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02/04/2015 | FRANCE | N°13/14808

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 02 avril 2015, 13/14808


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7





ARRÊT DU 02 Avril 2015



(n° , 13 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/14808



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 Juillet 2013 par le tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 13/00022





APPELANT

FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION DES AVOUES

DACS

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Sandrine BOURDAIS, avocate au barreau de PARIS, toque : G0709





INTIMÉES

Madame [N] [M]

Née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 3] (GARD)

[Adresse 1]

[Localit...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 02 Avril 2015

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/14808

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 01 Juillet 2013 par le tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 13/00022

APPELANT

FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION DES AVOUES

DACS

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Sandrine BOURDAIS, avocate au barreau de PARIS, toque : G0709

INTIMÉES

Madame [N] [M]

Née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 3] (GARD)

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399

S.C.P. [M]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Commissariat du gouvernement

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par M. [D] [R], commissaire du gouvernement, désigné en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 janvier 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Christian HOURS, Président de chambre, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS,

Madame Maryse LESAULT, conseillère, désignée par Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS,

Madame [B] [S], juge de l'expropriation au tribunal de grande instance de BOBIGNY, désignée conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

GREFFIÈRE : Madame Amandine CHARRIER, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Monsieur Christian HOURS, président et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel formé, le 18 juillet 2013, par le Fonds d'indemnisation des avoués (le FIDA) d'une décision du juge de l'expropriation de Paris en date du 1er juillet 2013, fixant avec exécution provisoire, de la façon suivante, l'indemnisation due à la SCP [M], avoués à [Localité 1] (la SCP) et à Mme [N] [M], au titre de la loi 2011-94 du 25 janvier 2011, portant réforme de la représentation devant la cour d'appel :

SCP [M],

- indemnité principale pour perte du droit de présentation : 1 796 524 euros (méthode du produit demi-net sur les exercices 2005 à 2009 et application d'un coefficient multiplicateur de 2,43) ;

- indemnité de remploi : 178 503 euros (comme en matière d'expropriation de fonds de commerce) ;

- frais liés aux licenciement de personnel : 37 094 euros (droits individuels à la formation) ;

- résiliation du bail professionnel et frais de déménagement dans de nouveaux locaux plus petits : 4 318 euros ;

- frais d'archivage : 38 300 euros (2,5 % de l'indemnité principale) ;

- frais d'assurance et de gestion de la chambre nationale des avoués (CNA) : 9 600 euros (montant de l'offre amiable) ;

- frais exposés au titre de la consultation de professionnels qualifiés : 2 000 euros (au titre de l'article 700 du code de procédure civile) ;

Mme [N] [M]

- perte de revenus : 150 000 euros (trois années du revenu médian de la profession d'avocat) ;

- frais exposés au titre de la consultation de professionnels qualifiés : 2 000 euros (au titre de l'article 700 du code de procédure civile)

Le juge de l'expropriation n'a pas fait droit aux autres demandes d'indemnisation, notamment de préjudice moral.

Il est rappelé que la SCP [M] n'a pas accepté l'offre d'indemnisation de la Commission nationale d'indemnisation à hauteur de 1 617 460 euros (droit de présentation pour 1 532 455 euros, frais CSP pour 37 094 euros, forfait archivage pour 38 311 euros, assurances responsabilité civile/cotisation CNA pour 9 600 euros) mais qu'elle en a obtenu le versement du montant à titre provisionnel, selon ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Béziers du 21 décembre 2012. La SCP a par ailleurs perçu la somme de 37 094 euros au titre du poste contrat de sécurisation professionnelle.

Mme [M] a, quant à elle accepté l'offre de la Commission d'indemnisation d'une somme de 334 275 euros, au titre de son préjudice en industrie, qu'elle a reçue.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- déposées en dernier lieu par l'appelant, le 23 janvier 2014, tendant :

- à l'infirmation du jugement,

- à ce que les demandes de Mme [M] soient déclarées irrecevables, subsidiairement mal fondées,

- à la fixation de l'indemnité allouée à la SCP [M], au titre du droit de présentation à la somme de 1 532 455 euros, avant déduction des sommes déjà versées, à laquelle viendra s'ajouter la somme de 37 094 euros en deniers ou quittances au titre des contrats de sécurisation professionnelle,

- à la condamnation de ladite SCP à lui rembourser le trop-perçu de 47 911 euros au titre du droit de présentation,

- au débouté des autres demandes de la SCP et de Mme [M],

- à la condamnation de Mme [M] et de la SCP à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déposées en dernier lieu par la SCP [M], ainsi que par Mme [M], le 20 novembre 2014, concluant à :

- la confirmation du jugement sur le principe de l'indemnisation du remploi et de la perte des revenus ;

- sur son appel incident, la fixation des indemnités de la SCP comme suit :

- perte du droit de présentation : 1 796 524 euros

- indemnité de remploi : 178 503 euros

- frais de résiliation du bail et de déménagement : 4 318 euros

- frais de licenciement à charge : 45 066 euros

- gestion des archives : 38 300 euros

- assurance et frais gestion CNA : 9 600 euros

Total : 2 072 311 euros

Dont à déduire acompte : 527 049 euros ;

- la fixation des indemnités de Mme [M] comme suit :

- perte de revenus : 2 903 565 euros

- perte des droits à la retraite : 90 000 euros

- trouble professionnel : 10 000 euros

Total : 3 003 565 euros ;

- subsidiairement, la confirmation du jugement sur les indemnités accordées ;

- en toute hypothèse, l'octroi des intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance, avec capitalisation et qu'il soit dit que l'indemnité offerte par la Commission d'indemnisation sur le fondement de l'article 13 alinéa 2 de la loi du 25 janvier 2011 afin de compenser la discordance entre la répartition du capital social et celle des bénéfices, peut se compenser avec l'indemnité fixée par le jugement attaqué au titre de sa perte de revenus, l'allocation de la somme de 15 000 euros à la SCP et à Mme [M], les dépens étant supportés par 'l'autorité expropriante' ;

- adressées par le commissaire du gouvernement et reçues le 18 décembre 2013, aux termes desquelles il propose l'infirmation du jugement et de fixer l'indemnisation à revenir à la seule SCP à la somme de 1 532 455 euros au titre de la perte de son droit de présentation et de la somme de 37 094 euros pour les contrats de sécurisation professionnelle, tout autre préjudice étant exclu.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Considérant que sur l'indemnisation du droit de présentation de la SCP, le Fonds soutient que :

- conformément au considérant 20 de la décision du Conseil constitutionnel, l'indemnité doit être fixée dans la limite de la valeur de l'office ; aucun droit de propriété ne peut être revendiqué sur un monopole de postulation, ce qui constituerait le retour à la vénalité des charges ; seul doit être indemnisé le préjudice résultant de la perte du droit de présentation ;

- le principe de bon emploi des deniers publics trouve à s'appliquer, peu important que l'indemnisation des anciens avoués soit financée par une taxe, dès lors que celle-ci est acquittée par l'ensemble des contribuables ;

- la méthode du produit demi-net (recettes brutes diminuées de certaines charges à savoir loyers, salaires, cotisations sociales et taxe professionnelle avec application d'un coefficient censé refléter les conditions économiques locales) ne peut être adoptée car elle ne retient qu'une partie des charges et a d'ailleurs été abandonnée par la Chancellerie dans sa circulaire du 26 juin 2006; elle a été remplacée par une méthode partant de l'analyse de tableaux financiers déterminant un compte de résultats comportant l'ensemble des recettes et des charges, ce qui permet de donner une vision plus exacte de l'office et du droit de présentation ; il convient de retenir la méthode prévue par l'article 6 du décret du 1er avril 2011, la plus appropriée, qui calcule l'indemnisation en prenant pour base la moyenne entre, d'une part, la recette nette moyenne des cinq derniers exercices comptables dont les résultats sont connus de l'administration fiscale à la date de publication de la loi et d'autre part, trois fois le solde moyen d'exploitation des mêmes exercices; cette méthode a pour avantage d'exclure les divergences de coefficient selon les régions et ne rompt pas l'égalité entre les 220 avoués qui ont accepté l'offre de la commission et les 15 qui l'ont refusée ; il convient de retenir la période de référence 2005-2009, dès lors que l'acompte a été réglé sur la base de la recette de l'année 2009, seule étant disponible la déclaration fiscale de cette année là déposée pendant l'année 2010 ;

- il n'y a pas lieu de retenir les bonifications apportées par la Commission au titre du forfait archivage et au titre de l'assurance responsabilité civile/cotisation CNA, qui avaient été faites dans le cadre d'une offre amiable, laquelle a été refusée et ne peut pas être considérée comme maintenue ;

Considérant que le FIDA fait encore valoir qu'il résulte de la décision 2010-624 du Conseil constitutionnel que le versement d'indemnités pour des préjudices autres que celui résultant de la perte du droit de présentation et le préjudice subi par les avoués détenant des parts en industrie, était inconstitutionnel ; qu'il a ainsi écarté le préjudice de carrière (considérant 21), les préjudices économiques jugés purement éventuels (considérant 24), dès lors que les anciens avoués peuvent devenir avocats et jouir d'un monopole de représentation non seulement devant les cours d'appel mais aussi les tribunaux de grande instance ; que le juge de l'expropriation ne pouvait dès lors statuer que sur le montant de l'indemnité pour perte du droit de présentation et l'indemnité allouée aux avoués qui exerçaient au sein d'une société dont ils détenaient des parts en industrie ;

Considérant qu'il soutient que la situation à prendre en compte est celle d'une profession juridique ayant perdu un monopole sur une partie seulement de son activité et bénéficiant de plusieurs contreparties ; que des revenus futurs ne constituent pas des biens actuels au sens de l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme ; que le juge national ne saurait ordonner une indemnisation excédant les limites fixées par le Conseil constitutionnel et qui primant sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que l'application du code de l'expropriation ne saurait avoir pour effet de reconnaître un droit à indemnisation de préjudices économiques ou accessoires déclarés contraire à la Constitution au nom du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; que la transposition de l'indemnité de remploi à l'indemnisation des avoués n'est pas concevable puisqu'alors il n'y a ni expropriation ni prise de possession (le droit de présentation n'est transféré à personne et il n'y a pas indemnisation préalable ) ni remploi concevable ; qu'il n'est pas possible d'indemniser les autres préjudices invoqués qui sont purement éventuels ou d'ordre moral ;

Considérant que le FIDA observe à titre subsidiaire que, sur le fondement de l'article L13-13 du code de l'expropriation, seuls les préjudices directement nés de la perte du droit de présentation et présentant un caractère matériel et certains peuvent être pris en considération ; que le préjudice lié à la résiliation du bail professionnel et aux frais de déménagement n'est qu'indirectement lié à la perte du droit de présentation ; que l'indemnisation allouée à ce titre fait en outre double emploi avec l'indemnité de remploi ; que le préjudice des frais d'archivage n'est qu'indirect et ne saurait être indemnisé que sur la base de justificatifs et non sur une base forfaitaire ; qu'il en va de même des frais d'assurance et de gestion liés à la CNA ; que les frais de licenciement du personnel relatif au financement du droit individuel à la formation (DIF) ne peuvent être indemnisés car ils concernent tous les salariés et non pas seulement les salariés licenciés à la différence du CSP (contrat de sécurisation professionnelle) ; qu'il n'est pas justifié d'autres frais de licenciement restés à charge ;

Considérant que le Fonds fait valoir, s'agissant des demandes de Mme [M] personnellement que sa demande n'est pas recevable, dès lors qu'elle a accepté sans réserve l'offre d'indemnisation de la Commission d'indemnisation ; que les sommes offertes lui permettaient de rembourser le solde du prêt contracté pour l'achat des parts, le fait qu'elle ait choisi un prêt in fine relevant de son choix personnel ; que, subsidiairement, il conclut au débouté de Mme [M] qui a été indemnisée au titre de ses parts en industrie ; qu'elle n'a pas davantage droit à obtenir l'indemnisation d'un préjudice de revenus, ce qu'a interdit le Conseil constitutionnel, étant souligné que nul n'a le droit au maintien d'une législation et qu'il n'y a pas d'obligation d'indemniser systématiquement tous ceux qui pourraient souffrir d'une façon quelconque de ce changement, le système judiciaire pouvant être modifié selon les modalités estimées par l'Etat être les plus conformes à l'intérêt général ;

Considérant que la SCP et Mme [M] se prévalent des dispositions de l'article L13-13 du code de l'expropriation, article auquel il est fait référence dans la loi du 25 janvier 2011, selon lequel les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation, ainsi que de celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), selon lequel toute personne a droit au respect de ses biens, nul ne pouvant être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; qu'ils observent que le Conseil constitutionnel est juge de la constitutionnalité des lois mais non pas de leur conventionnalité, à la différence du juge national qui a l'obligation d'appliquer les dispositions issues de traités internationaux ; que la charge d'avoué est un bien ayant la nature d'un meuble incorporel, objet de propriété ; qu'ils sont fondés à solliciter l'indemnisation appréciée in concreto du préjudice particulier subi en raison de la perte de l'outil de travail ; qu'en l'espèce la clientèle des avoués qui provenait presque exclusivement des avocats va disparaître puisque ceux-ci n'auront plus l'obligation de passer par un avoué ;

Considérant que la SCP soutient que l'article 6 du décret du 1er avril 2011 n'a vocation à régir le calcul de l'indemnité compensant la perte du droit de présentation que pendant la phase amiable et qu'elle ne constitue pas la méthode la plus appropriée ; qu'il convient de recourir à la méthode d'évaluation du demi-net, que la circulaire du 26 juin 2006 ne condamne nullement, le cédant et le cessionnaire étant laissés libres du processus d'évaluation de l'office, sous le seul contrôle de la régularité et de la normalité du prix de cession opéré par le Parquet général ; que cette méthode reflète le prix du marché s'appliquant de toutes façons ; que toutes les cessions ayant eu lieu au sein de cette SCP ont été faites selon cette méthode avec application d'une moyenne de coefficient de cession de 2,45 ; que les huit dernières cessions sur la cour d'appel de [Localité 1] ont eu lieu selon la méthode des produits demi-nets approuvée par le Parquet général et la Chancellerie ; que les exercices les plus rapprochés de la date de suppression de la profession doivent pouvoir être choisis à savoir ceux des années 2005 à 2009 ; qu'il convient d'appliquer un coefficient moyen de 2,43 à la moyenne du produit demi-net de 739 310 euros;

Considérant que, s'agissant de l'indemnité de remploi, la SCP souligne que la Cour de cassation déclare que cette indemnité est due même si le bien n'est pas susceptible de remplacement, si l'exproprié n'envisage pas de se réinstaller et même en cas de cessation d'activité ; que l'acquisition d'un cabinet d'avocat, reconnu comme un fonds libéral, entraîne la perception de droits propres à une cession de clientèle, que l'indemnité de remploi doit couvrir (remboursement anticipé, impôts sur les plus-values, les droits versés lors de l'achat du nouvel outil professionnel); que le jugement doit être confirmé sur l'octroi d'une indemnité de remploi de 5% du droit de présentation jusqu'à 23 000 euros et de 10 % au dessus, comme en matière de fonds de commerce ;

Considérant que la SCP revendique une indemnisation suffisante des postes pour lesquels des propositions trop faibles ont été faites par la Commission d'indemnisation ; qu'elle expose avoir dû se réinstaller dans des locaux plus petits et avoir supporté des frais de déménagement de 4 318 euros HT, ne comprenant pas les frais de remise en état des lieux ; qu'une somme de 45 066 euros n'a pas été prise en charge au titre des licenciements du personnel ; que la somme de 38 300 euros qui avait été proposée pour les frais d'archivage est en revanche acceptable et doit être retenue ; qu'il en va de même de la somme de 9 600 euros proposée par la Commission pour les frais d'assurance et de participation au coût de gestion de la CNA ;

Considérant que Mme [M] réclame à titre personnel l'indemnisation du préjudice non pas éventuel mais certain résultant de la perte de son outil de travail avec la perte de revenus en découlant; qu'elle soutient que celle-ci doit être fixée comme en matière de fonds de commerce où le commerçant peut demander une indemnité pour trouble d'exploitation commerciale distincte de celle correspondant à la valeur vénale du fonds et de l'indemnité de remploi; qu'un tel préjudice avait d'ailleurs été pris en compte dans la loi du 31 décembre 1971 au profit des agréés ; qu'une chute de 87 % de son activité s'observe de 2010 à 2012, qui s'accentue en 2013 et 2014 ; que son acceptation de l'offre faite par la Commission au titre de l'industrie de son associé défunt, qui ne couvrait pas l'intégralité du préjudice causé par la loi, n'emportait pas renonciation à obtenir l'indemnisation des autres préjudices du fait de cette loi, de sorte que sa demande est recevable ; qu'elle a dû accepter cette offre pour rembourser le prêt in fine qui avait été contracté pour l'achat de l'office d'avoués, à un moment (année 2000) où le projet de suppression des avoués n'était pas connu (elle a été faite en 2004 par Mme [J]) ; qu'eu égard à son âge, elle est fondée à obtenir pendant les 15 ans la séparant de la retraite la différence entre ce qu'elle gagnait par an (moyenne des années 2009 et 2010), hors ses parts en industrie, soit 245 903 euros et le revenu moyen d'un avocat du barreau de [Localité 1], soit 52 332 euros, d'où un préjudice de 2 903 565 euros, pouvant se cumuler avec la somme reçue de la Commission pour ses parts en industrie ;

Considérant que Mme [M] fait valoir que la baisse de son niveau de cotisation à la Caisse de retraite va avoir une conséquence sur ses droits à la retraite, à hauteur de 90 000 euros ; qu'en outre, il existe un préjudice tenant à la désorganisation de sa vie professionnelle, qui sera indemnisé par l'octroi de la somme de 10 0000 euros ;

Considérant que le commissaire du gouvernement, sur appel incident, conteste le jugement rendu :

- sur l'indemnité pour perte de présentation en ce qu'il considère que les dispositions de l'article 6 du décret du 1er avril 2011 permettent d'approcher de la façon la plus juste son montant ;

- sur l'indemnité de remploi, s'agissant d'un préjudice accessoire que le Conseil constitutionnel a refusé d'indemniser sous peine de contrevenir au principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques et au principe de la bonne utilisation des deniers publics ; qu'en outre, au regard des textes du code de l'expropriation, il ne peut être estimé que les avoués perdent leur outil de travail ni qu'il y a dépossession par la puissance publique au sens de l'article 17 de la déclaration de 1789 et transfert au profit de l'Etat ou d'une autre personne avec versement d'une indemnité préalable, puisqu'ils conservent de fait leur activité initiale qui leur confère une spécialisation en procédure d'appel dont ils peuvent se prévaloir et obtiennent le droit d'exercer l'ensemble des attributions réservées aux avocats, notamment le monopole de postulation devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle ;

- sur l'indemnité pour pertes de revenus, dès lors que l'indemnisation de la perte du droit de présentation couvre le préjudice intégral subi, ce préjudice n'étant par ailleurs pas certain ;

Considérant que les avoués ont été institués par les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 pour représenter en justice les parties à un procès, après la suppression des charges des procureurs royaux dont le ministère était obligatoire depuis 1620 ; qu'ils ont été supprimés en même temps que les avocats par le décret du 24 octobre 1793, avant d'être rétablis par la loi du 18 mars 1800 près les juridictions de première instance, d'appel et de cassation, qui leur attribue un monopole de la postulation, tant en matière civile que pénale, l'Etat fixant leur nombre et leur rémunération;

Considérant que la loi du 18 février 1801 a supprimé la spécialité d'avoué près les tribunaux criminels ; qu'après le rétablissement, également en 1800, de la profession d'avocat, celui-ci étant en charge de la plaidoirie, l'avoué a conservé le monopole de la postulation et du dépôt des conclusions ; que la profession d'avoué a été scindée en celle d'avoué au tribunal et d'avoué à la cour d'appel ;

Considérant que la loi du 28 avril 1816 a consacré la patrimonialité des offices, les avoués étant autorisés à présenter un successeur au roi puis au garde des Sceaux, pourvu qu'il réunisse les qualités ; que ce système a été maintenu, le titulaire de l'office, officier ministériel, jouissant ainsi d'un droit de présentation de son successeur, un traité étant conclu avec celui-ci, fixant un prix de cession, soumis à l'agrément de la Chancellerie ;

Considérant que la patrimonialité des offices d'avoué a été supprimée dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, après la guerre de 1870, sans avoir été rétablie après 1918, les lois du 20 février 1922 et 29 juillet 1928 définissant seulement un régime de postulation spécifique, où les avocats doivent choisir de postuler devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d'appel ;

Considérant que les offices d'avoué au tribunal de grande instance et ceux d'avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer ont été supprimés par la loi du 31 décembre 1971, les anciens avoués devenant avocats ;

Considérant que les avoués à la cour d'appel ont conservé le monopole de la postulation devant les cours d'appel dans les procédures où la représentation est obligatoire, soit la majorité du contentieux civil, à l'exclusion notable des affaires portées devant les chambres sociales des cours d'appel ; qu'ils peuvent en outre exercer une activité hors monopole de consultation juridique, de rédaction d'actes sous seing privé, de représentation et de plaidoirie dans des contentieux judiciaires ou administratifs où la représentation n'est pas obligatoire ;

Considérant que les avocats, s'ils avaient la possibilité de plaider partout en France, ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance dont dépendait leur barreau d'inscription (les avocats des barreaux de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil pouvant eux postuler devant tous ces tribunaux de grande instance, issus de l'ancien tribunal de la Seine) ;

Considérant que les avoués percevaient pour leur activité monopolistique des émoluments tarifés, selon un tarif fixé par le décret du 30 juillet 1980, modifié en 1984, puis en 2003 ;

Considérant qu'à la suite des rapports au Président de la République présentés par MM. [Y] (2008) et [W] (2009), remettant en cause le bien-fondé de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat, en cause d'appel et compte tenu de la directive 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), un projet de loi a été élaboré, intégrant les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au barreau près du tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office est situé, avec possibilité de renoncer à devenir avocat ou de choisir un autre barreau ; que, corrélativement, l'activité des avocats a été étendue à la postulation devant la cour d'appel, le tarif de postulation en cause d'appel étant supprimé ;

Considérant que le projet initial prévoyait seulement une indemnisation du droit de présentation des avoués correspondant aux deux tiers de la valeur de la charge, qui sera portée par l'Assemblée nationale à la totalité de cette valeur, le Sénat ajoutant ensuite l'indemnisation des préjudices de carrière, économique, accessoires et désignant le juge de l'expropriation de Paris pour fixer cette indemnisation en cas de désaccord des avoués sur les propositions à eux faites par une commission chargée de statuer sur leurs demandes ;

Considérant que sur le recours de 82 sénateurs, contestant notamment, d'une part, les modalités de l'indemnisation des avoués prévues par la loi déférée, en ce qu'elle n'était pas préalable à la suppression de cette profession, d'autre part, le régime fiscal de cette indemnisation, le Conseil constitutionnel a rejeté ces contestations et, se saisissant d'office, a notamment considéré que le préjudice de carrière était inexistant pour un avoué, que le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes causes confondues étaient purement éventuels, compte tenu des activités qu'ils pouvaient continuer d'exercer et qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée avaient méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

Considérant qu'en conséquence l'article 13 de la loi déférée, ainsi libellé initialement : "les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L13-1 à L13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi..." a été privé par la décision n°2010-624 DC du 20 janvier 2011 des mots "du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues" , de même que des mots " en tenant compte de leur âge" ;

Considérant sur la recevabilité des demandes d'indemnisation présentées par la SCP [M] et de Mme [M], que l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011dispose que 'les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi. L'indemnité est versée par le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19. Par dérogation aux règles de compétence territoriale, le juge de l'expropriation compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris. Dans un délai de trois mois suivant la cessation de l'activité d'avoué près les cours d'appel et au plus tard le 31 mars 2012, la commission prévue à l'article 16 notifie à l'avoué le montant de son offre d'indemnisation. En cas d'acceptation de l'offre par l'avoué, l'indemnité correspondante est versée à l'avoué dans un délai d'un mois à compter de cette acceptation' ;

Considérant qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article 13 qu'une demande d'indemnisation, adressée directement au juge de l'expropriation, sans avoir été soumise préalablement à la commission, serait irrecevable ;

Considérant en revanche qu'une demande présentée au juge de l'expropriation sur un chef de préjudice dont la proposition d'indemnisation par la commission a été acceptée sans réserve, ne peut plus faire l'objet d'une contestation et apparaît irrecevable ;

Considérant que, sauf à vouloir escamoter toute possibilité de débat sur les contours de l'indemnisation du droit de présentation, l'avoué est recevable à présenter au juge de l'expropriation toute demande d'indemnisation et/ou contester toute offre qu'il n'a pas acceptée sans réserve ;

Considérant dès lors que la recevabilité des demandes de la SCP [M] et de Mme [M], qui n'ont pas accepté les offres qui leur ont été faites par la commission d'indemnisation, n'est pas contestable, à l'exception de l'indemnisation des parts d'industrie de Mme [M] qui a été acceptée sans réserve et ne peut plus être remise en cause ;

Considérant que le législateur a confié au juge de l'expropriation le soin de fixer l'indemnisation du droit de présentation et, le cas échéant, des parts en industrie de l'avoué exerçant en société, conformément aux dispositions des articles L13-1 à L13-25 du code de l'expropriation ;

Considérant s'agissant de la valeur du droit de présentation que le juge de l'expropriation est libre de choisir la méthode qui lui apparaît la plus appropriée pour la déterminer ; qu'il ne saurait lui être imposé de se conformer à un barème, fût-celui prévu par l'article 6 du décret du 1er avril 2011, applicable à la seule commission d'indemnisation, faute de quoi il était inutile de prévoir le recours au juge ;

Considérant que la valeur de la charge doit être déterminée, ainsi d'ailleurs que le prévoit la circulaire de la direction des affaires civiles et du sceau, relative à la constitution des dossiers de cessions des offices publics et/ou ministériels, conformément aux usages de la profession et aux considérations économiques, c'est à dire selon la loi du marché ; qu'ainsi, l"indemnité doit être égale à la somme qui aurait été perçue par l'avoué si le droit de présentation avait été cédé dans le cadre d'une cession ordinaire ;

Considérant qu'il est suffisamment établi par les attestations versées aux débats que les cessions de charges d'avoué ont été faites, depuis de nombreuses années, partout où les avoués existaient en France, essentiellement selon la méthode dite du produit demi-net (moyenne sur cinq ans des différences entre le produit brut de l'office et certaines charges limitativement énumérées, à savoir loyers des locaux professionnels, salaires et charges sociales ou encore taxe professionnelle) avec application d'un coefficient dit de cour, tenant aux conditions économiques dans la cour d'appel à laquelle appartient l'avoué ; qu'il n'est pas démontré que la Chancellerie aurait, à l'occasion des cessions intervenues, refusé le prix ainsi obtenu ;

Considérant qu'il convient par ailleurs de prendre en considération les données sur la période la plus récente précédant la mise en oeuvre de la loi ;

Considérant qu'au vu des justificatifs versés aux débats par la SCP, il convient, selon le calcul fait par le premier juge, que la cour fait sien, de retenir le chiffre de 1 796 524 euros, de sorte que le jugement querellé doit être confirmé sur ce point ;

Considérant que le renvoi par le législateur de l'indemnisation de l'avoué au juge de l'expropriation n'implique pas que la charge d'avoué ait fait l'objet d'une expropriation mais seulement que le législateur a choisi de retenir le régime d'indemnisation applicable en matière d'expropriation ;

Considérant que s'agissant de l'indemnisation de la perte du droit de présentation, les textes applicables en matière d'expropriation, auxquels renvoie la loi, prévoient pour son titulaire, outre une indemnité principale, une indemnité de remploi, calculée à partir de l'indemnité principale, destinée à couvrir les frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature ; qu'il est admis en matière d'expropriation qu'il n'est pas nécessaire de justifier le remploi et que l'indemnité est due au cas même où, en raison de sa nature particulière, le bien ne serait pas susceptible de remplacement ; que cette indemnité directement complémentaire de l'indemnité principale, car calculée en fonction du montant de celle-ci, est due également en cas de cessation d'activité ; qu'il suffit, comme en l'espèce, de ne pas se trouver dans un cas d'exclusion prévue par l'article R 13-46 du code de l'expropriation ;

Considérant qu'il n'est pas contestable que la réforme de la représentation devant les cours d'appel, aboutissant à la suppression de la profession d'avoué, impose aux anciens avoués de se réorganiser sur les plans matériel et juridique et de supporter des charges fiscales, le Parlement ayant en définitive supprimé les exonérations fiscales et sociales prévues par le Sénat ;

Considérant que la cour approuve et fait sien le calcul fait par le premier juge évaluant, comme en matière d'expropriation de fonds de commerce, à la somme de 178 503 euros, cette indemnité de remploi ; qu'il convient de confirmer la décision de première instance sur ce point ;

Considérant qu'il convient également de prendre en considération les charges occasionnées par la loi, pour lesquelles la commission d'indemnisation a fait des propositions ; que le fait que la SCP les ait refusées n'interdit pas d'en tenir compte à titre d'élément d'appréciation ;

Considérant que la SCP justifie ainsi des charges suivantes directement liées à la suppression du droit de présentation :

- frais d'archivage : 38 300 euros ;

- charges ordinales : 9 600 euros ;

- frais de licenciements restés à charge : 45 066 euros ;

Considérant en revanche que les autres demandes concernent des frais liés à l'adaptation des structures matérielles et juridiques d'exercice, qui font partie de ceux couverts par l'indemnité de remploi allouée et ne peuvent être accueillies ;

Considérant que l'indemnisation des préjudices économique et accessoires, toutes causes de préjudices confondues, a été déclarée contraire à la Constitution, de même que la référence à l'âge de l'avoué, au regard du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ;

Considérant que cette décision et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire ne peuvent être écartés par le juge ordinaire, eu égard aux dispositions impératives de l'article 62 de la Constitution, disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et s'imposent aux pouvoirs publics ainsi qu'à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ;

Considérant que si le juge ordinaire est certes compétent pour apprécier la conventionnalité des lois, il ne peut fait application de dispositions jugées inconstitutionnelles, les décisions du Conseil constitutionnel et leurs motifs prévalant, dans l'ordre juridique interne, sur les dispositions conventionnelles ;

Considérant en tout état de cause, que le juge de l'expropriation évalue le préjudice au jour du jugement de première instance, selon une date de référence située au jour de l'application de la loi ; qu'à cette date, l'avoué perdant son monopole de postulation devant la cour d'appel, conserve néanmoins son outil de travail puisqu'il peut continuer d'exercer son activité, quand bien-même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats, susceptibles de devenir des concurrents ; qu'il doit cependant être observé à cet égard que de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir à un ancien avoué pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant ; que des partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place ; que l'ancien avoué peut également postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépend et intervenir pour plaider devant toutes les juridictions ; qu'il peut donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé ;

Considérant que l'évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique ;

Considérant que la suppression du monopole de postulation devant la cour était motivée notamment par un but d'intérêt public de simplification de la procédure et d'abaissement de son coût, c'est à dire par le souci d'une meilleure administration de la justice ; qu'elle constituait ainsi une immixtion justifiée, voire obligatoire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement les préjudices directement liés à la perte du droit de présentation, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, étant souligné que le droit mis à la charge du justiciable en cause d'appel est insuffisant à assurer le financement et la trésorerie des sommes à revenir aux avoués ;

Considérant que les avoués ne sont dès lors pas fondés à obtenir, au delà de l'indemnisation de leur droit de créance résultant de la perte de leur droit de présentation, l'équivalent monétaire de ce qu'ils auraient continué de percevoir si la réforme n'était pas survenue ;

Considérant qu'au vu de la décision du Conseil constitutionnel et de ce qui précède, Mme [M] doit être déboutée de sa demande d'indemnisation du préjudice économique allégué tenant à une perte de revenus et de droits à la retraite ; que le jugement doit être infirmé à cet égard, ainsi que sur l'indemnité pour frais irrépétibles allouée à Mme [M] ;

Considérant qu'en matière d'expropriation, le préjudice moral n'est pas indemnisable, de sorte que la demande de dommages et intérêts visant les troubles dans les conditions d'existence présentée par Mme [M] ne peut être accueillie, le jugement étant confirmé sur ce point ;

Considérant que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance jusqu'au jour de leur paiement ; qu'ayant été déjà versées par le FIDA, il n'y a pas lieu à capitalisation de ces intérêts ;

Considérant qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; qu'en revanche, le Fonds devra supporter les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Et ceux non contraires du premier juge, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du juge de l'expropriation du 1er juillet 2013, sauf sur le montant des frais de licenciement restés à charge et en ce qu'il a alloué à Mme [M] la somme de 150 000 euros au titre de la suppression de la profession des avoués, ainsi qu'une indemnité pour frais irrépétibles ;

INFIRME le jugement sur ces points et statuant à nouveau :

FIXE le montant des frais de licenciement restés à charge de la SCP à la somme de 45 066 euros ;

DÉBOUTE Mme [M] de ses demandes d'indemnités au titre de la perte de revenus et des droits à la retraite, ainsi que d'une indemnité pour frais irrépétibles ;

Y ajoutant :

DIT que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance jusqu'au jour de leur paiement ;

DIT n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;

DIT que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

DIT que le FIDA supportera les dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/14808
Date de la décision : 02/04/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°13/14808 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-02;13.14808 ?
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