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19/05/2015 | FRANCE | N°10/23607

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 19 mai 2015, 10/23607


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 19 MAI 2015



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/23607



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Novembre 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 09/15312



APPELANTS :



Monsieur [C] [Y]

né le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 8]



Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Anthony BAUMIFFIER, avocat au barreau de PARIS, toq...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 19 MAI 2015

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/23607

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Novembre 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 09/15312

APPELANTS :

Monsieur [C] [Y]

né le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Anthony BAUMIFFIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A164

Madame [B] [O] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1933 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Anthony BAUMIFFIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A164

SCI ROMA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Anthony BAUMIFFIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A164

SA SOCIETE AUTOMOBILES PEUGEOT prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant Me Pierre LEVEQUE de l'AARPI DENTONS EUROPE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0372

INTIMES :

SA BRED BANQUE POPULAIRE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Ayant pour avocat plaidant Me Frédéric DOCEUL de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0483

SAS SOCIETE COMMERCIALE DES GARAGES COFFRE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 3]

N'ayant pas constitué avocat

SA SOCIETE AUTOMOBILES PEUGEOT prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant Me Pierre LEVEQUE de l'AARPI DENTONS EUROPE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0372

SA SOFIB, SOCIETE FINANCIERE DE BANQUE prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Ayant pour avocat plaidant Me Nathalie BEHAIS, avocat au barreau d'Aix en Provence substituant Me Virginie MONTEIL de la SCP FRENCH CORNUT GENTILLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0071

Monsieur [C] [Y]

né le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Anthony BAUMIFFIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A164

Madame [B] [O] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1933 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Anthony BAUMIFFIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A164

SCI ROMA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Anthony BAUMIFFIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A164

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente de chambre, présidente

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

- par défaut

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Pervenche HALDRIC, greffière présente lors du prononcé.

M. [C] [Y] était l'actionnaire majoritaire, directement ou indirectement, de trois sociétés anonymes dont il était le dirigeant qui exploitaient chacune un fonds de commerce de concession de véhicules de marque Peugeot, implantées en Seine-et-Marne, les sociétés Garage Coffre à [Localité 8], la SCGC à [Localité 5] et la société Coffre Sud à Montereau.

M. [Y] détenait également directement ou indirectement deux sociétés civiles immobilières, la SCI Roma, propriétaire de deux ensembles immobiliers donnés à bail aux sociétés Garage Coffre ([Localité 8]) et SCGC ([Localité 5]) et la SCI Somaro, propriétaire d'un bâtiment donné à bail à la société SCGC.

Au 31 décembre 1996, le groupe dégageait un chiffre d'affaires de près de 250 millions d'euros.

A la suite de difficultés financières qu'il impute pour l'essentiel à une stratégie du groupe Automobiles Peugeot désireux de reprendre l'ensemble des concessions de la marque pour les regrouper et les filialiser, M. [Y] a signé le 16 janvier 2007 une offre de cession au bénéfice de la société Automobiles Peugeot de la totalité des actions qu'il détenait dans le capital social des trois sociétés exploitantes, lesquelles détenaient la SCI Somaro, assortie d'une clause de détermination du prix, offre qui a été prorogée au 20 janvier 2007, tandis que Mme [B] [Y], gérante de la SCI Roma, signait le même jour une promesse unilatérale de vente du terrain situé à Avon, caduque au 20 janvier 1997 et conditionnée à l'acceptation de l'offre principale.

Le 20 janvier 1997, la société Automobiles Peugeot acceptait les deux offres.

La procédure conventionnelle de détermination du prix était pour l'essentiel la suivante :

- les comptes de référence devaient être arrêtés au 20 janvier 1997 sous le contrôle de la société Automobiles Peugeot, transmis au cédant puis audités et, le cas échéant, corrigés par le cabinet BEFEC Price Waterhouse, dont les parties s'engageaient à accepter les résultats,

- le prix global de la cession de titres était fixé à 1 million de francs, à condition que la situation nette globalisée au 20 janvier 1994 ne soit pas négative au-delà de 1 734 000 francs, le prix étant diminué en cas de dépassement au prorata de la différence entre ce plancher et la situation globalisée constatée, jusqu'à un minimum de un franc,

- le cessionnaire s'engageait à rembourser les comptes courants d'associés de

M. [Y], sauf si la situation nette globalisée, arrêtée par le cabinet BEFEC Price Waterhouse, était négative à plus de 2 734 000 francs, cas dans lequel le solde créditeur desdits comptes demeurait acquis au cessionnaire.

Un pré-rapport du cabinet BEFEC a arrêté une situation nette globalisée négative à plus 6 millions de francs, laquelle était susceptible de déterminer par application de la clause de détermination du prix un prix de cession d'un franc, les comptes d'associés de M. [Y] demeurant acquis à la société Automobile Peugeot.

Invoquant des manoeuvres de la part d'Automobiles Peugeot en liaison avec certains établissements bancaires qui lui ont brutalement coupé tout crédit de trésorerie lors des discussions en vue de la cession à laquelle Automobiles Peugeot souhaitait le contraindre à plus vil prix, M. [Y] devait déposer plainte et se constituer partie civile le 25 février 1998 devant le doyen des juges d'instruction de Paris des chefs, notamment d'escroquerie, abus de confiance, extorsion de fonds, faux et usage de faux.

M. [X] [F], juriste de la société Peugeot SA, MM. [K] [U] et [S] [H], cadres de la direction financière de la société Peugeot SA, seront renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris sous des qualifications d'extorsion de fonds, de faux et usage de faux et complicité de ces délits.

Par jugement en date du 15 février 2007, à ce jour définitif, les prévenus ont été relaxés et M. [Y] et la SCI Roma, parties civiles, déboutés de leurs demandes.

Parallèlement, la société Automobiles Peugeot avait fait délivrer, par acte en date du 30 mars 2004, assignation aux fins de réalisation forcée de la vente par Mme [Y] du terrain d'Avon, devant le tribunal de grande instance de Fontainebleau, lequel a sursis statuer, d'abord par ordonnance du 7 novembre 2006, dans l'attente de l'issue de la procédure pénale alors en cours, puis par ordonnance en date du 28 octobre 2008, dans l'attente de l'issue de la présente procédure.

En effet, les époux [Y] ainsi que la SCI Roma avaient fait, entre temps, assigner la société Automobiles Peugeot, la Société Commerciale des Garages Coffre (SCGC), la Société Financière de Banque (SOFIB) et la BRED devant le tribunal de grande instance de Fontainebleau, par acte en date du 16 janvier 2007, en poursuivant la résolution des actes de cession d'actions pour indétermination du prix, à défaut vileté du prix, à défaut pour non paiement du prix, et en recherchant la responsabilité solidaire des deux établissements bancaire du fait d'une rupture abusive des concours financiers.

Le tribunal de commerce de Fontainebleau s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, lequel, par jugement du 30 novembre 2010 :

- a mis hors de cause la société SCGC,

- a dit prescrites les actions contre les banques, et a condamné les demandeurs à leur payer une somme de 5 000 euros à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté M. et Mme [Y] et la SCI Roma de leur demande de résolution des cessions d'actions du 20 janvier 1997,

- a condamné la société Automobiles Peugeot à payer aux demandeurs les sommes de 60 980 euros au titre du prix de cession, et la somme de 416 976 euros au titre du remboursement des comptes courants, majorées des intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2004, avec capitalisation des intérêts, outre une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les premiers juges, après avoir rejeté les moyens développés par M. [Y] au soutien de la demande en résolution de la cession, ont, sur la base notamment du rapport d'expertise confiée à M. [F] qui avait été ordonnée dans le cadre de l'information judiciaire, retenu la faute de la société Automobiles Peugeot dans la procédure de détermination du prix.

M. et Mme [Y], la SCI Roma, la société Automobile Peugeot ont interjeté appel de cette décision respectivement par déclarations des 7 et 20 décembre 2010. Les instances ont été jointes.

Par ordonnance du 6 décembre 2011, le conseiller chargé de la mise en état, faisant droit à la demande en vérification d'écritures de l'appelant, laquelle portait sur un grand nombre de pièces, a désigné Mme [N] [Q] en qualité d'expert et a sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

Mme [Q], dont la mission a été prorogée à diverses reprises, a déposé son rapport le 30 janvier 2014.

Elle concluait pour l'essentiel que les documents attribués à M. [Y] étaient signés ou paraphés de sa main.

L'instance étant reprise, par dernières conclusions signifiées le 28 avril 2014, les époux [Y] et la SCI Roma demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau,

- à titre principal, de dire que le contrat de vente n'est pas formé, à titre subsidiaire, d'en prononcer la nullité, à titre plus subsidiaire encore, d'en prononcer la résolution et en conséquence dans ces trois cas de remettre les parties dans l'état dans lequel elles étaient précédemment à la prise de possession des sociétés par Automobiles Peugeot le 21 janvier 1997 et de condamner Automobiles Peugeot à verser à M. et Mme [Y] la somme de 5 150 000 euros, valeur de la chose à la date de la prise de possession, outre les intérêts au taux légal à capitaliser à compter de l'assignation, outre la somme de 3 000 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- à titre infiniment subsidiaire, de condamner solidairement Automobiles Peugeot et la SOFIB à leur payer la somme de 5 150 000 euros à titre de dommages-intérêts, augmentée des intérêts au taux légal avec capitaliser à compter de l'assignation, outre la somme de 3 000 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- à titre plus subsidiaire encore de condamner la société Automobiles Peugeot à payer à M. et Mme [Y], à titre de dommages-intérêts, la somme de 60 980 euros outre les intérêts au taux légal à capitaliser à compter de l'assignation, la somme de 416 976 euros au titre du remboursement des comptes courants et la somme de 3 000 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- en tout état de cause, de condamner la société Automobiles Peugeot à restituer à M. et Mme [Y] la somme de 11 290,56 euros assortie des intérêts avec capitalisation, somme conservée par Peugeot en application d'un acte de garantie d'actif et de passif qui a été signé uniquement en qualité d'annexe, sauf à Automobiles Peugeot à verser aux débats l'original de l'acte de garantie d'actif et de passif définitif, signé et daté par M. [Y],

- de condamner la société Automobiles Peugeot à leur verser la somme de 50 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 9 septembre 2014, la société Automobiles Peugeot demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a écarté la demande de nullité de la cession d'actions du 20 janvier 1997, de l'infirmer en ce qu'il a retenu l'inexécution fautive par Automobiles Peugeot de ses obligations contractuelles et l'a condamnée à payer diverses sommes à M. [Y], et, statuant à nouveau, de dire et juger qu'elle n'a pas manqué à ses obligations contractuelles, de débouter les consorts [Y] de toutes leurs demandes, de condamner les consorts [Y] à lui restituer la somme de 583 869,61 euros qu'elle leur a versée en exécution du jugement déféré et de condamner solidairement M. et Mme [Y] et la SCI Roma à lui payer la somme de 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 8 septembre 2014, la société Financière de Banque (Sofib) demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit prescrite l'action des époux [Y] et de la SCI Roma à son encontre, de condamner solidairement les époux [Y] et la SCI Roma à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, à titre subsidiaire, de dire et juger que la résiliation de son concours financier aux sociétés du groupe [Y] est aussi légitime que prévisible compte tenu de la situation du groupe et de débouter, en conséquence, les epoux [Y] et la SCI Roma de leurs demandes, en tout état de cause, de les condamner solidairement à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 2 septembre 2014, la société Bred Banque Populaire demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit prescrite l'action de M. et Mme [Y] et de la SCI Roma à son encontre, à titre subsidiaire, de la mettre hors de cause, en tout état de cause, de condamner in solidum M. et Mme [Y] et la SCI Roma à lui payer les sommes de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

SUR CE

Sur l'inexistence du contrat de vente

1. Les appelants soutiennent que la vente ne s'est jamais formée faute de rencontre de volontés dans la mesure où la société Automobiles Peugeot a accepté le 20 janvier 1997, non pas une offre du 16 janvier qui avait été prorogée au 20 janvier suivant mais une offre du 15 janvier qui n'avait jamais fait l'objet de prorogation et était caduque au 17 janvier.

Mais si deux offres ont bien été établies respectivement le 15 et le 16 janvier 1997, la seconde ne différant de la première que sur la nature des sûretés constituées par

M. [Y], cédant, au titre de la garantie d'actif et de passif au profit du cessionnaire, il résulte sans ambiguïté des pièces aux débats que c'est bien la seconde, datée du 16 janvier et prorogée jusqu'au 20 janvier qui a été acceptée par Automobiles Peugeot à cette dernière date, comme M. [Y] l'a expressément et spontanément indiqué dans une télécopie qu'il a adressée à cette dernière le 11 avril 1997 dans laquelle il écrivait 'je vous ai cédé les titres en application de mon offre du 16 janvier 1997 et de votre acceptation du 20 janvier 1997".

Il en résulte que la référence faite dans la lettre d'acceptation d'Automobiles

Peugeot à l'offre du 15 janvier est une pure erreur matérielle, l'offre acceptée étant bien celle du 16 janvier qui avait été prorogée au 20, date à laquelle l'acceptation est intervenue, consacrant la rencontre des volontés à cette date, comme l'atteste au demeurant la signature par M. [Y] des ordres de mouvements de titres.

2. M. [Y] soutient encore que le processus conventionnel de détermination du prix n'a jamais été mené à terme, dans la mesure où le cabinet Befec Price Waterhouse n'a jamais transmis son rapport définitif, seul un projet de rapport lui ayant été communiqué par les soins d'Automobiles Peugeot le 20 mars 1997, de sorte que faute de rapport définitif du tiers arbitre le prix de cession n'a pas été déterminé.

S'il est constant que seul un projet de rapport établi par Befec Price Waterhouse a été transmis aux parties, sans qu'aucun rapport définitif n'ait été établi, cette circonstance est sans incidence sur le caractère parfait de la cession dès lors qu'il résultait des stipulations du point 1 de l'offre de cession de M.[Y], acceptée par la société Automobiles Peugeot que le prix de cession des titres était déterminable.

Il était en effet précisé, au point 1.a) que le prix de cession serait arrêté sur la base de 'l'arrêté de comptes en forme de bilan au 20 janvier 1997 [...] effectué dans le respect des normes et méthodes comptables utilisées jusque là par les sociétés [cédées] et des usages de la profession', que les comptes et la situation globalisée établis par Automobiles Peugeot seraient communiqués au cédant puis 'audités et, le cas échéant, corrigés par le cabinet Befec Price Waterhouse pour le 17 mars 1997 au plus tard', que 'le cabinet Befec Price Waterhouse appliquera les règles énoncés ci-dessus pour arrêter les comptes et la situation globalisée et, après audition de chacune des parties, sera libre d'apporter aux comptes et à la situation globalisée qui lui seront soumis toutes les modifications qui lui paraîtront convenables, les parties s'engageant à 'accepter les résultats de cet audit'.

Quant au point 1.b), il fixait le prix de la cession dans les termes précis rappelés plus haut, soit à 1 000 000 de francs si la situation nette globalisée des quatre sociétés au 20 janvier 1997, telle que déterminée par Befec Price Waterhouse, n'était pas négative à hauteur d'un montant supérieur à 1 734 000 francs, avec un ajustement de prix à la baisse jusqu'à 1 franc par réduction à hauteur de la différence entre ce montant négatif de 1 734 000 euros et la situation globalisée constatée et prévoyait le remboursement des comptes courants d'associés de M. [Y], sauf à ce que la situation nette globalisée, arrêtée par le cabinet BEFEC Price Waterhouse, soit négative à plus de 2 734 000 francs.

Le prix de cession étant ainsi déterminable, le moyen soulevé par les appelants au soutien de l'inexistence de la cession sera rejeté.

Sur la nullité de la cession tirée de la potestativité du prix

Les appelants soutiennent que la cession serait nulle pour postestativité du prix en

soulignant qu'il avait été convenu que l'arrêté des comptes de référence soit effectué dans le respect des normes et méthodes comptables utilisées jusqu'alors par les sociétés cédées et des usages de la profession, alors que les comptes clos au 31 décembre 1996 ont été retraités par la société Automobiles Peugeot en modifiant les méthodes comptables utilisées jusqu'alors.

Ils se prévalent à cet égard de l'audition dans le cadre de l'instance pénale de

M. [V] commissaire aux comptes ( KMPG) des sociétés cédées avant et après la cession, lequel a indiqué qu'il y avait eu un changement de méthode de dépréciation des stocks de la part d'Automobiles Peugeot s'agissant de l'exercice clos au 31 décembre 1996, sur lequel il n'avait disposé d'aucune explication justificative mais qu'il avait accepté.

Mais la potestativité n'est sanctionnée aux termes de l'article 1174 du code civil que si elle affecte une condition assortissant une obligation et une règle de détermination du prix n'est pas une condition mais un élément constitutif du contrat de vente.

Au demeurant, et comme l'ont à juste titre retenu les premiers juges, la règle de détermination du prix, telle que fixée par l'offre de M. [Y] et acceptée par Automobiles Peugeot, ne dépendait de la volonté d'aucune partie puisque l'arrêté de compte de référence à méthodes comptables constantes devait être opérée par le cessionnaire, sous le contrôle du cédant, avant d'être audité et corrigé par un tiers, le cabinet Befec Price Waterhouse.

En cet état les moyens tirés de ce que la procédure d'arrêté de comptes de référence ait pu, le cas échéant, ne pas respecter la méthode convenue par les deux parties ne confère pas à la règle de détermination de prix telle que fixée conventionnellement un caractère de potestativité susceptible de rendre nulle la convention.

Sur la nullité de la cession résultant de l'indétermination du prix du fait de l'absence de neutralité du tiers arbitre

Les appelants contestent l'impartialité du tiers-arbitre en faisant valoir que le cabinet Befec Price Waterhouse travaillait régulièrement avec la société Automobiles Peugeot auprès de laquelle il prenait ses instructions, que son pré-rapport fait référence à une lettre de mission qu'Automobiles Peugeot lui aurait signée le 14 février 1997, que le tiers-arbitre n'a encore adressé ce ré-rapport qu'à la société Automobiles Peugeot et que ce dernier était en sa défaveur totale, allant jusqu'à envisager de passer des provisions dans les comptes de référence qu'Automobiles Peugeot n'avait ni envisagées ni demandées, de sorte que, dépourvu de l'indépendance exigée d'un tiers -arbitre, il n'a pu valablement déterminer le prix.

Il sera relevé au préalable que les parties n'ont pas abandonné au tiers désigné la mission de déterminer le prix, dont la règle et le mode de calcul avaient été conventionnellement fixés par elles, mais d'arrêter, après discussion contradictoire, les comptes de l'exercice de référence.

Et aucun des faits allégués ne caractérise à suffisance le défaut d'indépendance ou d'impartialité reproché à ce cabinet de commissariat aux comptes ni une collusion entre le cabinet Befec Price Waterhouse et Automobiles Peugeot, griefs dont cette dernière souligne sans réplique des appelants qu'ils sont pour la première fois formulés plus de 14 ans après la désignation de ce tiers et qu'ils ne sauraient résulter du seul fait que le pré-rapport puisse être perçu comme défavorable à une partie plutôt qu'à l'autre, alors qu'il est constant que ce pré-rapport devait encore être discuté et commenté par ces dernières avant remise du rapport définitif.

La déposition faite en 2002 par M. [U], d'Automobiles Peugeot, dans le cadre de l'information judiciaire, selon laquelle cette dernière avait proposé ce cabinet à

M. [Y] qui l'avait accepté en ajoutant que Befec Price Waterhouse était l'un des deux ou trois réseaux de cabinet comptable avec lesquels PSA est habitué à travailler, n'établit pas plus que ce tiers était sous la dépendance d'Automobiles Peugeot à la date des faits alors que son statut de commissariat aux comptes est incompatible avec un tel état à l'égard de quiconque et que les consorts [Y] ne justifient pas avoir jamais mis en cause sa responsabilité civile ou disciplinaire.

Ce moyen sera par conséquent écarté.

Sur la nullité tirée du dol

M. [Y] invoque le dol en soulignant que son offre du 16 janvier 1997 a été en réalité pré-rédigée par Automobiles Peugeot et par lui signée à une date à laquelle il n'était pas entouré de conseil, après que cette dernière eut, comme l'information judiciaire l'a établi, demandé à la banque Sofib de dénoncer les crédits dont il bénéficiait depuis 14 ans sans incident de paiement, ce qui a été fait le 24 décembre 1996, de sorte qu'à compter de cette date il se trouvait acculé, que la rédaction complexe de la clause de détermination du prix ne lui permettait pas de comprendre qu'il ne percevrait pas plus qu'un million de francs, que M. [U] d'Automobiles Peugeot a encore reconnu durant l'instruction pénale qu'aucune évaluation du prix escompté de cession ne lui avait été donnée ' car il n'aurait pas accepté de vendre dans ces conditions', tous éléments qui caractérisent autant de manoeuvres destinées à surprendre son consentement, d'autant que le dernier mot sur le prix appartenait en réalité à Automobiles Peugeot, laquelle devait établir les comptes de référence et avait à sa main le tiers-arbitre.

La société Automobile Peugeot oppose deux moyens d'irrecevabilité à cette demande.

Le premier, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, est tiré de ce que les appelants qui avaient initialement poursuivi cette demande de nullité pour dol dans leur assignation initiale y ont finalement renoncé dans leurs dernières conclusions devant les premiers juges de sorte qu'elle doit être regardée comme nouvelle en cause d'appel.

Mais selon l'article 565 ne sont pas nouvelles les prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et une demande de nullité pour dol doit être regardée comme tendant aux mêmes fins que la demande de résolution de la convention dont ont été saisis les premiers juges, dès lors que l'une et l'autre poursuivent l'anéantissement rétroactif de l'acte et la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement à ce dernier.

Le second moyen d'irrecevabilité est tiré de la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil, dont les parties s'accordent à considérer qu'elle a commencé à courir à compter du 18 avril 1997, date à laquelle M. [Y] dans un courrier adressé à Automobiles Peugeot a dénoncé sa signature au motif des manoeuvres, du dol et de la tromperie dont il avait été la victime.

Cependant les appelants se prévalent à juste titre de l'interruption de la prescription résultant de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 24 févier 1998 qui visait expressément les manoeuvres et extorsion de signature imputées à Automobiles Peugeot et à ses préposés, laquelle prescription, suspendue à cette date, n'a recommencé à courir qu'ensuite du jugement de relaxe du 17 février 2007, de sorte qu'à la date de l'assignation, délivrée le 17 janvier 2007, le délai de prescription n'était pas expiré.

Mais sur le fond, les manoeuvres ou la réticence dolosive invoquées par les appelants ne sont pas établies.

Il résulte en effet des pièces au débat, et singulièrement du rapport de

M. [F], expert désigné par le magistrat instructeur dans le cadre de l'information judiciaire, que le résultat d'exploitation des sociétés du groupe [Y] s'est fortement dégradé en 1996 et que M. [Y], qui ne pouvait ignorer la stratégie de PSA consistant à acquérir toute concession susceptible de s'intégrer au sein d'un 'pool régional', a 'trouvé là une opportunité de céder ses entreprises dans les meilleures conditions', le rapport de l'expert soulignant 'la politique commerciale extrêmement agressive, inaugurée dès 1995" par M. [Y] et qui rompait 'avec la sagesse du management passé', politique que l'expert impute à la volonté de ce dernier 'de développer son chiffre d'affaires dans des proportions très significatives, pensant mieux valoriser son actif'.

L'expert a encore relevé que les sociétés du groupe étaient techniquement en état de cessation des paiements dès le mois de novembre 1996, rappelé qu'une procédure d'alerte avait été déclenchée par le commissaire aux comptes le 13 décembre, soit antérieurement à la suppression des lignes de crédits bancaires, et qu'au 31 décembre 1996, le groupe [Y] avait perdu toute indépendance financière et devait face à une insuffisance de trésorerie nette voisine de 6 millions de francs.

C'est dans ces circonstances dont l'expert a souligné qu'elles étaient exclusivement imputables à M. [Y] 'au moins jusqu'au mois de novembre 1996", que des discussions se sont engagées entre ce dernier et la société Automobiles Peugeot relativement à une éventuelle cession à laquelle M. [Y] pensait pouvoir trouver avantage, en évitant une déclaration de cessation des paiements et l'ouverture d'une procédure collective ainsi que la mise en oeuvre des sûretés et garanties qu'il avait personnellement consenties aux établissement bancaires qui finançaient le groupe.

Il est par ailleurs constant, comme le tribunal correctionnel l'a relevé dans sa décision du 17 février 2007 que M. [Y], chef d'entreprise durant trente ans, était assisté tout au long des discussions par le commissaire aux comptes de ses trois sociétés, KPMG, et l'avocat de ses dernières, en la personne de Maître [A] [R], associé du cabinet Fidal, de sorte qu'il n'était pas un négociateur profane privé de conseils.

La télécopie que Maître [R], pour M. [Y], a adressée à Automobiles Peugeot le 10 janvier 2007 établit par ailleurs que le prix de cession à hauteur d'un million d'euros dans l'hypothèse où la situation nette négative consolidée du groupe n'excéderait pas un certain seuil était déjà évoquée à cette date de sorte que M.[Y] ne saurait soutenir que son consentement sur ce prix aurait été surpris six jours plus tard par le dol, étant de surcroît observé que l'offre définitive lui sera plus avantageuse puisque le niveau de situation négative en-deçà duquel le prix d'un million de francs lui demeurait acquis a été porté de - 1 434 000 francs, évoqué dans la télécopie de son conseil, à - 1 734 000 francs.

Et le propos de M. [U] lors de son audition par la Brigade financière, dont se prévalent les appelants pour conclure à une réticence dolosive, ne se rapporte qu'à une estimation interne d'Automobiles Peugeot sur le prix définitif au regard de la santé financière réelle des sociétés du groupe [Y], que le candidat cessionnaire était libre d'anticiper sans être tenu de la communiquer à son co-contractant dès lors que la règle de détermination du prix convenue était précise, claire et non équivoque, la stipulation en cause mentionnant expressément un prix de cession maximum d'un million de francs et une prix minimum d'un franc si la situation nette consolidée négative se révélait très supérieure à - 1 734 000 francs.

Pour ces motifs, le moyen tiré du dol sera rejeté.

Sur la nullité tirée de la violence économique

M. [Y] soutient qu'il a été victime d'un véritable harcèlement de la part d'Automobiles Peugeot qui n'a eu d'autre objectif que de le contraindre à la cession de ses trois sociétés, lequel harcèlement s'est manifesté par la multiplication des contrôles sur place au sien des concessions, avant que Peugeot ne le prive, à compter de mai 1996, de toute vente de véhicules d'occasion de la marque ce qui l'a contraint à s'approvisionner en véhicules d'occasion d'autres marques,. Il ajoute que les primes sur objectifs de vente n'étaient versées qu'en partie ou pas du tout, obérant ainsi son résultat d'exploitation et sa marge. Il souligne que M. [U], cadre à la direction financière de PSA, a reconnu durant l'information judiciaire avoir appelé la Sofib en lui indiquant être en négociation avec M. [Y] pour lui demander de 'mettre la pression' (sic) sur lui afin qu'il accepte enfin l'offre de cession qui lui était faite, que le 23 décembre 1996 la Sofib a dénoncé les crédits de trésorerie qui lui étaient accordés depuis 1974 jusqu'alors sans incident avant d'appeler sa caution personnelle, que le 7 janvier 1997 la banque Bred a fait de même, qu'ainsi acculé et soucieux d'éviter une déclaration de cessation des paiements, il s'est trouvé en réalité contraint d'accepter la reprise de ses concessions aux conditions fixées par Automobiles Peugeot.

Mais il sera relevé sur ces différents points :

- que M. [Y] et ses sociétés ont librement choisi d'être des concessionnaires de la marque Peugeot, avec les avantages et garanties qui en étaient attendus et sans rien ignorer du lien de dépendance relative qui caractérise ce type de relations,

- qu'il résulte du rapport de l'expert [F] que la dégradation financière rapide du groupe [Y] en 96 est exclusivement imputable aux choix de gestion de son dirigeant, la société Automobiles Peugeot soulignant sans être contredite que M. [Y] s'est aventuré dans la vente de véhicules d'occasion haut de gamme, ce à quoi aucune décision de PSA ne le contraignait,

- que les faits de harcèlement qu'il invoque, antérieurs aux discussions en vue de la reprise, ne sont établis par aucune pièce probante,

- qu'en particulier, le choix de la direction régionale Ile-de-France de la société Peugeot de réviser en mars 1996 les conditions financières de vente de véhicules d'occasion de la marque, procédait d'une politique générale applicable à l'ensemble du réseau, exclusive de toute discrimination, violence et intention malveillante dirigée contre le groupe de M. [Y],

- que s'agissant de la suppression des concours bancaires, il a été relevé par le jugement du tribunal correctionnel, à ce jour définitif, que si le directeur financier d'Automobiles Peugeot a bien entrepris une démarche en ce sens auprès de la Sofib durant la phase de discussion avec M. [Y], la décision de cette banque comme celle de la Bred, cette dernière prise en dehors de toute intervention de Peugeot, 'étaient techniquement, financièrement et juridiquement justifiées de telle sorte que ces décisions ne peuvent s'analyser en un élément de contrainte'.

En cet état, et compte tenu des observations antérieurement développées relativement au moyen tiré du dol (opportunité pour M. [Y] d'échapper à l'ouverture d'une procédure collective et à la perte de ses comptes courants d'associés et de voir appeler les garanties personnelles qu'il avait souscrites auprès des établissements bancaires), l'état de dépendance économique invoqué et les méthodes de négociation d'Automobiles Peugeot ne peuvent être regardées comme ayant vicié de violence le consentement des cédants ni sur le principe de la cession ni sur les clauses de détermination du prix de celle-ci.

Ce moyen sera également rejeté.

Sur la résolution de la vente pour défaut de paiement du prix

Le moyen tiré de la résolution de la vente faute de versement du prix, soit le franc symbolique, sera rejeté, l'inexécution de l'obligation de paiement du franc symbolique n'étant pas de nature à fonder l'action résolutoire.

Et le moyen tiré de la vileté du prix le sera également, en l'état d'une clause de détermination du prix librement négociée entre les parties en tenant compte notamment de la situation financière largement compromise des sociétés cédées, de l'état de cessation des paiements dans lequel elles se trouvaient et du niveau d'endettement qui était le leur.

Sur la recherche de la responsabilité délictuelle des sociétés Peugeot et de la banque Sofib

Les époux [Y] et la SCI Roma recherchent encore la responsabilité de la société Peugeot au motif de la démarche entreprise auprès de la banque Sofib durant le temps de la négociation afin que celle-ci interrompe ses concours financiers aux sociétés dont M. [Y] était le dirigeant. Invoquant une faute pré-contractuelle à l'égard d'Automobiles Peugeot, ils recherchent la responsabilité délictuelle de cette dernière.

Le fait reproché est établi, il ressort en effet à la fois d'une note interne de la direction financière de Peugeot du 15 janvier 1997, saisie lors de l'information judiciaire, rédigée par M. [U], chef de service de la direction financière de PSA, qui écrivait sans précautions excessives : ' Nous avons demandé à la Sofib de dénoncer les lignes de M. [Y] qui venaient à échéance au 31/12. Cette pression supplémentaire ainsi que l'accélération des difficultés rencontrées par M. [Y] dans la gestion de ses affaires ont permis d'aboutir à la mise en place d'un protocole' et de la déposition de ce dernier durant l'information judiciaire.

Mais ni l'information judiciaire ni aucune des pièces au débat n'établit que la démarche dont le négociateur d'Automobiles Peugeot se prévaut dans cette note destinée à sa direction, aussi fautive et singulière qu'elle soit, se trouve à l'origine de l'interruption des crédits et du préjudice subséquent évoqué par les époux [Y].

Il est constant en effet que les ouvertures de crédit consenties aux sociétés du groupe [Y] n'avaient été renouvelées en août 1996, date à laquelle aucune négociation n'était engagée avec Automobiles Peugeot, que pour une durée limitée à quatre mois, venant à échéance au 31 décembre 1996, date à laquelle la situation intrinsèque des trois sociétés en cause, toutes juridiquement en état de cessation de paiement, était la suivante : la société Garages Coffre présentait un déficit supérieur à 8 millions de francs avec une insuffisance de ressources de 1,8 millions de francs, la société Coffre Sud un déficit de 225 000 euros avec une insuffisance de ressources de 142 000 francs et la société SCGC un déficit de 9,3 millions de francs et une insuffisance de ressources de 4,1 millions de francs, de sorte que le lien entre la démarche d'Automobiles Peugeot et la décision prise par la banque, laquelle pouvait s'imposer d'elle-même comme la décision concomitante prise par la Bred hors toute intervention de PSA en témoigne, fait défaut.

Quant à la Sofib, elle relève à juste titre et sans contradiction sur ce point que l'action en responsabilité au titre de la rupture abusive de concours financiers est en tout état de cause prescrite, le délai de prescription, alors de dix ans, de l'article L 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, ayant commencé à courir à compter de la notification de sa décision, soit le 26 décembre 1996, date de réception de ses lettres recommandées, de sorte qu'il se trouvait expiré à la date de délivrance de l'assignation, le 17 janvier 2007.

Ces moyens seront également rejetés.

Sur la responsabilité contractuelle d'Automobiles Peugeot

Les époux [Y] et la SCI Roma recherchent enfin la responsabilité contractuelle de la société Automobiles Peugeot au motif des fautes et manquements à l'obligation de loyauté contractuelle dans l'exécution des clauses de détermination du prix.

Ce fondement a été accueilli par les premiers juges, ce que critique la société Automobiles Peugeot en leur faisant reproche d'avoir insuffisamment caractérisé les fautes retenues. Elle relève en outre que M. [Y] s'était explicitement engagé dans son offre à accepter les résultats de l'audit du cabinet Befec Price Waterhouse, souligne que M. [Y] a été destinataire du pré-rapport du tiers-arbitre qu'il a pu discuter et se prévaut du rapport de l'expert [F] désigné dans le cadre de l'information judiciaire.

Mais il est constant :

- que le rapport final du cabinet Befec Price Waterhouse n'a jamais été établi, seul un pré-rapport ayant été adressé à M. [Y], de sorte que ce dernier, qui ne saurait se voir opposer son engagement à en accepter les résultats, est recevable à invoquer des manquements à la loyauté contractuelle qu'il impute à Automobiles Peugeot dans l'exécution de la clause de détermination du prix,

- que la société Automobiles Peugeot a elle-même adressé un courrier à M. [Y] le 25 avril 1997 l'assurant que 'ce n'est que dans une seconde étape que le cabinet Befec rendra ses conclusions définitives qui s'imposeront aux parties et permettront de parachever l'exécution de nos accords' , rapport définitif que ne sera jamais remis,

- qu'une note interne établie lors du processus de détermination du prix, saisie durant l'instruction judiciaire au siège d'Automobiles Peugeot, prescrivait en ces termes 'laisser mûrir [Y]', poursuivant ainsi 'ne rien faire pour le relancer' et de 'ne pas demander à [D] [de Befec] son rapport définitif ( pour l'instant au moins et reprendre contact avec [Y] dans quelques mois pour lui proposer une transaction)',

- qu'une note ultérieure du 26 mai 1998 indiquait ' reprendre les négociations avec [Y] sur la base d'une réévaluation du montant de cession de titres pour aboutir à un versement de 1mf pour M. [Y]', négociation dont il est constant qu'elles n'ont pas été reprises,

- que le pré-rapport de Befec Price Waterhouse fait encore explicitement référence à une lettre de mission adressée par Automobiles Peugeot au tiers-arbitre, dont M. [Y] affirme sans être contredit ignorer le contenu et qui n'est pas versée au débat,

- qu'il résulte cependant dudit pré-rapport qu'ont été exclus à la demande d'Automobiles Peugeot l'inventaire physique et la valorisation des stocks de véhicules neufs, d'occasion et de pièces de rechange, exclusion dont Automobiles Peugeot ne soutient pas qu'elle aurait été convenue entre les parties et sur laquelle elle ne s'explique pas davantage,

- que s'il revenait bien à Automobiles Peugeot, aux termes de la convention, d'arrêter les comptes des sociétés cibles sur l'exercice 1996, avant de les transmettre à M. [Y], cet arrêté de comptes devait être opéré à méthodes comptables constantes, ce qui n'a pas été le cas s'agissant notamment de la méthode de dépréciation des stocks, laquelle a été modifiée d'initiative sans explication ni justification particulière,

- que l'inventaire a été établi hors la présence de M. [Y] ou d'un de ses représentants, sans qu'il soit justifié qu'il en ait même été informé,

- que d'importantes provisions ont été pratiquées par Automobiles Peugeot lors de l'arrêté de comptes, dont certaines, notamment au titre des créances irrecouvrables paraissent 'irrecevables' à l'expert judiciaire [F], la société Automobiles Peugeot s'abstenant de discuter une telle appréciation dans le cadre de la présente instance.

Le fait pour le cessionnaire de titres de sociétés de s'être ainsi délibérément affranchi dans un processus de détermination du prix de cession conventionnellement fixé des obligations auxquelles il avait souscrit s'agissant de l'arrêté de comptes de référence, lequel devait être établi à méthodes comptables constantes, et de son obligation générale de loyauté à l'égard du cédant, notamment en décidant seul des diligences devant être accomplies par le tiers-arbitre désigné et en entreprenant des manoeuvres destinées à différer la remise du rapport final de ce dernier, seul auquel le cédant se serait trouvé tenu sauf fautes grossières, engage sa responsabilité contractuelle à l'égard du cédant et doit répondre du préjudice en lien direct avec ses propres manquements, comme l'ont à juste titre décidé les premiers juges, lequel s'analyse en un gain manqué.

Les époux [Y] et la SCI Roma invoquent, à titre principal, sur la base d'une expertise comptable d'un homme du chiffre auquel ils ont ait appel, une somme de 5, 15 millions d'euros à titre de dommages-intérêts représentant selon eux la valeur des titres sociétés cédées à la date de la cession. Mais une telle évaluation établie unilatéralement et sans se conformer aux stipulations de l'acte, librement convenues entre les parties, relatives au mode de détermination du prix n'est pas fondée.

Et c'est sans s'écarter de celles-ci que l'expert judiciaire M. [F] a relevé que l'estimation dont se prévaut Automobiles Peugeot d'une situation nette comptable négative du groupe [Y] de - 6 766 000 francs s'établissait en réalité à - 2 302 000 francs, Automobiles Peugeot ne discutant pas cette évaluation dans la cadre de la présente instance.

Rapporté au plancher de situation nette négative de référence (- 1 734 000 francs pour un prix de cession à 1 millions de francs), le préjudice des cédants résultant des manquements contractuels constatés s'établit à (1 000 000 francs - 568 000 francs=) 432 000 francs, s'agissant de la cession des titres, soit 65 857 euros.

Une telle situation nette négative, inférieure au seuil au-delà duquel les comptes courants d'associés de M.[Y] se trouvaient acquis au cessionnaire (-2 734 000 francs), lui a occasionné un préjudice égal au solde créditeur de ses comptes, lequel lui était acquis, soit la somme de 416 976 euros.

La société Automobiles Peugeot sera en conséquence condamnée à payer aux époux [Y] et à la SCI Roma, pris ensemble, la somme de ( 65 857 + 416 976 =) 482 833  euros à titre de dommages-intérêts, les circonstances propres à l'espèce justifiant que les intérêts au taux légal courent sur cette somme à compter de l'assignation, soit le 17 janvier 2007, avec capitalisation des intérêts à compter de cette même date. Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce sens.

Sur la demande de restitution d'une somme de 11 290 euros au titre de la garantie d'actif et de passif

Cette demande, qui s'analyse en une demande de restitution de sommes versées au titre de la garantie d'actif et de passif, n'est justifiée par aucune pièce probante et aucun argument n'est avancé à son soutien. Elle sera par conséquent rejetée.

Sur la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral

Les époux [Y] invoquent un préjudice moral à hauteur de 3 millions d'euros. Leur demande, fondée dans son principe tant au regard des faits de la cause, à tous égards singuliers, que de l'ancienneté de la collaboration de M. [Y] avec la société Peugeot (30 ans) et de l'âge des intéressés (80 ans), sera accueillie à hauteur de 35 000 euros pour les deux époux, pris ensemble.

Sur les autres demandes

La Sofib sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive que les faits de l'espèce ne caractérisent pas à suffisance et, en équité, de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Bred Banque Populaire sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, faute de préjudice démontré de ce chef. Il lui sera alloué en équité la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à la charge des époux [Y] qui l'ont intimée alors qu'ils ne forment aucune demande à son encontre.

L'équité conduira à allouer aux époux [Y] la somme de 15 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

S'agissant de la charge des dépens, il sera cependant relevé que les époux [Y] ont été demandeurs à une mesure de vérifications en écritures, particulièrement longue et coûteuse compte tenu des investigations à entreprendre et qui n'a été d'aucune autre utilité dans le cadre de la présente instance que d'établir que les documents dont la signature leur était attribuée avaient bien été signés ou paraphés de leur main, ce que les intéressés n'ont plus contesté. En cet état, les frais d'expertise seront mis à la charge exclusive des époux [Y], la société Automobile Peugeot supportant la charge des autres dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a alloué à M. et Mme [Y] les sommes de 60 980 euros au titre du prix de la cession et de 416 976 euros au titre du remboursement des comptes courants, majorées au taux légal à compter du 30 mars 2004,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Automobiles Peugeot à payer à M. et Mme [Y], pris ensemble, la somme de 482 833 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2007 et capitalisation,

Y ajoutant,

Condamne la société Automobiles Peugeot à payer à M. et Mme [Y], pris ensemble, la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,

Condamne in solidum les époux [Y] à payer à la Bred Banque Populaire la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Automobile Peugeot à payer à M. et Mme [Y], pris ensemble, la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Dit que les époux [Y], pris ensemble, supporteront seuls la charge des frais de l'expertise confiée à Mme [N] [Q],

Condamne la société Automobiles Peugeot à supporter la charge des autres dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/23607
Date de la décision : 19/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°10/23607 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-19;10.23607 ?
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