Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 21 JANVIER 2015
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/16133
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juillet 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006023438
APPELANTE
S.A.R.L. [L] prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Nicolas PINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : K0026
INTIMÉE
S.A.S DES PETROLES SHELL prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant
Assiste de Me Leyla DJAVADI de la SELARL FOURGOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0069, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Octobre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, présidente
Madame Brigitte CHOKRON, conseillère
Madame Caroline PARANT, conseillère
Greffier : lors des débats : Madame Orokia OUEDRAOGO
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par MadameLaureline DANTZER, greffière.
********
M. et Mme [L] se sont vus confier par contrats successifs à compter de 1980 la location gérance de différentes stations-services, d'abord à [Localité 5] puis de 1981 à 1989 à [Localité 6], et enfin, [Adresse 2], les contrats pour cette dernière station étant signés au nom de la société [L], l'exploitation étant assurée pour la vente de carburants sous le régime du mandat, et pour les autres activités sous la forme d'une location gérance.
La société [L] a dénoncé le dernier contrat souscrit le 7 mars 2005 avant son terme, « faute de pouvoir équilibrer les charges de l'activité et en l'absence de réponse aux demandes d'études de bilans » ; cette dénonciation a été acceptée par la société Shell, qui a cependant indiqué que cette rupture ne respectait pas le préavis de trois mois prévu au contrat.
La société [L] a alors fait assigner la société des pétroles Shell en paiement de la somme de 783.757 euros au titre des pertes du mandat, en règlement de la prime de fin de contrat et en dommages intérêts en réparation du préjudice consécutif à la rupture du contrat qu'elle impute à la société des pétroles Shell, exposant que les conditions d'exploitation ne lui permettaient pas de dégager des résultats positifs et qu'elle n'avait pas valablement renoncé à l'application de l'article 2000 du Code civil.
La société Shell s'est opposée aux demandes et a formé reconventionnellement une demande en paiement de la somme de 71.136,62 euros au titre des recettes sur la vente de carburant.
Par jugement en date du 2 juillet 2008, le tribunal de commerce de Paris :
- a dit que la société [L] a renoncé au bénéfice de l'article 2000 du Code civil, et débouté celle-ci de sa demande en remboursement des pertes du mandat à l'encontre de la société des pétroles Shell,-condamné la société des pétroles Shell à payer à la société [L] la prime de fin de contrat calculée dans les termes de l'article 5-3 des accords intreprofessionnels avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2006 et avec capitalisation des intérêts,
- a condamné la société [L] à payer à la société des pétroles Shell la somme de 71.136,62 euros au titre des recettes provenant de la vente de carburants avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars,
- a ordonné la compensation entre les deux créances,
- a dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- a ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- a laissé à chaque partie les dépens exposés par elle.
La société [L] a relevé appel de ce jugement le 8 août 2008. Par arrêt du 14 avril 2010, la Cour d'appel de Paris :
- a dit que la société [L] n'a pas dans le contrat litigieux, valablement renoncé à se prévaloir du bénéfice de l'article 2000 du Code civil,
- a dit qu'elle peut en conséquence réclamer l'indemnisation des éventuelles pertes du mandat non imputables à une imprudence de gestion de sa part,
Avant dire droit sur le bien-fondé de cette demande,
- a ordonné une expertise confiée à M. [Q] remplacé par M. [C], avec mission de :
*se faire remettre tous documents notamment comptables sur la période de 2005 à février 2006,
*vérifier au vu de ces documents si les résultats d'exploitation pour l'activité sous mandat ont été déficitaires,
*dans l'affirmative, déterminer les causes et l'origine des pertes,
- a sursis à statuer, dans l'attente du rapport d'expertise, sur les autres demandes de la société [L] et sur la demande de la société des pétroles Shell relative à un solde dû,
- a réservé les demandes des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.
Après dépôt du rapport d'expertise, par arrêt du 30 octobre 2013, cette Cour :
- a sursis à statuer sur la demande relative aux pertes d'exploitation concernant les contrats conclus entre la société [L] et la société des pétroles Shell antérieurement au 7 mars 2005 et sur la demande en paiement des primes de fin de contrats,
- a invité les parties à conclure sur la demande relative aux pertes d'exploitation antérieures au contrat du 7 mars 2005, et renvoyé à cet effet l'affaire à la mise en état du 11 décembre 2013 pour fixation d'un nouveau calendrier, la société [L] devant conclure sur ce point pour le 20 novembre 2013 et la société des pétroles Shell pour le 11 décembre 2013,
- a invité la société [L] à conclure en précisant l'objet de sa demande en paiement des primes de fin de contrat concernant l'exploitation des stations services de [Localité 5] et [Localité 3] et à chiffrer cette demande prorata temporis en se référant au calcul prévu par les accords interprofessionnels applicables qu'elle devra produire et ce au plus tard pour le 4 décembre 2013,
- a dit que faute par la société [L] d'accomplir les diligences demandées, l'affaire sera radiée du rôle de la Cour,
Et réformant le jugement déféré, sauf en ses dispositions concernant la condamnation de la société [L] à payer à la société des pétroles Shell la somme de 71.136,62 euros au titre des recettes provenant de la vente de carburants avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2006,
- a condamné la société des pétroles Shell à verser à la société [L] la somme de 115.372 euros représentant les pertes sur mandat pour les années 2005 à 2006, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
- a ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
- a condamné la société des pétroles Shell à payer à la société [L] la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice né de la rupture du contrat du 7 mars 2005,
- a condamné la société des pétroles Shell à supporter les entiers dépens déjà exposés et la condamnée à payer à la société [L] la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions datées du 3 décembre 2013, la société [L] demande à la cour :
- de dire et juger ses demandes recevables ;
- de dire et juger que Shell n'a pas permis à la SARL [L] de renoncer à l'article 2000 du Code Civil en connaissance de cause ;
- de dire et juger que Shell ne peut se prévaloir d'une clause limitant sa responsabilité qui contredit la portée d'une obligation essentielle contenue à l'article 3 du préambule des AIP, qu'elle a de surcroît délibérément violé ;
- de dire et juger que la société Shell doit rembourser à la SARL [L] les pertes du mandat de la station qui ont pour origine un fait dont elle a conservé la maîtrise ;
- de dire et juger que la Société des Pétroles Shell SAS doit verser à la SARL [L] les primes de fin de contrat, calculée selon les termes de l'article 5.3 de I'AIP, outre les intérêts légaux calculés à compter du 14 mars 2006 avec anatocisme, pour l'exploitation des stations-services de [Localité 5] et de [Localité 3] ;
En conséquence,
À titre principal,
- de condamner la société des Pétroles Shell à verser à la SARL [L] la somme de 578.183 € en remboursement des pertes essuyées sans imprudence de sa part pour les exercices 1996 à 2004 ;
À titre subsidiaire,
- de nommer tel expert qu'il lui plaira aux frais avancés par la société Shell avec la mission de:
*chiffrer le montant des pertes afférentes à la seule activité de distribution des carburants pour les exercices allant de 1996 à 2004 ;
*en déterminer l'origine notamment au regard de la faiblesse des commissionsversées par Shell.
En tout état de cause,
- de condamner la société Shell, sauf à parfaire à la vue des éléments détenus par elle, à payer à la SARL [L] les sommes de 10.000 euros HT et 70.000 euros HT au titre des primes de fin de contrat respectivement dues pour l'exploitation des stations-service de [Localité 5] et de [Localité 3] ;
- de dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal avec capitalisation conformément à l'article 1154 du Code Civil à compter de la demande, soit le 14 mars 2006 ;
- de condamner à la société des Pétroles Shell à payer à la SARL [L] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, dont distraction conformément à l'article 699 du même code.
Par ses dernières conclusions en réponse après sursis à statuer datées du 8 août 2013, la société des pétroles Shell demande quant à elle à la Cour:
A titre principal
- de dire et juger que la SARL [L] a renoncé à l'application des articles 1999 et 2000 du Code civil ;
- de rejeter les demandes de la SARL [L] relatives aux pertes d'exploitation lors des années 1996 à 2004 et les dire irrecevables ;
A titre subsidiaire,
- de désigner tel expert qui lui plaira aux frais avancés par la société [L] avec pour mission de déterminer l'origine et le montant des pertes de celle-ci ;
En tout état de cause,
- de débouter la SARL [L] de ses demandes de paiement de prime de fin de contrat ;
- de condamner la SARL [L] au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'expertise, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
SUR CE
Sur l'indemnisation des pertes du mandat antérieures à mars 2005
Sur l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 14 avril 2010
La société des pétroles Shell affirme que la demande en indemnisation des pertes du mandat antérieures à mars 2005 formée par la société [L] ne peut prospérer, ayant déjà été rejetée par la Cour dans son arrêt du 14 avril 2010 qui a limité le champ de l'expertise judiciaire aux exercices des années 2005 et 2006, que la Cour ne pouvait donc rouvrir les débats sur ces demandes sur lesquelles elle a déjà statué et qui doivent donc être déclarées irrecevables.
La SARL [L] fait valoir qu'elle a toujours réclamé tant devant le tribunal de commerce en première instance que devant la cour l'indemnisation des pertes liées aux contrats successifs pour la période allant du 14 mars 1996 à la fin des relations contractuelles, non couverte par la prescription décennale.
La SARL [L] avait formé devant la cour, avant son arrêt du 14 avril 2010, par dernières conclusions des demandes concernant l'indemnisation des pertes du mandat pour la période allant de mars 1996 à 2005, donc afférentes tant au contrat conclu en 2005 qu'aux contrat antérieurs ; la cour d'appel dans son arrêt du 14 avril 2010 n'a cependant statué qu'au visa du seul contrat datant de mars 2005 comme l'avait fait avant elle le tribunal de commerce dans son jugement du 2 juillet 2008 ;
Il ne peut donc être soutenu que la décision du 14 avril 2010 a autorité de chose jugée en ce qui concerne les demandes afférentes au contrat antérieurement conclu par la SARL [L] avec la société des pétroles Shell et la décision de la cour en statuant sur la requête en rectification de l'erreur prétendue concernant la saisine de l'expert n'a pas autorité de chose jugée à l'égard des demandes de la SARL [L] concernant les pertes d'exploitation liées aux contrats antérieurs à mars 2005.
Il s'ensuit que ces demandes sont recevables .
Sur la renonciation au bénéfice de l'article 2000 du Code civil
Il convient cependant de retenir que les seuls contrats antérieurs à celui de 2005 qui sont concernés par les demandes sont ceux produits au débats afférents à la station de [Localité 3] signés le 24 août 1994 à effet du 15 septembre 1994, le 24 août 1997 à effet du 15 septembre 1997 ( contrat prorogé au 6 décembre 2001) et le 7 décembre 2001, celui afférent à la station de [Localité 4] ayant été signé en août 1980 par M [L] seul qui n'est pas dans la cause en tant que personne physique .
La société des pétroles Shell soutient que l'indemnisation des pertes du mandat a été expressément exclue aux termes des contrats liant les parties et que l'établissement d'un compte d'exploitation spécifique au mandat constitue une dénaturation de ces contrats ; elle se prévaut des stipulations contractuelles aux termes desquelles « L'exploitant assurera la vente au détail des produits (carburants) en qualité de mandataire de Shell selon les articles 1984 et suivants du Code civil, à l'exception des articles 1999 et 2000 relatifs au remboursement des frais et pertes du mandataire. Il est expressément renoncé à ces deux derniers articles ['] ». Elle invoque par ailleurs que les Accords interprofessionnels du 12 janvier 1994 relatifs à l'activité d'une station-service de compagnie pétrolière ne prévoit aucune indemnisation de fin de gérance au titre de l'article 2000 mais des primes à la fin de chaque contrat, sous conditions et qu'en toute hypothèse, la société [L] ne justifie pas que ses pertes ont pour origine un élément de l'exploitation dont la maîtrise aurait été conservée par la société Shell (selon elle en effet les commissions versées à la société [L] ont été librement discutées entre les parties et ne peuvent être regardées comme un élément de l'exploitation maîtrisé par le mandant) et indique que l'activité déficitaire de la société [L] ne saurait être mise à sa charge.
Or la motivation qu'a retenu la cour dans son arrêt du 14 avril 2010 suivant laquelle l'article 2000 du code civil auxquels les parties au contrat sont sensées avoir renoncé n'est pas reproduit dans les contrats, la clause de renonciation étant retranscrite en mêmes caractères que l'ensemble des autres clauses et qu'il n'est pas établi que l'attention de la SARL [L] ait été spécialement attirée par cette clause dont l'importance est incontestable au regard des relations contractuelles, vaut pour les contrat signés en août 1994 et 1997 ; la cour a justement retenu que les époux [L] qui représentaient la société ne sont pas des professionnels du droit, que les annexes des contrats ne leur avaient pas été communiqués avant la signature à titre d'information et que la preuve n'était pas rapportée que la distinction opérée par la société Shell dans les contrats entre les primes de fin de contrat et les contributions exceptionnelles aux frais d'exploitation ait fait l'objet d'une discussion spéciale quant à sa portée;
Il doit être considéré que la SARL [L] n'a donc pas renoncé valablement aux dispositions de l'article 2000 du code civil qui prévoit que les pertes essuyées par le mandataire à l'occasion de sa gestion sont supportées par le mandant, dans les contrats susvisés des 24 août 1994 et 24 août 1997 prorogé .
Le contrat signé le 7 décembre 2001 a quant à lui été remis à la SARL [L] pour étude en août 2001 et la clause de renonciation bien qu'elle ne reproduise pas davantage que dans les contrats antérieurs l'article 2000 du code civil, comporte l'indication que la société [L] renonce aux dispositions des articles 1999 et 2000 du code civil 'compte tenu de l'application de l' accord interprofessionnel' ;
Celui cité dans le contrat date du 12 janvier 1994 et il prévoit que la société Shell constate que la gestion d'une station service suppose que l'exploitant s'il se comporte en bon gestionnaire dégage un résultat annuel positif et que la société Shell s'engage à étudier à tout moment le cas de toute station que lui serait soumis par l'exploitant qui estimerait ne pas dégager un tel bénéfice .
Il s'en déduit que la société pétrolière qui a conservé la maîtrise économique de l'activité de vente de carburants par la fixation des prix et les modalités de vente des carburants, doit en principe supporter les pertes d'exploitation essuyées par l'exploitant qui ne parviendrait pas à un résultat bénéficiaire, du fait notamment de l'insuffisance de commissions destinées à rémunérer son travail et ce , en dehors de toute faute de gestion de sa part dont la preuve n'est pas rapportée .
La SARL [L] faisait observer dans son courrier du 4 février 2004 adressé à la société Shell au terme duquel elle sollicitait de pouvoir ouvrir une station de lavage, qu'elle avait clôturé l'exercice 2000 'à zéro , sans pouvoir apurer l'exercice 1999 qui était de 4936€ '..qu'elle a équilibré son résultat en 2001 et 2002 grâce à la prime de fin de contrat de [Localité 5] et [Localité 6] ( la prime de fin de contrat étant de 35 191, 78€ ( cf courrier du 18 décembre 2002) ;
Dans un autre courrier du 22 août 2005, elle exposait que les pertes cumulées de 2001 à 2004 ont été de 23 167€ grâce aux provisions sur chacun des exercices 2001, 2002, 2003 et 2004 de la prime de fin de gérance non versée du fait de la poursuite des relations contractuelles .
Elle évalue dans ses dernières écritures le montant de cette prime de fin de gérance pour la station de [Localité 3] à la somme de 69 657, 11€ arrondie à 70 000€ pour la période allant de 1989 à avril 2006 .
Or les chiffres avancés dans ces courriers que la SARL [L] verse aux débats sont très éloignés des chiffres des pertes qu' elle demande aujourd'hui à la société Shell de supporter ; elle produit ainsi, en ayant appliqué selon elle la clef de répartition appliquée par l'expert [C] dans son rapport d'expertise, des tableaux des pertes d'exploitation dues à l'activité sous mandat pour la période allant de 1996 à 2005 qui ne sont pas avalisés par l'expert comptable de la société ou tout autre expert comptable, s'agissant au moins de l'adéquation entre les chiffres portés sur ces tableaux et les bilans comptables de la société;
Ils ne constituent en conséquence pas la preuve suffisante des pertes invoquées au titre de l'activité sous mandat de la société pendant la période considérée et une expertise judiciaire longue et coûteuse et dont la SARL [L] demande à ne pas faire l'avance des frais, ne peut être ordonnée pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe et qui n'est pas faite concernant le montant des pertes qu'elle réclame .
Il y a lieu en conséquence de débouter la SARL [L] de ses demandes concernant les pertes d'exploitation antérieures à l'année 2005.
Sur la prime de fin de contrat
La société [L] entend se prévaloir des dispositions de l'article 5.2 du Chapitre V des accords interprofessionnels intitulé « Apurement des comptes » aux termes duquel :
« a) La Société dispose d'un délai de quarante-cinq jours pour fournir à l'Exploitant les éléments nécessaires à son arrêté de compte.
b) L'Exploitant fera diligence pour obtenir et fournir à la Société les pièces justificatives, notamment : bordereau de situation fiscale, quittances d'eau, d'électricité, de gaz et de téléphone.
c) Dans la mesure où le compte de l'Exploitant est créditeur, et compte tenu de sa situation fiscale, la Société lui versera une provision dans l'attente de l'apurement des comptes.
d) Les comptes sont apurés par la Société au maximum trente jours après la réception des pièces justificatives.
e) Toute somme retenue indûment au-delà de ces trente jours par une des parties portera intérêt au taux légal. » et indique que la société Shell s'est contentée d'éditer un relevé de compte provisoire établi unilatéralement et qui n'intégrait pas les primes de fin de contrat.
En réponse au moyen selon lequel sa demande en paiement serait prescrite et que le dernier contrat n'aurait duré que 2 ans, la société [L] fait valoir l'article 5.3 des Accords susmentionnés aux termes duquel : « À compter de la date d'application du présent protocole, la Société versera à l'Exploitant à la fin de chaque contrat une prime dont les modalités, sont précisées ci-après, sous réserve que le contrat ait durée au moins trois ans et que les obligations du contrat est été respectée. Son montant sera calculé au prorata temporis de la durée du contrat sur la base des termes suivants, précisées dans les dispositions particulières prévues aux articles 6.1.4 et 6.2.2 :
- un terme fixe,
- un premier terme variable « carburants », calculé selon le taux unitaire qui s'applique litrage moyen des trois dernières années du contrat,
- un deuxième terme variable « lubrifiant viserait par la société pétrolière », calculé selon le taux unitaire qui s'applique aux tonnages moyens des trois dernières années du contrat. La Société peut de choisir de conserver cette prime et de ne la versée, sous les mêmes réserves, qu'à l'expiration des relations contractuelles, lorsqu'elle conclut un ou des plusieurs contrats avec le même exploitant. Dans ce cas, les sommes retenus par la société porte intérêt au taux du livret A à la date de départ. ».
Elle soutient que la société Shell n'a pas respecté cette obligation et qu'elle a conservé l'ensemble des primes de fin de contrat, à l'exception de la prime due pour l'exploitation de la station-service de [Localité 6] pour la période 11 septembre 1981 ' 28 mai 1989, que la période antérieure correspondant à l'exploitation de la station-service de [Localité 5] de juin 1979 à septembre 1981 ( les accords susmentionnés étaient applicables dés juillet 1977) de même que la période postérieure correspondant à l'exploitation de la station-service de [Localité 3], de juin 1989 au terme des relations contractuelles, n'ont pas été assorties de paiement de primes, que leur exigibilité a été repoussée à la fin des relations contractuelles de sorte que sa demande n'est pas prescrite et que par ailleurs cette demande est bien fondée malgré une rupture des relations contractuelles avant terme, dans la mesure où cette rupture a été directement causée par les manquements de la société Shell.
La société des pétroles Shell considère que la société [L] reste incapable de chiffrer ses demandes malgré l'invitation de la Cour à lui fournir des éléments en ce sens. Elle en sollicite donc le rejet pur et simple. En tout état de cause, elle les considère prescrites pour les unes ([Localité 5]) et/ou non exigibles pour les autres à défaut de contrat à terme ([Localité 5], contrat inférieur à 3 ans) ou en raison des manquements du mandataire ([Localité 3], dernière période contractuelle inférieure à 3 ans et rétention fautive de la somme de 71.136,62 euros).
Selon elle en effet, « les accords professionnels applicables à l'époque » prévoyaient que la prime était due « à l'expiration de la relation contractuelle pour une seule et même station » et « ne prévoyaient nullement que le paiement de la prime pouvait être différé dans l'hypothèse où les parties entretenaient d'autres relations contractuelles ». En conséquence, en vertu de la prescription décennale alors applicable, les demandes de la société [L] seraient irrecevables.
La société [L] n'est fondée à réclamer le paiement des primes de fin de contrat qu'au titre des contrats successivement conclus entre elle et la société des pétroles Shell pour l'exploitation de la station de [Localité 3] à compter de septembre 1994 pour les motifs retenus précédemment ; elle fait justement observer à cet égard que l'accord interprofessionnel de 1994 précise que le paiement de la prime afférent à chaque contrat est différé jusqu'à l'expiration des relations contractuelles lorsque sont conclus de nouveaux contrats avec le même exploitant, ce qui a été le cas entre elle et la société des pétroles Shell pour la période allant de septembre 1994 à mars 2005,
La demande de la SARL [L] formée par conclusions du 26 septembre 2007 n'est donc pas prescrite ;
Le contrat conclu en mars 2005 ayant duré moins de trois ans ne peut en revanche donner lieu à paiement d'une prime de fin de contrat par application de l'article 5-2 de l'accord précité, contrairement à ce que le tribunal de commerce a jugé, peu important que la responsabilité de la rupture incombe à la société Shell, les dispositions de l'accord n'opérant aucune distinction à cet égard.
Le calcul établi par la SARL [L] à partir des contrôles de stock de carburants n'est pas sérieusement critiqué, la société pétrolière ne produisant elle-même aucun élément qui viendrait contredire les éléments produits par la société [L] ; le montant des primes pour la seule période retenue allant de septembre 1994 à mars 2015 s'établit à la somme de 54 475€ qui lui sera allouée .
Sur les autres demandes
La société des pétroles Shell supportera les dépens . Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
Vu le jugement du 2 juillet 2008 ;
Vu les arrêts de cette cour en date des 14 avril 2010 et 30 octobre 2013 ;
Dit que la société [L] est recevable en ses demandes en remboursement des pertes d'exploitation antérieures à mars 2005 ;
Au fond, l'en déboute ;
Reformant et ajoutant au jugement,
Condamne la société des pétroles Shell à payer à la société [L] la somme de 54 475€ à titre de primes de fin de contrats, assorti des intérêts au taux légal, à compter de la demande du 26 septembre 2007 avec capitalisation desdits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne la société des pétroles Shell aux dépens qui seront recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE