Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 2
ARRÊT DU 17 AVRIL 2015
(no 2015-111, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 10164
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juin 2009- Tribunal de grande instance de Nanterre- 2ème chambre-RG no06/ 1177
Arrêt du 05 Avril 2012- Cour d'appel de Versailles RG no09/ 5661
Arrêt du 10 Juillet 2013- Cour de Cassation de PARIS 01- RG no R12-21. 314
APPELANTE
Société SANOFI PASTEUR MSD
agissant en la personne de son représentant légal
No SIRET : 392 032 934
162, avenue Jean Jaurès
69007 LYON
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Etienne GOUESSE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 145
INTIMÉES
Madame Aline X...
Née le 01/ 05/ 1959 à Dakar
...
25500 VERNOUILLET
Représentée et assistée par Me Jean-Mathieu BOUSSARD de la SELARL WATRIGANT et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R238
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PARIS
prise en la personne de son représentant légal
173/ 175, rue de Bercy-Centre No 261- Contentieux
75012 PARIS 12
Défaillante. Régulièrement avisée.
COMPOSITION DE LA COUR :
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère, ayant préalablement été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Anne VIDAL, présidente de chambre
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère
Madame Isabelle CHESNOT, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Malika ARBOUCHE
ARRÊT :
- contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne VIDAL, présidente et par Mme Malika ARBOUCHE, greffière.
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FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Mme Aline X... née le 1er mai 1959 au Sénégal s'est vu prescrire le 31 mai 1986 trois vaccins hevac B, puis a reçu, en sa qualité d'infirmière de l'assistance publique soumise à une vaccination obligatoire, dix vaccinations et rappels par injections d'HEVAC B et de GENHEVAC B, produits fabriqués par la société SANOFI PASTEUR les 7 mars, 8 avril et 9 mai 1988, un rappel le 24 avril 1989, puis les 9 décembre 1991, 9 janvier et 10 février 1992 et enfin les 14 mai, 10 juin et 16 septembre 1993 en raison de l'absence d'anticorps par elle développés.
Courant 1992 elle s'est plainte d'épisodes de paresthésies des deux mains spontanément résolus et en 1995 d'un état de fatigue et de troubles sensitifs de l'hémicorps gauche qui ont donné lieu à des investigations sans résultat probant. En arrêt de travail à partir de juillet 1998 Mme X... a fait l'objet en décembre 1998 d'un diagnostic de sclérose en plaque à laquelle ont été rattachés les symptômes présentés en 1995. L'état de Mme X... semble stable depuis juin 2000.
Mme X... a été examinée dans le cadre de cinq expertises diligentées entre 1999 et 2002.
Déboutée de ses demandes, présentées devant les juridictions administratives, en indemnisation et aux fins de voir reconnaître l'origine professionnelle de sa maladie, Mme X... a assigné le 20 mai 2003 le laboratoire Pasteur société Aventis Pasteur MSD sur le fondement des dispositions des articles 1382 et suivants et 1386-1 et suivants du code civil en sa qualité de fabricant des vaccins.
Par jugement en date du 5 juin 2009 le tribunal de grande instance de Nanterre a retenu en raison de l'existence de présomptions graves précises et concordantes la responsabilité de la société SANOFI PASTEUR condamnée à verser hors recours des tiers payeurs la somme de 332. 718 euros à Mme X....
Cette décision a été infirmée le 5 avril 2012 par la cour d'appel de Versailles qui a relevé l'existence de présomptions graves, précises et concordantes établissant le lien d'imputabilité entre la vaccination de Mme X... et le déclenchement de la sclérose en plaques dont elle est atteinte, mais a considéré que le caractère défectueux du vaccin et le défaut d'information du producteur n'étaient pas démontrés.
Elle a retenu au titre des présomptions permettant de démontrer l'imputabilité du dommage au vaccin :
- l'état antérieur de Mme X...,
- son histoire familiale et son origine ethnique,
- le temps écoulé entre les injections et le déclenchement de la maladie,
- le nombre anormalement important des injections pratiquées.
Par arrêt en date du 10 juillet 2013 la Cour de cassation a cassé partiellement cette décision en ce que qu'elle avait écarté le caractère défectueux du produit : " par une considération générale sur le rapport bénéfices/ risques de la vaccination, après avoir admis qu'il existait en l'espèce des présomptions graves, précises et concordantes tant au regard de la situation personnelle de Mme X... que des circonstances particulières résultant notamment du nombre important des injections pratiquées de l'imputabilité de la sclérose en plaque à ces injections sans examiner si ces mêmes faits ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes du caractère défectueux des doses qui lui avaient été administrées ; "
La cour d'appel de Paris a été saisie sur renvoi par la société Sanofi Pasteur MSD venant aux droits de la société Aventis Pasteur MSD et dans ses conclusions signifiées le 18 février 2015 celle-ci demande à la cour de : Vu les dispositions des articles 1147 et 1382 du Code civil interprétés à la lumière de la directive CEE 85-374 du 25 juillet 1985, les articles 7 et 16 du Code de procédure civile,
A titre principal,
- constater que le tribunal n'a pas caractérisé le défaut du produit ni, a fortiori, le caractère causal de ce défaut dans la survenance du dommage,
- constater d'ailleurs que Madame X... ne rapporte ni la preuve d'un défaut du vaccin ni la preuve d'un lien de causalité entre ce défaut et la pathologie dont elle souffre,
- réformer le jugement et débouter Madame X... de l'intégralité de ses demandes,
Subsidiairement, si la cour considérait que le vaccin est effectivement défectueux,
- constater que l'état des connaissances scientifiques et techniques n'a pas permis à ce jour à la communauté scientifique-ni a fortiori à Sanofi Pasteur MSD-de déceler un défaut du vaccin, que la cour, après le tribunal, serait la première à établir ;
- constater que Sanofi Pasteur MSD est fondée dans ces conditions à se prévaloir de la cause d'exonération que constitue le risque de développement,
- réformer le jugement dans toutes ses dispositions et décharger Sanofi Pasteur MSD de toute responsabilité,
Plus subsidiairement, si un défaut d'information était caractérisé et un principe de responsabilité retenu contre Sanofi Pasteur MSD,
- dire et juger que Madame X... ne peut prétendre qu'à l'indemnisation de la perte de chance qui a été directement et certainement causée par le défaut d'information,
- dire et juger dès lors que ce préjudice est inexistant, s'agissant d'une vaccination obligatoire (sauf à la limiter au préjudice moral d'impréparation),
A titre infiniment subsidiaire,
- constater qu'aucune des expertises réalisées il y a plus de 10 ans ne l'a été au contradictoire de Sanofi Pasteur MSD,
- constater que la dernière expertise évaluant les préjudices de Madame X... remonte au mois de juillet 2002,
Dès lors,
- ordonner avant dire droit telle expertise, avec une mission d'analyse classique des préjudices, pour déterminer avec précision la situation de Madame X... dès lors qu'aucun élément n'a été versé sur son état de santé,
En tout état de cause,
- mettre les entiers dépens à la charge de Madame X....
Elle soutient pour l'essentiel que la preuve de la défectuosité du produit ne peut résulter de sa seule imputabilité dans la survenance du dommage :
- il appartient à celui qui recherche la responsabilité du fait d'un produit de santé de rapporter la preuve d'un dommage, de l'imputabilité de celui-ci à l'administration du produit, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage,
- la preuve du défaut du produit comme celle du lien de causalité entre celui-ci et le dommage peuvent résulter, de même que celle de l'imputabilité du dommage au produit, de présomptions précises, graves et concordantes qu'il appartient aux juridictions du fond de caractériser,
- la Cour de cassation ayant validé en l'espèce l'imputabilité aux vaccins de la sclérose en plaques dont est atteinte Mme X..., la cour de renvoi doit vérifier si Mme X... rapporte la preuve que le vaccin était défectueux et que c'est bien ce défaut qui est la cause de son dommage,
-1) la preuve de la défectuosité du produit se fait en fonction du défaut dans la sécurité à laquelle le grand public peut légitimement s'attendre et donc par une appréciation in abstracto de l'attente légitime de l'utilisateur :
* pour un défaut intrinsèque de conception en présence d'un risque avéré et connu par l'appréciation de la balance bénéfices/ risques, et en l'espèce le rapport bénéfices/ risques de la vaccination contre l'hépatite B a été suffisamment démontré comme positif,
* pour un défaut intrinsèque de fabrication par la preuve de l'anomalie des lots fabriqués et commercialisés et en l'espèce, aucun défaut concernant un ou plusieurs lots de vaccins n'a été répertorié et tous les patients vaccinés par injections issues du même lot auraient contracté une sclérose en plaques,
* pour un défaut extrinsèque par la preuve d'une réaction qui n'a pas été mentionnée dans la notice et sur laquelle le fabriquant doit une information s'agissant d'un effet avéré et connu, et il n'est pas démontré qu'entre 1986 et 1992, (selon les injections), Sanofi Pasteur MSD pouvait avoir connaissance d'un risque avéré de sclérose en plaques, l'enquête de l'Agence du Médicament sur un tel risque ayant débuté le 1er juin 1994 soit postérieurement aux vaccinations litigieuses et la modification des notices étant intervenue cette même année,
- au surplus une telle information dite " de précaution " ne suffit pas à caractériser le défaut, cette information a d'ailleurs été refusée par les autres pays et le risque écarté par la communauté scientifique et les autorités sanitaires car la pathologie sans doute multi-factorielle de la sclérose en plaque demeure encore très largement méconnue,
-2) à le supposer établi il n'est pas démontré que ce défaut est la cause directe et certaine de la pathologie de Mme X... et le lien de causalité entre le dommage et le produit définitivement jugé comme établi est distinct du caractère causal du défaut qui reste à démontrer :
- dans le cadre d'un défaut extrinsèque résultant d'un manquement à une obligation d'information il n'est pas démontré que dûment informée Mme X... ne se serait pas fait vacciner,
- subsidiairement
l'appelante serait bien fondée à faire valoir la cause d'exonération que constitue le risque de développement qui a été transposé à l'article 1386-11 du code civil dès lors que ce principe existait dans notre droit positif avant la transposition de la Directive de 1988,
- plus subsidiairement,
il conviendrait de réduire les demandes indemnitaires de Mme X... qui ne relèvent que d'une perte de chance de ne pas être vaccinée ici inexistante puisque sa vaccination s'inscrit dans le cadre de la vaccination obligatoire des personnels de santé et que seul un préjudice d'impréparation pourrait être réparé,
- très subsidiairement
en l'état des éléments produits et en l'absence d'expertise contradictoire sur l'état de santé de Mme X... la cour devrait ordonner une mesure d'expertise permettant de porter contradictoirement une appréciation sérieuse sur l'état de santé de Mme X... et sur ses prétentions au titre de la réparation de son préjudice.
Dans ses conclusions signifiées le 10 février 2015 Mme Aline X... demande à la cour de renvoi de :
CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions, sauf pour ce qui concerne le quantum de l'indemnisation de son préjudice, qui doit être porté à :
-29 280 ¿ au titre de la réduction volontaire de son temps de travail,
-210. 000 ¿ au titre de l'IPP,
-220. 000 ¿ au titre de son préjudice professionnel,
-75 000 ¿ au titre du « pretium doloris »,
-5 000 ¿ au titre du « préjudice esthétique »,
-35 000 ¿ au titre de son préjudice d'agrément,
CONDAMNER la société SANOFI PASTEUR à verser à Madame X... la somme de
20. 000 ¿ au titre des dispositions de l'article 700 du NCPC, outre les entiers dépens.
Elle soutient pour l'essentiel que :
- sur le défaut de conception ou de fabrication du produit :
* le caractère défectueux du produit peut résulter des présomptions graves, précises et concordantes qui établissent la causalité et il s'agit d'une appréciation au cas par cas comme l'a jugé la Cour de cassation dans son arrêt de 2013,
* les affirmations générales de SANOFI (qui sont les mêmes que celles de la cour d'appel de Versailles censurées par la Cour de cassation) sont insuffisantes à combattre le faisceau d'indices précis, graves et concordants propres au cas de Mme X... qui établissent l'imputabilité de la maladie à l'injection du produit et dont il découle nécessairement, à défaut de preuve contraire par le laboratoire, que le produit est défectueux,
- sur le défaut extrinsèque ou défaut d'information :
outre que l'absence de défaut intrinsèque n'est pas révélée, SANOFI aurait du avoir connaissance d'un tel risque et surtout il lui appartenait de fournir toutes les informations sur la posologie du produit, ce qu'elle n'a pas fait puisque le nombre total d'injections a été du double de celles aujourd'hui recommandées sur la notice et l'utilisation répétitive du vaccin a certainement contribué au dommage,
- sur les présomptions précises, graves et concordantes :
il convient de retenir comme le tribunal de Nanterre :
* la concordance dans le temps des vaccinations et de l'apparition puis de l'aggravation de la maladie,
* le nombre très important des injections administrées en raison de l'absence d'anticorps développés par Mme X... et en l'absence à l'époque de toute indication ou mise en garde relative à la posologie du produit malgré le risque de " sur vaccination ",
* l'origine ethnique de Mme X... issue d'une population au sein de laquelle la maladie ne se développe pratiquement jamais, (née au Sénégal elle y a vécu jusqu'à ses 20 ans),
* les " doutes " sérieux exprimés par plusieurs des experts qui ont examiné Mme X... et qui n'excluent le lien de causalité entre les vaccination et la maladie qu'en raison d'un trop long délai entre les injections et la date prouvée des symptômes,
* l'analyse des dernières recherches et données scientifiques qui mettent à néant les conclusions de ces experts fondées sur la brièveté nécessaire du délai entre les injections et l'apparition des symptômes,
- Sur le préjudice : le préjudice dont Mme X... demande l'indemnisation est parfaitement justifié puisqu'elle subit :
- une IPP de 70 % sous réserve d'aggravation justifiant l'allocation d'une somme de 210 000 euros,
- une incidence professionnelle puisqu'elle n'a pu passer les concours lui permettant de devenir surveillante puis surveillante-chef, évaluée à la somme de 220 000 euros,
- un pretium doloris important : 75 000 euros,
- un préjudice d'agrément important : 35 000 euros,
- un préjudice esthétique qualifié de faible : 5 000 euros.
MOTIFS DE LA DECISION :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 1386-4 du code civil il appartient à celui qui recherche la responsabilité du fait d'un produit de santé de rapporter la preuve d'un dommage, de l'imputabilité de celui-ci à l'administration du produit, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage ;
qu'en l'espèce la cassation partielle au visa de l'article 1386-4 précité de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles en date du 5 avril 2012 interdit à la cour de renvoi d'examiner à nouveau la réalité du dommage subi par Mme X... ainsi que l'imputabilité de la sclérose en plaques aux vaccins fabriqués par la société SANOFI ;
qu'il appartient à la cour de rechercher si le produit fabriqué par la société SANOFI était défectueux et si ce défaut qui ne résulte cependant pas de la seule imputabilité du dommage au produit est bien la cause du dommage subi par Mme X... ;
Considérant qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances, et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ;
que le défaut peut être caractérisé par une inversion du rapport bénéfices/ risques ou encore par des lacunes dans la présentation et donc l'information sur le produit ;
qu'enfin la preuve du défaut du produit mise à la charge du demandeur peut être apportée par présomptions à la condition qu'elles soient graves, précises et concordantes, le défaut d'un vaccin ne pouvant se déduire de l'absence de certitude scientifique sur l'innocuité du produit ;
Considérant que pour prononcer la cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles la Cour de cassation reproche à celle-ci de ne pas avoir recherché si les présomptions graves, précises et concordantes retenues à l'appui de l'imputabilité de la sclérose en plaques aux vaccins fabriqués par la société SANOFI, et tout particulièrement le nombre très important des injections pratiquées, ne constituaient pas également des présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir le caractère défectueux des doses administrées à Mme X..., et d'avoir écarté ce caractère défectueux uniquement par une considération générale sur le rapport bénéfices/ risques de la vaccination contre l'hépatite B ;
que la cour rappelle les présomptions dont seule la réunion a permis au tribunal et à la cour d'appel de retenir sur le fondement de l'article 1353 du code civil l'imputabilité du dommage aux vaccinations à savoir :
- l'état antérieur de Mme X... en parfaite santé, sans antécédents familiaux avec au contraire une rareté accrue de la maladie au sein de la population sénégalaise,
- la relation temporelle entre l'apparition des symptômes fin 1992 et la dernière vaccination en février 1992,
- " les doutes sérieux " exprimés par certains des experts qui ont examiné Mme X...,
- le nombre anormalement important des injections multipliant les expositions de Mme X... au produit,
mais considère qu'elles sont insuffisantes à caractériser le défaut des deux vaccins commercialisés par la société SANOFI comme celui des doses injectées à Mme X... dont la cour ignore au surplus la provenance exacte ainsi que les lots concernés ;
qu'en effet les experts, qui s'accordent au demeurant sur l'incertitude de l'apparition dans le temps des premiers symptômes de la maladie-dix mois pour les troubles discutés de 1992 et trois ans pour ceux constatés en 1995- au regard des nombreuses vaccinations dont Mme X... a fait l'objet jusqu'en septembre 1993 et non jusqu'en février 1992, s'interrogent principalement dans le cas particulier de Mme X... sur l'utilité d'une immuno-stimulation aussi prolongée et également de vaccinations qui se seraient poursuivies postérieurement à l'apparition des premiers symptômes ;
qu'il convient de rappeler à cet égard que Mme X... a subi un nombre très important d'injections pratiquées jusqu'en septembre 1993 en raison de son exposition particulière à l'hépatite B en tant que personnel de santé et surtout de sa résistance anormale à la vaccination ;
qu'ainsi dans son rapport du 2 juin 2000 le professeur Y... s'interroge sur les treize vaccins reçus qui représentent une immuno-stimulation prolongée non négligeable, le docteur Z..., neurologue qui a suivi Mme X... depuis l'été 1998 se pose la question de l'imputabilité d'une forte stimulation antigénique avec treize vaccinations et le professeur A... retient que le nombre de vaccination était exagéré et finalement pas nécessaire en raison d'une élévation seulement transitoire des anticorps anti-HB ;
que la cour relève que cette interrogation, qui porte sur le nombre très élevé d'injections effectuées pour certaines peut-être postérieurement à l'apparition des premiers symptômes de la maladie fin 1992, concerne l'utilisation du produit, voire sa posologie et non un éventuel défaut intrinsèque du vaccin ou des doses administrées susceptible d'être reproché au fabricant ;
qu'il ne peut être imputé à la société SANOFI PASTEUR MSD un défaut d'information quant aux doses à respecter puisque la recommandation de six injections au maximum rappelée par le tribunal et dont fait état Mme X... émise seulement le 7 juillet 2001 par le Conseil Supérieur d'Hygiène Publique n'a donné lieu à une mention dans le VIDAL et sur la notice des vaccins que bien postérieurement aux dites vaccinations et que rien dans la littérature médicale contemporaine des vaccinations ne justifiait alors une telle mise en garde quant à la posologie recommandée ;
que la cour relève comme le rappelle le professeur A... dans son rapport de juin 2002 que c'est uniquement à la suite de la réunion internationale tenue à l'Agence du médicament le 21 septembre 1998 que la stratégie vaccinale a été modifiée pour mieux apprécier le risque individuel à l'égard de l'hépatite B au regard de l'éventuel risque vaccinal ;
qu'il en résulte que le nombre particulièrement important d'injections du vaccin contre l'hépatite B pratiquées sur Mme X... jusqu'en 1993 ne peut être admis au titre des présomptions permettant d'établir la défectuosité du produit à défaut pour Mme X... de démontrer que la société SANOFI PASTEUR MSD aurait dû dès 1993 mentionner un risque connu lié à la " sur vaccination " qu'elle invoque ;
qu'en ce qui concerne les autres présomptions retenues pour imputer la sclérose en plaques dont est atteinte Mme X... à sa vaccination contre l'hépatite B la cour relève que :
- le facteur temporel est délicat à exploiter en l'espèce compte tenu de la difficulté à dater précisément les premiers troubles de Mme X..., des multiples injections pratiquées et des controverses scientifiques remettant en cause le délai jusqu'alors admis entre la vaccination et l'apparition des premiers symptômes de la sclérose en plaques ;
- les " doutes sérieux " exprimés par certains experts et notamment le docteur B... dans son rapport en date du 12 juillet 2000 en ce qu'ils n'élimineraient pas formellement l'existence d'un lien scientifique entre le vaccin et la maladie, ne permettent pas davantage de considérer qu'ils peuvent, sauf à inverser la charge de la preuve, constituer une présomption au sens de l'article 1353 du code civil, étant rappelé que le défaut d'un vaccin ne peut se déduire de l'absence de certitude scientifique sur l'innocuité du produit ;
- le fait que Mme X... soit en bonne santé avant la vaccination, ce qui est le cas de 92 % à 95 % des malades atteints de sclérose en plaques, et le fait qu'elle fasse partie d'une population peu touchée par la maladie sont insuffisants à établir à eux seuls le défaut du produit ;
- le rapport bénéfice/ risque attendu de la vaccination doit s'apprécier, en ce qui concerne Mme X..., au regard du faible risque d'atteinte démyélinisante qu'elle présentait face au risque important d'être contaminée par le virus de l'hépatite B, du fait de sa profession d'infirmière ce qui permet de rejeter l'existence d'une inversion du rapport bénéfice/ risque de nature à caractériser la défectuosité du produit ;
qu'en conséquence Mme X... à laquelle appartient la charge d'une telle preuve ne démontre pas le caractère défectueux du vaccin contre l'hépatite B, ni celle des doses administrées, fabriqués par la société SANOFI PASTEUR MSD ;
Sur le défaut d'information :
Considérant qu'en ce qui concerne la présentation du produit, le risque de sclérose en plaques qui n'était pas mentionné à l'époque de l'administration des vaccins à Mme X... entre 1986 et 1993 n'est apparu sur le VIDAL et les notices des vaccins qu'en 1994, année au cours de laquelle a été menée une enquête nationale de pharmacovigilance, et la société SANOFI PASTEUR MSD démontre qu'avant cette date les effets indésirables du produit étaient encore inconnus et qu'il n'existait alors aucune étude sérieuse sur une éventuelle corrélation entre les affections démyélinisantes et la vaccination contre l'hépatite B de sorte qu'il ne peut être utilement reproché au laboratoire un défaut d'information sur le sujet ;
qu'au demeurant la cour relève que Mme X... particulièrement exposée comme il a été rappelé au risque de contracter une hépatite B en sa qualité d'infirmière soumise pour cette raison à une vaccination obligatoire et alors que le risque de sclérose en plaques devait en toute hypothèse être considéré comme très faible en ce qui la concerne du fait de son état de santé, de ses antécédents familiaux et de son ethnie n'aurait, dûment informée d'un tel risque, pas renoncé à la dite vaccination ;
que le jugement doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a retenu le caractère défectueux des vaccins de la société SANOFI PASTEUR MSD administrés à Mme X... et condamné cette société à lui payer la somme de 332 718 euros en réparation de ses préjudices ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par décision contradictoire et dans les limites de la cassation ;
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu le caractère défectueux des vaccins de la société SANOFI PASTEUR MSD administrés à Mme X... et condamné le producteur à payer à celle-ci la somme de 332 718 euros en réparation de ses préjudices ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
- Déboute Mme Aline X... de l'ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne Mme Aline X... aux dépens de la présente instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE