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31/03/2015 | FRANCE | N°14/05436

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 31 mars 2015, 14/05436


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 31 MARS 2015



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05436



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/18017



DEMANDERESSE :



SCS BANQUE DELUBAC & CIE

prise en la personne de ses représentants légaux



[Adre

sse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : B1055

assistée de Me Olivier PARDO, Me Catherine B...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 31 MARS 2015

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05436

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mars 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/18017

DEMANDERESSE :

SCS BANQUE DELUBAC & CIE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : B1055

assistée de Me Olivier PARDO, Me Catherine BOULANGER et de Me Carine DUPEYRON, avocats plaidant du barreau de PARIS, toque : K 170 et toque : P 438

DÉFENDEURS :

Monsieur [L] [R] né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1] (Maroc)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0020

assisté de Me Maurice LANTOURNE, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : L 163

Monsieur [K] [X] né le [Date naissance 3] 1946 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représenté par Me Aliénor KAMARA-CAVARROC, avocat au barreau de PARIS, toque: A0961

Monsieur [E] [C] né le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 2] (Algérie)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me François BLANGY de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 janvier 2015, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :

Monsieur ACQUAVIVA, Président

Madame GUIHAL, Conseillère

Madame DALLERY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame PATE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.

Plusieurs différends ont opposé la Banque Delubac et Cie, établissement de crédit et prestataire de service d'investissement constitué sous forme de société en commandite simple, (la Banque) et la Caisse Fédérale du Crédit Mutuel Nord Europe (CFCMNE), devenue en 1993, associée commanditaire aux termes d'un accord de participation croisée.

Ces différends sont nés à l'occasion des négociations entamées en 1994 pour le rachat des titres de la compagnie d'assurances, La Pérennité acquis par la Banque aux termes de cet accord de participation.

La Banque faisait, en effet, grief à la CFCMNE d'avoir en 1997, alors que les négociations étaient en cours, conclu un accord confidentiel (dit Accord de Marrakech) avec deux autres établissements bancaires prévoyant de manière anticipée qu'elle leur céderait les titres en cours d'acquisition pour un montant de 201,6 millions de francs très largement supérieur aux sommes négociées avec la Banque Delubac pour les mêmes titres.

C'est dans ces conditions que trois arbitrages successifs ont été mis en oeuvre.

Par une première sentence arbitrale rendue le 19 septembre 2000, devenue irrévocable, la banque a obtenu la condamnation de la CFCMNE à lui a verser une indemnité de 129 millions de francs correspondant au prix qu'elle aurait pu obtenir de la vente de sa participation dans la compagnie La Pérennité au regard de l'Accord de Marrakech.

Par une sentence interprétative du 11 juillet 2002, le même tribunal arbitral a condamné la CFCMNE à s'acquitter des intérêts sur la somme versée aux termes de la première sentence.

Ayant appris en 2003 au terme d'une augmentation de capital de la société La Pérennité à laquelle elle n'avait pas souscrit, que la part détenue par l'un des établissements bancaires signataires de l'Accord de Marrakech s'élevait à 21,5% du capital, alors que la CFCMNE avait toujours soutenu que l'Accord de Marrakech avait fait l'objet d'une pleine exécution entre ses signataires, la Banque a mis en oeuvre le 6 octobre 2003 une troisième procédure arbitrale, réclamant notamment outre une indemnité de 715 millions d'euros en réparation du préjudice résultant de l'exécution de cet Accord, l'allocation de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée d'une part à son bon fonctionnement et à sa croissance, d'autre part à sa réputation du fait des nombreuses actions infondées engagées à son encontre et des manoeuvres dilatoires de la CFCMNE dans les opérations d'arbitrage.

Par une sentence rendue à Paris le 2 décembre 2008 assortie de l'exécution provisoire, le tribunal arbitral composé de Messieurs [C] et [R], arbitres et Monsieur [X], président, a condamné la CFCMNE à payer à la Banque la somme de 114 millions d'euros, assortis d'intérêts, les associés commandités intervenus volontairement ayant obtenu, par ailleurs, l'indemnisation de leurs préjudices personnels.

Sur le recours de la CFCMNE, cette cour a, par arrêt du 19 novembre 2009 devenu irrévocable, annulé cette sentence au motif que le tribunal avait statué sur convention expirée dès lors que la clause compromissoire ne stipulant aucun délai, la sentence arbitrale aurait dû, en l'absence de prorogation conventionnelle ou judiciaire, intervenir dans les six mois de la constitution du tribunal arbitral.

Appelée à statuer sur le fond du litige en application de l'article 1485 ancien du Code de procédure civile, cette cour a, par arrêt du 9 novembre 2010, ordonné avec l'accord des parties une médiation laquelle a abouti à la signature le 11 avril 2011, d'un protocole d'accord aux termes duquel:

- la Banque et les associés commandités concernés ont restitué à la CFCMNE l'intégralité du montant des dommages versés en exécution de la Sentence annulée ;

- la CFCMNE a versé à la Banque la somme de 40 millions d'euros 'en exécution de son devoir de soutien prévu par l'article L 511-42 du Code Monétaire et Financier';

- la CFCMNE a cédé aux trois associés commandités de la Banque la totalité de ses parts d'associé commanditaire, soit 20,01%, qu'elle détenait encore dans le capital social de la Banque contre le paiement de la somme de 2.800.000 euros.

Considérant que l'annulation de la sentence avait abouti in fine par l'effet de la faute caractérisée des arbitres à ce qu'elle n'obtienne pas les sommes qui lui avaient été accordées, la Banque Delubac a, par acte d'huissier des 30 novembre, 1er et 2 décembre 2011, fait assigner les trois arbitres devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité et réparation des préjudices subis.

Par jugement du 5 mars 2014, le tribunal, après avoir constaté le désistement de la société INTERHOLD, se présentant comme associée commanditaire de la Banque, a déclaré cette dernière irrecevable en sa demande et l'a condamnée à payer à chacun des arbitres une indemnité de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Suivant déclaration du 10 mars 2014, la Banque a relevé appel de cette décision, demandant à la cour aux termes de conclusions signifiées le 22 janvier 2015 de:

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu que la faute des intimés n'a pas été démontrée, ces derniers ayant statué dans le délai fixé conventionnellement,

Statuant a nouveau,

- dire que les intimés ont commis une faute ayant entraîné l'annulation de la Sentence du 2 décembre 2008 ;

- que les intimés ne bénéficient pas de l'immunité juridictionnelle dans le cadre de l'exécution de leur mission procédurale d'arbitres, leur obligation à ce titre étant de résultat;

- dire que les intimés ont engagé de ce fait leur responsabilité civile ;

En conséquence,

- dire recevables et bien fondées les demandes pécuniaires formulées à l'encontre des intimés, à la fois au titre de la restitution des honoraires exposés au titre de l'arbitrage et acquittés par la Banque Delubac, et au titre de l'indemnisation de son préjudice,

- rejeter la demande des intimés tendant à voir écartée toute solidarité entre eux,

- condamner in solidum les intimés à rembourser à la Banque le montant des honoraires perçus au titre de la procédure d'arbitrage pour un montant de 1.166.100 euros;

- condamner in solidum les intimés à rembourser à la Banque le montant des honoraires

de conseils, d'experts et autres frais exposés par cette dernière dans le cadre de la procédure d'arbitrage et de ses suites s'élevant à 3.875.000 euros ;

- dire que les intimés doivent in solidum indemniser la Banque de la perte de chance subie du fait de n'avoir pu conserver la réparation de son préjudice engendré par les agissements fautifs de la CFCMNE à son égard ;

- condamner in solidum les intimés à lui verser a minima 80% de la somme de 167.482.102,21 euros à titre de dommages-intérêts, augmentée des intérêts applicables ;

- condamner in solidum les intimés à verser chacun à la Banque la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner in solidum les intimés aux entiers dépens ;

Vu les conclusions signifiées le 26 décembre 2014 par le RPVA par Monsieur [X] aux termes desquelles il demande à la cour de :

* à titre principal,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 5 mars 2014 dans toutes ses dispositions ;

* subsidiairement,

- juger que le tribunal arbitral composé de MM. [K] [X], [E] [C] et [L] [R] n'a commis aucune faute contractuelle en statuant conformément au calendrier d'arbitrage conventionnellement déterminé et, en toute hypothèse, en ne manquant pas à l'obligation de moyens lui appartenant ;

- en conséquence, dire la demande de la Banque Delubac & Cie mal fondée et débouter cette dernière de l'intégralité de ses prétentions ;

* plus subsidiairement,

sur la demande de restitution des honoraires perçus par les arbitres,

- dire que la demande de restitution des honoraires formée par la Banque Delubac & Cie à l'encontre des arbitres est mal fondée, la rejeter et en toute hypothèse, rejeter la demande de condamnation solidaire de la Banque Delubac & Cie formée à l'encontre de MM. [K] [X], [E] [C] et [L] [R] et dire M. [K] [X] tenu de restituer ses seuls honoraires;

- sur la demande d'indemnisation de la perte de chance alléguée par la Banque Delubac & Cie, dire la demande de la Banque Delubac & Cie irrecevable et, en tout cas, mal fondée et subsidiairement, dire que la perte de chance alléguée par la Banque Delubac & Cie est inexistante et rejeter cette demande ;

* en toute hypothèse,

- rejeter l'ensemble des demandes de la Banque Delubac & Cie ;

- confirmer la condamnation de la Banque Delubac & Cie fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;

- y ajoutant, condamner la Banque Delubac & Cie à verser à M. [K] [X], en cause d'appel, la somme de 200.000 € au titre de cet article ;

- condamner la Banque Delubac & Cie aux entiers dépens sur le fondement de l'article 699 du même code.

Vu les conclusions signifiées par RPVA le 7 janvier 2015 par Monsieur [C] aux termes desquelles il demande à la cour de :

* à titre principal,

- confirmer le jugement déféré à la Cour en ce qu'il juge que les arbitres composant le Tribunal arbitral bénéficient de l'immunité juridictionnelle, déboute la BANQUE DELUBAC de l'ensemble de ses prétentions et la condamne en outre à payer 15.000 € d'article 700 à chacun des arbitres.

* en tout cas,

- dire les demandes de la BANQUE DELUBAC irrecevables en ce que par une contradiction au détriment d'autrui, elle soutient que les arbitres auraient engagé leur responsabilité personnelle en rendant, à sa demande, une sentence respectant le calendrier d'arbitrage contradictoirement fixé, toute partie présente ou représentée, lors d'une réunion avec les arbitres tenue le 25 juin 2008 pour finalement prétendre devant le juge de la responsabilité qu'il ne pouvait être procédé ainsi que voulu par la BANQUE DELUBAC elle-même, partie poursuivante,

- dire que la règle de l'estoppel, ici applicable, constitue une fin de non-recevoir, opposable en tout état de cause, avec cette conséquence que la demande dont est saisie la Cour par la BANQUE DELUBAC est irrecevable et encore mal fondée.

* Subsidiairement,

- constater que le Tribunal arbitral n'a commis aucune faute contractuelle en statuant

conformément au calendrier d'arbitrage adopté par les parties sous le contrôle du Tribunal arbitral,

- dire que Messieurs [K] [X], [E] [C], [L] [R] n'ont pas manqué à leur obligation de moyens,

- constater que la BANQUE DELUBAC & Cie est l'auteur du préjudice dont elle se plaint:

- En ce que la sentence arbitrale du 2 décembre 2008 annulée, elle n'a pas cru devoir demander à la Cour de statuer comme amiable compositeur, alors que la loi lui en offrait l'opportunité, et a fait le choix de sa pleine volonté de conclure un accord transactionnel, et de renoncer aux droits qu'elle tenait de la Loi et de la sentence et qu'elle pouvait faire valoir en poursuivant la procédure d'arbitrage.

- En ce qu'elle n'a pas correctement et efficacement défendu, devant la Cour, la sentence arbitrale sur le recours en annulation jusqu'à laisser la Cour dans l'ignorance des pièces faisant preuve de l'institution du calendrier de procédure respecté par la sentence rendue le 2 décembre 2008.

- En ce que la BANQUE DELUBAC & Cie, partie poursuivante, a - l'article 1456 ancien du CPC aurait-il été applicable, ainsi qu'elle le prétend - négligé de préserver ses droits en sollicitant du Président du Tribunal de Commerce, une prorogation du délai imparti au Tribunal arbitral pour rendre sa sentence.

- débouter la BANQUE DELUBAC & Cie de toutes ses prétentions.

* Très subsidiairement,

- dire que Monsieur [E] [C] ne peut être tenu de rembourser les sommes qu'il n'a pas reçues, en l'absence d'une disposition légale ou d'une stipulation expresse instituant une solidarité entre les arbitres (art. 1202 du Code Civil).

- constater que les prestations fournies par les arbitres sur le fond, ont conservé leur utilité et leur valeur devant la Cour, qui était compétente pour statuer en tant qu'amiable compositeur, après avoir annulé la sentence, si la BANQUE DELUBAC & Cie lui en avait fait la demande,

- constater que c'est de sa pleine volonté que la BANQUE DELUBAC & Cie a renoncé à la procédure d'arbitrage en signant un accord transactionnel le 11 avril 2011 avec son adversaire, que cet accord l'a rempli de ses droits,

- constater que la BANQUE DELUBAC & Cie aurait-elle subi un manque à gagner, il n'a pas été sans contrepartie,

- dire que l'accord transactionnel dont elle se prévaut ne peut être la source d'un dommage,

- débouter la BANQUE DELUBAC & Cie de toutes ses prétentions,

- la condamner à payer la somme de 200.000,00 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel avec distraction conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées par RPVA le 8 janvier 2015 par Monsieur [R] aux termes desquelles il est demandé à la Cour de :

' confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS du 5 mars 2014 dans toutes ses dispositions,

* Subsidiairement,

' juger que le Tribunal arbitral composé de Messieurs [K] [X], [E] [C] et [L] [R] n'a commis aucune faute contractuelle en statuant conformément au calendrier d'arbitrage déterminé conventionnellement par les parties à l'arbitrage,

* plus subsidiairement,

' constater que le tribunal arbitral composé de Messieurs [K] [X], [E] [C] et [L] [R] n'a pas manqué à son obligation de moyens,

En conséquence,

- juger la demande de la Banque Delubac mal fondée et débouter cette dernière de l'intégralité de ses prétentions,

* infiniment plus subsidiairement,

1- Sur la demande de restitution des honoraires perçus par les Arbitres:

' constater que la demande de restitution des honoraires formée par la Banque Delubac solidairement à l'encontre des arbitres, est mal fondée et débouter la Banque Delubac de cette demande,

' Subsidiairement, rejeter la demande de condamnation solidaire des Arbitres et condamner M. [L] [R] à la restitution de ses seuls honoraires,

2- Sur la demande d'indemnisation de la perte de chance alléguée par la Banque Delubac:

' constater que la perte de chance alléguée par la Banque Delubac est inexistante et rejeter cette demande comme étant infondée.

* En tout état de cause,

' rejeter l'intégralité des demandes de la Banque Delubac comme étant mal fondées,

' condamner la Banque Delubac à verser à M. [L] [R], la somme de

200.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' condamner la Banque Delubac aux entiers dépens.

Vu les conclusions de procédure signifiées par Monsieur [C] le 27 janvier 2015 tendant au rejet des conclusions signifiées par la banque le 26 janvier 2015;

Vu les conclusions de procédure en réplique signifiées par la banque le 28 janvier 2015 ;

SUR QUOI,

- Sur la demande de rejet des conclusions n°6 signifiées par la banque le 22 janvier 2015.

Considérant que Monsieur [C] sollicite le rejet des conclusions déposées et signifiées par la banque le 22 janvier 2015, jour de l'ordonnance de clôture ;

que toutefois, celui-ci qui se borne à observer que 'ces ultimes conclusions n'ont pu être mises à l'étude, contrôlées et communiquées à la partie concernée entre la date de signification et la date de la clôture' ne démontre pas en quoi, le principe de la contradiction a été méconnu alors que ces écritures qui visaient à rectifier des erreurs purement formelles affectant les notes de bas de page et la numérotation des paragraphes, sans exciper de moyens nouveaux ou élever de prétentions nouvelles, ne nécessitaient pas qu'il y fût répliqué ;

que cette demande doit être écartée ;

- Sur le fond

1/ Sur la faute

Considérant que la banque fait grief aux arbitres d'avoir commis une faute en ne rendant pas leur sentence dans le délai auquel ils étaient tenus et la sentence ayant été annulée pour ce motif, de lui avoir causé un préjudice en la privant du bénéfice des effets qui y étaient attachés;

Considérant qu'aux termes de l'article 1546 du Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 12 mai 1981, applicable en la cause, la durée de la mission des arbitres était, dans le silence de la convention d'arbitrage, limitée à six mois à compter de l'acceptation du dernier d'entre eux, sauf prorogation du délai légal par convention des parties ou décision du juge d'appui sur l'initiative d'une partie ou du tribunal arbitral lui-même ;

Considérant que la clause compromissoire stipulée à l'article 38 des statuts de la banque ne fixant aucun délai, la sentence arbitrale devait intervenir dans les six mois de la constitution du tribunal, sauf prorogation conventionnelle ou judiciaire;

Considérant qu'en l'espèce, alors que par lettre recommandée du 6 octobre 2003, la Banque a fait connaître à la CFCMNE sa décision de mettre en oeuvre un nouvel arbitrage, en vertu de la clause compromissoire stipulée à l'article 38, alinéa 1er de ses statuts, en vue d'obtenirl'indemnisation du préjudice complémentaire trouvant son origine dans l'exécution intégrale de l'accord de Marrakech, que la CFCMNE avait formellement contestée lors du précédent arbitrage et l'a invitée à désigner son propre arbitre, elle-même ayant désigné Monsieur [C], le tribunal arbitral n'a pu être constitué, à raison des initiatives procédurales multiples prises par les parties, que le 20 mars 2008, date à laquelle le troisième arbitre a fait connaître l'acceptation de sa mission;

qu'en effet, après que M. [C], ait été choisi le 6 octobre 2003 comme arbitre par la Banque et que M. [R], ait été désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce d'Annonay du 2 mai 2006, faute pour la CFCMNE d'avoir elle-même procédé à cette désignation, ceux-ci ont désigné le tiers arbitre, en la personne de M. [X], lors d'une réunion tenue le 20 mars 2008 ainsi qu'en atteste le procès-verbal qui porte la signature des trois arbitres en cette qualité ; qu'il s'ensuit qu'à cette date, le tiers arbitre ayant accepté sa mission, le délai de l'article 1456 précité a commencé à courir ;

Considérant que les arbitres, tous praticiens avertis de l'arbitrage, ne pouvaient ignorer que la sentence devait être rendue au plus tard le 20 septembre 2008, sauf pour le tribunal arbitral, en cas d'impossibilité matérielle de respecter ce délai et à défaut d'obtenir le consentement des parties, à saisir le juge d'appui d'une demande de prorogation ;

qu'en l'espèce, la sentence a été rendue le 2 décembre 2008 ;

Considérant que les arbitres soutiennent que leur décision a été rendue conformément au calendrier arrêté lors d'une réunion organisée avec les parties le 25 juin 2008 qui prévoyait la reddition de la sentence le 2 décembre 2008 ;

que toutefois rien ne vient démontrer l'acquiescement exprès ou même implicite de la CFCMNE à une telle prorogation ;

Considérant que la CFCMNE qui, par lettre de son conseil du 2 juin 2008 avait sollicité, la fixation d'une réunion d'arbitrage 'afin de faire le point sur la procédure d'arbitrage telle qu'elle a été mise en 'uvre' a été convoquée par lettre du 4 juin 2008 à une réunion d'arbitrage organisée le 25 juin 2008 dont l'ordre jour, était

'- Fixation d'un compromis d'arbitrage - Calendrier de l'arbitrage, - Questions diverses';

qu'après avoir fait connaître au tribunal arbitral, par lettre du 11 juin 2008 de son conseil, qu'elle était 'disposée à contribuer à l'établissement d'un compromis' sous réserve d'être préalablement en possession des déclarations d'indépendance faites par chacun des arbitres et de pouvoir apprécier les conditions de validité de la constitution du Tribunal Arbitral, la CFCMNE a participé à cette réunion d'arbitrage du 25 juin 2008 ;

que toutefois, la CFCMNE qui ainsi qu'en atteste la feuille de présence (Pièce n° 40), était représentée par l'un de ses préposés, M. [I] [T], dûment muni d'un pouvoir spécial (Pièce n° 39), lui-même assisté du conseil habituel de la CFCMNE, M. [Z] [S] a contesté la compétence du tribunal arbitral, considérant aux termes de la note qu'elle a déposée (Pièce n° 28) que la demande n'entrait pas dans le champ d'application de la clause d'arbitrage des statuts de la société en commandite simple de la Banque Delubac & Cie et que cette demande était irrecevable et à tout le moins mal fondée ;

que s'il est de fait qu'à l'occasion de cette réunion, le tribunal arbitral a fixé un calendrier d'arbitrage (Pièce n° 47), il ne peut être déduit ni de la présence des deux parties à cette réunion ni de l'absence d'observation de celles-ci après que le procès-verbal de la réunion du 25 juin 2008 leur ait été adressé par télécopie le 2 juillet 2008, une approbation tacite de ce calendrier dès lors que la CFCMNE qui avait contesté formellement la compétence du tribunal, s'est toujours refusé, ainsi qu'en atteste son attitude procédurale ultérieure, à collaborer aux opérations d'arbitrage ;

qu'il ne peut, davantage être soutenu que le caractère conventionnel de la prorogation du délai prévu par l'article 1456 du Code de procédure civile résulterait du procès-verbal de la réunion du 25 juin 2008 au motif que ce document établi par le tribunal arbitral le 2 juillet 2008, porté à la connaissance des deux parties par télécopie le 4 juillet 2008 et signé par la Banque (Pièce n° 50), valait compromis d'arbitrage, conformément aux dispositions de l'article 38 des statuts de la Banque ;

qu'en effet, si cet article stipule que 'Dans les trente jours qui suivent la désignation du dernier arbitre nommé, les parties doivent saisir les arbitres du litige par un compromis établi d'un commun accord entre elles. A défaut, les arbitres se saisissent eux-mêmes du litige, convoquent les parties et dressent un procès-verbal signé par eux et par les parties ou par l'une d'elles seulement si l'autre fait défaut, lequel procès-verbal vaut compromis', ce procès-verbal qui vise exclusivement à délimiter la mission du tribunal, ne se confond pas avec la convention par laquelle les parties choisissent de déroger au délai légal d'exécution par les arbitres de leur mission ;

qu'il est, dès lors, indifférent que le procès-verbal de la réunion du 25 juin 2008 énonce en son article 3.4 que 'Le mémoire en demande de la Banque DELUBAC & CIE ayant été communiqué à la défenderesse et son conseil, ainsi qu'aux arbitres, le conseil du CMNE ayant, pour sa part, déposé, le 25 juin 2008, une note exposant ses demandes, le calendrier de la procédure a été fixé, en accord avec les Parties' étant relevé que ce document ne reproduit d'ailleurs pas le calendrier qui diffusé distinctement (Pièce n° 47) n'a été, ainsi qu'il a été dit, approuvé par la CFCMNE ni expressément ni tacitement ;

Considérant que les arbitres sont tenus de préserver l'instance arbitrale en veillant à ce que le délai de reddition de la sentence ne soit pas expiré ; que, sauf à engager leur responsabilité, il leur appartient, ce qu'ils n'ont pas fait, de prendre, à cet effet, toutes initiatives utiles afin d'obtenir, le cas échéant, sa prorogation conventionnelle ou judiciaire;

que leur abstention ne ressortissant pas à l'exercice de leur mission juridictionnelle mais relevant de l'exécution du contrat d'arbitre, les arbitres ne peuvent exciper d'une immunité de principe qui ne pourrait être écartée qu'en présence d'une faute équipollente au dol, constitutive d'une fraude, d'une faute lourde ou d'un déni de justice;

que tenus, dans la conduite de l'instance arbitrale, d'une obligation de moyens, ils ont engagé leur responsabilité en ne prenant pas les initiatives procédurales qui leur incombaient, sans pouvoir invoquer pour y échapper ni l'article 1.5 du 'compromis d'arbitrage qui stipule que 'Les arbitres ne sont responsables envers quiconque de tout fait, acte ou omission en relation avec le présent arbitrage' ni l'article 34 du règlement d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale qui énonce que '(...) les arbitres (...) ne sont responsables envers quiconque de tout fait, acte ou omission en relation avec un arbitrage', ces dispositions n'étant que la transposition de l'immunité reconnue aux arbitres dans l'exercice de leur fonction de juger ;

que si les arbitres énoncent dans leur sentence que 'le compromis d'arbitrage a été signé par les arbitres et par la Banque DELUBAC & CIE ; Qu'il a été notifié à la CFCMNE qui en a accusé réception le 25 juillet 2008 ; (..) qu'en conséquence, conformément aux dispositions de l'article 38, alinéa 3, des statuts de la Banque DELUBAC & CIE, il s'impose aux parties', il ne peut s'en déduire pour autant que le manquement qui leur est imputable a été commis dans leur fonction juridictionnelle, celui-ci eût-il procédé d'une appréciation erronée de la portée du compromis et de l'existence d'un calendrier conventionnel d'arbitrage ;

qu'enfin, la circonstance que la banque se soit elle-même, à l'instar des arbitres, méprise sur ce point, ce qui résulte au demeurant de la teneur de la lettre adressée au tribunal le 24 novembre 2008 (pièce n°66) n'est pas de nature à exonérer les arbitres de leur propre responsabilité ;

Considérant que s'il est de fait que la CFCMNE a, par de multiples incidents procéduraux, entravé le bon déroulement de l'instance arbitrale, cette attitude n'était pas de nature à interdire aux arbitres de veiller au respect des délais de reddition de leur sentence et, en cas d'impossibilité matérielle pour eux de les respecter, ce qu'ils

prétendent, au regard de la nécessité de respecter le principe de la contradiction et de disposer d'un délai raisonnable de délibéré, de prendre, en temps utile, l'initiative qui leur était réservée, de solliciter eux-mêmes, du juge d'appui une prorogation, en l'absence de diligences des parties à cet effet;

qu'en l'absence de tout démonstration de ce qu'ils auraient été mis dans l'impossibilité d'agir, leur responsabilité doit être, en conséquence, retenue, le jugement déféré devant être infirmé de ce chef ;

2/ Sur le préjudice.

Considérant que la banque réclame l'indemnisation du préjudice lié à sa perte de chance de percevoir le bénéfice de la Sentence qui lui avait accordé la somme de 114 millions d'euros en principal, augmentée des intérêts de retard soit une somme globale de 167.482.102,21 euros, et qui avait déjà commencé à recevoir exécution avant d'être annulée par la faute des arbitres ;

Considérant toutefois, ensuite de l'annulation de la sentence, alors que la banque était en mesure de réitérer devant le juge de l'annulation statuant au fond, la demande d'indemnité qu'elle avait portée devant le tribunal arbitral à hauteur de la somme de 739 millions en principal, a mis fin au litige l'opposant à la CFCMNE par une transaction ;

que la banque, en acceptant cet accord, dont elle démontre pas, si ce n'est par simple affirmation, qu'elle aurait été contrainte de l'accepter, sous la pression de son autorité régulatrice, a reconnu être remplie de ses droits ;

qu'elle ne peut, en conséquence, se prévaloir d'une perte de chance de ne pas avoir pu bénéficier de la totalité des sommes allouées par la sentence annulée ;

que sa demande de ce chef doit être rejetée ;

Considérant qu'en revanche, ayant exposé en vain des frais et honoraires d'arbitrage, la banque est fondée à en solliciter la répétition à l'encontre des arbitres ;

que ceux-ci sont tenus solidairement de leur restitution ;

qu'en effet, les contrats d'arbitre pour distincts qu'ils soient forment en ce qu'ils participent à la constitution d'un organe collégial, un ensemble contractuel unique et indivisible ;

Considérant toutefois que la demande de la banque doit être limitée aux seuls frais exposés inutilement c'est à dire aux seuls honoraires des arbitres soit à la somme de 1.166.100 euros ;

que la banque ne saurait prétendre, en effet, au remboursement de la somme complémentaire de 3.875.000 euros laquelle est fondée sur la seule attestation datée du 20 novembre 2014 de son contrôleur général que ce montant correspond à 'l'ensemble des honoraires de conseils comptabilisés dans les charges de la Banque Delubac & Cie sur la période 2006-2011 dans le cadre de l'arbitrage entre l'établissement bancaire et le CFCMNE' ;

qu'en effet, ces honoraires d'experts et de conseils n'ont pas été exposés en pure perte dès lors que les expertises et avis sollicités lui ont servi à étayer sa position et à chiffrer ses demandes indemnitaires et qu'elle a pu en faire état au cours des pourparlers transactionnels consécutifs à l'annulation de la sentence ;

Considérant que les parties succombant chacune pour une part conserveront la charge de leurs propres frais et dépens ;

PAR CES MOTIFS,

Dit que Messieurs [C], [R], et [X] ont commis une faute dans l'exécution de leur contrat d'arbitre.

Condamne solidairement Messieurs [C], [R] et [X] à restituer à la Banque Delubac et Cie la somme de 1.166.100 euros correspondant aux honoraires d'arbitrage ;

Déboute la Banque Delubac et Cie du surplus de ses demandes indemnitaires ;

Dit que chaque partie conservera la charges de ses propres frais et dépens exposés dans la présente instance.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/05436
Date de la décision : 31/03/2015

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°14/05436 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-31;14.05436 ?
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