Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 05 FEVRIER 2015
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/11268
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mai 2013 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - 5ème chambre 2ème section - RG n° 11/15008
APPELANTS
Monsieur [X] [I]
né le [Date naissance 1] 1949
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
Société CALIGARI FILMS
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
prise en la personne de son Gérant, Monsieur [X] [I], domicilié en cette qualité audit siège
Représentées par et assistés de Me Caroline BIRONNE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1158
INTIMEES
SAS LE THEATRE ANTOINE
ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par et assistée de Me Sophie OBADIA de la SELARL OBADIA - STASI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1986
SARL MAVERICK PRODUCTIONS
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
prise en la personne de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Assistée de Me Corinne POURRINET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0096
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, chargée du rapport
Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président
Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Faits et procédure
La société Arche Editeur, titulaire des droits sur la pièce 'Moonlight and Magnolias' de l'auteur américain [M] [U] a fait procéder à sa traduction par Mme [O] [S], compagne du metteur en scène [X] [I] ; ce dernier a alors recherché une société de production pour monter cette pièce dont il entendait faire la mise en scène.
La société Maverick a accepté de s'engager dans un projet de production de cette pièce ; elle a pris le 14 septembre 2010 une option exclusive sur les droits de production auprès des éditions de l'Arche et un contrat de cession des droits de représentation dans la traduction faite par Mme [S] a été signé le 5 avril 2011.
Le Théâtre Antoine qui était alors dirigé par M.[F] [C] a accepté de monter cette pièce sous le titre «Hollywood» dans le cadre d'une co production avec la société Maverick, les représentations devant commencer à compter de septembre 2011.
Le Théâtre Antoine a adressé le 26 mars un contrat non signé à M.[I] qui a demandé pour des raisons fiscales que celui-ci soit établi au nom de la société Caligari dont il était le gérant ; un second contrat lui a été adressé, également non signé, le 13 avril 2011.
M.[C] est décédé le [Date décès 1] 2011, un administrateur judiciaire a été désigné, puis le 29 juillet 2011 le théâtre a été racheté et un nouveau directeur nommé.
La société Maverick a pressenti trois acteurs qui ont procédé entre le 4 et le 10 juin 2011 à la lecture de la pièce avec M.[I] et qui ont alors fait part au producteur que la vision de M.[I] ne correspondait pas à l'esprit de la pièce.
La société Maverick a alors choisi un nouveau metteur en scène en la personne de M.[N] qui a conclu un contrat le 19 juillet 2011 ; la pièce a été produite et a donné lieu à des représentations au théâtre Antoine.
Par lettre du 24 juillet 2011, M. [I] a revendiqué des droits de metteur en scène et c'est dans ces conditions qu'avec sa société de production Caligari, par actes des 10 et 11 octobre 2011, il a fait assigner le Théâtre Antoine et la société Maverick en paiement de dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 23 mai 2013, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Paris a :
condamné le Théâtre Antoine et la société Maverick in solidum à payer :
'à la société Caligari :
'10.000 € de dommages et intérêts en réparation de la rupture brutale fautive de pourparlers ;
'à M. [I] :
'5.000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
'2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté le 5 juin 2013 par M. [I] et la société Caligari.
Vu les dernières conclusions signifiées le 13 novembre 2013 par lesquelles M. [I] et la société Caligari demandent à la cour de :
- déclarer les demandes de M. [I] et de la société Caligari recevables et bien fondés
En conséquence :
- dire et juger que la société Maverick et le Théâtre Antoine se sont indiscutablement rendus coupables de parasitisme,
Ce faisant :
- ordonner la communication des recettes d'exploitation de la pièce Hollywood, sous astreinte de 500 € par jour de retard suivant la signification du présent jugement afin de déterminer le montant exact de la rémunération qui aurait dû revenir à Caligari et à M. [I].
- ce faisant condamner in solidum la société Maverick et le Théâtre Antoine à verser, en réparation du manque à gagner et des préjudices pécuniaires subis par la société Caligari du fait des agissements des défendeurs, des dommages et intérêts à la société Caligari dont le montant devra être fixé à 134 000 €.
Cette somme sera à parfaire et à compléter au vu des états d'entrées et de recettes que devront communiquer les défendeurs sur la base de 4% de toutes les recettes supérieures à 3 360 000€.
- condamner in solidum la société Maverick et le Théâtre Antoine, en réparation des préjudices moraux et de carrière subis par M. [I], à verser à M. [I] des dommages et intérêts dont le montant sera égal à une somme de 158 000 €.
- ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois quotidiens ou revues hebdomadaires ou mensuelles spécialisées, au choix des requérants, à hauteur de 7 000 Euros HT par insertion, aux frais avancés des défendeurs à titre de dommages et intérêts complémentaires.
- dire et juger que la société Maverick et le Théâtre Antoine ont porté atteinte aux droits de la personnalité de M. [I].
Ce faisant :
- condamner in solidum la société Maverick et le Théâtre Antoine à lui verser 15 000 € à titre de dommages et intérêts.
- condamner in solidum la société Maverick et le Théâtre Antoine au remboursement des frais irrépétibles, en ce y compris les droits de timbres.
- condamner le Théâtre Antoine et la société Maverick à verser à M. [I] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les appelants font valoir que les termes du dispositif d'appel sont rigoureusement identiques à ceux de première instance car les demandes portant sur la rupture abusive des pourparlers tendent aux mêmes fins qui étaient d'obtenir réparation des préjudices subis du fait de l'éviction brutale de M. [I].
Ils soutiennent que la rupture de la promesse du Théâtre Antoine et de la société Maverick a été fautive et brutale.
Ils exposent que, de plus, le Théâtre Antoine et la société Maverick se sont rendus coupables d'actes de parasitisme en utilisant le travail de M. [I] car, celui-ci est à l'origine du projet de traduction et d'adaptation de l'ouvrage, du choix des comédiens, du décor, de la musique, qu'il a procédé à des répétitions et que son nom a été cité dans la presse comme étant celui du metteur en scène.
Vu les dernières conclusions signifiées par le 26 septembre 2013 par lesquelles la société Maverick Productions demande à la cour de :
- déclarer la société Caligari irrecevable à agir faute d'intérêt personnel et direct ;
- déclarer la société Caligari et M. [I] irrecevables en leurs demandes fondées sur la brusque rupture de pourparlers ;
En tout état de cause
- dire et juger qu'aucun contrat de mise en scène n'a été conclu entre la société Maverick et M. [I] ou son mandataire de paiement la société Caligari ;
- dire et juger que la société Maverick n'est pas l'auteur d'une brusque rupture de pourparlers avec M. [I], et qu'elle n'a commis aucune faute justifiant la réparation d'un préjudice subi par lui ou sa société mandataire de paiement, la société Caligari ;
- dire et juger qu'en coproduisant la pièce de théâtre « Hollywood » la société Maverick productions n'a commis aucun acte de parasitisme au détriment de M. [I] ou de sa société mandataire de paiement la société Caligari ;
- dire et juger infondées, tant en leur principe qu'en leur quantum et modalités, les demandes formulées par M. [I] et sa société mandataire de paiement la société Caligari ;
En conséquence,
- débouter la société Caligari et M. [I] de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions.
- les condamner à payer à la société Maverick productions la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante forme un incident, soulevant d'une part, l'irrecevabilité de la société Caligari et, d'autre part, le fait que les premiers juges auraient statué ultra petita, en motivant leur décision sur la rupture de pourparlers, alors qu'ils étaient saisis des conséquences de la rupture d'un contrat.
Elle fait valoir que, confrontée aux brusques et dramatiques circonstances du décès de M. [C], elle a dû choisir en urgence les comédiens et repousser la proposition de mise en scène de M. [I], en totale contradiction avec le genre de l'oeuvre représentée.
Elle conteste le caractère « brusque » de la rupture, car, selon, elle, dés le mois de juin 2011, M. [I] savait qu'il ne serait pas choisi pour la mise en scène de la pièce «Hollywood».
Elle expose que la société Caligari ne justifie d'aucun préjudice direct, alors que les fautes reprochées aux intimés sont fondées essentiellement sur des allégations d'agissements parasitaires commis à l'encontre du seul M. [I] et non pas de la brusque rupture de pourparlers.
Elle soutient que M. [I] tente de s'attribuer un rôle qui n'a jamais été le sien, que les cessions de droits d'auteur, les décors, les costumes, la musique, ainsi que toutes les collaborations créatives et techniques sont le fait de la société Maverick en association avec la société le Théâtre Antoine, excluant toute appropriation parasitaire d'un apport économique ou intellectuel de M. [I].
Elle explique enfin que, faute par les appelants de démontrer en quoi les faits dénoncés seraient constitutifs d'agissements fautifs, les demandes indemnitaires au titre des agissements parasitaires et de la réparation des préjudices personnels et moraux de M. [I] devront être rejetées.
Vu les dernières conclusions signifiées le 1er octobre 2013 par lesquelles la société Le Théâtre Antoine demande à la cour de :
- déclarer la société Caligari irrecevable à agir faute d'intérêt personnel et direct,
- déclarer la société Caligari et M. [I] irrecevables en leurs prétentions nouvelles fondées sur la rupture de pourparlers.
En tout état de cause,
- dire et juger que la société Le Théâtre Antoine ne s'est pas rendue coupable d'une rupture brutale fautive de pourparlers,
- dire et juger que la société Le Théâtre Antoine n'a commis aucun acte de parasitisme au préjudice de M. [I] ou de la société Caligari,
- dire et juger infondées les demandes de paiement formulées par M. [I] et la société Caligari.
En conséquence,
- débouter M. [I] et la société Caligari de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions ;
- condamner M. [I] et la société Caligari au paiement de la somme de 4.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'appelante énonce qu'aucun contrat signé ne lie M. [I] à la société Théâtre Antoine et à la société Maverick, la responsabilité délictuelle pour rupture abusive de pourparlers du Théâtre Antoine ne saurait être engagée car il n'a jamais été engagé de pourparlers au sens juridique du terme avec M. [I].
Elle soutient n'avoir commis aucun agissement parasitaire d'un apport économique de quelque nature que ce soit, financier ou intellectuel les idées de mise en scène de M. [I] n'ont précisément fait l'objet d'aucune reprise et que la société Le Théâtre Antoine ne s'est, en aucune manière immiscé dans le sillage de M. [I] ou de la société Caligari pour tirer profit de leur travail.
Elle demande enfin à ce que M. [I] et la société Caligari soient déboutés de leurs demandes car les intimés confondent l'ensemble des causes de préjudices dont ils se prétendent victimes et mélangent sans distinction la rupture fautive et les actes de parasitisme ne permettant par d'établir l'éventuel lien de causalité entre le préjudice et la faute commise.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la société Caligari
Considérant que la société Maverick Productions soutient que société Caligari est irrecevable à agir faute d'intérêt personnel et direct ;
Considérant que la société Caligari fait valoir qu'elle existe depuis le 1er juillet 1994 avec pour objet la production de spectacles vivants et que M.[I] en est le gérant ; qu'elle expose que pour chaque contrat et mise en scène, c'est elle qui contracte avec le tiers et parallèlement signe un contrat avec M.[I] ;
Considérant qu'elle produit trois contrats signés avec M.[I] en date des 20 mars 2009, 15 janvier et 22 octobre 2010 signés entre elle et M.[I] pour la pièce Moonlight et Magnolias et affirme avoir rémunéré celui-ci à hauteur de 27 000€ ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M.[I] a demandé que le contrat de mise en scène qui lui a été envoyé soit repris pour être établi au nom de la société Caligari ce qui a été fait ; que la partie contractante aurait bien été cette société qui présente en conséquence un intérêt à agir en tant que personne morale distincte ;
Sur la recevabilité de la demande au titre de la rupture des pourparlers
Considérant que la société Théâtre Antoine fait valoir que la demande formée devant le tribunal de grande instance portait sur la rupture d'un contrat considéré comme parfait et non sur la rupture de pourparlers et ne faisait pas état d'un préjudice né de la rupture de ce contrat mais en revendiquaient l'exécution au profit de la société Caligari par le paiement de la totalité de la rémunération prévue et fondaient leurs demandes sur de prétendus agissements parasitaires des sociétés Maverick Productions et Théâtre Antoine de sorte que les premiers juges ont statué ultra petita sur un fondement qui n'avait pas été soulevé par les demandeurs celui de la rupture fautive des pourparlers ;
Considérant que les demandes de la société Caligari et de M.[I] que ce soit sur la base de la rupture des pourparlers ou de celle du contrat tendent à obtenir réparation de leur préjudice et se fondent sur la faute alléguée à l'encontre de la Maverick et du Théâtre Antoine en ce qu'il qui ont procédé à leur éviction abusive ; que dès lors si les premiers juges ont retenu une rupture abusive des pourparlers, ils n'ont pas statué ultra petita même si les demandeurs allèguent qu'il existait un contrat.
Sur la faute alléguée à l'encontre de la société Maverick et du Théâtre Antoine
Considérant que la société Théâtre Antoine et la société Maverick soutiennent qu'aucun contrat n'a été conclu et qu'en toute hypothèse aucune faute et aucun dommage ne sont démontrés alors que M. [I] affirme que les pourparlers avaient abouti à un accord ;
Considérant que le 26 mars 2011 la société Théâtre Antoine a écrit à M.[I] en ces termes «Faisant suite aux accords pris avec la société Maverick par Mme [Y] [T] et M.[Z] [G], c'est avec plaisir que nous vous confirmons votre engagement en qualité de metteur en scène de la pièce de [M] [U] intitulée Hollywood et qui débutera sur la scène du Théâtre Antoine entre le 7 et le 9 septembre 2011 au gré de la direction» ; que ce courrier a précisé les conditions de sa rémunération ;
Considérant que M.[I] a écrit à la société Maverick le 9 avril 2011 «Suite à notre conversation téléphonique de ce jour, je t'adresse la proposition du Théâtre Antoine et ma proposition de contrat que j'ai donné à [Y]. Je suis d'accord avec la proposition du Théâtre Antoine sur le fond mais pas sur la forme» ;
Considérant qu'il résulte de ces échanges qu'à la date du 9 avril 2011, des projets de contrat avaient été adressés à M.[I] selon un accord des deux coproducteurs de la pièce puisque la société Maverick n'a élevé aucune contestation à réception du courrier de M.[I] et qu'un second contrat au nom de sa société lui a alors été adressé ;
Considérant que cette circonstance démontre que les pourparlers étaient aboutis et que M.[I] avait alors l'assurance d'être le metteur en scène de la pièce ;
Que, si M. [C] qui avait qualité pour engager le théâtre est décédé brutalement le [Date décès 1] sans avoir signé de contrat ni avec M.[I], personne physique, ni avec sa société, le projet a été repris par l'administrateur et les préparatifs pour monter la pièce sous la direction de M.[I] se sont poursuivis ; que la société Maverick a organisé en juin 2011 dans une salle louée à cet effet la lecture de la pièce avec les acteurs qu'elle avait pressentis et M.[I], lectures qui, selon elle, ne peuvent être qualifiées de répétitions ; que ces lectures se sont néanmoins déroulées pendant quatre jours ; que si l'administrateur a pu affirmer que « l'ensemble du travail préparatoire du metteur en scène n'ayant pas été accompli, les quatre jours passés avec les comédiens ont consisté en une lecture améliorée ne peuvent être qualifiées de répétitions», cette affirmation est en totale contradiction avec l'attestation de Mlle [R] qui relate qu'à la suite du décès de M.[C], les répétitions prévues du 30 mai au 10 juin ont été fixées du 6 au 10 juin et qu'à cet effet ont été transportés tous les accessoires que souhaitait avoir M.[I] ; qu'elle a précisé « je suis présente avec tous les comédiens, le décorateur, la costumière, le concepteur lumière et un stagiaire ainsi que les représentants de Maverick, [A] [P], le décorateur présente la maquette du décor qu'il a développé avec [X] [I] ; j'ai d'ailleurs assisté plusieurs fois auparavant à des séances de travail entre [A] [P] le décorateur et [X] [I] » ; que si Melle [R] a été l'assistante de M.[I], son témoignage est détaillé et circonstancié et il est corroboré par celui de M.[P], décorateur qui confirme avoir établi cette maquette, revendiquant son travail personnel de décorateur et expliquant avoir travaillé à la fois dans le respect du texte et des préconisations de M.[I] ; qu'en conséquence l'attestation de Mademoiselle [R] ne saurait être remise en cause ;
Que de plus ses dires sont corroborés par des courriels que Mlle [R] a échangés avec M.[I] dont un du 15 mai 2011 par lequel elle lui indique lui transmettre une liste d'accessoires, ajoutant « j'ai rendez vous mardi matin au Théâtre Antoine avec le directeur technique, je peux regarder ce qu'ils ont déjà pour les répétitions »; que le 5 juin, soit la veille des répétitions, elle lui écrit « Nous aurons les accessoires », M.[I] l'interrogeant alors « et la maquette ' » ce à quoi elle répondait « [A] a gardé la maquette. Il l'apporte avec lui demain et me tient au courant pour me dire à quelle heure »
Considérant en conséquence que les premières répétitions ont eu lieu comme prévu sauf à être décalées de quelques jours; que la société Maverick invoque le fait qu'à la suite de ces premières répétitions M.[I] savait qu'il ne serait pas retenu pour être le metteur en scène de la pièce du fait de la mésentente avec les acteurs et qu'il est alors parti en vacances ; qu'elle ne peut tirer argument de ce départ car elle ne démontre pas que ces premières répétitions devaient être suivies immédiatement de nouvelles répétitions ; que s'il existait une mésentente avec les acteurs, aucun de ces derniers n'avait encore été engagé ce que M.[Q], l'un de ces acteurs indique en ces termes «Lors d'une première rencontre le 6 juin 2011 avec M.[I], je me suis rendu compte avec les deux autres comédiens qui avaient été sollicités par la production que nous ne nous retrouvions absolument pas dans les intentions artistiques affichées par M.[I]. Nous avons immédiatement alerté la production de ce spectacle que la vision de M.[I] ne nous correspondait absolument nullement et nous avons avancé des idées très précises sur ce que nous pensions de la pièce. A la lueur de ce désaccord très profond entre les comédiens et le metteur en scène pressenti, la production nous a heureusement suivis»;
Considérant que, de plus, postérieurement à ces lectures le Théâtre Antoine a écrit le 1er juillet 2011 à Mlle [E] [R] qu'elle était engagée en « qualité de collaboratrice artistique du metteur en scène, monsieur [X] [I] de notre prochain spectacle Hollywood de [M] [U] dans une adaptation de [O] [S] qui débutera sur la scène du Théâtre Antoine entre le 7 et le 17 septembre 2011 au gré de la direction ; Toute décision concernant le spectacle sera prise en accord avec monsieur [X] [I] et la direction du Théâtre » ; que les contrats signés entre le Théâtre et M.[W] [J] engagé en qualité d'auteur compositeur pour les éléments musicaux lequel atteste avoir été contacté par M.[I] pour cette pièce et avoir composé en fonction des indications apportées par ce dernier de même que le contrat avec sa compagne pour la mise au point des costumes mentionnaient la mise en scène de M.[I].
Considérant que M.[I] a écrit le 18 juillet 2011 à son assistante « je dois te dire que le travail avance bien : la vidéo est faite, [W] [J] a reçu son contrat et travaille sur ma musique, [L] a pris les mesures des comédiens et contacté le tailleur et la couturière, le décor est en cours de construction et les comédiens ont reçu leur texte pour commencer les répétitions, comme prévu le 8 août »; qu'il résulte de ce courriel que M.[I] était alors dans l'ignorance de ce que les producteurs avaient décidé de changer de metteur en scène ;
Considérant que dans le monde du théâtre, M.[I] est un metteur en scène connu de sorte que les producteurs ne pouvaient se méprendre sur le style qui est le sien; que d'ailleurs à l'occasion de la levée de l'option proposée par la société l'Arche pour la production de la pièce il a été mentionné « la mise en scène sera assurée par [X] [I] » ; qu'en conséquence les producteurs s'étaient engagés vis à vis de M.[I] en parfaite connaissance et ne peuvent invoquer la seule mise en cause de celui-ci par les acteurs pressentis pour justifier de leur décision de l'écarter ; qu'il est vrai que, d'une part, le contrat de cession des droits signés avec la société l'Arche stipulait la caducité des droits en cas de non-représentation de la pièce avec une date butoir, d'autre part, la société Maverick était confrontée à la position adoptée par les acteurs qui pouvait lui laisser craindre l'échec de la pièce ; que pour autant elle n'avait signé aucun contrat avec les acteurs pressentis sauf que le travail de préparation était avance et la date des premières représentations fixées.
Considérant que, si un différend a pu naître entre le metteur en scène et les acteurs lors des répétitions concernant l'appréhension respective de l'esprit de la pièce, ni la société Maverick ni la société Théâtre Antoine qui l'invoquent à l'appui de leur décision de faire appel à un autre metteur en scène, ne justifient avoir alerté M.[I]; qu'au contraire les contrats concernant des proches de M.[I], son assistante, sa compagne et le compositeur de la musique, ont été signés après les premières répétitions et ont mentionné M.[I] comme étant le metteur en scène;
Considérant que Mlle [R] atteste avoir appris postérieurement le changement de metteur en scène et avoir avisé M.[I] qui l'ignorait; que celui-ci a aussitôt mis en demeure la société de reprendre les répétitions comme prévu à partir du 8 août.
Considérant qu'il résulte de ces éléments que M.[I] avait reçu des assurances des producteurs qu'il assurerait la mise en scène de la pièce, conformément à l'engagement pris par la société Maverick lorsqu'elle a acquis les droits sur l'oeuvre dans sa traduction française auprès de la société l'Arche et que le contrat de mise en scène, bien que non signé, a eu un commencement d'exécution puisque la pièce a fait l'objet de lectures avec les acteurs pressentis, que la maquette des décors et la musique ont été élaborées ; qu'il s'agissait de pourparlers aboutis, le seul point restant à régler relevant de M.[I] et étant celui de la personne signataire, de lui qui avait été physiquement le seul interlocuteur des producteurs ou de sa société; que M.[I] a donc été évincé de manière brutale et fautive ;
Sur les agissements parasitaires allégués
Considérant que M.[I] et la société Caligari reprochent à la société Maverick et au Théâtre Antoine des agissements parasitaires pour avoir utilisé le travail de M. [I] car celui-ci est à l'origine du projet de traduction et d'adaptation de l'ouvrage, du choix des comédiens, du décor, de la musique et des répétitions, son nom ayant même été cité dans la presse comme metteur en scène ;
Considérant que la société Théâtre Antoine et la société Maverick le contestent faisant valoir que l'essentiel du travail effectué par M.[I] a été rejeté et écarté; qu'ils font valoir que le metteur en scène ne saurait être confondu avec le producteur qui a la responsabilité du spectacle, qui est l'employeur et qui coordonne les moyens humains, financiers, techniques et artistiques nécessaire; que le metteur en scène apporte à l'oeuvre choisie une vie artistique et à ce titre dirige les interprètes et techniciens ce qui donne lieu à de multiples répétitions; que toutefois le travail et l'apport du metteur en scène ne sauraient être réduit à la direction des acteurs sur scène à l'occasion des répétitions précédant la présentation de la pièce au public mais consiste au final à présenter au public une 'uvre achevée regroupant les prestations des uns et des autres ;
Considérant que comme il a été exposé ci avant M.[I] a dirigé les premières répétitions avec les acteurs ; qu'il a choisi et a été en contact direct avec le compositeur de la musique ; que si ce dernier en est l'auteur, sa composition a nécessairement été marquée par les indications du metteur en scène et sa vision de la pièce ; que celui-ci atteste que la musique née de cette collaboration est celle qui a été conservée par le nouveau metteur en scène;
Considérant qu'il ne peut être contesté que M.[I] a travaillé de façon constante sur la mise en scène de cette pièce traduite par sa compagne; qu'il s'est investi dans la recherche de producteurs et ce depuis 2008 ;
Considérant que Mlle [R] atteste que la semaine précédant les premières lectures du texte, elle a « à la demande de [X] [I] tapé et fait des photocopies pour tous les intervenants de l'adaptation pour la mise en scène qu'il a faite du texte «original »;
Considérant que la décorateur atteste également avoir travaillé avec M.[I] et avoir élaboré une maquette qui tenait compte de la conception de ce dernier; que cette maquette a été présentée lors des premières répétitions ; que s'il indique l'avoir modifié du fait des exigences du nouveau metteur en scène, il ne précise pas quelles ont été ces modifications; que Mlle [R] atteste que « le décor avec de petits ajouts tels qu'un store, deux marches... ainsi que la musique et le principe d'utiliser la vidéo sont ceux qui ont été conçus par les intervenants artistiques en totale collaboration avec [X] [I]. J'atteste que le texte répété et joué depuis le 17 septembre est l'adaptation scénique faite par [X] [I] » ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que si M.[I] ne peut revendiquer l'oeuvre individuelle de chaque artiste, il n'en demeure pas moins qu'il a par sa vision personnelle de l'oeuvre dont la mise en scène lui avait été confié, influé sur celles-ci ; qu'il n'est pas contesté que la composition musicale a été reprise sans aucune modification ;
Considérant qu'en donnant connaissance aux acteurs qui ont joué la pièce du contenu de celle-ci et de sa propre vision du texte, M.[I] a participé à la préparation de ceux-ci vers leur interprétation finale quand bien même celle-ci a pu encore évoluer;
Considérant que le travail de M.[I] a servi de base pour la finalisation du projet qui a été achevé avec les mêmes intervenants que ceux avec lesquels M.[I] avait travaillé; que ce travail a été essentiel, en ce qu'il est évident que, sans cette préparation réalisée par M.[I], la pièce n'aurait pas pu être présentée aux dates prévues ; qu'en conséquence le travail de M.[I] avait une réelle valeur économique qui a permis aux producteurs de poursuivre le projet initial tel que présenté par M.[I] dans un bref délai ; qu'en revanche ils ont de manière déloyale empêcher M.[I] et sa société de tirer profit d'un travail qui s'était étalé sur plusieurs années et ce sans lui avoir versé la moindre rémunération, s'appropriant ainsi son travail; que les deux producteurs ont ainsi commis des agissements parasitaires ; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ce point ;
Sur le préjudice
Considérant que la société Caligari et M.[I] font état de ce qu'ils ont subi un préjudice résultant de la rupture abusive, brutale et fautive de la promesse contractuelle, de l'utilisation du travail de M.[I] et des agissements de parasitisme des producteurs;.
Qu'ils font valoir que le contrat présenté à M.[I] stipulait une rémunération par représentation égale à 4% de 15 000€ de recettes soit 600€ par représentation à raison de 124 représentations prévues ce qui correspondait à une rémunération de 74 400€ ; qu'il était également prévu 100 représentations en province ce qui représentait une rémunération de 60 000€ ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de rechercher quelles sont les recettes effectivement perçues par les producteurs dès lors que M.[I] et la société Caligari ne demandent pas l'exécution d'un contrat dans la mesure où ils soutiennent que la faute repose sur la rupture abusive et brutale d'une promesse contractuelle ;
Considérant que la société Caligari fait état de trois contrats signés avec M.[I] en date des 20 mars 2009, 15 janvier et 22 octobre 2010 et indique avoir rémunéré celui-ci à hauteur de 27 000€ pour la préparation de la mise en scène, sans pour autant en justifier et alors même que M.[I] a demandé pour des raisons fiscales que le contrat libellé à son nom le soit à celui de la société, reconnaissant ainsi qu'il était toujours intervenu en sa qualité de personne physique dans ses relations avec les producteurs et non es-qualités; que, dans ces conditions, elle ne justifie pas d'un manque à gagner certain dans la mesure où le contrat n'a pas été signé et où enfin les agissements de parasitisme portent sur le travail personnel de M.[I]; qu'en conséquence la société Caligari sera déboutée de sa demande ;
Considérant que M.[I] a subi du fait des agissement des producteurs un manque à gagner puisqu'il a travaillé en pure perte et qu'au contraire les producteurs ont tiré profit de ce travail ; qu'il y a lieu de lui allouer une somme de 50 000€ à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que M.[I] allègue des préjudices moraux et de carrière distincts, faisant valoir qu'il avait renoncé à trois autres propositions de travail, l'une à Bern avec une rémunération de 59 952€ du 1er mai au 10 juin 2011, l'autre aux Etats Unis avec une rémunération de 28 000€ pour des représentations les 24,25 et 26 juillet 2011 et une troisième en France avec une rémunération de 30 000€ ;
Considérant que le travail de M.[I] pour la pièce Hollywood ne se limitait pas aux seules répétitions, celui-ci ayant démontré avoir passé du temps avec le décorateur, le compositeur de la musique, de sorte qu'il était à l'évidence moins disponible pour mener d'autres projets qui lui étaient proposés; qu'il y a lieu de réparer son préjudice moral et de carrière en lui allouant la somme de 50 000€ à titre de dommages et intérêts ;
Sur la demande au titre de la violation des droits de la personnalité
Considérant que M.[I] fait valoir qu'il a subi un préjudice en raison de la violation des droits de la personnalité car son nom a continué à être mentionné au titre de la mise en scène ;
Considérant que, si au mois d'août les journaux d'annonces «Pariscope» et «l'Officiel des spectacles» ont mentionné M.[I] comme metteur en scène, la société Théâtre affirme ne pas en être responsable dans la mesure même au au cours de ce mois elle a communiqué sur le changement de metteur en scène, l'affiche du spectacle présentée dans le dossier de presse ;
Considérant que les journaux d'annonces ne communiquent qu'au vu des renseignements qui leur sont fournis par les producteurs eux-mêmes; qu'il est dès lors manifeste que les producteurs n'ont pas modifié les renseignements communiqués à ces annonceurs aux termes desquels M.[I] était le metteur en scène puisque les annonces ont été renouvelées ; qu'il appartenait aux professionnels que sont les producteurs de surveiller ces annonces d'autant que la publication a eu leu deux fois de suite; que M.[I] a ainsi subi une atteinte à ses droits; qu'il y a lieu de réparer en lui allouant la somme de 15 000€ à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que cette mention continue de figurer à tort, plus d'un an après le début des représentations de la pièce dans les biographies des trois principaux acteurs de la pièce, MM.[Q], [D] et [B] ;
Considérant qu'en conséquence la mesure de publicité demandée par M.[I] et sa société sont justifiées afin de réparer intégralement le préjudice subi par M.[I] ; que la Cour ordonne la publication de l'arrêt à intervenir dans trois quotidiens ou revues hebdomadaires ou mensuelles spécialisées, au choix des requérants, à hauteur de 7 000 euros HT par insertion, aux frais avancés des défendeurs à titre de dommages et intérêts complémentaires.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que M.[I] et la société Caligari ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge , qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il dit brutale et fautive la rupture des pourparlers ;
DEBOUTE la société Caligari de ses demandes ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Théâtre Antoine et Maverick à payer à M.[I] les sommes suivantes :
* 50 000€ à titre de dommages et intérêts au titre de son manque à gagner ;
* 50 000€ à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral et de carrière ;
* 15 000€ à titre de dommages et intérêts au titre de la violation des droits de la personnalité ;
ORDONNE la publication de l'arrêt à intervenir dans trois quotidiens ou revues hebdomadaires ou mensuelles spécialisées, au choix des requérants, à hauteur de 7 000 euros HT par insertion, aux frais avancés des défendeurs à titre de dommages et intérêts complémentaires ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Théâtre Antoine et Maverick à payer à la société Caligari et à M.[I] la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Théâtre Antoine et Maverick aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLa Présidente
B.REITZER C.PERRIN