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27/01/2015 | FRANCE | N°13/06919

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 27 janvier 2015, 13/06919


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 27 JANVIER 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/06919



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2013 - Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2012F00850



APPELANTE :



SELARL SMJ, prise en la personne de Me Olivier CHAVANE DE DALMASSY

agissant en qualité de mandatair

e liquidateur de la SAS LEGEND

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Thierry SERRA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280



INTIMEE :



SA Credit Industriel et Commercial...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 27 JANVIER 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/06919

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2013 - Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2012F00850

APPELANTE :

SELARL SMJ, prise en la personne de Me Olivier CHAVANE DE DALMASSY

agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SAS LEGEND

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Thierry SERRA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280

INTIMEE :

SA Credit Industriel et Commercial, agissant sur poursuites et diligences de son président du conseil d'administration et directeur général, Monsieur [X] [H], représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Isabelle SIMONNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0578

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Décembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente de chambre, présidente

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Mme Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.

Le Crédit Industriel et Commercial (CIC) a consenti à la société Legends un

crédit de trésorerie de 200 000 euros, dénommé 'Autorisation de Dailly en compte', adossé à une convention de cession de créances professionnelles, de durée indéterminée et révocable sous préavis de 60 jours, les deux actes étant en date du 23 avril 2009.

Par convention du 3 décembre suivant, le CIC a renouvelé le crédit de trésorerie de 200 000 euros, non plus directement en compte, mais par escompte de billets financiers créés par la société Legends en fonction de ses besoins de trésorerie, garanti par des cessions de créances professionnelles mensuelles à hauteur de 220 000 euros.

Ce concours financier par billets à ordre garanti par des cessions Dailly a été renouvelé le 13 juillet 2011 jusqu'au 30 avril 2012.

La société Legends a émis le 25 octobre 2011 un billet à ordre de 200 000 euros à échéance du 28 décembre suivant et a cédé au CIC le 7 novembre 2011 deux bordereaux de cession de créances, à échéance du 10 décembre 2011, d'un montant respectif de

85 106, 49 et 123 28, 89 euros. Ces cessions de créance ont été régulièrement notifiées par le CIC aux débiteurs cédés.

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Legends par jugement du 9 novembre 2011 qui a désigné la Selarl SMJ en qualité de liquidateur judiciaire et a fixé la date de cessation des paiements au 15 octobre 2011.

Un litige devait alors survenir entre les parties sur le sort de sommes recouvrées par le CIC en vertu de créances cédées durant la période suspecte.

Le 22 décembre 2011, le liquidateur judiciaire obtenait la désignation par le

juge-commissaire de la société Edac aux fins de procéder au recouvrement du compte client de la société sous procédure collective tandis que le CIC déclarait au passif de la procédure collective, le 12 janvier 2012, une créance de 200 000 euros correspondant au crédit de trésorerie demeuré impayé en précisant se réserver le bénéfice intégral des sommes reçues en vertu des cessions Dailly et le droit de solliciter de la liquidation judiciaire la rétrocession des sommes indûment perçues par cette dernière.

A cette difficulté de principe se sont ajoutés divers incidents.

Le 16 mars 2012, le CIC ramenait sa créance déclarée, déduction faite de règlements Dailly entre temps intervenus et du solde créditeur d'un compte courant, à la somme de 148 008, 84 euros et restituait le même jour à la liquidation judiciaire une somme de 39 306,66 euros qu'elle pensait correspondre à des fonds encaissés postérieurement au jugement d'ouverture, avant de se raviser le 30 mars suivant en invoquant une erreur pour solliciter la restitution d'une somme de 27 374,22 euros, ce à quoi le liquidateur judiciaire s'est opposé.

Ces circonstances ont conduit le liquidateur judiciaire à obtenir par ordonnance du 16 mai 2012 la désignation par le juge-commissaire de la société Cogeed, chargée de contrôler les encaissements reçus de part et d'autre.

Les parties ne sont cependant pas parvenues à se réunir ensemble avec les sociétés Edac et Cogeed.

C'est dans ce contexte que le CIC s'est fait autoriser à assigner à bref délai la Selarl SMJ, ès qualités, devant le tribunal de commerce de Paris, par acte du 27 septembre 2012, en poursuivant la condamnation du liquidateur judiciaire à lui payer la somme de 41 727, 51 euros correspondant aux sommes qui lui auraient été restituées à tort et sa condamnation sous astreinte à lui restituer toute somme obtenue des débiteurs cédés depuis le 9 novembre 2011.

La Selarl SMJ a alors demandé reconventionnellement que soit ordonnée au CIC la restitution du solde des comptes ouverts dans les livres de la banque et a sollicité, au visa de l'article L 632-1, 3° du code de commerce, la nullité des cessions de créances intervenues le 7 novembre 2011, soit en période suspecte.

Par jugement en date du 18 mars 2013, le tribunal a condamné la Selarl SMJ, ès qualités, à payer au CIC la somme de 27 374,22 euros sous le bénéfice de l'exécution provisoire et a ordonné le sursis à statuer sur les autres chefs de demande jusqu'au dépôt du rapport du cabinet Cogeed désigné par le juge- commissaire pour faire le compte entre les parties.

Les premiers juges ont, pour l'essentiel, retenu que la cession des créances du 7 novembre 2011 avait été opérée en période suspecte mais en exécution d'une convention-cadre dont l'antériorité était certaine, de sorte qu'elle ne procédait pas d'un accord de complaisance destiné à régler par anticipation une dette non échue et que la somme de 27 374,22 euros versée par erreur au liquidateur judiciaire devait être restituée par ce dernier au CIC.

La Selarl SMJ, ès qualités, a relevé appel de cette décision selon déclaration du 8 avril 2013.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 janvier 2014, elle demande à la cour, au visa des articles L 622-7, L 632-1, 3° et L 632-2 du code de commerce, ensemble les articles L 313-24 et L 313-27 du code monétaire et financier , d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

- de dire que le CIC a, postérieurement au jugement d'ouverture, débité du compte n°[XXXXXXXXXX03] divers montants totalisant au moins 54 063,08 euros,

- de dire que le CIC a, entre le 3 novembre 2011 et le 24 septembre 2013, encaissé sur le compte n° [XXXXXXXXXX01] diverses sommes totalisant à cette dernière date un montant de 135 250,15 euros,

- de dire que le CIC a, postérieurement à la date de cessations des paiements fixée au 15 octobre 2011, réalisé des paiements à son profit de dettes non échues au moyen de cessions de créances données en garantie,

- de dire que le CIC avait connaissance, au moins dès le 28 octobre 2011, de l'état de cessation de paiement de la société Legends,

en conséquence:

- d'ordonner la restitution de toutes sommes indûment débitées du compte n°[XXXXXXXXXX03] de la société Legends à compter du 9 novembre 2011, date du jugement de liquidation judiciaire, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- de prononcer la nullité de tous paiements de dettes non échues à compter du 15 octobre 2011 et notamment le paiement au moyen des cessions de créances litigieuses du billet à ordre émis par la société Legends le 25 octobre 2011 à échéance du 28 décembre 2011,

- d'annuler les cessions de créances intervenues le 7 novembre 2011,

- d'ordonner sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, la restitution à la Selarl SMJ, ès qualités, des originaux des bordereaux de cessions de créances en cause,

- d'ordonner au CIC de contrepasser les écritures inscrites au débit des comptes de la SAS Legends, depuis le 9 novembre 2011, au mépris des dispositions de l'article

L 622-7 du code de commerce,

- d'ordonner sous astreinte de 1000 euros par jour de retard, à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, la restitution à la Selarl SMJ des sommes indûment perçues au titre des cessions de créances litigieuses,

- de condamner le CIC à reverser à la liquidation judiciaire le solde créditeur des comptes de la SAS Legends ouverts dans les livres du CIC, en ce compris les sommes versées ou prélevées par le CIC auprès des débiteurs cédés en vertu de cessions de créances inopposables à la procédure collective,

- de condamner le CIC au paiement de la somme de 63 562,86 euros au titre du compte courant n°[XXXXXXXXXX02] avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2011 outre les sommes perçues sur ledit compte postérieurement à la date du calcul effectué par le cabinet Cogeed,

- de condamner, en outre, le CIC au paiement de la somme de 135 230,15 euros au titre des encaissements réalisés entre le 3 novembre 2011 et le 24 septembre 2013 sur le compte fonds bloqués n° [XXXXXXXXXX04] avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2011, date de cession des deux derniers bordereaux de créances,

- de dire que ces sommes porteront intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- de condamner, le CIC au paiement de la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 25 août 2014, le CIC demande à la cour, au visa des articles L 622-7, L632-2 du code commerce, pris ensemble les articles 1134 et 1154 du code civil, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que les cessions de créances du 7 novembre 2011 consenties par la société Legends ne violaient pas les dispositions des articles L 632-1,3° et L 622-7 du code de commerce et en ce qu'il a sursis à statuer sur le surplus dans l'attente du dépôt du rapport de la société Cogeed, de le recevoir en son appel incident, y ajoutant :

- juger que la convention-cadre de cession de créances du 23 avril 2009 fixant la remise de bordereau de créance, tant à titre de cession qu'à celui de nantissement par application de l'article L.313.23 du code monétaire et financier, n'a pas été résiliée par les parties et n'est donc pas caduque,

- juger que l'objet du crédit de trésorerie de 200 000 euros, dénommé

« Autorisation de Dailly en compte » consenti le 23 avril 2009, a été modifié quant aux modalités d'octroi du crédit par les crédits à durée déterminée du 3 décembre 2009 et du 31 juillet 2011, sans qu'il ait été résilié par les parties et qu'il soit caduc,

- juger que la convention-cadre de cession de créances professionnelles du 23 avril 2009, consentie antérieurement à la date de cessation des paiements, constitue une convention créatrice d'obligations et non un accord de complaisance.

- juger que le bordereau de cession de créances du 7 novembre 2011 constitue, non pas un mode de paiement destiné à éteindre des dettes non échues, mais une garantie pour le futur en contrepartie d'un crédit accordé de 200 000 euros et d'une convention de cession de créances professionnelles à une date antérieure à la date de cessation des paiements,

- juger que les bordereaux de cession de créances du 7 novembre 2011 consentis au CIC ne violent pas les dispositions de l'article L 622-7 et L 632-2 du code de commerce,

- juger, au visa du principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui », que la Selarl SMJ, dans l'instance en contestation de la créance du CIC devant le juge-commissaire, avait accepté par lettre du 21 février 2012 le principe de la validité des cessions de créances consenties à titre de garantie le 7 novembre 2011 au CIC et la déduction des paiements effectués par les débiteurs cédés au titre de ces deux bordereaux,

- juger qu'en ne se présentant pas à la réunion de la société Cogeed le 7 novembre 2012 et en n'émettant aucune observation à son pré-rapport, son silence vaut acceptation des comptes fixés entre les parties au titre de l'hypothèse n° 1 retenue par ledit rapport,

- condamner la Selarl SMJ, ès qualités, à lui payer la somme de 38 164,62 euros (46.642,28 - 8.477,66 €) majorée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, jusqu'au parfait paiement,

- débouter la Selarl SMJ de toutes ses demandes, fins et conclusions et notamment de celle tenant à solliciter la condamnation du CIC au titre de l'hypothèse 2 retenue par le cabinet Cogeed, majorée du solde créditeur du compte [XXXXXXXXXX05] d'un montant de 135 230,15 euros incluant la somme de 27 374,22 euros versée à la banque au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré,

- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du code civil,

- condamner la Selarl SMJ, ès qualités, à lui payer la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

SUR CE

L'article L 622-7 du code de commerce emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, lequel entraîne clôture des comptes de la société débitrice et rend le solde immédiatement exigible.

Il est constant en l'espèce que deux comptes ouverts par la société Legends dans les livres du CIC ont continué à être mouvementés postérieurement à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

Mais l'un de ses comptes enregistré sous le n°...[XXXXXXXXXX07] était spécialement dédié aux paiements reçus par le CIC des débiteurs cédés et il est constant que des sommes provenant des créances cédées ont été affectées par erreur sur le compte courant de la société débitrice enregistré sous le n°....[XXXXXXXXXX06].

Parallèlement, la liquidation judiciaire a perçu des sommes de la part de débiteurs cédés en vertu des bordereaux Dailly du 7 novembre 2011.

La société Sogeed a été précisément mandatée par le juge-commissaire, à la demande du liquidateur judiciaire, pour faire le compte entre les parties. Elle a déposé son rapport le 22 juillet 2013.

Il résulte des articles L 313-23 et suivants du code monétaire et financier, d'une part, que, même effectuée à titre de garantie, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée, qu'elle prend effet entre les parties et devient opposable au tiers à la date apposée sur le bordereau et que, étant sortie du patrimoine du cédant, son paiement n'est pas affecté par l'ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement à cette date.

D'autre part, si la cession de créances professionnelles faite à titre de garantie, qui implique la restitution du droit cédé au cas où la créance garantie viendrait à être payée, n'opère qu'un transfert provisoire de la titularité de ce droit, l'éventualité de la restitution de la créance au cédant reste subordonnée à l'épuisement de l'objet de la garantie consentie.

Il en ressort que la règle de l'interdiction des paiements de l'article L 622-7 du code de commerce, d'abord invoquée par la Selarl SMJ, ne fait pas obstacle au droit exclusif du cessionnaire sur les créances cédées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, qu'il peut mobiliser et dont il doit recevoir paiement, à seule charge pour lui, s'agissant des cessions de créances en garantie d'un concours financier, de déduire de la créance déclarée au passif de la procédure collective au titre du concours garanti les paiements reçus des débiteurs cédés.

Mais, le compte entre les parties au titre des encaissements de sommes reçues des débiteurs cédés par le CIC ou la liquidation judiciaire supposant résolu le sort des cessions de créances intervenues suivant deux bordereaux du 7 novembre 2011, soit au cours de la période suspecte, cette question sera examinée en premier lieu.

Sur la demande de nullité des cessions Dailly du 7 novembre 2011

Il est constant que les cessions de créances litigieuses sont intervenues en garantie du remboursement d'un crédit de trésorerie de 200 000 euros résultant d'un billet à ordre créé par la société Légends le 25 octobre 2011 à échéance du 25 décembre 2011 et que le CIC a perçu postérieurement au jugement d'ouverture diverses sommes des débiteurs cédés au titre desdites cessions Dailly.

Le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Legends, prononcé le 9 novembre 2011, a fixé la date de cessation des paiements au 15 octobre 2011, de sorte que les cessions Dailly sont intervenues durant la période suspecte.

Le liquidateur judiciaire poursuit, à titre principal, comme en première instance, la nullité de ces cessions de créances au visa de l'article L 632-1, 3° du code de commerce qui sanctionne d'une nullité de plein droit tout paiement, quel qu'en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement.

Il relève notamment qu'à la date desdites cessions le billet à ordre en garantie duquel elles avaient été consenties n'était pas échu, de sorte que le CIC auquel a alors été transféré la propriété des créances cédées a, en recevant paiement des débiteurs cédés, bénéficié d'un paiement prohibé.

Pour s'opposer à cette demande, le CIC réplique que les cessions de créance ne sont intervenues qu'à titre de garantie d'un concours financier et en exécution d'une convention cadre du 23 avril 2009, de sorte qu'elles échappent aux prévisions du texte invoqué.

Il est constant en effet que la société Légends bénéficiait depuis cette date de concours constants du CIC à hauteur de 200 000 euros en contrepartie de cessions de créances professionnelles.

Le fait invoqué par le liquidateur judiciaire qu'une nouvelle convention du 3 décembre 2009 a substitué au crédit en compte et aux cessions de créances à titre d'escompte, un crédit de trésorerie d'un même montant mobilisable par escompte de billets financiers, garanti par des cessions de créances professionnelles mensuelles à hauteur de 220 000 euros, crédit ensuite renouvelé le 13 juillet 2011 jusqu'au 30 avril 2012, est indifférent, dès lors que la nouvelle convention du 3 décembre 2009 n'a pas rendu caduque la convention de cession de créances professionnelles du 23 avril précédent, à laquelle 'l'autorisation de Dailly en compte' initiale était certes adossée mais qui constituait une convention- cadre autonome, de durée indéterminée, qui n'a jamais été dénoncée.

Il résulte en tout état de cause des conventions ultérieures entre les parties (le crédit de trésorerie du 3 décembre 2009 garanti par des cessions mensuelles de créances et le renouvellement de ce crédit le13 juillet 2011) que la garantie à laquelle la société débitrice s'est obligée est en tout état de cause antérieure à la date de cessation des paiements.

Et ne constituent pas un paiement du débiteur au sens de l'article L 632-1, 3° du code de commerce, les cessions de créances professionnelles intervenues à titre de garantie en application d'un accord-cadre antérieur à la période suspecte qui n'avaient pas pour objet le remboursement anticipé d'une dette non échue mais de déterminer l'octroi d'un nouveau crédit.

Ces mêmes motifs conduiront à rejeter la demande subsidiaire de la Selarl SMJ visant la nullité facultative de l'article L. 632-2 du code de commerce.

Quant au moyen succinctement soutenu tiré de 'l'acte onéreux', également visé par l'article L. 632-2 du code de commerce, il suppose caractérisée la connaissance par son bénéficiaire de l'état de cessation des paiements de la société débitrice, ce que la persistance du concours accordé par le CIC à la société Legends en période suspecte suffit à exclure, étant de surcroît relevé que ni la connaissance qu'avait le CIC d'une procédure de sauvegarde ouverte à l'égard de la société Album, société mère de Légends - procédure exclusive de toute cessation des paiements- ni le choix du renouvellement d'un crédit de trésorerie au bénéfice de la société Legends pour une durée limitée ne suffisent à l'établir.

En cet état, les demandes de nullité pour actes accomplis en période suspecte formées par le liquidateur judiciaire seront rejetées de même que les demandes de condamnation du CIC à restituer des sommes indûment perçues au titre des cessions de créances litigieuses, qui n'ont pas d'autre fondement.

Sur le compte entre les parties

Le rapport de la société Sogeed mandatée par le juge-commissaire pour établir le compte entre les parties des encaissements reçus a été déposé le 22 juillet 2013.

Le liquidateur judiciaire se prévaut de sommes devant revenir à la liquidation respectivement au titre du compte courant n°....[XXXXXXXXXX06] à hauteur de 63 562, 86 euros et au titre du compte bloqué n°...[XXXXXXXXXX07] à hauteur de 135 230, 15 euros, mais ces demandes reposent sur l'hypothèse, que la cour n'a pas retenue, de l'irrégularité de l'encaissement par le CIC des créances cédées le 7 novembre 2011.

Les conclusions du rapport de la Sogeed, qui ne font l'objet d'aucune contestation argumentée du liquidateur judiciaire, établissent que celui-ci a indûment perçu, ès qualités, des sommes de la part des débiteurs cédés à hauteur de 22 882, 10 euros et la somme de 39 306, 66 euros dont le CIC justifie qu'il la lui a versée à tort.

Ce dernier, quant à lui, n'a pas restitué à la liquidation judiciaire le solde créditeur du compte n°...[XXXXXXXXXX06] au jour de l'ouverture de la procédure à hauteur de la somme de

5 320, 23 euros (p.8 et 30 de ses conclusions) qui sera seule retenue et a encaissé indûment des créances non cédées pour 13 386, 48 euros, qui doivent également revenir à la liquidation judiciaire.

Le CIC invoque en vain et sans en justifier par des pièces probantes un solde créditeur du compte n°.....[XXXXXXXXXX06] à restituer qui devrait être cantonné à 2 160 euros (au lieu de 5 320, 23 euros ou 5 037,97 également invoqué en page 34 de ses écritures) et un total d'encaissements par la liquidation judiciaire de sommes reçues de débiteurs cédés à hauteur, non de 22 882,10 euros, mais de 35 571, 84 euros pour opérer certaines rectifications que la cour, par conséquent, ne fera pas siennes.

Il résulte en revanche des pièces produites que sur le solde du compte n°...[XXXXXXXXXX07] s'élevant à la somme de 135 230, 15 euros, une somme de 114 062, 75 euros provient de cessions de créances régulières, de sorte que le solde de ce compte devant revenir à la liquidation judiciaire s'établit à 21 167, 40 euros.

En définitive, le CIC doit restituer à la liquidation judiciaire :

- le solde du compte n°...[XXXXXXXXXX06], soit 5 320, 23 euros,

- le solde du compte n°[XXXXXXXXXX07], soit 21 167, 40 euros,

- des encaissements indus ne correspondant pas à des cessions de créances, soit 13 386,48 euros,

soit un total de 39 874, 11 euros.

La liquidation judiciaire doit pour sa part restituer au CIC :

- les sommes indûment perçues des débiteurs cédés, soit 22 882,10 euros,

- la somme de 39 306, 66 euros qui lui a été reversée à tort,

soit un total de 62 188, 76 euros.

Après compensation, le solde en faveur du CIC s'établit à (62 188,76 - 39 874, 11) 22 314,65 euros.

Le jugement déféré sera dès lors infirmé sur le quantum et la Selarl SMJ, ès qualités, condamnée à payer au CIC la somme de 22 314,65 euros.

L'intérêt au taux légal courra sur cette somme à compter de la présente décision avec capitalisation par année entière comme il est dit à l'article 1154 du code civil.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

PAR CES MOTIFS

Infime le jugement déféré sur le quantum de la condamnation prononcée en faveur du Crédit Industriel et Commercial et en ce qu'il a sursis à statuer sur les autres demandes,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la Selarl SMJ, ès qualités, à payer au Crédit Industriel et Commercial la somme de 22 314,65 euros,

Dit que les intérêts qui courront sur cette somme à compter de la présente décision seront capitalisés par année entière comme il est dit à l'article 1154 du code civil,

Rejette toute autre demande,

Dit que les dépens d'appel seront comptés en frais privilégiés de procédure collective et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/06919
Date de la décision : 27/01/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°13/06919 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-27;13.06919 ?
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