RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 19 Mars 2015
(n° 121 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/10616 - MAC
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Octobre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section encadrement RG n° 12/00351
APPELANTE
Madame [R] [X]
[Adresse 4]
[Localité 4]
comparante en personne, assistée de Me Antoine MARGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0463
INTIMEES
SA CESAR
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Francesco DE CAPUA, avocat au barreau de PARIS, toque : R080
Me [V] [T] - Commissaire à l'exécution du plan de la SA CESAR
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Francesco DE CAPUA, avocat au barreau de PARIS, toque : R080
PARTIE INTERVENANTE
UNEDIC AGS-CGEA IDF EST
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985 substitué par Me Garance COURPIED, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de
Mme Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Véronique FRADIN-BESSERMAN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [X] a été engagée par la SA César suivant un contrat à durée indéterminée en date du 19 mai 2011 avec reprise de son ancienneté au 25 mai 1982, en qualité de responsable grands comptes.
En dernier lieu, sa rémunération mensuelle s'élevait à 3348,60 euros.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de l'industrie des jeux et des jouets.
Par un jugement du 10 Août 2011, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SA César, désigné Me [V] Ph en qualité d'administrateur judiciaire et Me [P], représentant des créanciers en tant que représentant des créanciers.
Par lettre du 30 septembre 2011, Mme [X] a été licenciée pour motif économique.
A défaut d'obtenir les éléments utiles pour vérifier le solde de tout compte, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin d'obtenir le remboursement de frais professionnels, un rappel de prime, les congés payés afférents, des dommages et intérêts.
Par un jugement du 3 octobre 2012, le conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté Mme [X] de ses demandes.
Appelante de ce jugement, Mme [X] en sollicite l'infirmation et demande à la cour statuant à nouveau de, à titre principal condamner la SA César , ou à titre subsidiaire, de fixer à la procédure collective de la SA César sa créance selon les modalités suivantes:
-2000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
-14 000 euros au titre du rappel d'une prime pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011, ou à tout le moins à 11 261,60 euros à ce titre
-1 400 euros au titre des congés payés afférents, ou à tout le moins à 1126,16 euros à ce titre,
-8166 euros au titre de la prime pour la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2012
-816,60 euros au titre des congés payés afférents,
-374,96 euros au titre du remboursement des frais professionnels de septembre à octobre 2011.
En tout état de cause, elle réclame une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA César, Me [V] Ph en qualité d'administrateur judiciaire et Me [P], représentant des créanciers, concluent à la confirmation du jugement déféré et s'opposent à toute prétention au titre d l'article 700 du code de procédure civile.
Le CGEA AGS IDF conclut à sa mise hors de cause, et subsidiairement à la confirmation du jugement. A titre plus subsidiaire, rappelle que sa garantie dans les limites légales et du plafond 6 ne serait que subsidiaire.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS :
Sur les demandes au titre des primes de 2011 et 2012 :
Sur la prime de l'année 2011 :
Au soutien de cette demande, la salariée expose que suivant l'avenant à son contrat de travail en date du 1er juillet 2010, il était prévu qu'elle percevrait outre une rémunération annuelle de 36 404 euros « une rémunération variable d'un montant maximum de 14 000 euros, versée en fonction d'objectifs définis chaque année par la société ».
D'après l'annexe 1 de l'avenant, « 100 % du bonus sera versé avec l'accord des grands comptes sur l'atteinte d'un objectif d'équipe ceci dans un souci de solidarité[...]
Il sera calculé sur la réalisation de 100 % du plan César en chiffre d'affaires net facturé et de 100 % du plan Nounours en chiffre d'affaires net facturé, soit 8 479 000 pour César (domestique + Fob )et 1 811 000 euros pour Nounours.
Le bonus n'est payable dans sa totalité que pour 100 % de la réalisation de l'objectif groupe et sera versé le 30 juin 2011. la société prendra en compte les difficultés d'approvisionnement et rémunérera à partir de 80 % de réalisation la prime au prorata de la performance ».
Elle conteste le mode de calcul retenu par les intimés qui estiment que la prime doit être calculée sur le chiffre d'affaires après rabais, remises et retours de fin d'année et soutient que
le chiffre d'affaires retenu ne prend pas en compte le FOB, (free on board) à hauteur de 932074 euros, en dépit de la disposition contractuelle, des commandes ont été annulées en raison du manque de stocks ce qui ne lui est pas imputable, la prime a toujours été calculée sur le chiffre d'affaires réalisé avant rabais remises et retours, les dites remises correspondent à des actes unilatéraux de la part de son employeur vis à vis des clients et par suite, ne lui sont pas opposables et ne peuvent être défalquées du chiffre d'affaires sur lequel est calculée la prime.
Les intimés exposent que les chiffres d'affaires nets réalisés au cours de l'exercice s'élèvent respectivement à 5 204 387 euros pour César et à 1 791 734 euros pour Nounours que l'objectif n'a donc pas été atteint ni à 100 %, ni même à 80 %, qu' en conséquence la prime n'est pas due.
Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faite et doivent être exécutées de bonne foi.
D'après le contrat, le bonus est calculé à partir d'un chiffre d'affaires net facturé.
Si M. [U] atteste que le contrat a bien été établi comme les années précédentes, sur un chiffre d'affaires facturé avant retours et remises de fin d'année et si M. [Q] responsable compte-clés, au même titre que la salariée, déclare que les avenants au contrat de travail ont toujours été basés sur une réalisation de chiffre d'affaires mais avant retour, et remises, il est à relever que la SA César verse un avenant pour l'année 2008, précisant que la part variable de la rémunération variable était calculée en fonction d'objectifs individuels et collectifs sur un « chiffre d'affaires net après retours »
Outre que la formule employée sur l'avenant remis à la salariée n'évoque pas les retours puisqu'il est seulement fait mention du « chiffre d'affaires net facturé », la cour observe que le document produit n'est pas identifiable, s'agissant de la copie d'un document non signé et comportant seulement un paraphe et apparemment annexé à un avenant lui-même non signé par la salariée et concernant une autre société, la société Nounours et non la SA César.
Par ailleurs, M. [K], directeur commercial, a, dans un courriel du 22 juin 2011, indiqué « Il a été réalisé 90 % de l'objectif budgétaire ventes. A noter que dans leur contrat, et il est prévu de verser la prime à partir de 80 % de réalisation au prorata pour un CA net facturé de 10 290 Keuros( différent du CA au budget).
Donc en réalité, ils ont réalisé 92% ce qui devrait donner droit à 92 % de la prime... Plus loin, ce directeur commercial précise que nombre de commandes ont été annulées car pas de stocks et livraisons tardives et conclut de la manière suivante « Ils ( [W] et [R] soit Mme [X]) n'ont pas démérité dans leur rôle commercial dans un période compliquée[...]
Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que ne peuvent être opposées à la salariée les décisions de l'employeur vis à vis des clients et relatives aux rabais, remises et retours de fin d'année. De même, il est contractuellement prévu que le Free on Board doit être intégré dans le chiffre d'affaires.
Dans ces conditions, au regard de l'atteinte des objectifs à hauteur de 92 %, le directeur commercial ayant tout à la fois qualité et compétence pour constater le respect par les commerciaux des objectifs fixés, la salariée est fondée en sa demande à concurrence de la somme de 12 880 euros à laquelle s'ajoutent les congés payés afférents.
Sa créance sera inscrite au passif de la SA César.
Sur la prime pour l'année 2012 :
Pour cet exercice, les objectifs n'ont pas été fixés par l'employeur. Il incombe en conséquence au juge de la fixer.
Par ailleurs dans la mesure où une prime sur objectifs constitue une part variable de la rémunération en contrepartie de son activité en sorte qu'elle s'acquiert au fur et à mesure si bien qu'en cas de départ antérieurement au versement de la prime, la salariée peut prétendre à son paiement au prorata de son temps de présence.
Dans ces conditions, la cour arrête le montant de la prime à la somme de 8166 euros, outre les congés payés afférents.
Sur le remboursement des frais :
Il est exact que la salariée a travaillé jusqu'au 7 octobre 2011 et a exposé des frais.
Toutefois, elle a perçu une avance sur frais lors de la remise du solde de tout compte et la cour ne dispose pas des justificatifs de nature à lui permettre de vérifier si la dite avance n'a pas couvert les frais allégués.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
La salariée allègue du préjudice subi à défaut pour elle d'avoir pu obtenir les documents pourtant réclamés et de nature à lui permettre de vérifier le calcul de sa rémunération et en sollicite réparation.
La difficulté rencontrée pour obtenir les documents nécessaires à la vérification des sommes à lui revenir est à l'origine d'un préjudice avéré que la cour arrête à la somme de 1200 euros.
Sur l'opposabilité du présent arrêt aux CGEA AGS IDF :
Il est exact que la SA César a bénéficié d'un plan de redressement.
Cependant s'il résulte des articles L.622-21, L.622-22 et L.621-126 du code de commerce que les instances en cours devant la juridiction prudhommale à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire, ne sont pas suspendues mais sont poursuivies en présence du mandataire judiciaire, de l'administrateur le cas échéant, ou du commissaire à l'exécution du plan, ou ceux-ci dûment appelés, la procédure ne peut tendre qu'à la fixation du montant des créances qui, en raison de leur origine antérieure au jugement d'ouverture, restent soumises, même après l'adoption du plan de redressement par cession ou continuation, au régime de la procédure collective.
A l'exclusion du préjudice résultant de la difficulté rencontrée par la salariée pour obtenir la remise des documents nécessaires à la vérification des sommes à lui revenir postérieurement à son licenciement et que la cour a reconnu dans son principe et son montant par le présent arrêt, et de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les autres créances doivent être inscrites au passif de la dite procédure.
Elles seront opposables au CGEA AGS IDF qui ne devra toutefois sa garantie qu'à titre subsidiaire en cas de défaillance de la SA César.
Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité commande d' accorder à Mme [X] une indemnité de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par elle en cause d'appel.
La SA César qui succombe dans la présente instance sera condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement et publiquement
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en remboursement des frais professionnels
Le confirme sur ce point,
Statuant à nouveau,
Fixe la créance de Mme [X] au passif du redressement judiciaire de la SA César aux sommes suivantes :
-12 880 euros au titre de la rémunération variable pour l'exercice 2010-2011, outre les congés payés afférents,
-8166 euros au titre de la rémunération variable pour l'exercice 2011-2012 outre les congés payés afférents,
-374,96 euros au titre du remboursement des frais professionnels,
Déclare le présent arrêt opposable aux CGEA AGS IDF qui ne devra sa garantie qu'à titre subsidiaire pour les seules créances fixées au passif du redressement judiciaire dans la limite du plafond 6,
Condamne la SA César à verser à Mme [X] les sommes suivantes :
-1200 euros en réparation du préjudice résultant de la résistance à verser des documents de nature à permettre de vérifier la pertinence du solde de tout compte,
-2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA César aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT