Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 18 MARS 2015
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/01516
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/03110
APPELANTS
1°) Monsieur [B] [J] [X] [Z]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 10] (ALGÉRIE)
[Adresse 1]
[Localité 4]
2°) S.A.R.L. CHADIA
prise en la personne de son gérant
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentés et assistés de Me Mireille FAMCHON du cabinet FAMCHON et Associés, avocat au barreau de PARIS,
toque : R128
INTIMÉS
1°) Monsieur [N] [Z]
né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 10] (ALGÉRIE)
[Adresse 3]
[Localité 5]
2°) Monsieur [Q] [Z]
né le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 7] (MAROC)
[Adresse 5]
[Localité 2]
3°) Monsieur [A] [Z]
né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 10] (ALGÉRIE)
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentés par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, postulant
assistés de Me Marion LAMBERT-BARRET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0030, plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 janvier 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne DELBÈS, président et Madame Nicolette GUILLAUME, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Evelyne DELBÈS, président
Madame Monique MAUMUS, conseiller
Madame Nicolette GUILLAUME, conseiller
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Evelyne DELBÈS, président et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
[H] [Z] est décédé le [Date décès 1] 2004 à [Localité 8] laissant pour recueillir sa succession, selon l'acte de notoriété dressé le 10 février 2004 par Maître [I] [D], notaire à [Localité 6] :
- Mme [P] [K], son épouse, avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens suivant contrat reçu par le Cadi de [Localité 10] préalablement à leur mariage célébré le [Date mariage 1] 1949,
- MM. [G] ([L]) [Z], M. [A] [Z], M. [B] [Z], M. [N] [Z] et M. [Q] [Z], ses fils issus de cette union.
Maître [O], notaire, a été chargé du règlement de la succession de [H] [Z].
Le défunt avait créé diverses sociétés, dont la société L'Art Marocain, devenue la Sarl Chadia, exploitante d'un fonds de commerce de prêt à porter féminin.
Par jugement du 20 août 1996, le tribunal de commerce de Paris a, sur assignation d'un créancier, la BNPI, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Chadia dont les associés étaient alors [B], [G] ([L]), [A], [N], [Q], [E] et [U] [Z].
Par jugement du 22 septembre 1997, un plan de continuation a été adopté arrêté au bénéfice de la société Chadia.
Par jugement du 6 mars 2006, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la clôture de ce plan arrivé à son terme.
Le 29 décembre 2004, [G] ([L]), [A], [N], [Q] et [U] [Z] ont cédé leurs participations dans la société Chadia à l'épouse et aux deux filles de M. [B] [Z].
L'indivision successorale de [H] [Z] comprenait, notamment, des biens immobiliers sis à [Adresse 6].
Lors de la vente de ces biens, en décembre 2008, la BNPI a fait pratiquer une saisie-attribution pour une somme de 306 659,73 euros en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Versailles condamnant [H] [Z] à lui payer diverses sommes en sa qualité de caution de la société Chadia.
Un litige a alors opposé les frères [Z]. M. [B] [Z], considérant que la société Chadia n'était tenue au paiement d'aucune somme à l'égard de la BNPI, a engagé diverses procédure tendant à obtenir la mainlevée de la saisie-attribution. Ses frères, se prévalant d'une créance de la succession à l'encontre de ladite société, ont obtenu, suivant ordonnance du 5 novembre 2006, l'autorisation d'inscrire une hypothèque provisoire sur un immeuble appartenant à l'intéressée.
Ils ont découvert au moment de l'inscription de cette sûreté que ce bien avait fait l'objet, suivant acte notarié reçu par Maître [S] le 10 mars 2009, d'une dation en paiement au profit de M. [B] [Z].
Une ordonnance en date du 22 janvier 2010, les a autorisés à inscrire un nantissement judiciaire provisoire sur le fonds de commerce de la société Chadia pour sûreté d'une créance de 476 140,93 euros.
C'est dans ces conditions que par actes des 22 et 23 février 2010, MM. [N], [G] et [Q] [Z] ont assigné M. [B] [Z] et la société Chadia devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir déclarer l'acte de dation en paiement du 10 mars 2009 inopposable à leur égard.
Par jugement du 30 septembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a:
- reçu M. [A] [Z] en son intervention volontaire,
- dit recevable l'action des consorts [Z],
- dit que les cinq héritiers de [H] [Z] détiennent une créance de 1.037.415,58 euros sur la société Chadia,
- dit que la dation en paiement consentie à M. [B] [Z] le 10 mars 2009 suivant acte de Maître [C] [S], notaire associée à [Localité 8], publiée le 1er avril 2009 au service de la publicité foncière de [Localité 8], volume 2009 P n° 641 et portant sur :
+ la pleine propriété des lots 1, 2 et 41 d'un ensemble immobilier en copropriété situé à [Adresse 4], cadastré section AG [Cadastre 1], lieudit [Adresse 4], pour une contenance de 5 a 97ca, appartenant à la société Chadia, dont le siège est fixé à [Adresse 4], identifiée sous le n° Siret 582 151 155,
l'immeuble ayant fait l'objet d'un état descriptif de division - règlement de copropriété dressé par acte reçu le 23 février 1948 par Maître [V], notaire à [Localité 9] (Seine-et-Marne), publié au 12ème bureau des hypothèques de [Localité 8] le 17 janvier 1949 (volume 1595 numéro 26), modifié les 14 septembre 1951, 8 août 1958, 5 octobre 2001 et 28 mars 2002,
est intervenue en fraude des droits des héritiers de [H] [Z],
- déclarée cette dation en paiement inopposable à [A], [N], [G], [L] et [Q] [Z],
- condamné M. [B] [Z] à payer à MM. [A], [N], [G], [L] et [Q] [Z], unis d'intérêts, la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné in solidum la société Chadia et M. [B] [Z] à payer aux consorts [Z] une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit irrecevables les demandes formées par M. [B] [Z] au titre d'un rapport à succession ou liées à d'autres sociétés du groupe familial [Z],
- rejeté toutes autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Chadia et M. [B] [Z] aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
M. [B] [Z] et la société Chadia ont interjeté appel de cette décision par déclarations des 22 janvier, 5 et 6 février 2014 n'intimant que MM. [Q], [N] et [A] [Z].
Dans leurs dernières écritures du 12 janvier 2015, ils demandent à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- statuant à nouveau,
- rejeter comme irrecevables ou mal fondées les demandes formées à leur encontre,
- en ce qui concerne la société Chadia,
- déclarer irrecevables les demandes de MM. [Q], [N] et [A] [Z] à son encontre,
- à défaut, les rejeter comme mal fondées,
- condamner solidairement MM. [Q], [N] et [A] [Z] à payer à la société Chadia la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive par application des articles 1382 et 1383 du code civil, ainsi que celle de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les mêmes aux entiers depens, dont le recouvrement direct pourra être poursuivi par Maître Mireille Famchon, Avocat, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile,
- en ce qui concerne M. [B] [Z],
- déclarer irrecevables les demandes formées à son encontre par MM. [Q], [N] et [A] [Z],
- à défaut les rejeter comme mal fondées,
- dans le cas contraire, l'accueillir en sa demande reconventionnelle,
- condamner solidairement MM. [Q], [N] et [A] [Z] à lui rembourser la somme de 475 401,54 euros avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'introduction de l'instance et capitalisation de ceux-ci les conditions de l'article 1154 du code civil,
- lui donner acte de son désistement d'instance relativement à la demande reconventionnelle qu'il avait formulée au titre du rapport à succession des avances, avantages et libéralités reçues du défunt par ses frères, [Q], [N] et [A],
- en toute hypothèse, condamner solidairement MM. [Q], [N] et [A] [Z] à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens dont le recouvrement pourra être poursuivi, pour ceux la concernant, par Maitre Mireille Famchon, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions du 27 janvier 2015, MM. [Q], [N] et [A] [Z] demandent à la cour de :
- vu les articles 815-2, 1167 et 1382 du code civil,
- sur la recevabilité,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il les a dits recevables à agir à titre personnel et ès-qualités d'indivisaires par application des dispositions de l'article 815-2 alinéa 1 du Code civil,
- sur la fraude paulienne,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il leur a dit inopposable l'acte de dation en paiement intervenu entre la société Chadia et M. [B] [Z] publié au Bureau des Hypothèques de [Localité 8], 7ème bureau, le 1er avril 2009, volume 2009 P 641,
- sur la créance détenue par les héritiers contre la société Chadia,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a reconnu la créance de l'indivision [Z] à l'égard de la société Chadia pour un montant de 1 037 415,58 euros,
- réformer le jugement sur le quantum de cette créance pour y intégrer la somme de 468.133,43 euros, que la société Chadia in bonis doit rembourser aux héritiers, en raison de la saisie des sommes au titre de la caution donnée par [H] [Z] à la société Chadia,
- condamner à titre provisionnel la société Chadia à leur payer la part leur revenant, soit trois cinquièmes de la créance totale, assortie des intérêts au taux légal avec bénéfice de l'anatocisme à compter de la demande, ou leur permettre d'en obtenir le paiement entre les mains de M. [B] [Z],
- sur la responsabilité civile de M. [B] [Z] pour le préjudice causé,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [B] [Z] à des dommages et intérêts,
- l'infirmer sur le quantum de cette condamnation et élever celui-ci 150 000 euros,
- condamner solidairement M. [B] [Z] et la société Chadia au paiement de cette somme en réparation des préjudices matériels et moraux causés,
- sur les demandes reconventionnelles des appelants,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit les demandes formées par M. [B] [Z] et la société Chadia à titre reconventionnel irrecevables et mal fondées,
- ordonner la publication du jugement à intervenir (sic) au Bureau des Hypothèques de [Localité 8] (7ème Bureau),
- condamner solidairement les appelants au versement d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.
A l'audience du 27 janvier 2015, avant l'ouverture des débats, les parties ayant exprimé leur accord par l'intermédiaire de leurs conseils, l'ordonnance de clôture rendue le 13 janvier 2015 a été révoquée et une nouvelle clôture a été prononcée le 27 janvier 2015 de sorte que la cour statue sur les dernières conclusions susvisées.
SUR CE
Sur la recevabilité
Considérant que les appelants soutiennent que les héritiers de [H] [Z] se trouvant en indivision successorale, seule l'indivision représentée par un administrateur ad hoc a qualité à agir pour réclamer le paiement de sommes et contester la validité de l'acte de dation susceptible de lui faire grief ; qu'ils ajoutent que les intimés qui ne sont plus associés de la société Chadia après la cession de toutes leurs parts à la famille de leur frère, [B], le 29 décembre 2014, ont perdu le droit de réclamer quoi que ce soit à la société Chadia ;
Considérant que les intimés n'agissent pas en qualités d'anciens associés de la société Chadia mais en qualité de membre de l'indivision successorale de [H] [Z], créancière de l'intéressée, de sorte que la cession du 29 décembre 2014 est indifférente ;
Considérant qu'une indivision est dépourvue de la personnalité morale et n'a pas qualité pour agir ;
Considérant que les intimés exercent une action paulienne à l'effet de voir dire inopposable à l'indivision successorale, à laquelle ils appartiennent, la dation en paiement de son principal actif que la société Chadia, dont ils prétendent que l'indivision est créancière, a consenti à [B] [Z], estimant que par cette opération, la débitrice s'est volontairement appauvrie au détriment de sa créancière;
Considérant que l'article 815-2 du code civil dispose que tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent aucun caractère d'urgence ;
Considérant que revêt ce caractère conservatoire, l'action paulienne qui vise à la sauvegarde des droits de l'indivision ;
Considérant que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit les consorts [Z] recevables en leur action ;
Sur le fond
Considérant qu'aux termes de l'article 1167 du code civil, les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits ;
Considérant que si l'acte critiqué a été conclu à titre onéreux, le créancier doit établir que le tiers s'est rendu complice de cette fraude ;
Considérant que les intimés prétendent que leur père était titulaire à l'encontre de la société Chadia d'une créance de 793 568,22 euros, telle qu'admise dans le cadre du redressement judiciaire de ladite société, à laquelle s'ajoutent un apport en compte courant de 1 600 000 francs (243 918,43 euros) effectué le 20 juin 1997 pour permettre le versement du premier dividende du plan de continuation et une somme de 468 133,33 euros payée à la BNPI en exécution du cautionnement à elle donné par [H] [Z] ;
Considérant que les appelants contestent l'existence de la créance invoquée prétendant que [H] [Z] y a renoncé ; qu'ils en veulent pour preuve:
- le bilan de l'exercice clos le 30 juin 1997 qui mentionne dans son compte de résultat: 'ABANDON CRÉANCES : 5 894 482 francs'
- le rapport du conseil d'administration de la société Chadia à l'assemblée générale du 15 décembre 1997 qui indique que 'Le résultat de l'exercice (...) enregistre (...) un abandon de créances des comptes courants d'associés',
- une attestation datée du 16 septembre 2011, aux termes de laquelle le commissaire aux comptes de la société Chadia indique que conformément à la décision de l'AG du 30 décembre 1997, le compte courant de [H] [Z] a été abandonné,
et le fait que :
- la déclaration de succession ne mentionne aucune créance du défunt sur la société Chadia,
- les cessions de parts du 29 décembre 2004 ne font aucune réserve quant à une éventuelle dette de la société à l'égard de [H] [Z],
- le contrôle fiscal dont la société a fait l'objet en 2006 n'indique aucun autre compte courant que celui de [B] [Z],
- le jugement de clôture du plan de continuation ne mentionne pas la prétendue créance de [H] [Z] ;
Considérant qu'il est constant qu'au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Chadia, le groupe Gaouar détenait à l'encontre de celle-ci une créance de 5 888 749,74 francs, incluant celle de [H] [Z] à hauteur de 5 205 446,25 francs ;
Considérant que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit être expresse ;
Considérant qu'aucun acte ou déclaration explicite de renonciation totale et définitive à sa créance émanant de [H] [Z] n'est produit ;
Considérant que l'abandon définitif que les appelants prêtent à [H] [Z] est démenti par la déclaration de créance effectuée par ce dernier au passif de la société Chadia, l'admission de cette créance par le juge-commissaire pour un montant de 5 205 446,25 francs et la mention expresse, dans le dispositif du jugement du 22 septembre 1997 arrêtant le plan de continuation de la société : 'Pour la créance du Groupe GAOUAR, soit en valeur cinq millions huit cent quatre vingt huit mille sept cent quarante neuf francs et soixante quatorze centimes : suspension de l'exigibilité de ces créances jusqu'à bonne fin du plan de continuation', contre laquelle la débitrice en redressement judiciaire ne s'est jamais pourvue ;
Considérant que les dispositions de ce jugement établissent un accord pour une exigibilité différée jusqu'à l'issue du plan et soumise à un retour à meilleur fortune de la débitrice ;
Considérant qu'une simple écriture comptable, d'ailleurs non explicite quant au caractère définitif de l'abandon de créance évoqué, et les dires de tiers ne sont pas de nature à pallier l'absence de déclaration et de manifestation de volonté personnelles en faveur d'un tel abandon de la part de [H] [Z] ; que la cour observe que ce dernier, qui n'était pas associé de la société Chadia, n'a pas assisté à l'AG du 30 décembre 1997 et n'a donc pas approuver les comptes de l'exercice clos le 30 juin 1997 qui comportent la mention 'ABANDON CRÉANCES : 5 894 482 francs' ;
Considérant que l'absence de mention de la créance en litige dans la déclaration de succession établie à l'adresse du fisc alors que le plan de continuation de la société Chadia était en cours et que le sort de la créance était hypothétique, son exigibilité étant soumise à un retour à meilleure fortune de la débitrice, est impropre à établir la reconnaissance par les auteurs de ladite déclaration de l'existence de l'abandon de créance total et définitif allégué ;
Considérant que la cession de leurs parts dans la société Chadia que [G], [A], [Q] et [N] [Z] ont consenti à la famille de leur frère, [B], ne peut empêcher le jeu de la clause de retour à meilleure fortune au profit de l'indivision, devenue titulaire de la créance de [H] [Z] ; que l'acte de cession ne comporte aucune clause transférant au cessionnaire le bénéfice de la créance du défunt sur la société ;
Considérant que les intimés affirment que la somme de 1 600 000 francs virée en 1997 sur le compte de l'administrateur judiciaire et correspondant au montant du premier dividende du plan de continuation de la société Chadia ne provient pas des deniers personnels de M. [B] [Z] mais d'un virement effectué par leur père depuis son compte bancaire en Suisse le 20 juin 1997 ;
Considérant qu'ils produisent le relevé d'un compte 'n° 980.168 [A]' faisant état à la date du 20 juin 1997 de l'opération suivante : 'TRANSFERT CSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS -P D'ORDRE DE UN DE NOS CLIENTS EN FAVEUR DE MAÎTRE GORINS, ADMINISTRATEUR JUDICIAIRE (...) CONTRE-VALEUR DE 1 600 000 FRF' qui est de nature à corroborer leurs dires, M. [B] [Z] étant quant à lui dans l'impossibilité de justifier avoir lui-même payé cette somme et le rapport de l'administrateur judiciaire ne pouvant constituer une preuve de l'origine des fonds ;
Considérant que le versement de 1 600 000 francs constitue donc un apport effectué en faveur de la société Chadia par [H] [Z] dont il n'est pas établi qu'il aurait été animé, ce faisant, d'une intention libérale ni qu'il aurait renoncé à cette sa créance de ce chef ;
Considérant qu'il en est de même en ce qui concerne les sommes payées à la BNPI en exécution des engagements de caution souscrits à son bénéfice par le défunt à la garantie des obligations de la société Chadia ; que des dispositions d'un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 6 juin 2013 et d'un arrêt confirmatif en date du 4 novembre 2014, il ressort que l'indivision successorale de [H] [Z] a, à l'occasion de la vente d'un bien immobilier, payé à la BNPI, en exécution d'un jugement du 14 septembre 1999, confirmé par un arrêt du 29 mars 2001, rendu à l'encontre de [H] [Z] en sa qualité de caution, la somme de 306 659,73 euros à la banque et été condamnée à verser à l'intéressée, pour solde de sa créance, la somme de 161 473,70 euros séquestrée entre les mains du notaire ayant reçu l'acte de vente ;
Considérant que la créance totale de l'indivision successorale de [H] [Z] sur la société Chadia s'élève donc à 1 505 548,93 euros (793 568,22 euros, + 243 918,43 euros + 468 133,33 euros) ; que son principe et son montant étaient certains au jour de la dation en paiement, le 10 mars 2009 ;
Considérant que l'acte de dation en paiement mentionne qu'il a été consenti pour rembourser à M. [B] [Z] de son compte courant d'associé de 600 000 euros ;
Considérant qu'il est précisé dans cet acte que le compte courant de M. [B] [Z] s'élevait au 30 juin 2008 à 88 977 euros, qu'un abandon de compte courant de l'intéressé avec retour à meilleure fortune a été effectué en 1999, 'compte sur lequel il reste à reconstituer une somme de 856 177 euros' et que l'assemblée générale extraordinaire des associés en date du 12 février 2009 a décidé de procéder au remboursement à M. [B] [Z] de son compte courant à concurrence de 600.000 euros ; qu'il convient d'observer cependant qu'aucune créance personnelle de M. [B] [Z] au titre d'un prétendu compte courant n'est évoquée dans la liste des créances vérifiées et admises par le juge-commissaire du redressement judiciaire de la société Chadia et que l'appelant ne justifie pas avoir apporté à celle-ci la somme de 600 000 euros entre 1997 et 1999 ;
Considérant que quoi qu'il en soit de la créance de M. [B] [Z], la société Chadia s'est dépouillée, par le biais de la dation litigieuse, de l'intégralité de son patrimoine immobilier, à savoir les murs de son fonds de commerce, qu'elle a dû installer dans un autre local pour la jouissance duquel elle a conclu un bail, augmentant d'autant ses charges ; qu'elle s'est ainsi manifestement appauvrie au détriment de ses créanciers dont le gage s'est trouvé réduit à néant et alors qu'aucune somme n'entrait dans son patrimoine ; qu'il n'est pas établi ni soutenu qu'elle détiendrait d'autres biens immobiliers ni des liquidités ou des stocks d'une valeur suffisante pour répondre de sa dette à l'égard de l'indivision ;
Considérant que la société Chadia ne pouvait pas ignorer l'existence de cette dette ni le fait que la dation en paiement de son principal actif était de nature à porter atteinte aux droits de sa créancière ; que le tiers acquéreur, M. [B] [Z], son gérant et, par ailleurs, membre de l'indivision créancière, a, compte tenu de sa situation et des termes de l'acte en litige, nécessairement eu conscience aussi de la fraude aux droits des créanciers que réalisait la dation en paiement effectuée à son profit ;
Considérant que la décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a considéré comme établies la fraude commise par la société Chadia et la complicité de son cocontractant et a dit inopposable à l'indivision successorale de [H] [Z] la dation en paiement du 10 mars 2009 ;
Considérant que ladite décision n'est pas soumise à publicité foncière ;
Sur la demande de provision des intimés
Considérant que la créance de 1 505 548,93 euros ci-dessus évoquée est une créance de l'indivision et non pas une créance des indivisaires pris à titre personnel; qu'il appartiendra aux intimés de faire valoir leurs droits sur cette créance dans le cadre du règlement de la succession ; que leur demande tendant à obtenir la condamnation provisionnelle de la société Chadia à leur payer les trois cinquièmes de ladite créance, outre les intérêts au taux légal capitalisés, ne peut pas prospérer et sera rejetée ;
Sur les demandes reconventionnelles de M. [B] [Z]
Considérant que M. [B] [Z] soutient qu'au cours des années 2004 à 2010, il a versé à ses frères d'importantes avances pour un total de 475 401,54 euros sur ses propres deniers et par le truchement de son compte courant dans la société Chadia et ce, pour préserver les biens de l'indivision ;
Considérant que l'article 71 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ;
Considérant que la demande en remboursement de l'appelant relative à des dépenses qu'il aurait engagées pour le compte de l'indivision successorale ne présente aucun lien avec l'action paulienne engagée par les intimés à l'encontre de la société Chadia ; qu'elles ne pourront être examinées que dans le cadre du partage de la succession ;
Considérant que la cour la dira par suite irrecevable ;
Considérant qu'il convient de donner acte à M. [B] [Z] de son désistement de sa demande reconventionnelle aux fins de rapport à la succession de libéralités et autres avantages que ses frères auraient reçus de leur père ;
Sur les demandes accessoires
Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu la responsabilité de M. [B] [Z] à raison de la déloyauté par lui déployée au détriment de l'indivision et de ses cohéritiers en se faisant consentir la dation en paiement litigieuse et a évalué à 10 000 euros l'indemnité réparatrice du préjudice ayant résulté de son comportement pour les intimés ;
Considérant que les appelants qui succombent ne sont pas fondés en leur demandes de dommages et intérêts et ne peuvent prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que l'équité commande de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué aux consorts [Z] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile et d'y ajouter, en cause d'appel, une somme de 5 000 euros;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant de la créance de l'indivision à l'égard de la société Chadia,
Statuant à nouveau quant à ce et y ajoutant,
Dit que l'indivision successorale de [H] [Z] détient une créance de 1.505.548,93 euros à l'égard de la société Chadia,
Dit irrecevable la demande reconventionnelle aux fins de remboursement de dépenses engagées pour le compte de l'indivision successorale de [H] [Z] formée par M. [B] [Z],
Donne acte à M. [B] [Z] de se qu'il se désiste de sa demande reconventionnelle aux fins de rapport à la succession,
Condamne in solidum la société Chadia et M. [B] [Z] à payer à MM. [A], [N] et [Q] [Z] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société Chadia et M. [B] [Z] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,