ponctuelles et exceptionnelles peuvent être interrompues à tout moment en fonction de cette évaluation, qu'il appartient à l'usager de s'acquitter du montant total des nuitées s'il se maintient alors dans l'établissement hôtelier, que c'est donc bien avec les personnes hébergées qu'un contrat est conclu, et qu'en tout état de cause la décision par laquelle il a cessé d'attribuer l'aide sollicitée doit s'analyser en un acte administratif de l'établissement public pris dans le cadre de l'exercice de son activité de service public et des relations qu'il entretient avec ses usagers. Il ajoute, sur le fond, que la société Hôtelière moderne n'apporte aucune preuve d'une quelconque obligation à sa charge relative au paiement des nuitées hôtelières de Mme [B], pas plus qu'elle ne justifie du décompte des sommes réclamées. Il précise que Mme [B] a bénéficié depuis 2009 d'une aide financière qui a été interrompue à partir du mois de juillet 2011 à défaut d'actualisation par elle de sa situation financière malgré les demandes qui lui avaient été adressées.
Mme [B] a reçu signification dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile de la déclaration d'appel et des conclusions d'appelant le 7 juillet 2014, ainsi que des conclusions d'intimé le 23 septembre 2014, mais n'a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les prestations d'aide sociale servies par le Centre d'action sociale de la Ville de Paris, dans le cadre de la mission de service public qu'elle exerce par délégation selon une convention conclue le 10 juin 1992 entre le département de [Localité 1] et la commune de [Localité 1], bénéficient à l'allocataire qui en remplit les conditions, et le règlement effectué auprès de l'établissement hôtelier ne correspond lui-même qu'à une modalité d'exécution de l'aide accordée. Par son versement, le centre d'action sociale ne fait qu'acquitter pour le compte de son allocataire les frais d'hébergement que l'aide a vocation à financer. Le litige qui a trait à ce paiement ne concerne pas la décision administrative d'attribution de l'aide mais la location des chambres fournie par l'hôtelier dans une relation de droit privé avec l'occupant. Le contentieux né de cette relation relève du juge judiciaire. C'est donc à tort que le premier juge a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée. L'ordonnance déférée sera en conséquence infirmée.
La cour saisie de l'appel d'une ordonnance du juge de la mise en état ne peut statuer que dans les limites des pouvoirs conférés à celui-ci par les articles 763 et suivants du code de procédure civile. Le droit d'évocation dont elle peut faire usage en application de l'article 568 du code de procédure civile ne peut dès lors concerner les questions relevant de la juridiction du fond. La cause et les parties seront en conséquence renvoyées devant le tribunal de grande instance de Paris compétent pour en connaître.
Le Centre d'action sociale de la Ville de Paris supportera les dépens de l'appel sur lequel il succombe. Il n'est pas inéquitable d'abandonner aux parties la charge de leurs frais non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et par défaut,
Infirme l'ordonnance déférée,
Statuant à nouveau,
Déclare le juge judiciaire compétent pour connaître des demandes de la société Hôtelière moderne,
Renvoie la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Paris pour statuer au fond,
Condamne le Centre d'action sociale de la Ville de Paris aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT