Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 07 MAI 2015
(n° , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/19361
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Septembre 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS - 16ème chambre - RG n° 2009032347
APPELANTE
SA GS1 FRANCE
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
prise en la personne de son Président du Directoire domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Assistée de Me Mathieu RAMBAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2411
INTIMEE
SAS TRACEVAL
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090
Assistée de Me Kami HAERI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Janvier 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente de chambre, chargée du rapport
Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président
Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Rappel des faits et procédure
L'association de droit belge GS1 est une association internationale non gouvernementale, présente dans 155 pays, qui a pour activité la diffusion au travers de standards de communication dits GS1 d'un langage commun des relations administratives et logistiques entre les entreprises participantes de la chaîne d'approvisionnement et en particulier celle des produits de grande consommation comprenant les fournisseurs, d'une part, et les distributeurs, d'autre part.
La société GS1 France a été créée en 1972 ; elle est détenue à parité par le Groupement d'études et de Normalisation des Fabricants (GENFA) regroupant fabricants, fournisseurs et importateurs et par le Groupement d'étude et de Normalisation des Distributeurs et des Industries de Services (GENDI) regroupant les grossistes, distributeurs, établissements de santé, prestataires logistiques, transporteurs et autres industries de services.
La société Traceval a été constituée en octobre 2005 par MM.[T] et [U] [X] afin de développer en France la même activité que celle qu'ils avaient précédemment développée aux Etats Unis au sein d'une société Agreen Tech qu'ils avaient revendue, à savoir une expertise en matière d'audit de traçabilité.
Afin de suivre la traçabilité des produits les distributeurs se basent sur des données enregistrées dans leur système informatique telles que la quantité de produits livrés, la date limite de consommation, le numéro de lot, données qui leur sont communiquées par leurs fournisseurs lors de la livraison sous forme des «standards GS1» que sont le code à barre (GS1 128) et le bon de livraison électronique (DESADV).
En 2006 les distributeurs ont souhaité améliorer l'utilisation des standards GS1 à savoir l'étiquette palette EAN 128 et l'avis d'expédition électronique DESADV.
La société GS1 est entrée en relations en 2005 avec la société Traceval et elles ont convenu de plusieurs accords, le premier le 9 mars 2006 et le dernier le 10 juin 2008 qui a donné lieu au dépôt par la société Traceval le 15 septembre 2008 d'un rapport de synthèse.
A la suite de ce rapport les parties ont envisagé un développement à grande échelle pour lequel la société Traceval a présenté «une feuille de route» précisant ses conditions financières qui n'ont pas été acceptées, ni par la société GS1, ni dans un second temps par ses adhérents ; c'est dans ces conditions que la société GS1 a lancé un appel d'offre à environ 70 prestataires dont la société Traceval joignant à celui-ci deux documents intitulés l'un «Cahier des charges de l'Observatoire de l'excellence logistique», l'autre «Rapport synthèse pilote observatoire pdf » ; à l'issue de celui-ci, la société Traceval a été écartée.
La société Traceval a estimé qu'à l'occasion de cet appel d'offres, la société GS1 France avait manqué à ses obligations contractuelles en ce qu'elle avait utilisé des pièces et des éléments qui relevaient de son savoir-faire et qui étaient couvertes par une clause de confidentialité contractuelle.
C'est dans ces conditions qu'elle a saisi le tribunal de commerce de Paris qui par jugement du 28 septembre 2010 a :
- condamné la société GS1 à payer à la société Traceval la somme de 3 000 000 d'euros à titre de dommages et intérêts pour la violation des clauses de confidentialité, propriété intellectuelle et non concurrence ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- condamné la société GS1 à payer à la société Traceval la somme de 30 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 1er octobre 2010 par la société GS1 ;
Vu l'appel interjeté le 27 octobre 2010 par la société Traceval ;
Vu l'ordonnance de jonction du 2 décembre 2010 ;
Vu l'ordonnance rendue le 26 mai 2011 par le conseiller de la mise en état ordonnant une expertise ;
Vu le dépôt du rapport d'expertise le 30 mars 2012 ;
Vu les dernières conclusions en ouverture de rapport et récapitulatives par lesquelles la société GS1 demande à la Cour de :
- constater que Traceval n'a bénéficié d'aucun apport ni de cession du savoir-faire qu'elle revendique et dont elle reconnaît qu'il est antérieur à sa création ;
- dire et juger que Traceval n'étant pas propriétaire de ce savoir-faire n'a pas qualité à agir ;
en conséquence,
- dire et juger les demandes de Traceval irrecevables ;
A titre subsidiaire,
- constater que GS1 France n'a commis aucun des manquements qui lui sont reprochés ;
- constater au contraire qu'elle était parfaitement libre d'agir comme elle l'a fait
en conséquence ;
- Confirmer la décision du tribunal en ce qu'il a jugé que :
* GS1 n'avait aucune obligation contractuelle de réaliser avec Traceval la phase de déploiement, faute d'accord sur le prix ;
* aucun grief de rupture contractuelle ne peut être allégué contre GS1 France ;
* aucune rupture de la relation commerciale ne peut être établie à l'encontre de GS1 France ;
- Infirmer en ce qu'il a jugé que :
* GS1 a violé les clauses de propriété intellectuelle, de confidentialité et de non concurrence et condamné celle-ci à payer à Traceval la somme de 3 000 000€ à titre de dommages et intérêts et 30 000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
et statuant à nouveau débouter Traceval de l'ensemble de ses demandes,
A titre reconventionnel,
- déclarer GS1 France co-titulaire des dits droits de propriété intellectuels sur les éléments apportés par elle ayant permis d'élaborer le logiciel Observatoire Traceval.
en conséquence,
- ordonner au besoin à titre de dommages et intérêts la publication de l'arrêt à intervenir dans huit périodiques au choix de GS1 France et aux seuls frais de Traceval sur simple présentation d'un devis et sans que les frais afférents à ces publications puissent excéder 30 000 € ainsi qu'en première page du site internet de Traceval sans que la reproduction puisse excéder la moitié de l'écran et sans être inférieur à un quart et une durée de trois mois ;
A titre plus subsidiaire,
- constater que les préjudices allégués par Traceval et les demandes d'indemnisation dont la Cour est saisie ne sont ni fondée ni justifiée ;
- dire et juger en tout état de cause que le préjudice subi par Traceval ne saurait excéder la somme de 98 000€ établie par le cabinet BDO ;
- condamner Traceval à payer à GS1 France la somme de 150 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société GS1 fait valoir que la société Traceval ne justifie pas d'un savoir-faire et qu'à défaut d'accord sur les conditions financières elle n'avait pas d'obligation de poursuivre la relation commerciale.
Vu les dernières conclusions signifiées le 17 décembre 2014 par lesquelles la société Traceval demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la société GS1 avait méconnu ses obligations contractuelles de confidentialité, de non concurrence et de respect de la propriété intellectuelle de la société Traceval ;
- confirmer en conséquence que ces manquements ont causé à la société Traceval un important préjudice ;
- déclarer infondée la demande de GS1 France en ce que, Traceval n'étant pas propriétaire du savoir-faire revendiqué, Traceval n'aurait pas qualité à agir ;
- déclarer infondée la demande de GS1 France de se voir reconnaître une co-titularité sur les éléments relatifs au logiciel Observatoire de Traceval ;
- recevoir Traceval en son appel et la déclarer bien fondée ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société GS1 France à lui verser la somme de 3 000 000€ ;
statuant à nouveau,
condamner la société GS1 France à lui payer la somme de 57 000 000€ outre les intérêts légaux
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues au choix de Traceval et aux frais avancés de GS1 France dans une limite de 10 000 €HT par insertion ainsi que sur la page d'accueil du site WWW ; qs1.fr pour une durée de six mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- condamner GS1 France à lui payer à la somme de 250 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la société Traceval
Considérant que la société GS1 soutient que la société Traceval est irrecevable en sa demande en revendication de savoir-faire, faute de pouvoir en justifier ;
Considérant que la société Traceval a été créée en 2005 à l'initiative de MM.[T] et [U] [X] qui avaient précédemment développé une expertise en matière d'audit de traçabilité au sein d'une société Agreen Tech qu'ils avaient revendue ; que lors de sa constitution, la société Traceval n'a bénéficie de la part de ses fondateurs d'aucun apport ou cession de droit de propriété intellectuelle ou de savoir-faire ; qu'elle ne détenait donc alors d'aucun savoir faire dont elle aurait pu se prévaloir ;
Considérant qu'au cours de l'expertise, son conseil a évoqué l'expérience acquise par la société Agreen Tech et celle de MM.[X], indiquant que le développement de la société «repose donc sur l'expérience internationale de MM.[X] qui se sont forgés entre 2002 et 2005 une connaissance efficiente du déploiement commercial et technique d'un logiciel web innovant sur le marché international de la traçabilité», étant observé que le logiciel était celui de la société Agreen Tech qui a été cédée ;
Considérant qu'ils ont ainsi seulement confirmé que la société Traceval ne disposait d'aucun savoir-faire à sa création mais qu'en revanche ses fondateurs et dirigeants avaient un savoir-faire personnel qu'ils avaient précédemment développé au sein de la société Agreen Tech ; que s'il n'y a eu aucune cession d'un savoir-faire, il n'en demeure pas moins que la société Traceval avait vocation, notamment du fait de l'expérience passée de ses fondateurs dont elle a bénéficié dès sa création, à développer un savoir-faire ; qu'elle précise qu'elle se distinguait de la société Ageen Tech en ce que celle-ci avait pour rôle de gérer la traçabilité alors que celui dévolu à la société Traceval était de contrôler la fiabilité de la traçabilité et qu'elle a conçu un procédé informatisé complexe susceptible pour la première fois de détecter et de calculer automatiquement tous les écarts ou dysfonctionnements via des algorithmes et des requêtes dans les systèmes d'informations des distributeurs, procédé mis en 'uvre dans le logiciel «Observatoire» et pouvant être utilisé corrélativement par les distributeurs et les industriels ;
Considérant que la société Traceval revendique ainsi un savoir-faire qu'elle a mis en oeuvre et qui a permis la mise au point d'un logiciel innovant dit «logiciel observatoire», donc un savoir-faire développé après sa constitution et qui est à l'origine d'un nouveau logiciel ; qu'elle détaille les éléments de ce savoir-faire comme étant matérialisé par :
- la liste structurée des écarts envoyée à la société GS1 le 24 octobre 2007,
- les spécifications fonctionnelles déposées à l'INPI le 30 août 2007 dans une enveloppe soleau,
- les guides utilisateurs du logiciel Observatoire Traceval envoyés le 2 avril 2008,
- le rapport de la phase pilote remis le 15 Septembre 2008,
- le code source du logiciel Observatoire déposé le 9 mars 2009.
Considérant que la contestation de la société GS1 porte sur les éléments développés par la société Traceval pour justifier du savoir-faire qu'elle revendique de sorte que celle-ci ne saurait être déclarée irrecevable avant même l'examen par la Cour de ses moyens et des pièces produites à ce titre ;
Sur le savoir-faire revendiqué par la société Traceval
Considérant que la société Traceval fait valoir qu'elle avait un savoir-faire qu'elle a mis en 'uvre pour l'établissement de la «Liste Structurée des Ecarts» qu'elle a adressée à la société GS1 le 24 octobre 2007 et qui a abouti au dépôt de son «Observatoire» ;
Considérant que la société GS1 soutient que cette liste ne permet pas, à elle seule d'aboutir à la divulgation d'un savoir-faire substantiel en vue de la production d'un produit contractuel tel que l'établissement d'une liste similaire ou la réalisation d'un logiciel de traitement des écarts de traçabilité, celle-ci ayant été établie grâce à ses propres données et à celles de ses adhérents ; qu'elle prétend ainsi être à l'origine avec ses adhérents de l'identification et de la formalisation des écarts et qu'en conséquence cette liste ne constitue pas un savoir-faire propre de la société Traceval ; qu'elle ajoute que le dépôt du logiciel de la société Traceval est intervenu après le lancement de son appel d'offre et alors qu'elle n'avait plus de relations avec la société Traceval ;
Considérant que le règlement 772/2004 du 27 avril 2004 de la Commission des Communautés Européennes dispose en son article premier que «on entend par droits de propriété intellectuelle, les droits de propriété industrielle, le savoir-faire, le droit d'auteur et les droits voisins» ;
Qu'il définit le savoir-faire comme «un ensemble d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience et testées qui est :
- secret c'est à dire qu'il n'est pas généralement connu ou facilement accessible,
- substantiel c'est à dire important et utile pour la production des produits contractuels,
- identifié c'est à dire décrit d'une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier qu'il remplit les conditions de secret et de substantialité» ;
Considérant que, si la société GS1 avait fait publier dès 2001 un guide de la traçabilité des produits, et si elle possédait ainsi que ses adhérents des données, elle était dans l'incapacité de les traiter et d'en tirer des conséquences, qu'elle reconnaît que les standards GS1 étaient insuffisants pour traiter de la traçabilité alors qu'une directive européenne 178/2002 rendait obligatoire la traçabilité à tous les stades de la production et de la distribution ; que d'ailleurs les relations des parties ont débuté avec la proposition de la société Traceval de réaliser un audit de traçabilité selon une méthodologie qu'elle avait brevetée sous l'appellation «Référentiel» et ce, sans aucune contrepartie financière afin de rechercher si la collaboration des deux parties pouvait aboutir à des démarches concrètes auprès des utilisateurs ; que cet accord met en évidence les difficultés de la société GS1 et de ses adhérents à traiter la question de la traçabilité ;
Considérant que l'expert relève que la société GS1 «a raison de considérer dans son troisième dire que plusieurs listes ont été établies car des échanges ont eu lieu à la fois entre adhérents et GS1 et Traceval au cours de la collaboration entre les parties» et que certaines des composantes ont été fournies soit par la société GS1 France soit pour certains, par ses adhérents, retenant notamment un courriel du 19 juin 2007 ayant pour titre «grille de recensement sur les écarts de traçabilité» envoyé par le secrétaire général du Gendi ;
Considérant que la société Traceval avait déposé auprès de l'INPI quatre enveloppes cachetées dites soleau qui ont été ouvertes en cours d'expertise et examinées contradictoirement dont les deux premières au cours de la période contractuelle ; qu'une enveloppe soleau constitue la preuve de la détention d'informations à une date certaine ; que l'expert a décrit le contenu de chacune des enveloppes ouvertes à l'occasion des opérations d'expertise ;
Que la première, déposée le 3 novembre 2006, contient une table des matières de manuel de traçabilité sur 2 pages indiquant un copyright et un logo Traceval en date de septembre 2005 et une pagination allant de 2 0 64 indiquant « manuel de traçabilité construit selon la méthode d'affaire Traceval version mai 2006, un logigramme présentant les étapes et cycle d'une fabrication et d'une expédition d'un produit alimentaire, un autre logigramme présentant un exemple avec une liste d'opérations successives ; que l'expert indique que la société Traceval s'inspire de documents publiés par la société GS1 ;
Que s'agissant de la deuxième déposée le 30 août 2007, l'expert indique qu'il s'agit d'un descriptif de logiciel sans codification informatique ni logigramme, évoquant dans sa présentation un cahier des charges en ce qu'il est essentiellement composé de tableaux ou de commentaires et décrit des profils, menus et des fonctionnalités de logiciel ; que l'expert relève que, si celle-ci contient certains points issus de documents antérieurs comme le guide de la traçabilité, « elle constitue par son contenu assez développé une base non complète mais déjà suffisamment aboutie pour constituer un cahier des charges pour la réalisation d'un logiciel de traçabilité. Au contraire de l'enveloppe 1 cette deuxième enveloppe démontre que le processus de réflexion et de maturation de l'outil informatique complet était en vue chez Traceval même si les concepts sont des concepts issus de documents antérieurs comme le souligne GS1 France. Traceval a déjà à ce stade fait un effort conceptuel dans l'organisation, les traitements et comparaisons... pour obtenir un résultat et une performance dans la traçabilité» ;
Considérant que la société Traceval a adressé le 24 octobre 2007 à la société GS1 une liste structurée des Ecarts :
Considérant que l'expert relève que les échanges entre les parties démontrent que la réalisation de cette liste était complexe ; qu'il conclut «qu'il apparaît que telle que formalisée par Traceval, cette liste paraît difficilement améliorable et qu'elle atteint un niveau d'exhaustivité que les autres documents n'atteignent pas» ; qu'il fait état de son utilité en ce qu'elle «peut permettre à ses détenteurs d'éviter des recherches de formalisation des rubriques des écarts et des analyses ou des travaux spécifiques pour atteindre l'exhaustivité des problèmes critiques de la traçabilité» ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que dès le dépôt de la deuxième enveloppe soleau, la société Traceval a développé un savoir-faire qu'elle a tenu secret puisqu'il n'était pas connu ni de son partenaire commercial, ni des tiers, qu'il a permis de réaliser la liste structurée des écarts, document dont l'expert indique le caractère essentiel pour les adhérents de la société GS1 ;
Considérant que la société GS1 fait valoir qu'elle n'a pas usurpé ou appréhendé le savoir-faire de la société Traceval, en ce que la divulgation de la liste structurée des Ecarts à l'occasion de l'appel d'offres qu'elle a lancé, ne permettait pas à elle seule d'aboutir à la divulgation d'un savoir-faire substantiel en vue de la production d'un produit similaire ou la réalisation d'un logiciel de traitement des écarts de traçabilité ;
Considérant que la société Traceval fait valoir que la liste structurée qu'elle a réalisée ne saurait être dissociée de l'Observatoire lui-même ; que d'ailleurs l'expert note que dans l'accord intervenu le 19 novembre 2007, soit peu après l'envoi de cette liste, il a été fait état de «l'Observatoire» ; qu'il est mentionné au titre des «apports Traceval» :
« les développements des interfaces informatiques entre les logiciels d'entrepôts distributeurs et l'observatoire (étape 1)
l'utilisation en service des trois modules de l'Observatoire par les entrepôts, les industriels, les transporteurs et GS1(étape2)
l'hébergement des données et administration des serveurs, Support utilisateurs (étapes 1 et 2)
sensibilisation des opérateurs et des organisations professionnelles à la démarche de fiabilisation de l'utilisation des standards GS1 (en parallèle du pilote)» ;
Considérant que la société GS1 était parfaitement consciente de l'enjeu et de l'intérêt que représentait la poursuite du projet après l'envoi de la liste structurée ; qu'en conséquence celle-ci ne saurait être dissociée des évolutions qui ont suivi, les propositions suivant l'élaboration de cette liste ainsi que la réalisation de la phase pilote démontrent les relations qui ont été entretenues et au terme desquelles la société Traceval a elle-même avancé dans la mise au point de son Observatoire ; que celle du 10 octobre 2007 a pour objet d'«harmoniser» la liste des écarts relative à l'application des standards GS1 128 et DESADV, et celle du 19 novembre 2007 a pour objet de «consolider les écarts pour chaque site distributeur et de valider leur fiabilité, qu'ils soient saisis ou remontés informatiquement» ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que l'établissement de la liste structurée des écarts a constitué une étape ; qu'elle s'est poursuivie avec une phase pilote qui s'est déroulée entre le 1er décembre 2007 et le 15 septembre 2008 au cours de laquelle cette liste a servi de base à une expérimentation à laquelle ont participé les représentants des sociétés Casino, Intermarché, Cora, Monoprix, système U Ouest, Carrefour et des représentants des fournisseurs, Bonduelle, Bendicta, Danone, Orangina, Pains Jacquet, Kraf ; qu'elle produit le contenu du rapport de cette phase pilote ainsi que les témoignages de satisfaction des adhérents de la société GS1 qui y ont participé ; que l'expert, dans un courriel annexé à son rapport par lequel il répond au dire n°10 de la société Traceval, indique que «la phase pilote était terminée et les données largement analysées au 24 novembre 2008», soit à la date de l'appel d'offres » ; que la société GS1, quand bien même elle souligne les difficultés techniques de la phase pilote, reconnaît que celle-ci était destinée à permettre le déploiement du logiciel et que le 4 septembre 2008 les pré conclusions de la phase pilote ont montré les effets bénéfiques de la remontée en temps réel des erreurs ou des dysfonctionnements constatés à réception des marchandises et donc la pertinence de l'Observatoire dans son principe et que le comité de pilotage composé des entreprises ayant participé à la phase de pilotage s'est prononcé en faveur du déploiement de l'Observatoire ; qu'en conséquence la liste structurée ne peut être dissociée de l'expérimentation qui l'a suivie et de l'élaboration de l'Observatoire qui, s'il n'était pas intégralement écrit, a été approuvé comme suffisamment pertinent et important puisqu'il a été décidé à l'issue de cette phase de test de son déploiement ;
Considérant que la société GS1 expose que la phase pilote se décomposait en trois étapes, la première réalisée entre décembre 2007 et février 2008 avec pour objet la consolidation des écarts de tous les industriels, la validation de la fiabilité de la remontée des écarts, la formation des utilisateurs, l'étape 2 réalisée en mars 2008 avec pour objet la gestion et la réduction des écarts et la résolution des problématiques de mise en application des standards GS1 et l'étape 3 réalisée en avril 2008 avec pour objet la validation des modalités de déploiement de la démarche à grande échelle avec implication progressive de l'ensemble des industriels et prestataires logistiques ; qu'elle précise que cette phase intégrait pendant toute sa durée une mise à disposition par la société Traceval de son logiciel Observatoire ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que cette phase a connu des retards et que les parties ont accepté une prorogation de trois mois supplémentaires jusqu'en juin 2008 ; qu'en revanche la société GS1 n'a pas contesté les modalités d'exécution de cette phase dont elle reconnaît qu'elle reposait sur une mise à disposition par la société Traceval du logiciel observatoire ;
Considérant que la société GS1 a écrit le 14 octobre 2008 «Le projet de fiabilisation de l'uts standards GS1 via l'Observatoire s'est terminé le15 septembre », précisant alors « Afin que chacun reste dans son mode de fonctionnement actuel (GS1 ' organisme paritaire neutre à but non lucratif, Traceval- société de services), GS1 et Traceval ont conjointement décidé de continuer à travailler ensemble selon les modalités ci dessous... La communication sur l'intérêt de déployer et de fiabiliser l'utilisation des standards GS1 sera réalisée conjointement et individuellement par Traceval et par GS1 pour fédérer le plus grand nombre d'acteurs ;
L'accès aux services de l'observatoire trace supplychain.com est proposé par Traceval aux opérateurs qui souhaitent bénéficier d'un outil de monitoring de leurs échanges avec leurs partenaires.
Nous aurons l'occasion d'apporter plus de détails sur la collaboration entre Traceval et GS1 lors de notre point téléphonique du 21 octobre à 9:00 » ;
Considérant que, si l'expert a d'abord constaté qu'à la date du 24 novembre 2008, la preuve n'est rapportée d'une écriture du logiciel qu'à hauteur de 24% ; que, si la société Traceval a contesté cette analyse, faisant valoir à l'expert qu'en réalité 100% du logiciel était réalisé ; que répondant à son dire, celui-ci a observé que selon la méthode préconisée par la société Traceval, 65 % était écrit mais que nombre de données ayant été générées après le 24 novembre 2008, il n'est pas en mesure de vérifier l'affirmation de la société Traceval selon laquelle il s'agissait de sauvegardes automatisées ; qu'il conclut que « le logiciel Observatoire et ses fonctionnalités existaient en partie à la date du 24 novembre 2008 » ; qu'il relève que, si la société Traceval n'a pas déposé avant le 12 mars 2009, néanmoins :
«elle a utilisé des briques de façon claire dans la constitution du Rapport qui est rédigée par elle sans que GS1 ne revendique l'origine de ce rapport,
- plusieurs documents échangés entre les parties mentionnent l'observatoire comme étant d'origine Traceval dont un courriel daté du 24/10/2007 comportant en pièce jointe un fichier sous format excel intitulé «EcartsObservatoire XLS »,
- l'enveloppe 2 constitue une description type cahier des charges de l'Observatoire
- le module 1 soit les fonctionnalités 1 à 5 '. sont au moins en partie développées en date du 24 novembre 2008» ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société Traceval a mis à disposition de ses adhérents participant à la phase pilote un logiciel qui n'était pas la version complète du logiciel dit Observatoire qui sera déposé en mars 2009, donc plusieurs mois après la phase pilote ; que ce délai démontre que le logiciel utilisé lors de la phase pilote n'était pas achevé comme l'a d'ailleurs constaté l'expert nommé par la Cour ;
Considérant que tant par l'élaboration de la liste structurée que par sa mise en 'uvre et les développements qui s'en sont suivis dont l'élaboration partielle du logiciel, la société Traceval a fait la démonstration de son savoir-faire, de son caractère secret et substantiel ;
Sur la violation de la clause de confidentialité
Considérant que la société Traceval fait valoir que la société GS1 a, lors de son appel d'offres du 24 novembre 2008, communiqué à 70 prestataires de services informatiques un cahier des charges reproduisant les éléments essentiels du procédé et de son logiciel Observatoire tel qu'utilisé dans la phase pilote ainsi que le rapport qu'elle avait élaboré à la suite de cette phase en violation de la clause de confidentialité ;
Considérant que la société Traceval a signé quatre contrats de collaboration avec la société GS1 France comportant une clause de confidentialité à savoir :
- le 10 octobre 2007 un contrat pour la formalisation, la mesure et l'échange des indicateurs traçabilité GS1, l'harmonisation des écarts et la validation des modalités de récupération des écarts,
- le 22 novembre 2007 le 5 mars 2008 et le 12 juin 2008 des contrats ayant pour objet la consolidation, la gestion et la réduction des écarts liés aux standards traçabilité GS1 ;
Considérant qu'il était stipulé que «Traceval, GS1 France s'engagent à respecter la confidentialité des données communiquées lors de la phase pilote» ;
Considérant que la société GS1 a contesté la violation de cette clause en ce qu'elle aurait été copropriétaire de la liste structurée des Ecarts et qu'ayant réglé les prestations réalisées par la société Traceval, elle était aussi propriétaire du rapport ;
Considérant que la Cour a exposé précédemment que cette liste relevait du seul savoir-faire de la société Traceval ;
Considérant que l'expert a relevé cette divulgation, ajoutant que la société GS1 «a communiqué à des tiers des éléments tels que copie de tableaux et des copies d'écrans de listes de résultats issus de l'Observatoire à travers le cahier des charges et le rapport» ; qu'il importe peu que la société GS1 ait été bénéficiaire du rapport dès lors qu'elle restait tenue par ses obligations contractuelles ; qu'elle ne saurait pas davantage invoquer le fait que la société Traceval a communiqué des extraits de son rapport aux 13 entreprises qui ont participé à la phase pilote, ceux-ci ne pouvant d'ailleurs ignorer la confidentialité attachée au travail réalisé par la société Traceval ;
Considérant en conséquence que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la société GS1 a manqué à ses obligations contractuelles de confidentialité ;
Sur la violation de la clause de non concurrence
Considérant que la société Traceval affirme que la société GS1 a violé son obligation de non concurrence qui figurait dans les contrats des 22 novembre 2007 et 5 mars 2008 ;
Considérant que le contrat du 22 novembre 2007 a stipulé « GS1 France reconnaît la propriété intellectuelle de Traceval matérialisée par l'observatoire et s'engage à ne pas concevoir ou promouvoir ou travailler sur un projet pouvant présenter un caractère concurrentiel à l'observatoire Traceval pendant une durée de deux ans à partir de la signature du contrat sur le territoire de la Communauté Européenne, la Suisse et les USA » ;
Considérant que le contrat du 5 mars 2008 stipule que la société GS1 « s'engage à ne pas développer ou faire développer un observatoire directement concurrent de l'observatoire Traceval pendant une durée de deux ans à partir de la signature du contrat sur le territoire de la Communauté Européenne, la Suisse et les USA» ;
Considérant que la société GS1 France fait valoir que cet engagement ne l'empêchait pas d'acquérir une solution technologique nouvelle, alternative à celle de la société Traceval d'autant que les parties n'étaient pas parvenues à trouver un accord financier sur l'utilisation du logiciel Traceval ; qu'elle ajoute qu'il eût fallu que le logiciel de la société Traceval soit abouti, cette clause n'ayant vocation à s'appliquer qu'au contrat signé après la phase pilote et son obligation ne valant que pour le contrat futur portant le logiciel achevé ;
Considérant que le désaccord des parties sur des modalités financières d'utilisation, ne saurait priver d'effet un accord de non concurrence convenu entre elles pour une durée déterminée et portant sur un logiciel identifié quand bien même il n'était pas totalement finalisé dans son écriture et n'avait pas encore donné lieu à un dépôt ; que les deux contrats comportant de façon réitérée cette clause et ne mentionnent aucune application future ; qu'il s'ensuit que les parties ont ainsi convenu de protéger le logiciel Traceval tout au long de son processus de conceptualisation et non uniquement après son achèvement définitif matérialisé par son dépôt ; que ces clauses étaient ainsi destinées à protéger le savoir-faire de la société Traceval ;
Considérant qu'il a décrit les fonctionnalités de l'observatoire telles que constatées lors de la réunion d'expertise du 13 novembre 2012, constatant que les fonctionnalités décrites correspondaient à «des modes opératoires, à des regroupements d'information ou à des synthèses ou comparaisons ou sélections logiques permettant de mesurer, constater et de prendre des décisions plus rationnelles» ;
Considérant que le cahier des charges de la société GS1 France fait référence au terme «Observatoire» au tableau des «statuts des écarts»et à la «grille de recensement des écarts» ; qu'il vise les mêmes fins que le logiciel Traceval, la société GS1 indiquant dans son appel d'offres «Une phase pilote a eu lieu de mars à septembre 2008 et a confirmé l'intérêt de la démarche. Le comité exécutif de GS1 France souhaite déployer l'application en y intégrant un nombre plus important d'opérateurs», démontrant ainsi que cet appel d'offres s'inscrit dans la continuité des travaux réalisées par la société Traceval ;
Considérant que les clauses de non concurrence visaient toute situation de concurrence que ce soit à l'occasion d'une solution existante que d'une solution à créer, la société GS1 s'étant engagée à ne pas développer ou faire développer un observatoire ; qu'au demeurant la société GS1 a reconnu avoir «redéveloppé» un logiciel en février 2009 après avoir sélectionné la société Zenexity et a communiqué sur ce projet à plusieurs reprises en faisant la «promotion du logiciel Observatoire une fois redéveloppé» ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société GS1 a ainsi utilisé le travail réalisé pendant deux ans par la société Traceval en le divulguant à grande échelle, permettant à une société tierce de mettre au point un logiciel «Observatoire bis» ;
Considérant que, si la société GS1 France fait valoir qu'il n'est ni dans sa mission ni dans son objet de développer ou commercialiser un logiciel, il n'en demeure pas moins que c'est elle qui a signé le contrat avec la société Traceval puis qui a lancé l'appel d'offres, qui a conclu avec la société attributaire et a enfin décidé de la mise à disposition gratuite du logiciel auprès de ses adhérents ;
Considérant que la société GS1 s'est ainsi mise dans le sillage de Traceval, utilisant son travail et son savoir-faire de la société Traceval et profitant de ses investissements ainsi que de la notoriété que le logiciel de la société Traceval avait acquis à travers l'opération pilote qui avait été menée et les communiqués de presse qui avaient suivi celle-ci pour lancer un appel d'offres et permettre à l'attributaire de réaliser un logiciel bis ;
Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la violation de la clause de non concurrence ;
Sur la violation de la clause de reconnaissance de propriété intellectuelle
Considérant que les quatre contrats successifs conclus entre les deux parties mentionnent l'existence du droit de propriété intellectuelle de la société Traceval, le contrat du 19 octobre 2007 indiquant que «la société GS1 et ses adhérents reconnaissent l'existence de la propriété intellectuelle de Traceval telle qu'elle est matérialisée par l'observatoire Traceval», le contrat du 12 juin 2008 précisant « GS1 et ses adhérents reconnaissent l'existence de la propriété intellectuelle de Traceval telle qu'elle est matérialisée par l'observatoire tracesupplychain.com et les documents de formalisation des processus et des plans de contrôle associés » ;
Considérant que ces clauses précises et répétées étaient manifestement destinées à protéger le savoir-faire de la société Traceval dans son processus d'élaboration de son logiciel ; que dès lors en divulguant des éléments résultant du savoir-faire de la société Traceval, elle a violé la clause de reconnaissance de la propriété intellectuelle de celle-ci ; que le jugement entrepris mérite confirmation.
Sur la cessation des relations commerciales
Considérant que la société GS1 affirme que c'est à bon droit qu'elle a mis fin à ses relations commerciales avec la société Traceval dès lors qu'il n'avait été stipulé aucune clause d'exclusivité et qu'elle n'avait pris aucun engagement de réaliser la phase de déploiement faute d'accord sur le prix ;
Considérant qu'elle relate que trois facteurs ont été à l'origine de la cessation des relations, le retard pris dans la mise en 'uvre du pilote, la volonté d'appropriation par la société Traceval de travail commun et ses exigences financières soit deux propositions dépassant 5 900 000€ en 2009 puis ramené à 386 000€ le 30 janvier 2009 après la proposition de la société Zenexity à 875 000€ ;
Considérant que les deux parties ont adressé le 14 octobre 2008 un courriel aux utilisateurs pour les informer que la plate forme qui devait être mutualisée au profit de tous en s'appuyant sur le logiciel Traceval, ne serait pas mise en 'uvre par la société GS1 France et qu'il avait été décidé que la société Traceval commercialiserait directement auprès des utilisateurs son outil informatique ;
Considérant que la société GS1 France fait valoir que c'est seulement lorsque ses adhérents ont fait le constat qu'ils ne parviendraient pas à un accord avec la société Traceval qu'elle a lancé son appel d'offres ; que pour autant et comme il a été vu précédemment, si la société GS1 n'avait pas d'obligation de poursuivre une relation commerciale avec la société Traceval ce dont celle-ci a convenu, il n'en demeure pas moins qu'il lui appartenait, comme il a été vu dans les développements précédents de respecter ses obligations contractuelles ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des éléments produits que la société GS1 a ainsi divulgué et exploité les éléments clés du savoir-faire de la société Traceval à l'occasion de son appel d'offres ; qu'elle a pu fédérer autour de son logiciel bis tous ses adhérents et le réseau GS1, offrant alors celui-ci en utilisation gratuite à tous les adhérents de GS1 et le présentant comme l'une des grandes dates de ses découvertes depuis 40 ans ; qu'elle a ainsi de façon déloyale privé la société Traceval de son activité.
Sur le préjudice de la société Traceval
Considérant que la société Traceval fait valoir que, par la violation de ses obligations contractuelles, la société GS1 a anéanti toute sa valeur qui tenait aux revenus générés par l'exploitation du logiciel et au savoir-faire qui y était associé, chiffrant celle-ci à la somme de 57 millions d'euros, dont 13 639 183€ correspondant à la perte de valeur du logiciel Observatoire ;
Considérant que la société GS1 fait valoir que l'expertise n'a pas décrit ni valorisé les seuls éléments du savoir-faire divulgués, affirmant que le logiciel de la société Traceval n'a aucunement été privé de sa valeur et qu'il conserve celle qu'il avait au moment de son écriture et de son dépôt ;
Considérant que la société GSI a, d'une part, promu le développement d'un logiciel bis, ayant les mêmes finalités que celui développé par la société Traceval, en se plaçant dans le sillage de celle-ci et en violation de ses obligations contractuelles, d'autre part a mis gratuitement à la disposition de ses adhérents ce logiciel, alors même qu'un logiciel avait été conceptualisé par la société Traceval, peu importe qu'il n'ait pas été finalisé, ni déposé avant l'appel d'offres dans la mesure où, comme il a été vu précédemment, il relève du savoir-faire mis en oeuvre par la société Traceval et que l'expertise réalisée démontre qu'il avait fait l'objet d'un développement certain, la société Traceval étant parvenue à la phase d'achèvement en ce qu'elle a réalisé la phase pilote et avait, à cette occasion, testé avec un certain nombre d'entre eux son savoir-faire, la société GS1 ayant alors décidé, au vu des résultats obtenus, du déploiement du logiciel Traceval ; que la société GS1 ne conteste pas que sa décision de recourir au logiciel de la société Zenexity a fait perdre à la société Traceval les débouchés escomptés pour son logiciel tant sur le marché national qu'à l'international ; que ce sont donc les manquements de la société GS1 à ses obligations contractuelles qui ont permis le développement d'un logiciel concurrent ; que sa décision de mettre ensuite celui-ci gratuitement à disposition de ses adhérents a privé le logiciel Traceval de son attractivité économique ; que dès lors la demande de dommages et intérêts de la société Traceval repose nécessairement sur la valeur du logiciel qui contribuait à sa propre valeur ;
Sur la perte de valeur du logiciel
Considérant que, si l'expert judiciaire a maintenu que le logiciel de la société Traceval n'était pas finalisé à la date de l'appel d'offres et donc de la divulgation du savoir-faire matérialisé par la liste structurée des Ecarts, il expose que la valeur d'un actif non finalisé «se mesure en évaluant l'actif dans son état finalisé et en déduisant les investissements restants» ; que l'argument de la société GS1 d'une valeur nulle faute d'achèvement du logiciel ne peut donc pas être retenue ; qu'au demeurant la commercialisation du logiciel l'Observatoire avait été organisée avant même son dépôt, la société GS1 ayant annoncé le 17 octobre 2008 «il a été décidé, en accord avec Traceval, que l'outil informatique serait directement proposé et commercialisé par celle-ci (Traceval) auprès des utilisateurs qui le souhaiteraient» ; que la phase d'expérimentation avait mis en évidence la satisfaction des industriels adhérents de la société GS1 qui y avaient participé de sorte qu'il n'y avait alors aucun obstacle à sa commercialisation dès cette date et en son état ;
Que l'expert judiciaire expose que l'argument de la société GS1 selon lequel le logiciel était écrit en français et ne pouvait être commercialisé à l'étranger, est inopérant dans la mesure où le «code n'est pas impacté par la langue d'origine», retenant seulement que, quand bien même des frais de traduction en anglais étaient nécessaires ils n'auraient pas changé de façon significative sa valeur ; que c'est donc à bon droit qu'il a retenu sa valeur au titre d'une commercialisation à l'étranger ;
Considérant que si l'expert précise que la difficulté provient de ce que « la mesure objective, précise et exacte des parties de l'Observatoire avant le 24 novembre 2008 est incertaine puisque le dépôt n'a été fait qu'en mars 2009 et que nous n'avons pas d'éléments de preuve antérieurs mais seulement des indices de ce qui était déjà existant. Une preuve irréfutable aurait consisté en un dépôt APP à la date du 24 novembre 2008», cette difficulté ne saurait pour autant conduire la Cour à réduire le préjudice de la société Traceval ; que d'ailleurs l'expert judiciaire a analysé les différentes valeurs possibles de l'Observatoire de la société Traceval à l'occasion d'une commercialisation en France et à l'étranger, retenant qu'il avait été prévu par les parties trois modules dont il a estimé qu'ils étaient de valeur équivalente, le dernier étant celui ayant donné lieu à l'appel d'offres ;
Considérant qu'il a écarté à juste titre le prix du logiciel résultant de l'offre de la société Zenexity dans la mesure où celle-ci est intervenue dans la seule phase de déploiement et où elle n'a pas eu à supporter les coûts de conceptualisation de la société Traceval et a au contraire pu profiter des éléments de conceptualisation qui avaient été fournis par la société Traceval à la société GS1 notamment la liste structurée et le savoir-faire mis en oeuvre lors de la phase pilote ;
Considérant qu'il a écarté l'évaluation globale de la société Traceval en ce que son calcul repose le principe du business plan prévu en 2008/2009 qui n'a pas été réalisé, la société Traceval estimant que cette non-réalisation résulte des manquements de la société GS1 à ses obligations et notamment de la divulgation de son savoir-faire et sur l'égalité entre la valeur du business plan et du logiciel observatoire ; qu'il observe que, si celui-ci contribuait à la réalisation de ce plan, la valeur d'une société ne peut se résumer à un logiciel, celle-ci bénéficiant d'autres vecteurs de développement ; qu'il convient toutefois de relever qu'en cause d'appel la société Traceval a distingué la valeur de son logiciel de sa propre valeur comme le fait l'expert ;
Considérant que celui-ci a, tout en estimant que le logiciel Traceval avait été réalisé entre 24 et 65 %, fourni trois valorisations possibles qui repose la première sur un état du logiciel réalisé à 25%, la deuxième à 65% et la troisième à 100% soit respectivement 727 000€, 1 969 937€ et 3 030 627€ par module ;
Considérant que du fait de la fourniture d'un logiciel bis gratuit rendu possible par les manquements de la société GS1 à ses obligations contractuelles a fait perdre toute sa valeur économique au logiciel de la société Traceval qui, bien que déposé après l'appel d'offre, était dans un état de réalisation avancée telle qu'il présentait une avancée technologique qui a été mise à néant ; qu'il y a lieu en conséquence de retenir la valeur de l'Observatoire dans sa version complète dès lors que celui-ci était le fruit du savoir-faire de la société Traceval et qu'il était conceptualisé lorsque la société GS1a manqué à ses obligations contractuelles ; qu'il y a lieu de condamner la société GS1 à payer à la société Traceval la somme de 9 091 880€ à titre de dommages et intérêts ; qu'il n'y a pas lieu de majorer cette somme du montant de l'impôt sur les sociétés ;
Sur la perte de valeur de la société Traceval
Considérant que la société Traceval fait valoir que la société GS, en reconstituant un observatoire bis, a mis à néant une part substantielle de son savoir-faire et lui a fait perdre au niveau mondial l'avantage compétitif qu'elle détenait sur ses concurrents de sorte que la valeur de son activité a été anéantie de façon définitive dans la mesure où celle-ci reposait sur l'exploitation du logiciel Observatoire ; qu'elle n'a pas pu réaliser son business plan et qu'elle a dû cesser son activité en février 2009 ; que l'expert a écrit en réponse au dire n°10 de la société Traceval « Je comprends que votre argument tient en ce que GS1 France proposant un outil gratuit (vos pièces 121-1 et 2), le business modèle de Traceval et par conséquent le business plan de Traceval s'effondrent. Mais une telle approche correspond précisément à une estimation de préjudice» ;
Considérant que pour fixer sa valeur, la société Traceval a produit un rapport d'expertise établi par M. [S], expert agréé près la Cour de cassation qui a procédé à une analyse basée sur la méthode des cash flow actualisé, méthode qui a été celle utilisée par l'expert judiciaire pour évaluer la valeur du logiciel ; que cette analyse est basée non pas sur les revenus qu'aurait généré un contrat avec la société GS1 mais avec les industriels et distributeurs adhérents de la société GS1 conformément aux modalités de commercialisation qui avaient été choisies conjointement par les deux parties ; que l'expert [S] retient un taux de marge de 52% pour l'entreprise, alors que l'expert judiciaire avait retenu un taux de redevance de 26,25% pour le logiciel ; que ce taux est supérieur à celui réalisé en 2008 qui était de 33% mais alors que l'entreprise ne générait pas de chiffes d'affaires via les redevances d'accès au logiciel ; qu'il indique que le taux de 52'% est similaire au taux de marge avant impôt réalisé par d'autres sociétés de logiciel ;
Considérant qu'il relève qu'après 10 ans d'exploitation, le logiciel est exploité par 13 950 opérateurs c'est à dire environ 1% des 1, 2 millions adhérents de GS1 dans le monde ou encore 12% des 120 000 adhérents utilisateurs des seuls standards GXI et eCom dans le monde en 2011 et que GS1 International présente le logiciel Observatoire bis comme la meilleure pratique mondiale à destination de l'ensemble de ses adhérents dans le monde ;
Considérant que ces chiffres démontrent que les adhérents utilisateurs du logiciel bis représentent 1% des utilisateurs cibles alors même que la société GS1 France a mis gratuitement à disposition de ses adhérents celui-ci et qu'elle l'a présenté celui-ci en tant que meilleure pratique mondiale à destination de l'ensemble des adhérents GS1 dans le monde permettant à ses utilisateurs de réaliser des économies ; que l'expert judiciaire fait valoir que l'hypothèse retenue par cette expertise et qui repose sur le business plan de la société Traceval est celle d'une augmentation de son chiffre d'affaires de 1 853%, passant de 459K€ à 8 503K€ entre 2008 et 2018 sans aucun investissement, relevant que «la question d'une croissance à l'infini d'un savoir-faire et d'un logiciel peut également poser un problème concret de réalisme économique» ;
Considérant que, si la société Traceval fait valoir que certaines sociétés exploitent leur logiciel depuis plus de 10 ans, elle n'apporte pas la preuve que son logiciel aurait pu bénéficier d'une telle longévité sans faire l'objet au moins d'adaptations donnant lieu à de nouvelles versions ce qui comme le note l'expert judiciaire exigeait des investissements alors qu'elle n'a intégré aucun investissement dans son business plan ;
Considérant que la société Traceval produit également le rapport de la société KPMG qui a procédé à une analyse comparative sur 82 sociétés et 47 acquisitions dans le domaine des logiciels et qui conclut que dans le secteur du logiciel les actifs incorporels dont font partie le logiciel et le procédé représentent seulement 22 à 26% de la valeur de l'entreprise et que celle-ci est égale à 4 fois la valeur des actifs identifiés (logiciel, relation client, marque...) ; que, cette estimation prend néanmoins en compte des actifs autres qu'un logiciel ;
Considérant que, si la société Traceval revendique avoir eu une avance sur ses concurrents dans le domaine de la traçabilité, elle n'en avait pas moins des concurrents susceptibles d'innover d'autant qu'elle était confrontée à un domaine impliquant des entreprises du monde entier ; que l'expert judiciaire indique que son business plan n'a pas pris pas en compte l'existence de concurrents ; qu'il fait également observer que celui-ci ne comporte pas de charges d'investissements alors même que celles-ci étaient nécessaires dans la perspective d'un développement de grande ampleur ; qu'il résulte de ces éléments que le business plan repose sur une situation considérée comme acquise et résultant de redevances générées par le déploiement de son logiciel à l'occasion des relations commerciales instaurées avec la société GS1 alors que comme il a été vu précédemment la société GS1 n'avait pris aucun engagement et que ses adhérents ont eux-mêmes refusé les conditions financières proposées par la société Traceval ;
Considérant que, comme l'expert judiciaire le mentionne, pour parvenir à l'évaluation de l'activité d'une entreprise quelle que soit son activité, ses différents actifs doivent être pris en compte notamment les marques, l'infrastructure, les réseaux, les licences d'autres logiciels de gestion, les personnels et les contrats ; que, si la société Traceval indique avoir cessé son activité, elle a toujours une existence et n'a pas liquidé ses actifs; qu'elle ne démontre pas, au demeurant qu'elle aurait eu pour seul actif le logiciel Observatoire qu'elle a déposé et qu'elle aurait cessé dès ce dépôt d'utiliser son savoir-faire et son potentiel de sorte qu'elle aurait subi une perte totale de sa propre valeur qui justifierait la prise en compte d'une valorisation telle que celle résultant des deux rapports d'expertise qu'elle a produits ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Traceval ne fait pas la démonstration d'un préjudice autre que celui résultant de la perte de valeur de son logiciel ;
Considérant qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts ;
Sur la demande de publication de la société Traceval
Considérant que la société Traceval demande à la Cour d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues au choix de Traceval et aux frais avancés de GS1 France dans une limite de 10 000 €HT par insertion ainsi que sur la page d'accueil du site www gs1.fr pour une durée de six mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
Considérant que la société Traceval indique avoir cessé son activité ; que les faits sont anciens de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur les demandes reconventionnelles de la société GS1
Considérant que la société GS1 France demande à la Cour de la déclarer co-titulaire des droits de propriété intellectuels sur les éléments apportés par elle ayant permis d'élaborer le logiciel Observatoire Traceval ;
Considérant que la société GS1 ne précise pas les éléments qu'elle vise était au surplus observé qu'elle a affirmé que des éléments avaient été apportés par les adhérents eux mêmes ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter sa demande à ce titre ;
Considérant que la société GS1 succombant, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de publication ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que la société Traceval a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts.
et statuant à nouveau,
CONDAMNE la société GS1 France à payer à la société Traceval la somme de 9 091 880€ avec intérêts au taux légal.
REJETTE toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire.
CONDAMNE la société GS1 France à payer à la société Traceval la somme de 50 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la société GS1 France aux dépens, y compris les frais de constat et d'expertise qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLa Présidente
B.REITZERC.PERRIN