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27/01/2015 | FRANCE | N°12/08959

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 27 janvier 2015, 12/08959


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 27 Janvier 2015

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08959



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/09023





APPELANTE



Madame [R] [S]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Xa

vier GERBAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1890 substitué par Me Jacques DES MOUTIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0694





INTIMEE



Etablissement Public à caractère i...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 27 Janvier 2015

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/08959

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 10/09023

APPELANTE

Madame [R] [S]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Xavier GERBAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1890 substitué par Me Jacques DES MOUTIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0694

INTIMEE

Etablissement Public à caractère industriel et commercial LA CITE DE LA MUSIQUE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Michel BERTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R077

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Décembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente

Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président

Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par Madame [R] [S] du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Encadrement - chambre 1, rendu le 23 juillet 2012 qui l'a déboutée de ses demandes.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

Madame [R] [S] née le [Date naissance 1] 1978 a été engagée le 28 novembre 2006 en contrat à durée indéterminée à effet du 1er décembre 2006 par la Cité de la Musique en qualité d' assistante de gestion du personnel ; suivant avenant du 22 Août 2008 à effet du 1er Septembre 2008, elle a été promue chargée d'études ressources humaines ; dans le dernier état de ses fonctions la moyenne de sa rémunération mensuelle brute sur les 12 derniers mois était de 3247.79 € ;

LA CITE DE LA MUSIQUE emploie plus de 11 salariés, elle est régie par un accord d'entreprise ;

Madame [R] [S] travaillait au sein de la direction des ressources humaines sous la direction de Monsieur [M] [V], directeur des ressources humaines ;

Le 12 avril 2010 Madame [R] [S] a été convoquée à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire fixé au 27 avril suivant avancé au 23 avril à la demande de la salariée en vue d' une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement ;

Le 6 Mai 2010, Madame [R] [S] avait saisi l'inspection du travail faisant notamment état de ce qu'elle était toujours en mise à pied conservatoire ;

Madame [R] [S] a été licencié le 10 Mai 2010 pour faute grave ; la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige fait état des faits suivants :

- consultation à plusieurs reprises et notamment les 4-5-8-9-10-11-15-16-17-18-19 Mars 2010 ou encore les 22, 23, 24 et 26 Mars 2010 de la messagerie de l'une de vos collègues, Madame [T] [W]

- vérifications faites, il est apparu que non seulement vous vous êtes connectée à la messagerie de cette dernière mais que vous avez également édité des mails qui se sont avérés personnels, ce que vous ne pouviez ignorer compte tenu de leur intitulé respectif

- cette consultation, comme vous le savez, est totalement interdite, alors surtout que votre collègue n'était pas absente à la période considérée de telle sorte que rien ne justifiait que vous accédiez à sa messagerie

- vous avez reconnu les faits expliquant n'avoir fait qu'obéir aux instructions reçues de Madame [C] [G], directrice adjointe aux ressources humaines, ce qui ne justifie en rien vos agissements que vous saviez répréhensibles

- si un doute subsistait dans votre esprit vous auriez dû en référer à moi-même ( Directeur des RH) ou à Monsieur [A] [O], directeur général adjoint

- votre conduite est inadmissible et met en cause la bonne marche du service

Madame [R] [S] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 6 juillet 2010 ;

Madame [R] [S] demande d'infirmer le jugement, de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et a fortiori ne repose pas sur une faute grave et de condamner la Cité de la Musique à lui payer avec intérêts légaux les sommes de :

38973.48 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

5000 € à titre de dommages intérêts pour circonstances brutales et vexatoires du licenciement

6495.58 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

779.47 € pour congés payés afférents

5683.62 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

3031.27 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied

363.75 € à titre de congés payés afférents

4000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

LA CITE DE LA MUSIQUE demande la confirmation du jugement, le rejet des prétentions de l'appelante et la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 2000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre .

Il n'est pas justifié d'une chartre informatique d'utilisation des messageries au sein de la Cité de la Musique ;

Il ressort des faits exposés par les parties et des documents versés aux débats que Madame [R] [S] travaillait au sein du service des ressources humaines qui comptait seulement six personnes (Monsieur [V], le directeur RH, Madame [G], directrice adjointe RH, Monsieur [Q], Madame [S], Madame [W], chargée d'Etudes et Madame [I] remplacée par Madame [X], assistante RH) et que dans le cadre de la mise en 'uvre de l'accord GPEC, Madame [C] [G] et Monsieur [Q], chargé de mission, devaient élaborer un arbre des compétences des salariés de la CITE DE LA MUSIQUE ce qui nécessitait une collecte des fiches de poste des salariés de l'établissement lesquelles contenaient des informations concernant les compétences requises pour chacun des emplois ;

Ainsi qu'elle le rappelle dans son entretien préalable dont le compte rendu est versé aux débats, Madame [R] [S], chargée d'études, avait été chargée de rechercher et collecter les fiches de postes pour la préparation des entretiens avec les directeurs de service que menaient Madame [G] et Monsieur [Q] ; elle indique avoir débuté ses recherches sur le dossier RH partagé « recrut RH » mais que ce dossier étant inexploitable, incomplet et non actualisé ( pas de date, intitulé de poste flous...) et n'ayant pas conservé elle-même les fiches de poste qui étaient diffusées, elle était allée sur la messagerie de [T] [W] qui était en charge des profils de postes ;

Madame [S] rappelle, tout comme l'a fait Madame [G], chacune d'elles au cours de leur entretien préalable, qu'il était d'usage au sein du service RH d'aller sur toutes les messageries du service RH puisque chaque personne devait inscrire son mot de passe dans son dossier personnel et que c'est à l' occasion de la recherche de fiches de postes actualisées qui auraient pu être diffusées par Madame [W] également en charge de la diffusion des fiches de recrutement, que les mails litigieux ont été découverts ;

Toujours au cours de son entretien préalable Madame [R] [S] explique que classant dans un premier temps tous les messages envoyés par [T] [W] pour repérer ceux qui pouvaient l'intéresser dans le cadre de ses recherches, son attention a été attirée par un intitulé « REGIS » « qui lui a fait penser à un mail de [T] [W] à [U] [K] (salarié RH licencié) dont elle avait le suivi du dossier contentieux. L'avocat de la Cité (...) avait à l'époque attiré l'attention d'[M] [V], [C] [G] et elle-même sur ce mail alertant ses clients sur la possible intervention de Madame [W] sur ce dossier. Cet intitulé REGIS (faisant référence à l'émission de canal plus « régis est un con ») concernait [U] [Q] » ;

Toujours selon le compte rendu d'entretien préalable, Madame [R] [S] a expliqué qu'en ouvrant ce mail, elle a été choquée de son contenu de dénigrement envers [U] [Q], qu'elle a donc ouvert quelques autres mails du même « acabit » qui « n'étaient qu'insultes et dénigrement et en a parlé à sa supérieure hiérarchique Madame [C] [G] qui lui a demandé de continuer ses recherches de profils et qu'elle s'occupait de ces mails » ;

Il est justifié par les différents mails visés par Madame [R] [S] dans ses conclusions (page 9) que l'accès aux messageries professionnelles de chacun des salariés du service RH, y compris celle du directeur des ressources humaines était manifestement ouvert aux autres salariés du service, la procédure de sécurisation décrite par Monsieur [E], responsable informatique ayant manifestement cédé devant l'usage général et la pratique destinés à éviter toute paralysie du service en cas d'absence afin de ne pas avoir à solliciter l'intervention du service informatique pour débloquer les messageries individuelles ;

Sans que l'absence ou la présence de Madame [W] au sein de l'entreprise les jours visés dans la lettre de licenciement porte dès lors à conséquence, l'accès à la messagerie de Madame [W] s'est donc déroulé dans un cadre professionnel en usage au sein du service et connu par la direction puisque dans l'intérêt du bon fonctionnement du service ;

Compte tenu de la mission confiée à Madame [R] [S] qui nécessitait la réunion et la collecte de fiches de poste actualisées, il n'est pas démontré que la consultation de la messagerie de Madame [W] ait eu un but détourné et ait été fait dans un but autre que celui de la recherche de fiches de poste, le hasard ayant fait que des messages non strictement liés à l'exécution de sa mission et de son travail édités par Madame [W] ont été découverts ;

En conséquence la consultation de la messagerie de Madame [W], même hors de sa présence ne peut pas être reprochée valablement à Madame [R] [S] ;

Ces messages n'étaient pas dans un dossier identifié PERSONNEL et rien dans leur « objet » parmi ceux visés par la Cité de la Musique dans ses conclusions ne permettait non plus de les identifier comme étant personnels, leur objet était « métro » ou « régis » ou « rep... » « le feuilleton du jour », « hum » ;

N'étant pas identifiés comme personnels, ces messages figurant sur un outil informatique mis à la disposition du salarié par l'employeur pour l'exécution de son contrat de travail, étaient présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors la présence du salarié et la Cour considère eu égard à l'usage d'accès à la messagerie du service RH, par les autres salariés de ce service tel que jugé ci-avant que la Cité de la Musique est non fondé dans le grief adressé à Madame [R] [S] concernant la connexion à la messagerie de Madame [W] que cette dernière soit présente ou non dans l'entreprise ;

Aucune intention de nuire à Madame [W] n'est démontrée, le motif reposant sur la seule affirmation de l'employeur ;

En effet la communication de ces mails non identifiés comme personnels, à son supérieur hiérarchique Madame [G] qui lui avait demandé de faire les recherches de fiches sur la messagerie de Madame [W] en raison de la mission de celle-ci concernant la diffusion des fiches de recrutement,est insuffisant à caractériser une quelconque intention de nuire étant rappelé que c'est Madame [G] qui a porté ces mails à la connaissance de ses propres supérieurs hiérarchiques, ce qui n'était pas étranger à sa fonction de DRH Adjointe dès lors qu'il ne s'agissait pas de mails identifiés comme personnels ; la thèse d'une cabale organisée contre Madame [W] évoquée par l'employeur n'est pas démontrée et non sérieusement crédible puisqu'il n'est pas démenti par la Cité de la Musique qu'après le licenciement de Madame [R] [S] et de Madame [G], notamment, Madame [W] a été promue directrice adjointe du service RH ;

Eu égard à ce qui précède, c'est sans fondement réel et sérieux que la lettre de licenciement reproche à Madame [R] [S] de ne pas en avoir référé à Monsieur [A] [O], directeur général adjoint ou à Monsieur [M] [V], directeur des ressources humaines si elle avait un doute ;

Le jugement sera donc infirmé, l'employeur ne rapportant pas la preuve ni d'une faute grave ni d'une faute simple à l'encontre de Madame [R] [S] et il y a lieu de rétablir la salariée dans ses droits, le licenciement devant être qualifié de sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

Le salaire mensuel de référence était de 3247.79 € ; en application de l'article 52 de l'accord d'entreprise, Madame [R] [S] dont il n'est pas contesté qu'elle appartenait au groupe IV de la classification des emplois de l'établissement, a droit à un préavis de deux mois soit 6495.58 € plus congés payés afférents fixés en application de l'article 39 de l'accord d'entreprise et du calcul non contesté par l'employeur, à la somme de 779.47 € ;

L'indemnité conventionnelle de licenciement fixée par référence à l'article 51 de l'accord d'entreprise et à l'ancienneté de la salariée au sein de la Cité de la Musique, sera fixée conformément à la demande soit à la somme de 5683.62 € comme justement calculée par la salariée ;

Le rappel de salaire au titre de la mise à pied doit être fixé à la somme de 3031.27 € plus 363.75 € pour congés payés afférents, la salariée ayant droit à 6 semaines de congés annuel (article 39 de l'accord d'entreprise) et devant bénéficier du maintien du salaire ;

Eu égard à son âge à la date de son licenciement, à son salaire, à son ancienneté, au fait que Madame [R] [S] n'a retrouvé un emploi stable que depuis le 1er janvier 2012 après avoir suivi un contrat de professionnalisation du 30 Août 2010 au 15 février 2011, avoir effectué des missions moins bien rémunérées du 16 Mars 2011 au 31 Mars 2011 et du 1er avril 2011 au 30 juin 2011 et au fait qu'au 31 Mai 2012 , elle avait bénéficié de 683 allocations journalières suite à son licenciement , la cour à les éléments suffisants pour fixer à la somme de 25000 € le montant des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Madame [R] [S] a été licenciée sans cause réelle et sérieuse et mise à pied sans que soient établies de circonstances vexatoires ; elle soutient que la Cité de la Musique aurait cherché à lui nuire auprès de l'APEC ce qui aurait retardé sa recherche d'un nouvel emploi pérenne, cependant l'attestation de Madame [Z] consultante à l'APEC n'est pas probante dans la mesure où ce n'est pas à elle qu'ont été tenus les propos attribués à Monsieur [V] et Madame [W] et qu'elle ne donne pas le nom des personnes à qui ils auraient été tenus ; il n'y a lieu à dommages intérêts distincts pour préjudice moral.

Les condamnations prononcées porteront intérêt légal dans les conditions précisées au dispositif ;

En application de l'article L1235-4 du Code du Travail il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur, aux organismes intéressés, des indemnités de chômage payées au salarié suite à son licenciement dans la limite de six mois.

Il y a lieu d'allouer la somme de 2000 € à Madame [R] [S] au titre des frais irrépétibles ;

LA CITE DE LA MUSIQUE conservera à sa charge ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement et statuant à nouveau

Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

Condamne la Cité de la Musique à payer à Madame [R] [S] les sommes de :

6495.58 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 779.47 € pour congés payés afférents

5683.62€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

3031.27 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire plus 363.75 € pour congés payés afférents

les intérêts légaux sur les condamnations ci-dessus à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation

25000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Rejette les autres demandes des parties

Ordonne le remboursement par l'employeur, aux organismes intéressés, des indemnités de chômage payées au salarié suite à son licenciement dans la limite de six mois.

Condamne la Cité de la Musique aux entiers dépens et à payer à Madame [R] [S] la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 12/08959
Date de la décision : 27/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°12/08959 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-27;12.08959 ?
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