Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRET DU 20 MARS 2015
(n°50, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/25836
Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du 19 décembre 2014 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 3ème section - RG n°12/08600
APPELANT
M. [E] [Y]
Né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 4]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Eric BARBOLOSI, avocat au barreau de PARIS, toque D 1206
Assisté de Me Laëtitia MARICOURT-BALISONI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMEES
S.A. WHY NOT PRODUCTIONS, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 1]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 379 216 781
S.A.R.L. PAGE 114, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 3]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 484 011 911
Représentées par Me Michel MAGNIEN, avocat au barreau de PARIS, toque B 1020
S.A.S. CHIC FILMS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 2]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 442 525 606
non assignée et n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 février 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Véronique RENARD, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme Véronique RENARD a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente
Mme Sylvie NEROT, Conseillère
Mme Véronique RENARD, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Par défaut
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Monsieur [E] [Y], comédien et chanteur, a participé aux auditions en vue de l'obtention du rôle d'un prisonnier corse du nom de [I] dans le film 'Un Prophète' réalisé par Monsieur [U] [L].
Ce film est sorti en salles le 26 août 2009.
Lors de son audition le 2 avril 2008 à [Localité 5], il lui a été demandé d'interpréter l'hymne national corse, le ' Diu vi salvi Regina'.
Monsieur [Y] indique qu'en visionnant le film 'Un Prophète', à l'occasion de sa sortie en DVD, il a reconnu sa voix dans la bande-son off de la scène du transfert des prisonniers corses interprétant le ' Diu vi salvi Regina'.
Après l'envoi le 1er mars 2010, par l'intermédiaire de son conseil, d'une mise en demeure restée infructueuse, Monsieur [E] [Y] a, selon actes d'huissier des 26 et 30 avril 2012, fait assigner les sociétés WHY NOT PRODUCTIONS, CHIC FILMS et PAGE 114 en contrefaçon de droits voisins d'artiste interprète devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.
En cours de procédure, il a saisi le juge de la mise en état d'une demande d'expertise.
Par ordonnance du 18 octobre 2013, le juge de la mise en état a :
- institué une mesure de consultation et désigné pour y procéder Monsieur [M] [S], Chef d'escadron à l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) de [1], avec pour notamment mission, au vu uniquement des bandes sonores de :
- déterminer si l'état de compression des supports permet de mettre en oeuvre des moyens techniques d'identification de la voix,
- dire s'il existe sur les deux enregistrements des comptabilités suffisantes permettant de rechercher si le chant du 'Diu vi salvi Regina', à la 43ème minute du film 'Un Prophète', lors de la scène du transfert des prisonniers corses, contient la voix de Monsieur [Y], et le cas échéant, s'il s'agit des mêmes voix, sans qu'il soit besoin à ce stade de faire des examens complémentaires plus approfondis,
- dire si des examens complémentaires approfondis sont nécessaires et seraient utiles pour évaluer les coefficients de corrélations et de probabilités,
Monsieur [S], désigné en qualité de consultant, a remis le 1er août 2014 au juge de la mise en état une note aux termes de laquelle il indique que, s'agissant de l'enregistrement de question, le passage intéressant la consultation débute à la minute 43 du film, et que sa durée nette est de 15 secondes, plusieurs voix sont mélangées, et il est techniquement impossible de les séparer pour les comparer une à une avec la voix du demandeur sans nuire à la fiabilité des travaux, si les voix ont été enregistrées ensemble, la réalisation de la mission est impossible, si elles n'ont pas été enregistrées ensemble, il doit disposer des enregistrements et des pistes associées, il doit disposer d'un enregistrement de comparaison de 90 secondes minimum, et, pour modéliser l'inter- variabilité et normaliser les scores, d'une collection de référence d'un minimum de 35 enregistrements d'une durée supérieure ou égale à 90 secondes de 35 individus masculins corsophones de même tranche d'âge que le demandeur, chantant en langue corse, sans accompagnement, il doit en outre disposer, pour la fiabilité de l'analyse, d'une collection de validation de deux enregistrements par individu, avec un minimum de 15 individus masculins corsophones de même tranche d'âge que le demandeur, enfin que les spécificités du cas d'espèce ne lui permettent pas de garantir un résultat à l'issue des travaux.
Par ordonnance du 19 décembre 2015, le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de PARIS a constaté que la mission de consultation de Monsieur [S] a pris fin et dit n'y avoir lieu d'ordonner la mesure d'instruction complémentaire sollicitée par Monsieur [Y].
Monsieur [E] [Y] a interjeté appel de cette décision le 19 décembre 2014.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 6 février 2015, auxquelles il est expressément renvoyé, Monsieur [E] [Y] demande à la cour, au visa des articles 275 et 276 du code de procédure civile et 133 et 134 du nouveau code de procédure civile (sic), de :
- constater que l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 19 décembre 2014 a pour effet de mettre fin à l'instance,
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du 19 décembre 2014,
- maintenir (sic) les opérations d'expertises,
- contraindre les sociétés WHY NOT PRODUCTIONS et PAGES 1 14 à verser les pièces réclamées par l'expert judiciaire sous astreinte à la somme de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, jusqu'à la remise des pièces,
- condamner les sociétés WHY NOT PRODUCTIONS et PAGES 114 au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile (en réalité code de procédure civile) et aux entiers dépens.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 5 février 2015, auxquelles il est également expressément renvoyé, les sociétés WHY NOT PRODUCTIONS et PAGES 114 entendent voir, au visa des articles 776 et 272 du code de procédure civile, de :
- constater l'irrecevabilité de l'appel de Monsieur [E] [Y],
- débouter Monsieur [E] [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Monsieur [E] [Y] à payer à chacune d'entre elles la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de leur conseil conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel
Considérant qu'en réponse au moyen d'irrecevabilité de l'appel immédiat de l'ordonnance du juge de la mise en état du 19 décembre 2014 soulevé par les sociétés intimées, Monsieur [Y] réplique, au chapitre 'Déni de justice' de ses dernières écritures, que la teneur de ladite ordonnance constitue un motif grave et légitime lui permettant d'interjeté appel de cette ordonnance, et qu'une telle décision (rejetant une mesure d'instruction complémentaire) a pour effet de mettre fin à l'instance conformément à l'article 776 du code de procédure civile ;
Mais considérant que le premier moyen ne concerne pas l'appel ordinaire mais la procédure d'appel immédiat, sur autorisation du premier président de la cour, des décisions ordonnant sur une expertise ; que par ailleurs les incidents mettant fin à l'instance visés par l'article 771 1° du code de procédure civile sont ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du même code et n'incluent pas les décisions de rejet d'une demande d'expertise, ce d'autant qu'en l'espèce la procédure de première instance se poursuit devant le juge de la mise en état;
Considérant que l'article 776 du code de procédure civile dispose que les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond. Toutefois, elles sont susceptibles d'appel dans les cas et conditions prévus en matière d'expertise et de sursis à statuer ;
Que selon l'article 150 du même code, la décision qui ordonne ou modifie une mesure d'instruction ne peut être frappée d'appel ou de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi ; il en est de même de la décision qui refuse d'ordonner ou de modifier une mesure ;
Qu'enfin, l'article 272 du code de procédure civile, qui déroge au principe d'irrecevabilité de l'appel immédiat, indique que la décision ordonnant l'expertise peut être frappée d'appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président s'il est justifié d'un motif grave et légitime, procédure que Monsieur [Y] a d'ailleurs engagée concomitamment à la présente instance ;
Qu'il résulte de l'application combinée de ces textes qu'une décision refusant une mesure d'instruction complémentaire ne peut être frappée d'appel qu'avec le jugement statuant sur le fond ;
Que l'appel immédiat de Monsieur [E] [Y] doit par conséquent être déclaré irrecevable ;
Considérant que Monsieur [Y] sera condamné aux dépens de la présente instance, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Qu'en outre, il doit être condamné à verser aux sociétés WHY NOT PRODUCTIONS et PAGES 114, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits devant la cour alors que Monsieur [Y] a engagé et maintenu la présente procédure après avoir délivré le 19 janvier 2015 une assignation devant Madame le Premier Président de la cour conformément à l'article 272 du code de procédure civile précité, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme globale de 1.500 euros.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable l'appel de l'ordonnance rendue le 19 décembre 2014 par le juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de PARIS interjeté le 19 décembre 2014 par Monsieur [E] [Y].
Condamne Monsieur [E] [Y] à payer aux sociétés WHY NOT PRODUCTIONS et PAGES 114, ensemble, la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [E] [Y] aux entiers dépens de la présente instance, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente