RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 7
ARRÊT DU 02 Avril 2015
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/20670
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 septembre 2013 par le tribunal de grande instance de Paris - RG n° 12/00203
APPELANTE
FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION D'AVOUE
DACS
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Sandrine BOURDAIS, avocate au barreau de PARIS, toque : G0709
INTIMÉES
SCP 'BERTRAND LE ROY AVOUE ASSOCIE'
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Bernard de FROMENT de la SELAS ADAMAS-AFFAIRES PUBLIQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0291 et ayant pour avocat plaidant Me Alexandre RIQUIER de la SELAS ADAMAS-AFFAIRES PUBLIQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0291
DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'[Localité 2]
Commissariat du gouvernement
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par M. [E] [O], commissaire du gouvernement, en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 mars 2015, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Christian HOURS, président de chambre, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS,
Monsieur Paul André RICHARD, conseiller hors classe, désigné par Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS
Madame [Q] [P], juge de l'expropriation au tribunal de grande instance de Bobigny, désignée conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Christian HOURS, président et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel formé, le 23 octobre 2013, par le Fonds d'indemnisation de la profession d'avoués (FIDA) d'une décision du juge de l'expropriation de Paris en date du 16 septembre 2013, ayant fixé, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à la somme totale de 1 917 110 euros, l'indemnité revenant à la SCP Bertrand Le Roy Avoué Associé au titre de la loi 2011-94 du 25 janvier 2011, portant réforme de la représentation devant la cour d'appel, se répartissant de la façon suivante :
- indemnité principale : 1 683 147 euros ;
- indemnité de remploi : 167 165 euros ;
- frais liés aux licenciements : 26 820,15 euros ;
- frais d'archivage : 35 177 euros ;
- charges ordinales : 4 800 euros.
Une somme de 2 000 euros a en outre été accordée à la SCP pour compenser ses frais irrépétibles.
La SCP Le Roy, titulaire d'un office d'avoué à Amiens, avait refusé l'offre d'indemnisation de 1 447 068 euros, qui lui a été faite par la Commission d'indemnisation (1 407 091 euros au titre de la perte du droit de présentation, 35 177 euros pour les frais d'archivage, 4 800 euros pour les conséquences financières en termes d'assurance et de participation au coût de gestion de la Chambre nationale des avoués.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :
- déposées au greffe par le FIDA, les 18 décembre 2013 et 17 mars 2014, tendant à l'infirmation du jugement et à ce que :
- l'indemnité au titre du droit de présentation soit fixée à la somme de 1 407 091 euros, avant déduction des sommes déjà versées, à laquelle viendra s'ajouter la somme de 25 292,40 euros en deniers ou quittances au titre du contrat de sécurisation professionnelle ;
- la SCP soit déboutée du surplus de ses demandes et condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;
- déposées au greffe par la SCP, le 10 février 2014, concluant :
- au débouté du FIDA ;
- à la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité globale lui revenant à la somme de 1 917 110 euros ;
- à ce que la somme de 49 992,92 euros lui soit octroyée, décomposée de la façon suivante :
- frais d'occupation des locaux : 10 800 euros ;
- frais liés au logiciel informatique : 7 319,52 euros ;
- honoraires de conseils juridiques : 31 873,40 euros ;
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir avec capitalisation ;
- il soit ordonné à l'Etat de garantir le Fonds de toute condamnation ;
- la condamnation du Fonds à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamnation du Fonds aux dépens de première instance et d'appel ;
- adressées par le commissaire du gouvernement le 3 mars 2014, aux termes desquelles il conclut, d'une part, à la reprise du montant de l'offre formulée par la FIDA pour le calcul de l'indemnité correspondant à la valeur de l'office et, d'autre part, au rejet des demandes supplémentaires.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Considérant que le FIDA fait valoir qu'il résulte de la décision 2010-624 du Conseil constitutionnel que le versement d'indemnités pour des préjudices autres que celui résultant de la perte du droit de présentation et le préjudice subi par les avoués détenant des parts en industrie, était inconstitutionnel ; qu'il a ainsi écarté le préjudice de carrière (considérant 21), les préjudices économiques jugés purement éventuels (considérant 24), les anciens avoués pouvant devenir avocats et jouir d'un monopole de représentation non seulement devant les cours d'appel mais aussi les tribunaux de grande instance ; que le juge de l'expropriation ne pouvait dès lors statuer que sur le montant de l'indemnité pour perte du droit de présentation et l'indemnité allouée aux avoués qui exerçaient au sein d'une société dont ils détenaient des parts en industrie ;
Considérant qu'il souligne que la situation à prendre en compte est celle d'une profession juridique ayant perdu un monopole sur une partie seulement de son activité et bénéficiant de plusieurs contreparties ; que des revenus futurs ne constituent pas des biens actuels au sens du protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme ; que le juge national ne saurait ordonner une indemnisation excédant les limites fixées par le Conseil constitutionnel, qui primerait en l'espèce sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que l'application du code de l'expropriation ne saurait avoir pour effet de reconnaître un droit à indemnisation de préjudices économiques ou accessoires déclarés contraires à la Constitution au nom du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; que l'article L11-1 du code de l'expropriation qui fixe le cadre d'application des textes sur l'expropriation n'est pas visé par la loi, de sorte que ne sont applicables que les seules dispositions légales auxquelles la loi fait spécifiquement référence ; que la suppression du monopole des avoués ne constitue pas une privation du droit de propriété ni une expropriation puisque le droit de présentation n'est pas transféré à l'Etat ; que seule la perte du droit de présentation doit être indemnisée dans la limite de la valeur de l'office ; que la valorisation de ce droit par la méthode du produit demi-net doit être écartée au profit de celle plus précise et appropriée prévue par l'article 6 du décret du 1er avril 2011 (moyenne entre d'une part la recette nette moyenne des cinq derniers exercices comptables connus de l'administration et d'autre part trois fois le solde moyen d'exploitation des mêmes exercices) ; que la période de référence est déterminée en fonction de l'année de référence pour le calcul de l'acompte ; que l'indemnité de remploi n'est qu'une forme d'indemnité accessoire prohibée par le Conseil constitutionnel ; que les offres faites par la Commission d'indemnisation ne tiennent, dès lors qu'elles ont été rejetées ; que les autres chefs de préjudice invoqués doivent être écartées ; que, subsidiairement, ils ne peuvent être indemnisés que s'ils sont certains et directement liés à la perte du droit de présentation, ce qui n'est pas le cas des frais invoqués ; qu'aucune somme n'est due pour le licenciement de M. [N] [M] puisque la SCP a finalement accepté la proposition faite par la Commission, à hauteur de 25 292,40 euros ; que la SCP n'avait pas la nécessité de recourir à d'autres professionnels ;
Considérant que la SCP Le Roy fait valoir que :
- s'agissant du calcul de l'indemnité au titre de la perte du droit de présentation, il convient de prendre en compte, pour l'application d'une loi du 25 janvier 2011, les résultats de l'année 2010, qui auraient été pris en considération en cas de cession amiable et de se référer à la méthode conforme aux habitudes de la profession et reconnue par la Chancellerie, du produit demi-net ;
- l'indemnité de remploi, prévue par l'article R 13-46 du code de l'expropriation en application de l'article L13-13 du même code, déclaré conforme à la Constitution, calculée exclusivement sur l'indemnité principale correspondant à la valeur de l'office, est due par principe, sauf dans le cadre des exclusions indiquées à l'alinéa 2 de l'article R 13-46, même si le remploi se fait sous d'autres formes ou s'il n'est pas envisageable ;
- la somme de 1 528 euros correspondant au droit individuel à la formation dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle de [N] [M], n'a pas été versée, bien qu'elle présente, elle-aussi, un lien direct et certain avec suppression de la profession d'avoué ;
- la somme de 35 177 euros, qui avait été proposée par la Commission d'indemnisation pour les frais d'archivage d'environ 10 000 dossiers sur 10 ans, comprenant les frais de transport et de destruction, doit être allouée ;
- la somme de 4 800 euros proposée par la Commission pour l'indemnisation des sujétions ordinales doit être validée car elle est conforme à la réalité ;
- à l'appui de son appel incident, le juge de l'expropriation doit apprécier la conventionnalité de la loi par rapport à l'article 1 du 1er protocole additionnel à la CEDH et à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg exigeant de prendre en compte le préjudice spécifique lorsque le bien perdu se trouve être l'instrument de travail (arrêts [D] et [R]) ; en l'espèce, la suppression du monopole entraîne la perte de la clientèle composée presque exclusivement d'avocats qui se passeront de l'ancien avoué ; la SCP est fondée à réclamer l'indemnisation de ses différents préjudices : un an de loyers de locaux professionnels occupés pour les besoins de la liquidation, sans percevoir de revenus autres que les derniers émoluments ; remboursement du matériel acheté pour la communication électronique qui n'a servi que trois mois ; frais liés à l'assistance de professionnels qualifiés pour l'assister dans la réalisation de son dossier de demande d'indemnisation, la préparation du contentieux et diverses consultations ;
Considérant que le commissaire du gouvernement demande à la cour de retenir le montant de l'offre formulée pour le calcul de l'indemnité correspondant à la valeur de l'office et de rejeter toutes les autres demandes de la SCP Le Roy, lesquelles font partie du groupe des préjudices toutes causes confondues censuré par le Conseil constitutionnel ;
Considérant que les avoués ont été institués par les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 pour représenter en justice les parties à un procès, après la suppression des charges des procureurs royaux dont le ministère était obligatoire depuis 1620 ; qu'ils ont été supprimés en même temps que les avocats par le décret du 24 octobre 1793, avant d'être rétablis par la loi du 18 mars 1800 près les juridictions de première instance, d'appel et de cassation, qui leur attribue un monopole de la postulation, tant en matière civile que pénale, l'Etat fixant leur nombre et leur rémunération ;
Considérant que la loi du 18 février 1801 a supprimé la spécialité d'avoué près les tribunaux criminels ; qu'après le rétablissement, également en 1800, de la profession d'avocat, celui-ci étant en charge de la plaidoirie, l'avoué a conservé le monopole de la postulation et du dépôt des conclusions ; que la profession d'avoué a été scindée en celle d'avoué au tribunal et d'avoué à la cour d'appel ;
Considérant que la loi du 28 avril 1816 a consacré la patrimonialité des offices, les avoués étant autorisés à présenter un successeur au roi puis au garde des Sceaux, pourvu qu'il réunisse les qualités ; que ce système a été maintenu, le titulaire de l'office, officier ministériel, jouissant ainsi d'un droit de présentation de son successeur, un traité étant conclu avec celui-ci, fixant un prix de cession, soumis à l'agrément de la Chancellerie ;
Considérant que la patrimonialité des offices d'avoué a été supprimée dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, après la guerre de 1870, sans avoir été rétablie après 1918, les lois du 20 février 1922 et 29 juillet 1928 définissant seulement un régime de postulation spécifique, où les avocats doivent choisir de postuler devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d'appel ;
Considérant que les offices d'avoué au tribunal de grande instance et ceux d'avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer ont été supprimés par la loi du 31 décembre 1971, les anciens avoués devenant avocats ;
Considérant que les avoués à la cour d'appel ont conservé le monopole de la postulation devant les cours d'appel dans les procédures où la représentation est obligatoire, soit la majorité du contentieux civil, à l'exclusion notable des affaires portées devant les chambres sociales des cours d'appel ; qu'ils peuvent en outre exercer une activité hors monopole de consultation juridique, de rédaction d'actes sous seing privé, de représentation et de plaidoirie dans des contentieux judiciaires ou administratifs où la représentation n'est pas obligatoire ;
Considérant que les avocats, s'ils avaient la possibilité de plaider partout en France, ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance dont dépendait leur barreau d'inscription (les avocats des barreaux de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil pouvant eux postuler devant tous ces tribunaux de grande instance, issus de l'ancien tribunal de la Seine) ;
Considérant que les avoués percevaient pour leur activité monopolistique des émoluments tarifés, selon un tarif fixé par le décret du 30 juillet 1980, modifié en 1984, puis en 2003 ;
Considérant qu'à la suite des rapports au Président de la République présentés par MM. [K] (2008) et [L] (2009), remettant en cause le bien-fondé de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat, en cause d'appel et compte tenu de la directive 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), un projet de loi a été élaboré, intégrant les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au barreau près du tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office est situé, avec possibilité de renoncer à devenir avocat ou de choisir un autre barreau ; que, corrélativement, l'activité des avocats a été étendue à la postulation devant la cour d'appel, le tarif de postulation en cause d'appel étant supprimé ;
Considérant que le projet initial prévoyait seulement une indemnisation du droit de présentation des avoués correspondant aux deux tiers de la valeur de la charge, qui sera portée par l'Assemblée nationale à la totalité de cette valeur, le Sénat ajoutant ensuite l'indemnisation des préjudices de carrière, économique, accessoires et désignant le juge de l'expropriation de Paris pour fixer cette indemnisation en cas de désaccord des avoués sur les propositions à eux faites par une commission chargée de statuer sur leurs demandes ;
Considérant que sur le recours de 82 sénateurs, contestant notamment, d'une part, les modalités de l'indemnisation des avoués prévues par la loi déférée, en ce qu'elle n'était pas préalable à la suppression de cette profession, d'autre part, le régime fiscal de cette indemnisation, le Conseil constitutionnel a rejeté ces contestations et, se saisissant d'office, a notamment considéré que le préjudice de carrière était inexistant pour un avoué, que le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes causes confondues étaient purement éventuels, compte tenu des activités qu'ils pouvaient continuer d'exercer et qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée avaient méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
Considérant qu'en conséquence l'article 13 de la loi déférée, ainsi libellé initialement : "les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L13-1 à L13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi..." a été privé par la décision n°2010-624 DC du 20 janvier 2011 des mots "du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues" , de même que des mots " en tenant compte de leur âge" ;
Considérant sur la recevabilité des demandes d'indemnisation présentées par la SCP Bertrand Le Roy Avoué Associé , que l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011dispose que les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi. L'indemnité est versée par le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19. Par dérogation aux règles de compétence territoriale, le juge de l'expropriation compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris. Dans un délai de trois mois suivant la cessation de l'activité d'avoué près les cours d'appel et au plus tard le 31 mars 2012, la commission prévue à l'article 16 notifie à l'avoué le montant de son offre d'indemnisation. En cas d'acceptation de l'offre par l'avoué, l'indemnité correspondante est versée à l'avoué dans un délai d'un mois à compter de cette acceptation ;
Considérant dès lors que la recevabilité des demandes de la SCP Bertrand Le Roy Avoué Associé, qui n'a pas accepté les offres qui leur ont été faites par la commission d'indemnisation, n'est pas contestable ;
Considérant que le législateur a confié au juge de l'expropriation le soin de fixer l'indemnisation du droit de présentation et, le cas échéant, des parts en industrie de l'avoué exerçant en société, conformément aux dispositions des articles L13-1 à L13-25 du code de l'expropriation ;
Considérant s'agissant de la valeur du droit de présentation que le juge de l'expropriation est libre de choisir la méthode qui lui apparaît la plus appropriée pour la déterminer ; qu'il ne saurait lui être imposé de se conformer à un barème, fût-celui prévu par l'article 6 du décret du 1er avril 2011, applicable à la seule commission d'indemnisation, faute de quoi il était inutile de prévoir le recours au juge ;
Considérant que la valeur de la charge doit être déterminée, ainsi d'ailleurs que le prévoit la circulaire de la direction des affaires civiles et du sceau, relative à la constitution des dossiers de cessions des offices publics et/ou ministériels, conformément aux usages de la profession et aux considérations économiques, c'est à dire selon la loi du marché ; qu'ainsi, l"indemnité doit être égale à la somme qui aurait été perçue par l'avoué si le droit de présentation avait été cédé dans le cadre d'une cession ordinaire ;
Considérant qu'il est suffisamment établi par les attestations versées aux débats que les cessions de charges d'avoué ont été faites, depuis de nombreuses années, partout où les avoués existaient en France, essentiellement selon la méthode dite du produit demi-net (moyenne sur cinq ans des différences entre le produit brut de l'office et certaines charges limitativement énumérées, à savoir loyers des locaux professionnels, salaires et charges sociales ou encore taxe professionnelle) avec application d'un coefficient dit de cour, tenant aux conditions économiques dans la cour d'appel à laquelle appartient l'avoué ; qu'il n'est pas démontré que la Chancellerie aurait, à l'occasion des cessions intervenues, refusé le prix ainsi obtenu ;
Considérant qu'il convient par ailleurs de prendre en considération les données sur la période la plus récente précédant la mise en oeuvre de la loi ;
Considérant qu'au vu des justificatifs versés aux débats par la SCP, il convient, selon le calcul fait par le premier juge, que la cour fait sien, de retenir le chiffre de 1 683 147 euros, de sorte que le jugement querellé doit être confirmé sur ce point ;
Considérant que le renvoi par le législateur de l'indemnisation de l'avoué au juge de l'expropriation n'implique pas que la charge d'avoué ait fait l'objet d'une expropriation mais seulement que le législateur a choisi de retenir le régime d'indemnisation applicable en matière d'expropriation ;
Considérant que s'agissant de l'indemnisation de la perte du droit de présentation, les textes applicables en matière d'expropriation, auxquels renvoie la loi, prévoient pour son titulaire, outre une indemnité principale, une indemnité de remploi, calculée à partir de l'indemnité principale, destinée à couvrir les frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature ; qu'il est admis en matière d'expropriation qu'il n'est pas nécessaire de justifier le remploi et que l'indemnité est due au cas même où, en raison de sa nature particulière, le bien ne serait pas susceptible de remplacement ; que cette indemnité directement complémentaire de l'indemnité principale, car calculée en fonction du montant de celle-ci, est due également en cas de cessation d'activité ; qu'il suffit, comme en l'espèce, de ne pas se trouver dans un cas d'exclusion prévue par l'article R 13-46 du code de l'expropriation ;
Considérant qu'il n'est pas contestable que la réforme de la représentation devant les cours d'appel, aboutissant à la suppression de la profession d'avoué, impose aux anciens avoués de se réorganiser sur les plans matériel et juridique et de supporter des charges fiscales, le Parlement ayant en définitive supprimé les exonérations fiscales et sociales prévues par le Sénat ;
Considérant que la cour approuve et adopte le calcul fait par le premier juge évaluant, comme en matière d'expropriation de fonds de commerce, à la somme de 167 165 euros, cette indemnité de remploi; qu'il convient de confirmer la décision de première instance sur ce point ;
Considérant qu'il convient également de prendre en considération les charges occasionnées par la loi, non incluses dans l'indemnité de remploi, pour lesquelles la commission d'indemnisation a fait des propositions ; que le fait que l'avoué les ait refusées n'interdit pas d'en tenir compte à titre d'élément d'appréciation ;
Considérant que la SCP justifie ainsi des charges suivantes directement liées à la suppression du droit de présentation :
- frais liés aux licenciements : 26 820,15 euros ;
- frais d'archivage : 35 177 euros ;
- charges ordinales : 4 800 euros ;
Considérant en revanche s'agissant des autres demandes présentées par la SCP qu'ils concernent des frais liés à l'adaptation des structures matérielles et juridiques d'exercice, lesquels font partie de ceux couverts par l'indemnité de remploi allouée ;
Considérant dès lors que le jugement querellé doit être confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour d'adresser des injonctions à l'Etat ;
Considérant qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; qu'en revanche, le FIDA supportera les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Et ceux non contraires du premier juge, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'expropriation du 16 septembre 2013 ;
Y ajoutant :
DIT que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
DIT que le FIDA supportera les dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT