RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
L. 552-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 1er mai 2015
(n° 1621 , 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : B 15/01621
Décision déférée : ordonnance du 29 avril 2015, à 15h24, Juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris,
Nous, Nicolas Bonnal, président de chambre à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Christophe Nomdedeu, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. [Q] [R],
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] de nationalité sénégalaise
RETENU au centre de rétention : Paris Vincennes,
assisté de Me Bruno Vinay, avocat commis d'office, du barreau de Paris,
INTIMÉ :
M. LE PREFET DE POLICE
représenté par Me Laurent Douchain, avocat au barreau de Paris, du cabinet a.d.e.s,
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience,
ORDONNANCE :
- contradictoire,
- prononcée en audience publique,
- Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national et placement en rétention pris le 24 avril 2015 par le préfet de police à l'encontre de l'intéressé, notifié le jour même à 12h45 ;
- Vu l'ordonnance du 29 avril 2015 du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris rejetant les exceptions de nullité et ordonnant la prolongation du maintien de l'intéressé, dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de vingt jours, soit jusqu'au 19 mai 2015 à 12h45 ;
- Vu l'appel motivé interjeté le 30 avril 2015, à14h39, par M. [Q] [R],
- Après avoir entendu les observations :
de M. [Q] [R], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;
du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l'ordonnance ;
SUR QUOI,
Aux termes de l'article 78-2, alinéa 8 (ou 4) du code de procédure pénale, dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté, pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, l'identité de toute personne peut être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa du même article 78-2, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi.
Pour l'application de ce texte, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionnés au même alinéa. Ces contrôles, pour être réguliers, doivent présenter un caractère non systématique et donc aléatoire.
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le contrôle n'a pas été effectué en application des dispositions de l'article 78-2, alinéa 2, du même code, au motif qu'il serait plausible que la personne contrôlée ait commis une infraction.
Il résulte, cependant, du procès-verbal que les policiers étaient avertis de ce que 'entre 60 et 80 migrants clandestins' empruntent quotidiennement le train 'Thello' arrivant chaque jour gare de [1] à 9h30 et que le contrôle a été effectué 'à proximité de la voie N où arrive le train 'Thello' en provenance de [Localité 2]'.
Ce procès-verbal renvoi à un autre, dit de contexte, indiquant les nationalités de étrangers en situation irrégulière susceptibles d'emprunter le train et notant l'importante proportion de ressortissants maliens, égyptiens et tunisiens.
Peut important que d'autres nationalités que ces trois là soient visées par le procès-verbal, il se déduit de ces mentions que, dès lors que c'était la recherche d'infraction au séjour commises dans un contexte factuel précis qui motivait l'action des services de police, le choix d'effectuer des contrôles à la descente de ce train entre 9h00 et 13h00 ne présentait aucun caractère aléatoire.
Dans ces conditions, l'absence au procès-verbal de toute précision sur la façon dont les policiers ont assuré le caractère aléatoire des contrôles individuels, auxquels ils ont alors procédé, de certaines des personnes descendant de ce train retire tout effet à la clause de style figurant au dit procès-verbal selon laquelle les policiers procédaient à des 'contrôles aléatoires'.
Il sera encore observé d'une part, qu'il ne résulte pas du procès-verbal que des contrôles auraient été effectués dans l'ensemble de la gare, dès lors qu'un quai précis est mentionné et qu'un lien entre les informations recueillies sur le train litigieux et le contrôle résulte clairement du procès-verbal et, d'autre part, que le caractère aléatoire exigé par le texte implique non seulement que le contrôle ne soit pas systématique mais encore que seul le hasard préside au choix des personnes contrôlées.
Ce silence du procès-verbal conduit à considérer que les contrôles ont, au contraire, été effectués sur la base de critères prédéfinis au regard des informations préalablement recueillies, comme l'apparence d'extranéité, qui leur retirent tout caractère aléatoire.
L'ordonnance sera en conséquence infirmée et la procédure déclarée irrégulière, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen.
PAR CES MOTIFS
INFIRMONS l'ordonnance et statuant à nouveau,
DISONS n'y avoir lieu à prolongation du maintien de [Q] [R] en rétention administrative dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire,
RAPPELONS à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 1er mai 2015 à
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentantL'intéresséL'avocat de l'intéressé