RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 19 Février 2015 après prorogation
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09590
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Novembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 10/13694
APPELANT
Monsieur [Y] [N]
[Adresse 2]
non comparant, représenté par Me Pierre DULMET, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE
SAS TNS SOFRES venant aux droits de la SAS FIELDWORK RI
[Adresse 1]
représentée par Me Frédéric AKNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020 substitué par Me Mohamed CHERIF, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente
Madame Evelyne GIL, Conseillère
Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère
Qui en ont délibéré
Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [Y] [N] a travaillé pour la société FIELDWORK RI dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée dits d'usage du 6 février 2000 à novembre 2000, puis sans discontinuité de septembre à décembre 2009 sur une base de 39 h hebdomadaire ;
À compter de décembre 2009, il a continué de travailler pour la société TNS SOFRES sur une base hebdomadaire de 35 h ; il avait pour tâche de recruter les participants (« les panelistes ») pour une étude pour le compte de La Poste.
Il a occupé de 2003 à 2010 le même poste de travail.
Il a été en arrêt maladie depuis le 22 mars 2010 pour dépression et ne s'est plus vu proposer de contrats par la société TNS SOFRES.
La convention collective applicable est celle des bureaux d'études dite « Syntec ».
M. [N] a saisi, le 28 octobre 2010, le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de requalification de ses contrats à durée déterminée multiples en contrat à durée indéterminée et du paiement de diverses sommes dont une indemnité pour licenciement abusif correspondant à six mois de salaires.
Par jugement du 21 novembre 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [N] de toutes ses demandes, les sociétés défenderesses de leur demande reconventionnelle et laissé les dépens à la charge du demandeur.
Suite à la notification intervenue le 5 septembre 2012, M. [N] a formé appel le 5 octobre 2012, précisant que cet appel était dirigé contre la SAS TNS SOFRES venant aux droits de la SAS FIELDWORK RI.
A l'audience du 28 novembre 2014, le conseil de M.[N] a soutenu oralement les conclusions visées par le greffier, aux termes desquelles il sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et a demandé à la cour statuant à nouveau de :
- Annuler le document intitulé « transaction » de décembre 2009
- Requalifier les contrats de travail de M. [N] en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ;
A titre principal
- Ordonner à la société TNS SOFRES de réintégrer M. [N] à son poste de travail, coefficient 230, ETAM ;
- Condamner la société TNS SOFRES à lui verser les sommes suivantes :
- 79.514,86 € à titre de rappel de salaires
- 7.951,48 € pour les congés payés y afférent
- 1.529,47 € à titre de rappel de salaires sur prime de vacances
- 152,94 pour les congés payés y afférent
- 273, 56 € à titre de dommages et intérêts pour privation des jours de congé acquis par l'ancienneté
- Fixer le montant du salaire brut de base de M. [N] à 1.482, 50 €
- Ordonner la remise à M. [N] de bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 150 € par jour de retard que la cour se réservera le droit de liquider ;
A titre subsidiaire
- juger que la société TNS SOFRES a rompu le contrat de M. [N] le 30 avril 2010
- condamner la société TNS SOFRES à verser à M. [N] les sommes suivantes :
- 17.842,62 € à titre de rappel de salaires pour la période courant du 1e octobre 2005 au 30 avril 2010
- 1.784,26 € pour les congés payés y afférent
- 734,33 € à titre de rappel de salaires sur prime de vacances
- 73,43 pour les congés payés y afférent
- 273, 56 € à titre de dommages et intérêts pour privation des jours de congé acquis par l'ancienneté
- 2.783,12 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 278,31 € pour les congés payés y afférent ;
- 2.435,23 € au titre des indemnités conventionnelles de licenciement
- 25.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause
- condamner la société TNS SOFRES à verser à M. [N] les sommes suivantes :
- 3.689,58 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice né du défaut de versement des indemnités de précarité
- 2.000 € à titre d'indemnité de requalification del'article L. 1245-2 du Code du travail ;
- 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour l'absence de formation
- 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de suivi médical
- 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- rejeter les demandes de la société TNS SOFRES
- condamner la partie défenderesse à lui payer la somme de deux fois 35 € à titre de participation à la taxe fiscale obligatoire 1635bis Q du Code général des impôts (1ère instance et appel) ;
- dire que les montants alloués porteront intérêts à compter du jour de la demande introductive s'agissant des créances salariales et à compter de l'arrêt s'agissant des dommages et intérêts ;
- condamner la partie défenderesse aux entiers frais et dépens de la procédure.
La société TNS SOFRES par conclusions visées par le greffier lors de l'audience et soutenues oralement demande à la cour de :
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes,
- constater l'irrecevabilité des demandes de M.[N], en tant qu'elles concernent une période d'activité pour le compte de la société FIELDWORK RI , devenue la société LRS France.
En tout état de cause
Sur la demande de requalification en CDI de la relation de travail
- juger que les contrats à durée déterminée d'usage de M. [N] ont tous été conclus pour l'exécution de tâches précises et limitées dans leur durée ;
- juger que le formalisme du recours au contrat à durée déterminée a été respecté ;
- débouter M. [N] de ses demandes de requalification en contrat à durée indéterminée, indemnité de requalification, requalification à temps plein ;
Sur la demande au titre d'un licenciement nul ou d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et les demandes subséquentes
- constater que le dernier CDD d'usage de M. [N] a pris fin de plein droit le 19 mars 2010
- débouter en conséquence l'appelant de ses demandes liées à un licenciement infondé ;
En conséquence
- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner M. [N], en cas de requalification de la relation de travail en CDI, au remboursement des indemnités de fin de contrat au terme de chaque CDD.
En tout état de cause
- condamner M. [N] à payer 1.500 € à la société TAYLOR NELSON SOFRES au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
Sur la recevabilité des demandes de M. [N] et la validité de la transaction
La société TNS SOFRES fait valoir que les demandes de M. [N] sont irrecevables d'abord parce qu'il n'a travaillé pour TNS SOFRES qu'environ 3 mois du 21 décembre 2009 au 8 mars 2010 et que les demandes dirigées contre TNS SOFRES pour la période antérieure au 21/12/2009 sont irrecevables ;
La société ajoute que M. [N] ne peut faire état du protocole d'accord transactionnel conclu le 11 décembre 2009 entre lui et la société FIELDWORK, en violation de l'obligation de confidentialité stipulée à l'article 7 de ce document. Elle estime qu'il s'agit d'une pratique probatoire déloyale. Elle ajoute que la transaction a réglé de manière définitive tout litige né de la conclusion de l'exécution et de la rupture du contrat de travail avec la société FIELWORK RI.
La société TNS SOFRES fait valoir que M. [N] procède par allégations et ne prouve pas l'illicéité de l'objet de cette transaction dont le montant n'est pas dérisoire puisqu'il correspond à 10 mois de salaire de M. [N] sur les 6 derniers mois de travail antérieurs à sa signature.
Elle ajoute qu'elle ne vient pas aux droits de la société FIELDWORK RI.
M. [N] soutient qu'il y a eu transfert d'entité économique. Il fait valoir que la société FIELDWORK était une filiale à 100% de Research international (RI), qu'une fusion est intervenue entre RI et TNS SOFRES et que la société FIELDWORK est devenue filiale à 100% de TNS SOFRES ainsi que l'a expliqué Mme [P], DRH de SOFRES au CE du 30 août 2010 ; que la société TNS SOFRES a gardé les mêmes clients et conservé les salariés attachés à ces activités ; que les salariés ont continué d'utiliser les mêmes ordinateurs, téléphones et de travailler dans les mêmes locaux ([Adresse 3]) sur les mêmes études ; qu'il a été précisé à la réunion du CE du 30 août 2010 que le passif ou l'actif de la société FIELDWORK était transmis à la société TNS ; M. [N] en conclut que par application de l'article L.1224-1 du Code du travail, les salariés auraient dû être repris et que la TNS SOFRES est responsable des agissements de l'ancien employeur conformément à l'article L. 1224-2 du même code.
M. [N] soutient que la transaction est nulle car elle a un objet illicite visant soit à priver les salariés des mesures d'ordre public concernant l'obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi en cas de licenciement de plus de 10 salariés soit à priver les salariés du droit de se prévaloir des dispositions d'ordre public absolu de l'article L.1224-2 au regard de l'ancienneté et de leurs droits contractuels à l'égard de la société TNS SOFRES qui venait aux droits de FIELDWORK RI ;
Il fait valoir que la fraude corrompt tout et demande l'annulation de la transaction pour cause illicite et défaut d'objet licite au visa de l'article 1108 du Code civil.
A titre subsidiaire, il sollicite son annulation en raison du caractère particulièrement dérisoire des concessions opérées par FIELDWORK.
En tout état de cause, M. [N] estime, au titre de l'effet relatif des contrats, qu'il n'a pas à être privé du droit d'agir contre TNS SOFRES qui n'est pas partie à la convention transactionnelle.
S'agissant du transfert d'entreprise, la cour relève que M. [N] n'est pas démenti lorsqu'il fait valoir que les salariés ont continué à travailler sur les mêmes études, dans les mêmes locaux et avec les mêmes matériels et pour les mêmes clients ; que la société TNS SOFRES n'apporte pas non plus aucun élément de nature à le contredire lorsqu'il expose que la société FIELDWORK était une filiale à 100 % de Research International (RI) qu'en 2009 il y a eu une fusion entre RI et TNS SOFRES ; que la société FIELDWORK est devenue filiale à 100% de TNS SOFRES et que cette dernière a poursuivi l'activité de RI FIELDWORK et a gardé les mêmes clients pour ses enquêtes. (cf. compte rendu des réunions du CE du 30 août 2010 et 27 octobre 2010).
Au vu de ces éléments non utilement contredits par la société TNS SOFRES, il y a lieu de constater que cette TNS SOFRES a repris l'activité de FIELDWORK RI et en application de l'article L.1224-1 du Code du travail, de déclarer recevables les demandes portant sur la période d'activité pour le compte de la société FIELDWORK RI.
S'agissant de la transaction, la cour observe que M.[N] n'est pas non plus démenti lorsqu'il fait valoir que la société FIELDWORK a conclu des transactions avec 11 salariés (cf. pièce 8 liste des salariés et des montants estimés) et que ces transactions ont été signées en décembre 2009 au moment de la transmission de FIELDWORK à TNS SOFRES ; il convient aussi de relever que précisément la transaction signée par M. [N] avec la société FIELDWORK, représentée par sa DRH Mme [P], actait le différend entre les parties sur la nature de la relation de travail (CDD ou CDI) et le fait que la société FIELDWORK indiquait ne plus être en mesure de confier de nouvelle missions à M. [N].
La cour observe encore que lors d'une réunion du CE du 27 octobre 2010, Mme [P], alors DRH de TNS SOFRES (pièce 10, page 3) déclare qu'il n'y aura pas de PSE pour les CDD. Seuls les salariés en CDI peuvent bénéficier d'un PSE.
Il résulte de ces éléments que ces transactions avaient pour objet d'éviter la requalification des CDD en CDI et de se séparer de salariés sans avoir à les inclure dans un licenciement collectif et donc dans un plan social pour l'emploi.
En conséquence, il est établi que la transaction signée par M. [N] avait pour objet de faire échec à des dispositions d'ordre public, elle doit donc être annulée et la cour constate la recevabilité des demandes de M. [N].
Sur la demande de requalification des contrats
M. [N] fait valoir que le recours à ces contrats d'usage ne peut concerner que des emplois par nature temporaires ;
Il estime que la multiplication des contrats de travail (plus de 1200, entre 2003 et 2010) met en évidence le fait qu'il n'était pas sur un emploi temporaire ou occasionnel. Il estime avoir exercé une mission qui correspond à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; il souligne qu'il a travaillé sans discontinuer chaque mois pour la société RI FIELDWORK et que de surcroît il n'a bénéficié d'indemnités de fin de contrat que de 4% alors qu'aux termes de l'article L.1243-8 du Code du travail, l'indemnité doit être de 10 %, en l'absence d'actions de formation en faveur des salariés précaires ; il précise qu'il n'a jamais bénéficié d'aucune formation. Il ajoute qu'à compter de janvier 2010, TNS SOFRES a cessé de lui verser cette indemnité de précarité en violation avec les obligations de l'article L.1224-1 du Code du travail.
La société TNS SOFRES rétorque que les contrats à durée déterminée conclus avec M. [N] sont des CDD d'usage autorisés par l'article L.1242-2 du Code du travail qui autorise dans certains secteurs la conclusion de CDD en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Elle ajoute qu'il y a une fluctuation de la demande des clients et que chaque enquête présente un caractère par nature limité dans le temps ; que M.[N] a été recruté par voie de CDD d'usage sur un emploi lié à des enquêtes et portant systématiquement sur des enquêtes bien distinctes ; que les contrats conclu avec M. [N] correspondaient à des tâches précises et temporaires ; qu'au cours des 2,5 mois auprès de la SOFRES il a été positionné pour des durées inégales sur des missions variées :
- Etude QS courrier industriel,
- Etude QS courrier international,
- Etude Unex,
- Etude outil de pilotage de la lettre
- Etude Outil de pilotage de La Poste.
En tout état de cause TNS SOFRES fait valoir que le calcul de l'indemnité de requalification effectué par M. [N] est erroné qu'il n'est pas de 2.000 € mais de 650 € (correspondant à la moyenne des salaires de M. [N] pour ses 2,5 mois d'activité au titre de 2010.
Enfin la société fait valoir que M. [N] était vacataire et non pas enquêteur vacataire, à ce titre il effectuait des tâches liées aux enquêtes sans effectuer lui-même les enquêtes, son travail consistait à entretenir le panel de personnes qui répondront à l'enquête ; TNS fait valoir que les vacataires employés sur la base de CDD d'usage ne perçoivent pas l'indemnité de précarité car ils ne relèvent pas de l'annexe 4 à la convention collective Syntec.
La forme générale de la relation de travail est le contrat de travail à durée indéterminée mais le Code du travail autorise les contrats de travail à durée déterminée qu'il encadre de manière limitée.
En application de l'article L. 1242- 1 du Code du travail : « Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. »
En application de l'article L. 1242-2 : « Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
(...)
3°) Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; »
Il n'est pas discuté que le secteur des enquêtes et sondages fait partie de ces secteurs d'activité comme visé par le 8° de l'article D.1242-1 du Code du travail.
En application de ces textes, la société TNS SOFRES qui appartient au secteur des enquêtes et sondages peut recourir à des contrats de travail à durée déterminée à condition d'établir que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'activité.
En l'espèce, la cour observe que M. [N] a travaillé sans discontinuer de 2003 à 2010, a eu plus de 1200 contrats de travail pour FIELDWORK RI puis pour TNS SOFRES et près d'une centaine de bulletins de paye, qu'il a exercé les mêmes fonctions dans le même lieu, [Adresse 4], jusqu'au déménagement de son poste au siège de TNS ; qu'il a principalement travaillé sur quatre études relatives aux délais d'acheminement du courrier, commandées par La Poste, lesdites études s'étant poursuivies d'un employeur à l'autre.
M. [N] n'est pas contredit par TNS SOFRES lorsqu'il indique qu'il était le seul salarié à s'occuper du recrutement des panelistes ;
En regard de ces éléments, la cour observe que TNS SOFRES ne produit aucun élément sur la nature temporaire des enquêtes qui lui sont confiées, sur le renouvellement ou non des contrats avec La Poste, sur leur durée de telle sorte qu'elle n'apporte aucun élément de nature à caractériser l'activité comme temporaire.
Au contraire, alors que TNS SOFRES a pour activité normale et permanente de conduire des enquêtes et de les exploiter, M. [N] démontre qu'il était affecté à une tâche permanente de l'entreprise : la gestion des panels.
Dès lors les contrats de travail de M. [N] doivent être requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée.
Sur la demande de requalification en contrat à durée indéterminée à temps plein
M. [N] sollicite une requalification des contrats de travail en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein faisant valoir qu'il s'est vu remettre des contrats sans délai de prévenance quant au nombre d'heures à effectuer, que ses heures de travail ont varié sans prévisibilité aucune et au gré de son employeur ; qu'il s'est toujours tenu à disposition de son employeur et n'a pas d'autre activité.
La société TNS s'oppose à cette demande arguant de ce que la moyenne mensuelle des revenus du salarié démontre qu'il a eu une activité à temps partiel, qu'il n'a jamais été tenu d'être à disposition constante de son employeur, qu'il exerçait son activité en fonction de ses choix ; qu'il a perçu pour le compte de FIELDWORK RI des moyennes mensuelles de salaire très faibles ce qui correspond à un temps partiel : 670 € au titre de 2004 , 806 € mensuel en 2005 pour FIELDWORK RI et 650 € lors des deux mois et demi de collaboration avec TNS SOFRES.
La durée légale du travail est fixée à 35 heures hebdomadaires, à défaut et par application de l'article L. 3123-14 du Code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Ce contrat doit notamment mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine.
En l'espèce, tous les contrats de M. [N] mentionnent une rémunération à l'heure effectivement travaillée sans qu'aucun d'entre eux ne précise le nombre d'heures prévues ni les horaires ; aucun ne mentionne une activité à temps partiel ni ne fait référence au volume horaire prévisible sur la semaine ou le mois ou à une répartition des horaires de travail sur la semaine ou le mois ; enfin les durées de travail effectuées sont très variables pouvant aller d'un mensuel de 161,36 h (avril 2005) à 31, 84 h (décembre 2005).
La société ne verse aux débats aucun élément objectif relatif à la durée du travail du salarié et en particulier ne produit aucun planning de travail. Elle n'établit pas que le salarié pouvait prévoir son rythme de travail ni qu'il n'était pas tenu d'être constamment à la disposition de son employeur.
Dès lors, au vu de ces éléments et faute par TNS SOFRES de justifier de l'existence de contrats de travail à temps partiel écrits, de la durée exacte du travail convenu, de la répartition dans la semaine ou le mois, le salarié doit être considéré comme employé à temps plein.
En conséquence le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions.
Sur la demande de réintégration
TNS SOFRES n'a pas rompu le contrat de travail, à cet égard c'est vainement qu'elle invoque le fait que le salarié soit en arrêt de travail à compter du mois de mars 2010 pour justifier de ne pas lui aurait pas fourni de nouveau contrat, sans faire nullement valoir qu'il aurait perçu des indemnités journalières. Il convient d'ailleurs de relever que la société TNS ne justifie pas avoir répondu au courrier de M. [N] (pièce 17) du 12 octobre 2010 qui faisait connaître la fin de son arrêt pour le 15 novembre 2010, sollicitait une visite médicale de reprise et indiquait se tenir à disposition pour de nouvelles missions.
En l'espèce, le contrat étant requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, et en l'absence de licenciement régulièrement intervenu, la cour constate que le contrat de travail s'est poursuivi, ordonne le paiement des salaires échus et fait droit à la demande de réintégration formulée par M. [N].
Sur les conséquences financières
Le contrat de travail étant requalifié en contrat à durée indéterminée à temps plein, il convient de rejeter la demande d'indemnités de précarité.
Au vu de la classification d'ETAM et du coefficient 230 figurant sur les fiches de paye de M.[N], sa rémunération mensuelle brute doit être fixée à 1.482,50 € correspondant à la rémunération conventionnelle de base d'un salarié employé ETAM au coefficient 230 au 1er novembre 2014.
Au vu du salaire conventionnel applicable au salarié ETAM coefficient 230, il est fait droit à la demande de rappel de salaire formée par M. [N].
En conséquence, la société TNS SOFRES est condamnée à payer à M. [N] la somme de 79.514,86 € correspondant aux salaires dus depuis du 1er mai 2010 au jour de l'audience novembre 2014 inclus, et celle de 7.951,48 au titre des congés payés y afférent.
Sur les autres conséquences financières
Les contrats étant requalifiés, par application de l'article L. 1245-2 du Code du travail, il est alloué à M. [N] une indemnité de requalification fixée à 1.500 €.
Dans la mesure où il n'est pas contesté que M. [N] n'a bénéficié d'aucune formation depuis son embauche et n'a jamais été informé de son droit à formation individuelle (DIF), il lui est accordé 1.000 € de ce chef.
M. [N] sollicite 2.000 € pour défaut de visites médicales de suivi et d'embauche, la société TNS SOFRES ne produisant aucun justificatif et alors que M. [N] a fait état d'arrêts maladie pour dépression, en conséquence la somme de 1.000 € lui est allouée en réparation de son préjudice.
En application de l'article 31 de la Convention collective, l'ensemble des salariés bénéficie 'd'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés ...' ; dès lors il doit être fait droit à la demande formée de ce chef et il est accordé la somme de 1.529,47 € à M. [N], sans qu'il n'y ait lieu à congés payés sur cette prime vacances.
En application de l'article 23 de la convention collective, M.[N] aurait dû bénéficier de congés d'ancienneté, dès lors il est fait droit à sa demande pour 273,56 € correspondant aux 4 jours non obtenus.
Enfin il est fait droit à la demande de remise d'un bulletin de paie rectifié, sans qu'il ne soit nécessaire, à ce stade, de prononcer une astreinte.
Sur les frais irrépétibles
La société succombant en la cause, sa demande au titre des frais irrépétibles est rejetée et il convient de faire droit à hauteur de 1.500 € à la demande de M. [N] fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de PARIS du 21 novembre 2011,
Statuant à nouveau,
Annule le document intitulé « transaction » de décembre 2009,
Requalifie les contrats de travail de M. [Y] [N] en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein,
Ordonne à la société TNS SOFRES de réintégrer M. [Y] [N] à son poste de travail, coefficient 230, ETAM,
Fixe le montant du salaire mensuel brut de base de M. [Y] [N] à 1.482, 50 €,
Condamne la société TNS SOFRES à verser à M. [Y] [N] les sommes suivantes :
- 79.514,86 € à titre de rappel de salaires
- 7.951,48 € pour les congés payés y afférent
- 1.529,47 € à titre de rappel de salaires sur prime de vacances
- 273,56 € à titre de dommages et intérêts pour privation des jours de congé acquis par l'ancienneté
Ordonne la remise à M. [Y] [N] de bulletins de paie rectifiés,
Condamne la société TNS SOFRES à lui verser les sommes suivantes :
- 1.500 € nets à titre d'indemnité de requalification ;
- 1.000 € de dommages et intérêts pour absence de visite médicale ;
- 1.000€ à titre de dommages et intérêts pour absence de formation ;
- 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Condamne la société TNS SOFRES aux entiers dépens.
Le Greffier,La Présidente,