RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 19 DÉCEMBRE 2014
(n° 519 , 4 pages)
N° du répertoire général : 14/00455
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Décembre 2014 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n°
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en chambre du conseil, le 18 Décembre 2014
Décision réputée contradictoire
COMPOSITION
Marie-Anne BAULON, conseiller à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assistée de Déborah TOUPILLIER, greffier lors des débats et du prononcé de la décision
APPELANTE
Mme [D] [R] veuve [U] (personne faisant l'objet des soins)
née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 2]
demeurant [Adresse 5]
[Adresse 1]
actuellement hospitalisée à l'hôpital [1]
comparante en personne assistée de Maître Letizia MONNET-PLACIDI, conseil choisi, avocat au barreau de PARIS
CURATEUR :
Mme [Z] [T]
[Adresse 4]
[Localité 1]
INTIMÉ
LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER [1],
demeurant [Adresse 3]
non comparant, non représenté
TIERS :
Monsieur [C] [U]
[Adresse 2]
non comparant, non représenté
MINISTÈRE PUBLIC
Représentée par Madame Laure de CHOISEUL PRASLIN, substitut général, en vertu d'un pouvoir général
Par décision du 26 novembre 2014, le directeur du centre hospitalier [1] d'[Localité 3] a prononcé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique, l'admission en soins psychiatriques de [D] [U] à la demande de [C] [U], son fils. Depuis cette date, la patiente est prise en charge sous la forme d'une hospitalisation complète.
Saisi le 1er décembre 2014 par le directeur de l'établissement aux fins de contrôle de la mesure, en application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Evry a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète par décision du 4 décembre 2014.
Le conseil de [D] [U] en a interjeté appel par déclaration du 12 décembre 2014.
Les parties ainsi que le directeur de l'établissement ont été convoqués à l'audience.
L'audience s'est tenue le 18 décembre 2014, au siège de la juridiction, en chambre du conseil conformément à la demande de [D] [U].
Des exceptions de nullité étant soutenues par lme conseil de l'interessée, l'incident est joint au fond.
[D] [U] poursuit l'infirmation de la décision et la mainlevée de la mesure. Au soutien de son appel, elle fait valoir qu'elle a conscience d'avoir besoin de soins mais souhaite mettre en place des soins en ambulatoire et avoir déjà obtenu des rendez vous en ce sens, elle expose que le médecin hospitalier jusqu'ici chargée du suivi, s'est déchargée du dossier et qu'un nouveau psychiatre en est chargé qu'elle n'a pas encore rencontré. Son conseil soulève trois moyens d'irrégularité, le premier tiré d'une violation des droits de la défense au motif que prévenu la veille de l'audience, elle n'a pas disposé de temps nécessaire pour la préparation de sa défense, le deuxième tiré du défaut de convocation à l'audience et d'information de la curatrice de l'intéressée , le troisième tiré du défaut d'information du tiers. L'incident est joint au fond. Sur le fond, le conseil soutient la demande de main levée de la mesure et, à titre subsidiaire, sollicite une expertise.
L'avocate générale s'en rapporte sur les irrégularités et considère sur le fond qu'une expertise est inutile puisqu'un nouveau psychiatre traitant a été désigné au sein de l'établissement hospitalier, constate que l'état de la patiente se dégrade en raison des main levées successives d'hospitalisation intervenues ces derniers mois qui empêchent une prise en charge suivie, que la situation est aujourd'hui bloquée et qu'il convient, dans l'intérêt de la patiente, de dépasser ce blocage pour que les soins se mettent véritablement en place; elle sollicite la confirmation de l'ordonnance querellée.
[D] [U] a eu la parole en dernier.
MOTIFS
Sur les exceptions de nullité :
La cour considère sur le premier moyen, que s'il y a lieu de constater que les convocations d'audience sont tardives, pour autant l'intéressée et son conseil ont dûment été convoquées la veille de l'audience du premier juge, ce qui n'apparaît pas de nature à porter atteinte aux droits de la défense, le conseil choisi de la patiente ayant été présente à l'audience et ayant disposé d'un délai, certes un peu court, pour s'organiser et préparer la défense de la patiente, sur les deuxième et troisième moyens déjà soutenus en première instance, que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a rejeté ces moyens y ajoutant qu'aucun grief n'est caractérisé pour l'intéressée et qu'il appartient aux personnes concernées, le curateur et le tiers, de diligenter quelque contestation qu'ils jugeraient nécessaire, le conseil de l'intéressée n'assurant la défense des intérêts que de celle-ci et d'elle seule; qu'il convient dès lors de rejeter tous ces moyens.
Sur le fond:
Aux termes de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1.
Aux termes de l'article L 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement a prononcé son admission ou modifié la forme de la prise en charge du patient en procédant à son hospitalisation complète; que cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par le psychiatre de l'établissement ;
En cas d'appel, le premier président ou son délégataire statue dans les douze jours de sa saisine.
Le certificat de situation du 1er décembre 2014 retient que la patiente présente un trouble de l'humeur évoluant depuis plusieurs mois avec tentatives de prises en charge interrompues chaque fois que le placement a été levé, la difficulté est d'obtenir une alliance thérapeutique, la patiente étant très procédurière et n'ayant pas conscience de ses troubles; la symptomatologie actuelle s'exprime par des propos agressifs, une logorrhée, un sentiment de persécution et un délire hypocondriaque qui induit un nomadisme médical et des appels récurrents au Samu et aux pompiers; sa curatrice a fait un signalement au procureur de la République car à chaque sortie de l'hôpital, l'état de la patiente empire; incapable de vivre seule, elle présente des angoisses massives dans le cadre de sa pathologie dépressive, elle est aussi très dispersée ; il est conclu à la nécessité de la poursuite de la mesure.
Le dernier certificat de situation du 16 décembre 2014 confirme les éléments précités, rappelle que la prise en charge de la patiente tente vainement de se mettre en place depuis mars 2014, qu'en juin 2014 un programme de soins a été essayé soldé par un échec la patiente ne prenant pas son traitement et exprimant des idées suicidaires, que les hospitalisations de septembre et d'octobre ont abouties à des main levée pour des motifs procéduraux empêchant encore une mise en place thérapeutique adaptée, que dans le cadre de la mesure de curatelle, une expertise a été diligentée le 10 décembre dernier concluant à la nécessité d'un renforcement par mise en place de tutelle; il conclut à la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète.
Il en résulte qu'une mesure d'expertise apparaît, en l'état, inutile, puisqu'un nouveau psychiatre traitant a été désigné au sein de l'établissement hospitalier et qu'il y aura donc une nouvelle appréhension de la situation, par ailleurs, les éléments médicaux au dossier apparaissent suffisants pour éclairer l'état de la patiente, la demande d'expertise sera donc rejetée; que la situation de blocage actuelle entre la patiente et l'équipe soignante, devrait trouver une solution dans le changement de praticien intervenu, la mise en place d'une mesure de protection renforcée et la présence de l'avocat choisi dans tous les dossiers concernant l'intéressée, en l'état et compte tenu des derniers certificats, les soins sans consentement en hospitalisation complète restent nécessaires.
L'ordonnance déférée sera dès lors confirmée.
[D] [U] étant placée sous curatelle renforcée une copie de la présente ordonnance sera adressée par le greffe au juge des tutelles du tribunal d'instance de Longjumeau.
PAR CES MOTIFS
Le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel, statuant publiquement, par mise à disposition et par décision réputée contradictoire,
Rejette les exceptions de nullité;
Confirme l'ordonnance déférée,
Dit qu'une copie de la présente ordonnance sera envoyée par le greffe au juge des tutelles du tribunal d'instance de Longjumeau ;
Laisse les dépens à la charge de l'Etat.
Ordonnance rendue le 19 DÉCEMBRE 2014 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conformée notifiée le 19 décembre 2014par fax à :
' patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR à son domicile
' avocat du patient
' directeur de l'hôpital
' tiers par LRAR
' préfet de police
' avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
' Parquet près la cour d'appel de Paris