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20/03/2015 | FRANCE | N°13/23719

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 20 mars 2015, 13/23719


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 20 MARS 2015



(n° 2015- 79 , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23719



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2013 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 11/18335





APPELANTES



Madame [V] [C]

Née le [Date naissance 2].1980 à [Localité 8]

[Adresse 6]r>
[Localité 2]



SA FILIA-MAIF

N° SIRET : B 341 672 681

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représentées par Me Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : J076





INTI...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 20 MARS 2015

(n° 2015- 79 , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/23719

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2013 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 11/18335

APPELANTES

Madame [V] [C]

Née le [Date naissance 2].1980 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 2]

SA FILIA-MAIF

N° SIRET : B 341 672 681

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentées par Me Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : J076

INTIMÉES

Madame [J] [T] [M]

Née le [Date naissance 1].1968 à la [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 4]

SA LA MÉDICALE DE FRANCE

N° SIRET : 582 068 698

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentées par Me Hélène FABRE de l'Association Hélène FABRE, Carole SAVARY, Patricia FABBRO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0124

Assistées de Me Virginie JAUBERT de l'Association FABRE, SAVARY, FABBRO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0124

La CPAM DES COTES D'ARMOR

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R295

Assistée de Me Mylène BARRERE de la SELARL BOSSU ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque R 295

Mutuelle MGEN FILIA

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 3]

Défaillante. Régulièrement avisée.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été appelée le 12 février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame [B] [M], présidente de chambre

Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Malika ARBOUCHE

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame [B] [M], président et par Mme Malika ARBOUCHE, greffière.

----------------------

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [V] [C] a consulté le Docteur [J] [M], chirurgien-dentiste en février 2004 pour avis en vue d'une reconstruction prothétique.

L'examen clinique a révélé une usure importante des couronnes dentaires au niveau du maxillaire et à la mandibule en raison d'un bruxisme nocturne.

Le Docteur [M] qui s'est dite en mesure de dispenser elle-même le traitement prothétique, a proposé à Mme [C], qui a accepté, une reconstitution de sa dentition par couronnes céramo-céramiques, alliée au port d'une gouttière nocturne ainsi qu'un traitement parodontal consistant en une élongation corono-radiculaire de 13 à 23 -laquelle a été pratiquée par le docteur [Q]

Le Docteur [M] a conçu un plan de traitement en trois temps : dévitalisation des racines de toutes les dents puis réalisation de prothèses provisoires associées à des gouttières de surélévation et enfin, mise en place de couronnes prothétiques en céramo-céramique avec chape en Zircone sur l'ensemble de la denture.

Le traitement commencé en mars a été achevé en novembre 2004 mais des descellements et fractures récurrentes de couronnes céramiques sont apparus dès le mois de février suivant.

Après avoir ponctuellement procédé à des rescellements et au remplacement des couronnes fracturées, le docteur [M] a, en accord avec sa patiente, pris la décision fin 2005 de refaire l'ensemble du traitement à titre gracieux et a opéré en mars 2006 le remplacement de toutes les couronnes faisant alors le choix de couronnes de type céramo-métallique.

Cependant, des infiltrations carieuses et de nouvelles fractures sont apparues rapidement, entraînant la dépose des prothèses maxillaires postérieures et la pose de bridges provisoires en mai 2007 dans l'attente de la réalisation de nouvelles prothèses.

Les soins ont ensuite été interrompus jusqu'en octobre 2008 en raison selon les dires de Madame [C] à l'époque domiciliée en Bretagne, d'une impossibilité de se déplacer à [Localité 9] du fait d'une fin de grossesse difficile puis de l'allaitement de l'enfant.

Elle en a informé le docteur [M] par téléphone qui lui a conseillé de consulter sur place en cas de descellement ce que Mme [C] a fait à plusieurs reprises auprès du docteur [S].

Lorsque le docteur [M] a revu Madame [C] en consultation le 28 novembre 2008, elle a constaté une détérioration très importante de son état bucco-dentaire, de nombreuses dents naturelles servant de supports aux prothèses, étant cariées.

Le Docteur [M] a alors adressé Mme [C] au docteur [W] pour un avis implantaire. Ce praticien assisté du docteur [K] a examiné Madame [C] le 16 décembre 2008 et, le 23 suivant, les deux chirurgiens-dentistes lui ont adressé un avis écrit par lequel ils confirment la nécessité de reprendre dans sa globalité le traitement prothétique de ses arcades supérieure et inférieure.

La société MÉDICALE DE FRANCE assureur du Dr [J] [M] tardant à l'indemniser, Mme [C] a saisi son propre assureur, la société FILIA-MAIF, afin qu'elle lui fournisse une assistance juridique et technique ce qu'elle a fait en mandatant le docteur [G] [Y] aux fins d'expertise amiable.

Au vu de ce rapport d'expertise, et après plusieurs réclamations de Mme [C], la MÉDICALE DE FRANCE lui a offert la somme de 5 000 € qu'elle a refusée.

Saisi par Mme [C], le juge des référés a nommé le docteur [L] [A] en qualité d'expert selon ordonnance du 16 avril 2010.

Le rapport d'expertise a été déposé le 23 juin 2010.

Par ordonnance du 6 janvier 2012, rectifiée en date du 17 février 2012, le président

du tribunal de grande instance de Paris statuant en référé a condamné in solidum le

docteur [M] et la MÉDICALE DE FRANCE à payer à Madame [C] la

somme provisionnelle de 40.530 € en réparation de son préjudice (soit 37.350 € correspondant au montant des travaux nécessaires à la consolidation de son état et 3.000 € au titre de son préjudice esthétique et des souffrances endurées), outre la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles et les dépens.

C'est dans ces conditions que Madame [C] a saisi le Tribunal de Grande Instance de PARIS d'une action au fond tendant à obtenir la condamnation des concluants à lui payer les sommes suivantes:

-79.036,89 € pour le préjudice résultant du coût des soins et traitements préparatoires et réparatoires nécessaires,

-1.500 € par mois au titre du préjudice résultant de la perte de gains professionnels subies de janvier 2005 jusqu'à la consolidation de son état, soit la date d'achèvement des soins et traitements réparatoires nécessaires,

-5.000 € en réparation des souffrances endurées,

-3.500 € en réparation du préjudice esthétique,

-4.000 € en réparation du préjudice d'agrément,

-54.000 € au titre des frais financiers à échoir.

La MAIF subrogée dans les droits de Madame [C] sollicitait, quant à elle, le paiement de la somme de 1.751,90 €.

Le 28 octobre 2013, le tribunal de grande instance de Paris statuant au fond a rendu

un jugement dont le dispositif est le suivant :

« DIT que le docteur [J] [M] a commis une faute à l'origine des préjudices subis par madame [V] [C] et la condamne à indemniser cette dernière in solidum avec son assureur la MEDICALE DE France, des préjudices en lien avec cette faute ;

SURSOIT A STATUER sur la liquidation définitive des différents préjudices subis par madame [V] [C], la demande de la FILIA-MAIF et la détermination de la créance de la CPAM des COTES D'ARMOR dans l'attente de la réalisation des soins dentaires de reprise permettant la consolidation de son état ;

ORDONNE le retrait du rôle et dit que la présente affaire pourra être réinscrite à la demande de la partie la plus diligente lorsque la cause du sursis aura disparu ;

RESERVE les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

DIT le jugement commun à MGEN Filia. » .

Pour l'essentiel, le tribunal de grande instance de Paris a retenu la responsabilité du Docteur [M] au titre de fautes commises et non contestées, telles que mises en évidence par l'expert judiciaire ( manquements prothétiques et conséquences mécaniques) et a exclu toute responsabilité dans l'aggravation de l'état dentaire de Madame [C] durant la période d'interruption des soins de mai 2007 à novembre 2008.

Mme [C] et la SA FILIA-MAIF ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 10 décembre 2013.

Selon conclusions signifiées le 7 mars 2014, Mme [C] et son assureur, la société FILIA-MAIF demandent à la cour à titre principal d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

-Déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM des Côtes d'Armor et à la MGEN Filia ;

-Condamner in solidum le docteur [J] [M] et la société LA MÉDICALE DE

FRANCE à payer à Madame [V] [C] :

- en deniers et quittances, la somme de 79.036,89 € en réparation du préjudice résultant du coût des soins et traitements préparatoires et réparatoires nécessaires ;

-une indemnité de 1.500 € par mois à compter de janvier 2005 jusqu'à la date de consolidation de son état, soit la date d'achèvement des soins nécessaires, en réparation du préjudice résultant de la perte de gains professionnels subie ;

-en deniers et quittances, la somme de 8.000 € en réparation des souffrances endurées ;

-en deniers et quittances, la somme de 3.500 € en réparation du préjudice esthétique ;

-la somme de 4.000 € en réparation du préjudice d'agrément ;

-la somme de 54.000 € en réparation du préjudice résultant des frais financiers à échoir ;

-Assortir les sommes allouées à Madame [V] [C], toutes causes de préjudices confondues, des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation ;

-Condamner in solidum le docteur [J] [M] et la société LA MEDICALE DE

FRANCE à payer à la société FILIA-MAIF, subrogée dans les droits de Madame [V]

[C], la somme de 1.751,90 € et ce, avec les intérêts au taux légal à compter

de la date de délivrance de l'assignation ;

-Ordonner la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

A titre subsidiaire, les appelantes sollicitent de la cour qu'elle :

-infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en date du

28 octobre 2013 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a été ordonné un sursis

à statuer ;

-déclare l'arrêt à intervenir commun à la CPAM des Côtes d'Armor et à la MGEN Filia ;

-condamne in solidum le Docteur [J] [M] et la société LA MÉDICALE DE

FRANCE à payer à Madame [V] [C], en deniers et quittances, avec intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation et capitalisation, la somme de 79.036,89 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du coût des soins et traitements préparatoires et réparatoires nécessaires et la somme de 54.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des frais financiers à échoir ;

-confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en date du

28 octobre 2013 en ce qu'il a été sursis à statuer sur la liquidation définitive des

préjudices subis par Madame [V] [C] et la demande de FILIA-MAIF, dans l'attente de la réalisation des soins dentaires de reprise permettant la consolidation de l'état de Madame [V] [C].

En tout état de cause, elles demandent :

-la condamnation in solidum du docteur [J] [M] et la société LA MÉDICALE DE FRANCE à leur payer la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

-leur condamnation in solidum aux dépens de première instance et d'appel, en ce

compris les frais d'expertise judiciaire et les dépens de la procédure de référé

expertise, dont distraction au profit de la SCP SAIDJI & MOREAU en application des

dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [C] et la société FILIA-MAIF reprochent aux premiers juges de s'en être tenus exclusivement aux conclusions de l'expert judiciaire sans répondre aux contestations qu'elles avaient soulevées.

Les appelantes soutiennent que la majeure partie des actes et traitements réalisés par le docteur [M] n'était nullement justifiée, ce que confirment les conclusions du docteur [Y] mandaté par l'assureur, que le chirurgien-dentiste est tenu d'une obligation de résultat quant à la fourniture d'une prothèse apte à rendre le service que le patient peut légitimement en attendre, qu'en choisissant d'utiliser de la zircone en remplacement d'une infrastructure en métal, le docteur [M] a fait une erreur d'appréciation clinique et que ces manquements dans la pose des prothèses sont à l'origine des fractures répétitives du matériau cosmétique, de la fracture de la dent 11 et des descellements récurrents.

S'agissant des soins prodigués à Mme [C], elles font valoir que le Dr [J] [M] a manqué de prudence clinique en choisissant de réaliser et sceller les prothèses en un seul temps (approche globale) alors que l'approche sectorielle permet au praticien de corriger à temps ses éventuelles erreurs dans l'établissement de la morphologie fonctionnelle des prothèses.

Enfin, Mme [C], avec son assureur, affirme que le Dr [J] [M] a manqué à son obligation d'information et de conseil causant ainsi l'aggravation progressive de son état dentaire et en conséquence son état actuel. Elle reproche au docteur [M] de ne pas lui avoir proposé de consulter pour avis un praticien plus spécialisé et expérimenté, alors qu'au surplus, elle était venue la consulter pour une demande d'orientation vers d'autres spécialistes et non pour des soins, de ne pas l'avoir avertie des conséquences dommageables, notamment de favoriser la progression rapide des caries, de l'emploi régulier du FIXODENT qu'elle a été contrainte d'utiliser pendant sa grossesse et après la naissance pour recoller les bridges provisoires et enfin, de ne pas avoir attiré son attention sur la nécessité de reprendre le traitement prothétique en cours durant son congé maternité, lui proposant tout au contraire de reporter ces soins en septembre 2008 et en préconisant l'usage du FIXODENT dans l'attente.

Mme [C] et son assureur font valoir que le docteur [M] est mal fondé à opposer à sa patiente la responsabilité de l'absence de soins de juin 2007 à septembre 2008 alors que d'une part si le dentiste avait correctement effectué son travail prothétique, elle n'aurait subi aucun dommage pendant son congé maternité et d'autre part, elle était dans l'impossibilité de se rendre à [Localité 9] pour reprendre le traitement, mais a cependant sollicité des soins auprès du docteur [S] en Bretagne, soins qu'elle a été contrainte d'arrêter pour des motifs financiers.

Sur l'indemnisation des préjudices, Mme [C] et la société FILIA-MAIF sollicitent la condamnation in solidum du Dr [J] [M] et de son assureur, la société MEDICALE DE FRANCE, à prendre en charge l'ensemble des travaux prothétiques et des soins réparatoires nécessaires, y compris la réfection des anciennes reconstitutions sur les dents 43-42-41-32 qui seule permettra de trouver une occlusion équilibrée de l'avis du docteur [W] qui consulté à la demande du docteur [M], a établi des devis. Mme [C] met l'accent sur son état dentaire qui l'a empêchée de travailler dans son domaine d'activité (commerce d'antiquités-brocante) impliquant des contacts avec la clientèle, et qui a entraîné pour elle la perte de gains professionnels à hauteur de 1 500 € par mois depuis le moins de janvier 2005 jusqu'à la date de consolidation qui correspondra à la fin du traitement réparatoire. Enfin, elle soutient que pendant la durée du traitement, elle sera contrainte de loger à [Localité 9] avec son fils en présence de sa mère pour le garder et que de ce fait, les intimés doivent supporter le coût d'une location de 1 500 € par mois pendant trois ans (54 000 €).

A titre subsidiaire, si la cour devait estimer que la liquidation des préjudices corporels et la demande de la société FILIA-MAIF ne peuvent intervenir qu'après consolidation, soit les soins et traitements effectués, Mme [C] et son assureur sollicitent l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 79 036,89 € correspondant au coût du traitement et de 54 000 € représentant les frais financiers.

Par conclusions signifiées le 6 mai 2014, le Dr [J] [M] et la société MÉDICALE DE FRANCE demandent à la cour de :

-Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il a exclu toute

responsabilité du Docteur [M] concernant l'aggravation de ses préjudices liée à l'interruption du traitement à compter de mai 2007, conformément aux conclusions de l'expert et en ce qu'il a sursis à statuer sur la liquidation définitive des préjudices de Madame [C], de la FILIA-MAIF et de la CPAM dans l'attente de la consolidation de l'état de Madame [C] ;

A défaut,

-Renvoyer l'examen du bien-fondé des demandes indemnitaires de Madame

[C], de la FILIA-MAIF et de la CPAM devant le tribunal de grande instance de Paris en application du principe du double degré de juridiction ;

-Condamner en tout état de cause la société FILIA-MAIF à payer à la société MÉDICALE DE FRANCE une somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Maître Hélène FABRE, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code ;

A titre subsidiaire,

-Limiter l'indemnisation de Madame [C] aux postes de préjudices retenus par l'expert judiciaire ;

-Limiter la prise en charge des soins réparateurs à la somme de 37.530 € dont les

remboursements effectués par les organismes sociaux et complémentaires devront être déduits ;

-Rejeter les demandes indemnitaires au titre de la perte de gains professionnels et des frais financiers ;

-Prendre acte du fait que LA MEDICALE n'est pas opposée à indemniser Madame

[C] de ses préjudices extrapatrimoniaux à hauteur des demandes qu'elle formulait en première instance et donc comme suit:

- 5.000 € au titre des souffrances endurées,

- 3.500 € au titre du préjudice esthétique,

- 4.000 € au titre du préjudice d'agrément.

-Prononcer les condamnations susceptibles d'intervenir à l'encontre des concluants en

deniers ou quittances afin de tenir compte de la provision d'ores et déjà versée à Madame [C] à hauteur de 40.530 € ;

-Débouter Madame [C] de ses plus amples demandes ;

-Débouter en l'état la FILIA-MAIF de ses demandes ;

-Débouter en l'état la CPAM de ses demandes formulées à hauteur de 5.162,63 €.

Pour l'essentiel, le Dr [J] [M] et LA MÉDICALE DE FRANCE affirment que l'expert judiciaire a formulé des hypothèses et procédé par exclusion sans émettre la moindre certitude quant à l'origine de l'échec prothétique, se contentant de retenir sans démonstration des erreurs et sous estimations imputables au Dr [J] [M] de sorte que la faute du praticien au sens de l'article L1142-1 du code de la santé publique n'est pas établie. Ils font observer qu'en tout état de cause, l'expert a exclu que le choix du matériau (zircone) puisse être à l'origine de l'échec prothétique et que l'aggravation intervenue à compter de mai 2007 puisse relever de la responsabilité du Dr [J] [M]. Sur ce dernier point, ils relèvent que Mme [C] a interrompu les soins pour raisons de santé et convenances personnelles, qu'elle n'a pas informé son dentiste de l'évolution de son état dentaire pendant cette période d'interruption des soins et que s'agissant du FIXODENT, elle l'a appliqué sur le long terme sans en connaître les conséquences médicales alors que le chirurgien-dentiste n'a pu lui faire qu'une recommandation ponctuelle à durée très limitée.

Le Dr [J] [M] répond qu'à la date de l'interruption du traitement, il n'existait plus aucune infiltration carieuse (radiographie du 23 mars 2007 analysée par l'expert judiciaire), que l'aggravation de l'état de la patiente n'a commencé qu'après l'arrêt de ses consultations chez le docteur [S], que Mme [C] avait déjà été mise en garde contre les risques de l'usage du FIXODENT lors des premiers descellements en 2006, qu'il lui a été laissé l'opportunité de consulter d'autres praticiens, notamment avant la 3ème réhabilitation prothétique, son entier dossier médical lui ayant été remis mais que Madame [C] n'a pas souhaité changer de praticien.

La société MÉDICALE DE FRANCE déclare que malgré l'absence de faute démontrée à l'origine de l'échec prothétique, elle est disposée à indemniser Mme [C] dans la limite des conclusions de l'expert judiciaire et qu'elle n'entend donc pas contester le jugement querellé concernant la part de responsabilité qui a été imputée à son assurée.

S'agissant de l'indemnisation des préjudices, les intimées rappellent que l'état de Mme [C] n'est toujours pas consolidé alors que les travaux de réparation auraient pu être réalisés grâce à la provision qui lui a été allouée et concluent au renvoi des demandes indemnitaires devant le tribunal de grande instance de Paris qui a sursis à statuer et reste donc saisi de ces demandes.

A titre subsidiaire, le Dr [J] [M] et son assureur s'opposent à l'indemnisation des dommages liés à l'aggravation de l'état dentaire de Mme [C] pendant l'interruption des soins, et disent qu'il n'y a lieu de retenir que l'indemnisation des actes réparateurs et conservateurs prévus par l'expert judiciaire, à l'exclusion de la pose d'un implant sur la dent n°11. Ils refusent d'indemniser la perte de gains professionnels alléguée mais non justifiée, ainsi que les frais financiers futurs qui relèvent d'un choix personnel de Mme [C] de se faire soigner par le docteur [W] à [Localité 9] alors qu'elle vit en Bretagne.

S'agissant des autres postes de préjudices, la société MEDICALE DE FRANCE fait des offres d'indemnisation.

Les intimées soutiennent que les demandes de la MAIF ont aussi fait l'objet d'un sursis à statuer et subsidiairement que l'imputabilité des dépenses n'est pas justifiée. Elles constatent que la CPAM des Côtes d'Armor n'a pas interjeté appel du jugement qui a prononcé un sursis à statuer sur la détermination de sa créance dans l'attente de la consolidation de sorte que le jugement doit être confirmé sur ce point et à défaut, soutiennent que la CPAM ne justifie pas du détail de sa créance et doit de ce fait être déboutée de sa demande de remboursement.

Selon conclusions signifiées le 15 avril 2014, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Côtes d'Armor déclare s'en rapporter à justice sur l'appel de Mme [C] et demande, si la cour devait estimer que le Dr [J] [M] est responsable de l'aggravation de l'état dentaire de Mme [C], la condamnation in solidum du Dr [J] [M] et de la société MEDICALE DE FRANCE :

- à lui verser à titre de provision la somme de 5 631,93 €, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, dans l'attente de la consolidation de l'état de la victime ;

-aux dépens dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

-à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La mutuelle MGEN FILIA, régulièrement assignée à personne, n'a pas comparu.

L'ordonnance clôturant l'instruction de l'affaire a été rendue le 8 janvier 2015.

MOTIFS DE LA DECISION :

Mme [V] [C] et son assureur, la société FILIA-MAIF, sollicitent de la cour qu'elle infirme le jugement en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu'il a sursis à statuer sur la liquidation définitive des préjudices de Madame [C], de la FILIA-MAIF et de la CPAM dans l'attente de la consolidation de son état.

A défaut, elles concluent au renvoi des demandes indemnitaires de Madame [C], de la FILIA-MAIF et de la CPAM devant le tribunal de grande instance de Paris en application du principe du double degré de juridiction.

Toutefois, du fait de l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la cour saisie d'un appel total de statuer sur l'entier litige, y compris sur les demandes qui ont fait l'objet d'un sursis à statuer prononcé par les premiers juges, sans que les parties en cause d'appel puissent lui reprocher de les priver d'un degré de juridiction.

Les professionnels de santé, dont les chirurgiens-dentistes, tenus d'apporter à leurs patients des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science à la date de leur intervention, sont responsables en application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique des conséquences dommageable de leurs actes de soins en cas de faute prouvée, la victime devant établir l'existence d'un manquement du praticien à son obligation de moyens en lien de causalité direct et certain avec le dommage subi.

Dès lors, si le chirurgien dentiste est tenu d'une obligation de résultat s'agissant de la fourniture d'une prothèse dont la fabrication est un acte technique en principe dépourvu d'aléa, il ne répond qu'à une obligation de moyens lors de la conception de la prothèse puis des soins nécessaires à la pose.

L'expert judiciaire, le docteur [A], a conclu son rapport déposé le 23 juin 2010 en ces termes:

« -Les soins et traitements proposés et réalisés par le Dr [M] étaient justifiés et parfaitement adaptés à la situation clinique présentée par la plaignante.

-Plusieurs devis écrits ont été proposés et acceptés par la plaignante ('). Il n'y a pas de contestation sur les honoraires. Madame [C] nous dit avoir été informée oralement et de manière compréhensible sur la stratégie et les étapes de son traitement.

-Les soins dispensés par le Docteur [M] ont été attentifs, consciencieux et conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale de l'époque. Toutefois, certaines décisions prothétiques du Dr [M] présentent des imprudences qui ont un lien direct et certain avec les séquelles prothétiques présentées par la demanderesse.

-Si la responsabilité du Dr [M] est engagée concernant les manquements prothétiques et leurs conséquences mécaniques, il ne nous paraît pas équitable de retenir à son encontre une responsabilité dans l'aggravation de l'état de la denture de Madame [C].

-Aucun certificat médical ne nous a été remis. Nous proposons un ITT et un ITP = 0

-La consolidation n'est pas acquise. La date de consolidation sera fixée dès que le traitement nécessaire aura été réalisé, à savoir dans un délai de 12 à 18 mois.

-Compte tenu de la discussion précédente, nous proposons que le Quantum Doloris ne soit pas qualifié d'un terme inférieur à léger à modéré soit 2,5/7.

-Il y a lieu de retenir un préjudice esthétique compte tenu des nombreuses

fractures des restaurations prothétiques. Nous proposons un préjudice esthétique = 2,5/7.

-Il y a lieu de retenir un préjudice d'agrément compte tenu des nombreuses

réfections et descellements de prothèses.'

Aux termes de ce rapport , l'expert relève que les déclarations des parties sont concordantes quant au déroulement des faits.

Il est par ailleurs acquis aux débats que, conformément à l'avis de l'expert qui a analysé avec rigueur le plan de traitement adopté et mis en oeuvre par le Dr [J] [M], les soins prothétiques dispensés à Mme [V] [C] étaient justifiés et adaptés à la situation clinique présentée à l'époque par la patiente.

Enfin, il n'est ni contesté ni même allégué que les prothèses posées lors de l'intervention initiale (couronnes céramo-céramiques avec chape en Zircone) puis lors de la première reprise (couronnes céramo-métalliques) et enfin les bridges provisoires posés en troisième intention en mai 2007 comportaient des défauts techniques.

S'agissant de la mise en oeuvre du traitement, l'expert judiciaire a conclu que la démarche académique a été suivie pour les travaux préliminaires et la cour retient qu'au vu de la littérature publiée et des recommandations disponibles à l'époque des faits, le choix de prothèses utilisant de la Zircone ne peut être imputé à faute au Dr [J] [M].

Mme [V] [C] qui a consulté le Dr [J] [M] en raison d'une usure importante des couronnes dentaires au niveau du maxillaire et de la mandibule, usure due à un bruxisme nocturne important et qui, de l'avis même du praticien, présentait un état de santé fragile, était en droit d'attendre du chirurgien-dentiste que la conception des prothèses et leur mise en place soient adaptées à son état parodontal et notamment qu'elles tiennent compte de ce phénomène de bruxisme et en corrigent les effets.

Or, il est constant et reconnu par Madame le Dr [J] [M] elle-même que la réparation prothétique réalisée sur Mme [V] [C] a été un échec, à telle enseigne que constatant des fractures et des descellements de prothèses, elle a décidé à deux reprises de refaire intégralement et gratuitement l'installation prothétique.

Il doit alors être relevé que loin d'améliorer l'état dentaire de Mme [V] [C], la première reprise qui a consisté à remplacer les couronnes avec chapes en Zircone par des couronnes céramo-métalliques sans modification de la conception des travaux prothétiques a contribué à aggraver la situation dès lors que sont apparues, à la suite de ce nouveau traitement, de nouvelles fractures des prothèses mais aussi des infiltrations carieuses.

Ainsi, à l'instar de l'expert judiciaire dont le raisonnement intellectuel n'est combattu par aucun élément technique contraire, la cour retient que cet échec de réhabilitation de l'état parondontal résulte nécessairement d'une sous estimation de l'importance et de l'évolution possible du bruxisme nocturne de Mme [V] [C] compte tenu de son état de santé général, et d'un mauvais respect des rapports d'inclusion mandibulo-maxillaire.

Or, en ne sollicitant pas l'avis d'un autre praticien dès l'échec du premier traitement, en ne remettant pas en cause son plan de traitement, la reprise étant effectuée sur des bases identiques avec seule modification de la composition des couronnes et de leur aspect esthétique et en ne faisant pas appel à un spécialiste de la reconstitution prothétique en présence de bruxisme à la suite des dégâts constatés après cette reprise, le Dr [J] [M] qui a fait le choix certes acceptable selon les règles de l'art en vigueur à l'époque d'une approche globale des travaux parodontaux alors qu'une approche sectorielle aurait été plus prudente devant une réhabilitation d'une telle ampleur, a manqué à son obligation de moyens telle que prévue à l'article L 1142-1 du code de la santé publique.

Force est d'ailleurs de constater que le Dr [J] [M] a reconnu son échec, proposant de refaire le traitement gratuitement à deux reprises et saisissant son assureur du dommage.

Après l'annonce par Mme [V] [C] de sa grossesse en mai 2007 et de son intention d'interrompre le traitement jusqu'à la naissance en décembre, le Dr [J] [M] lui a posé des bridges provisoires et conseillé d'aller consulter chez un praticien proche de son domicile en Bretagne en cas de descellement.

Il ne fait aucun doute que cette interruption dans le traitement décidée par Madame [C] en raison d'une grossesse difficile n'a pas rencontré d'opposition de la part du docteur [M]. A cette date, au vu des éléments du dossier, notamment de la radiographie du 23 mars 2007, Mme [V] [C] ne présentait pas de lésions carieuses radiologiquement visibles.

Puis, après la naissance de l'enfant, Mme [V] [C] a rappelé le chirurgien-dentiste pour lui annoncer sa décision de reporter la reprise des soins ; en octobre 2008, elle a sollicité et obtenu un nouveau rendez-vous pour le 28 novembre 2008. Le Dr [J] [M] a alors constaté une aggravation importante de l'état bucco-dentaire de Mme [V] [C], en raison du fait que de nombreuses dents naturelles, supports des prothèses, étaient cariées.

Selon ses déclarations à l'expert judiciaire lequel a expressément noté que 'la reconstitution des faits a été validée de manière contradictoire par les deux parties lors de la réunion d'expertise' (23 juin 2010), le Dr [J] [M] expose qu'elle a été prévenue en décembre 2007 par Mme [V] [C] de son souhait de reporter les soins au printemps, que sa patiente lui a indiqué qu'elle refixait régulièrement les bridges supérieurs antérieur et supérieur droit en employant du Fixodent et s'est plainte de ce qu'à la mandibule, les dents sous les prothèses seraient très cariées.

Aux termes de l'article L 1111-2 du code de la santé publique, le professionnel de santé doit informer son patient des différentes investigations, traitements ou actes de soins qui lui sont proposés, de leur utilité, de leurs conséquences et des risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que des autres solutions possibles et des conséquences prévisibles en cas de refus ; l'information donnée par le praticien à son patient doit être loyale, claire et appropriée.

La charge de prouver, par tous moyens, qu'il a rempli son obligation incombe au professionnel de santé.

Or, force est de constater qu'en l'espèce, le Dr [J] [M] n'établit pas avoir alerté Mme [V] [C] qui l'a appelée en décembre 2007 ni des risques encourus pour son état bucco-dentaire en l'absence de consultation dans les meilleurs délais afin pour le moins de traiter les caries ni de la contre indication à utiliser fréquemment du Fixodent pour resceller des bridges provisoires.

Mais, il ressort des éléments du dossier que Mme [V] [C] a pris la responsabilité d'interrompre son traitement, qu'elle savait que les prothèses posées en mai 2007 étaient provisoires, que pendant sa grossesse, elle a consulté le docteur [S], chirurgien-dentiste, à trois ou quatre reprises en raison de descellements de prothèses de sorte qu'elle avait conscience de l'inadaptation du traitement provisoire en place, qu'elle ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité de se déplacer au cabinet du Dr [J] [M] ni avoir consulté un chirurgien-dentiste proche de son domicile après janvier 2008 alors qu'elle se plaignait de caries.

Dans ces conditions, les manquements du Dr [J] [M] à son obligation de conseil ont fait perdre à Mme [V] [C] une chance de stopper la dégradation de ses dents et d'éviter un traitement plus lourd que la cour évaluera à 20% compte tenu du comportement négligent de la patiente.

Les manquements prothétiques du chirurgien-dentiste ayant conduit à l'échec de la réhabilitation, Mme [V] [C] est bien fondée à solliciter le remboursement du coût du traitement initial, soit la somme de 38 360 € proposée par l'expert judiciaire au vu des factures acquittées, représentant les honoraires payés au Dr [J] [M] après déduction des soins divers (remboursés par la sécurité sociale), des honoraires du docteur [Q] et du coût de la gouttière occlusale.

Le Dr [J] [M] devra aussi indemniser Mme [V] [C] en raison de la fracture de l'incisive 11 qui a été constatée à partir de février 2007, notamment sur une radiographie du 23 mars 2007, et qui est liée aux conséquences mécaniques du traitement. Au vu du devis présenté à l'expert judiciaire par le docteur [W], le coût de la réfection de cette dent par la pose d'un implant et d'un faux moignon prothétique s'élève à la somme de 1 890 €.

Toutefois, s'agissant de l'indemnisation des autres préjudices invoqués par Mme [V] [C] et de la demande formée par la CPAM des Côtes d'Armor aux fins de remboursement des frais de radiologie engagés et des soins dentaires futurs, force est de relever que Mme [V] [C] n'a pas fait faire les travaux de réhabilitation prothétique, alors même qu'une provision de 37 350 € lui a été versée à ce titre en exécution d'une ordonnance de référé en date du 6 janvier 2012, -outre une provision de 3 000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice esthétique et des souffrances endurées- et qu'en conséquence, son état bucco-dentaire n'est pas consolidé à ce jour.

Dès lors, les demandes définitives en réparation des dommages subis par la victime et en remboursement de la créance de la Sécurité Sociale ne peuvent prospérer, la cour devant surseoir à statuer dans l'attente de cette consolidation.

Toutefois, l'existence des préjudices personnels et de la perte de chance subis par Mme [V] [C] n'étant pas sérieusement contestable, il y a lieu d'accorder à l'appelante des provisions à valoir sur les indemnisations définitives qui seront arrêtées à la date de consolidation de Mme [V] [C].

S'agissant des préjudices personnels, les errements du chirurgien-dentiste dans le traitement, la longueur et l'inconfort des soins ainsi que les douleurs causées par les fractures et descellements de prothèses ont entraîné pour Mme [V] [C] des souffrances estimées à 2,5/7 par l'expert judiciaire.

Celle-ci a aussi subi un préjudice esthétique lié aux pose et dépose des prothèses et à la longueur du traitement. Ce préjudice temporaire dès lors que l'état de Mme [V] [C] n'est pas consolidé est fixé à 2,5/7 par l'expert judiciaire.

En raison de son jeune âge qui lui ouvre encore de nombreuses possibilités de loisir et de sport, Mme [V] [C] est en droit de réclamer une indemnisation au titre de son préjudice d'agrément lequel n'est pas contesté dans son principe par le docteur [M] et son assureur.

Ces préjudices personnels justifient qu'il soit accordé à Mme [V] [C] une provision à hauteur de 12 500 € à valoir sur leur indemnisation définitive.

Par ailleurs, Mme [V] [C] ne justifie pas de la nécessité d'entreprendre des soins à [Localité 9] auprès du docteur [W] nommément et en conséquence d'engager des frais de location et n'établit aucunement que les fautes imputables au praticien sont en lien direct avec sa situation professionnelle actuelle.

Dans ces conditions et au vu des pièces produites aux débats, notamment du devis établi par le docteur [W], la perte de chance subie par Mme [V] [C] de stopper les infections carieuses et d'éviter un traitement plus lourd doit donner lieu au versement de la somme provisionnelle de 7 000 €.

La société FILIA-MAIF subrogée dans les droits de son assurée sollicite la condamnation du Dr [J] [M] et de la société MÉDICALE DE FRANCE à lui verser la somme de 1 751,90 € au titre des frais de transport, affranchissements et examens médicaux justifiés qu'elle a remboursés à Mme [V] [C].

Au vu des justificatifs produits aux débats, ces frais ont été engagés pour les besoins de la procédure et remboursés à Mme [V] [C] au titre d'un contrat de garantie recours-protection juridique ; ils seront en conséquence examinés au regard de l'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des COTES D'ARMOR produit aux débats une attestation d'imputabilité portant sur des frais de radiologie du 14 octobre 2008 au 9 juin 2011 ( 469,30 € après déduction de la franchise) et des soins dentaires à réaliser ( 5 162,63 €).

Ces dépenses de santé liées à l'aggravation de l'état bucco-dentaire de Mme [V] [C] et qui ont vocation à être prises en charge par le docteur [M] et son assureur dans les limites de la perte de chance ne constituent pas une créance certaine et définitive, en l'absence de consolidation de Mme [V] [C] qui n'a encore entrepris aucun soin. Dans ces conditions, il ne sera pas accordé de provision à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie qui pourra faire valoir sa créance définitive lorsque les soins auront été dispensés.

Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur la liquidation des différents préjudices subis par Mme [V] [C], à l'exception de celui résultant de l'échec du traitement orthodentique et sur la détermination de la créance de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Côtes d'Armor dans l'attente de la réalisation des soins dentaires de reprise permettant la consolidation de son état ;

INFIRME le jugement en ses autres dispositions ;

et statuant à nouveau,

DIT que le Dr [J] [M] a commis des manquements dans l'exécution des soins prothétiques dispensés à Mme [V] [C] jusqu'en décembre 2007 ;

DIT que le Dr [J] [M] a manqué à son obligation d'information et de conseil lors de l'aggravation de l'état bucco-dentaire de Mme [V] [C] à partir de janvier 2008 entraînant pour cette dernière une perte chance fixée à 20% ;

DIT que le Dr [J] [M] et la société MÉDICALE DE FRANCE sont tenus in solidum à indemniser Mme [V] [C] des préjudices en lien avec ces fautes ;

CONDAMNE in solidum le Dr [J] [M] et la société MÉDICALE DE FRANCE à verser à Mme [V] [C] la somme de 40 250 € en réparation de son préjudice matériel sous déduction des sommes provisionnelles déjà allouées ;

CONDAMNE in solidum le Dr [J] [M] et la société MÉDICALE DE FRANCE à verser à Mme [V] [C] la somme provisionnelle de 19 500 € à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices personnels ( sous déduction des sommes déjà allouées à titre provisionnel) et de la perte de chance ;

DIT que les sommes indemnitaires produiront intérêts à compter des demandes en justice ;

DIT qu'il appartiendra à Mme [V] [C] de saisir à nouveau la justice aux fins d'indemnisation de ses préjudices définitifs, lorsque son état bucco-dentaire sera consolidé ;

CONDAMNE in solidum le Dr [J] [M] et la société MÉDICALE DE FRANCE à verser à Mme [V] [C] et à la société FILIA-MAIF la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum le Dr [J] [M] et la société MÉDICALE DE FRANCE aux entiers dépens d'appel dont distraction selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 13/23719
Date de la décision : 20/03/2015

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°13/23719 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-20;13.23719 ?
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