Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 27 JANVIER 2015
(n°2015/ , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/01802
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Septembre 2012 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 11/02158
APPELANTE
SA ACM IARD ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL
Rep légal : M. Michel LUCAS (Président)
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Catherine KLINGLER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1078
INTIMES
Monsieur [Z] [T]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me David BOUAZIZ de la SCP BOUAZIZ - GUERREAU - SERRA - AYALA, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
Organisme LE FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES, pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés au dit siège.
Rep légal : M. [Y] (Directeur général)
[Adresse 3]
[Localité 3]
Représenté par Me Alain LABERIBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1217
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Décembre 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Aouali BENNABI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente et par Madame Aouali BENNABI, greffier présente lors de la mise à disposition.
Monsieur [Z] [T] a souscrit le 12 février 2005 un contrat d'assurance automobile pour son véhicule Volkswagen Golf immatriculé 428 CZP 77 auprès de la société d'assurance ACM.
Il a été condamné par le tribunal de grande instance de Fontainebleau, le 2 décembre 2005, à une peine de suspension de son permis de conduire durant 5 mois et 15 jours pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique .
Deux avenants au contrat ont été régularisés les 11 août 2007 et 23 octobre 2009.
Dans la nuit du 27 au 28 mars 2010, Monsieur [T] s'est trouvé impliqué dans un accident de la circulation. Le conducteur du véhicule percuté, Monsieur [X] [O] [V] [J], a été blessé légèrement et les deux passagères transportées, Mademoiselle [I] [R] et Madame [B] de [H] [O] [A], sont décédées.
Le Président du Tribunal de Grande Instance de FONTAINEBLEAU a, par ordonnance de référé du 14 décembre 2010, condamné in solidum la société ACM et Monsieur [T] au paiement de sommes au titre des préjudices moraux subis ainsi qu'à titre des frais d'obsèques et de sépulture.
Par acte du 28 avril 2011 et du 6 mai 2011, la société ACM a assigné le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO) et Monsieur [Z] [T] devant le Tribunal de Grande Instance de MELUN aux fins de voir prononcer la nullité du contrat d'assurance pour défaut de déclaration intentionnel d'une aggravation du risque en cours de contrat. Par jugement du 25 septembre 2012, cette juridiction a rejeté l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Par déclaration du 29 janvier 2013, la société ACM a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions du 13 octobre 2014, elle demande à la Cour, infirmant le jugement entrepris, sous divers constats , de prononcer la nullité du contrat d'assurance souscrit le 12 février 2005 et de ses avenants , de condamner Monsieur [T] à lui rembourser l'ensemble des sommes qu'elle pourra être amenée à régler à la suite de l'accident de la circulation survenu le 28 mars 2010 entre le véhicule conduit par Monsieur [T] et celui de Monsieur [X] [O] [V] [J] et dès à présent de le condamner à lui payer les sommes de 20.000 euros versée à titre provisionnel à Madame [M] [R], 9.000 euros versée à titre provisionnel à Monsieur [L] [R], 9.000 euros versée à titre provisionnel à Monsieur [F] [R], 5.000 euros versée à titre provisionnel à Monsieur [X] [O] [V] [J], et 5.883,43 euros versée à titre provisionnel à Madame [M] [R], ainsi qu'aux entiers dépens et à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, demandant que la décision à intervenir soit déclarée opposable au FONDS DE GARANTIE.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 17 octobre 2014, Monsieur [T] sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 14 octobre 2014, le FONDS DE GARANTIE demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société ACM, ou tout succombant, aux entiers dépens. Très subsidiairement, il demande en outre à la Cour de rappeler que seul le préjudice du conducteur, Monsieur [X] [O] [V] [J], pourrait concerner le FGAO en cas d'annulation du contrat, puisque le préjudice des ayants droit des passagères décédées doit être pris en charge par la MACIF, assureur du véhicule transporteur.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 novembre 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du contrat d'assurance
Considérant que la société ACM soutient que Monsieur [T] s'est volontairement, en cours de contrat comme à la souscription des avenants de 2007 et 2009, abstenu de déclarer qu'il faisait l'objet de condamnations pour conduite en état d'ébriété alors que la question relative à ces antécédents figure dans le contrat initial comme dans l'avenant du 11 août 2007 et alors que la clause concernant la nécessité de déclarer les circonstances nouvelles aggravant le risque en cours de contrat figure dans les conditions générales du contrat qui sont opposables à l'assuré puisque dans les conditions particulières du contrat, il reconnaît avoir reçu les conditions générales n°43.04.88 11/2006 puis les conditions n°43;04.88 07/2008 et qu'en toute hypothèse, cette obligation résulte de l'article L113-2,3° du code des assurances, qu'elle ajoute que l'omission volontaire de l'assuré entraîne la nullité du contrat et non pas la déchéance de garantie ; qu'elle précise que si l'existence de questions est exigé par les dispositions de l'article L 113-2,2° du code des assurances, ce texte n'exige pas un questionnaire, que les questions ont été posées à l'assuré dans l'avenant du 11 août 2007 et les réponses sont fausses , qu'il a ainsi réitéré ses fausses déclarations lors de la signature de l'avenant du 18 août 2007 de sorte que le contrat est nul pour fausse déclaration lors de la signature de l'avenant et alors que la fausse déclaration modifiait l'opinion que l'assureur pouvait avoir du risque, qu'elle précise enfin que l'avenant du 23 octobre 2009, qui ne contient pas de questions sur les antécédents, n'est pas un nouveau contrat ;
Considérant que Monsieur [T] répond que l'assureur ne peut se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance pour défaut de déclaration de circonstances nouvelles alors qu'aucune question ne lui a été posée lors de la souscription du contrat, que les conditions générales ne lui sont pas opposables et que la preuve qu'il aurait volontairement dissimulé une circonstance nouvelle n'est pas rapportée dès lors qu'il n'a pu avoir conscience de faire grief à l'assureur alors qu'aucun accident, ni dommage n'était survenu de sorte qu'il n'a eu aucune intention de dissimulation; qu'il ajoute , s'agissant de l'avenant du 11août 2007, que celui-ci avait pour objet d'étendre le bénéfice de la garantie à sa compagne et que l'assureur n'a aucunement attiré son attention sur l'éventualité d'une déclaration de circonstances nouvelles, qu'il n'a pas fait l'objet d'une interrogation, les mentions étant imprimée et au surplus, la mention relative à un procès verbal pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique étant énoncé au titre d'un tarif 'ELITE' et non au titre de la validité de l'assurance souscrite ou d'une nullité encourue de sorte qu'aucune mauvaise foi ni réticence intentionnelle ne peut lui être reprochée; qu'il précise enfin que l'avenant du 23 octobre 2009 constitue un nouveau contrat pour lequel l'assureur ne lui a posé aucune question , la seule référence à un état alcoolique figurant au paragraphe ' TARIF ELITE' qui fait état de la perte des avantages de ce tarif à l'échéance principale suivant la date à laquelle l'assureur a connaissance d'une procédure notamment pour conduite en état alcoolique ;
Considérant que le FONDS DE GARANTIE soutient que, depuis la loi du 31 décembre 1989 qui a modifié la rédaction de l'article L.113-2 du code des assurances, l'absence de déclaration de l'aggravation en cours de contrat est sanctionnée par la déchéance et non plus par la nullité du contrat en cas de mauvaise foi, la déchéance n'étant pas opposable aux victimes en application de l'article R.211-13 du même code; qu'il ajoute que, ni les conditions particulières du contrat de février 2005, ni l'avenant d'octobre 2009 ne mentionnent explicitement l'obligation pour l'assuré de déclarer en cours de contrat des circonstances nouvelles et que la société ACM n'établit pas que l' omission de Monsieur [T] ait été faite de mauvaise foi, avec une intention frauduleuse, alors que profane en matière d'assurance, celui-ci pouvait ignorer de bonne foi qu'il devait informer son assureur de cette conduite sous l'empire d'un état alcoolique n'ayant provoqué aucune sinistre , que s'agissant de l'avenant du 11 août 2007, l'assuré n'a fait qu'apposer sa signature sur un contrat d'adhésion, que l'assureur ne produit aucune pièce permettant d'établir que l'assuré aurait répondu à un questionnaire préalablement à la signature du contrat de telle sorte que la cour ne peut effectuer de comparaison entre les questions posées et les nouvelles circonstances opposées, que l'assureur ne démontre pas que l'absence de déclaration de l'assuré ait pu être faite de mauvaise foi ;
Considérant qu'en application de l'article L113-2 du code des assurances, l'assuré doit répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge, qu'en application du 3° de ce même article, il doit déclarer en cours de contrat les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques, les réponses faites à l'assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° du même article;
Considérant que la déchéance de garantie prévue à l'article L 113-2 du code des assurances ne concerne que la déclaration tardive au regard des délais prévus au 3° et 4° du même article, à savoir notamment la déclaration au delà du délai de 15 jours prévue au 3° du texte de circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques ou d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques, les réponses faites à l'assureur, notamment dans le formulaire mentionné au 2° du même article ;
Considérant par contre que l'assureur peut agir en nullité du contrat d'assurance pour absence de déclaration de ces circonstances nouvelles en cours de contrat sur le fondement de l'article L 113-8 du code des assurances qui dispose que le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre ;
Considérant que, contrairement à ce que prétend l'assureur, il n'est pas établi que les conditions générales du contrat en leur version 430488 11/2006 qui rappelle l'obligation de déclarer les circonstances nouvelles aient été remises à l'assuré puisque les conditions particulières signées par l'assuré ne contiennent que la mention 'documents à remettre au client :conditions générales' et que cette mention ne permet pas d'établir que les conditions générales afférentes au contrat ont effectivement été remises à l'assuré ;
Considérant de plus que la clause imprimée suivante, figurant dans les conditions particulières : 'le souscripteur déclare qu'au cours des 5 dernières années , il n'a pas fait l'objet d'un procès verbal pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique ou délit de fuite, ni d'une annulation ou suspension du permis de conduire de 2 mois et plus .Il déclare en outre qu'au cours des 3 dernières années : il n'a été impliqué dans aucun accident engageant totalement ou partiellement sa responsabilité' ne constitue pas une question posée à l'assuré ;
Considérant qu'alors que l'attention de l'assuré n'a pas été attirée sur la nécessité de déclarer des circonstances nouvelles, qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques ou d'en créer de nouveaux, puisqu'il n'est pas prouvé que les conditions générales lui aient été remises, et par l'absence de questions lors de la souscription du contrat de telle sorte qu'elles ne pouvaient devenir inexactes ou caduques, le caractère intentionnel de l'absence de déclaration à l'assureur de la condamnation du 2 décembre 2005 à une peine de suspension de son permis de conduire durant 5 mois et 15 jours pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique n'est pas établi ;
Considérant que le 11 août 2007, Monsieur [T] a signé un avenant à son contrat d'assurance destiné à assurer sa compagne pour la conduite du véhicule, que dans cet avenant figure, en page 3, qui n'est pas spécifiquement paraphée par les assurés, notamment la clause suivante 'depuis le 11/08/2002, les conducteurs désignés : -ont fait l'objet d'un PV délit de fuite et/ou alcoolémie et/ou usage de stupéfiants' Non -ou ont-ils été sous le coup d'une annulation ou suspension du permis de conduire de 3 mois ou plus' Non';
Considérant qu'il n'est pas démontré que cette clause pré-imprimée, figurant sur une page non paraphée par l'assuré, corresponde à des réponses apportées par l'assuré à des questions posées par l'assureur aux termes d'un questionnaire auquel l'assuré aurait préalablement répondu, que l'assureur est en conséquence mal fondé à déduire de la signature de cet avenant l'existence de fausses déclarations intentionnelles de la part de l'assuré ;
Considérant qu'aux termes de l'avenant du 11 août 2007, Monsieur [Z] [T] a reconnu un exemplaire des conditions générales modèle 43.04.88 11/2006, qu'aux termes de celles-ci, il est précisé : 'Vous êtes tenu de nous déclarer les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence :soit d'aggraver les risques; soit d'en créer de nouveaux ; et qui rendent inexactes ou caduques , les réponses que vous nous avez faites à la conclusion du contrat et qui sont consignées aux conditions particulières';
Considérant qu'alors que l'assuré n'a pas répondu à un questionnaire lors de la souscription du contrat, il n'est pas établi qu'il ait, de manière intentionnelle, omis de déclarer en cours de contrat la condamnation du 2 décembre 2005, que l'assureur ne peut qu'être débouté de sa demande de nullité du contrat d'assurance , que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté la société ACM IARD de ses demandes ;
Sur les frais irrépétibles
Considérant qu'il y a lieu d'allouer à Monsieur [T] la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel et de débouter la société ACM IARD de sa demande à ce titre ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société ACM IARD à payer à Monsieur [Z] [T] la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Déboute la société ACM IARD de sa demande à ce titre,
Condamne la société ACM IARD aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE