Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 3
ARRÊT DU 27 MAI 2015
(n°15/ , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/12212
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2013 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 10/03969
APPELANTS
Monsieur [P] [D]
[Adresse 4]
[Localité 5]
SA MAAF ASSURANCES, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentés par Me Alain BARBIER de la SCP D'AVOCATS BARBIER FRENKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : J042
INTIMES
Madame [S], [E], [R] [Q] Veuve [O]
[Adresse 6]
Madame [C], [M], [A] [O]
[Adresse 6]
Représentées par Me Pascale BETTINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0140
Assistées de Me Patricia CROCI, avocat au barreau de SENS
CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES MÉDECINS DE FRANCE (CARMF), prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Lionel ASSOUS-LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : D1732
INSTITUT DE RETRAITE COMPLEMENTAIRE DES AGENTS NON TITULAIRES DE L'ETAT DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 2]
Défaillante
CAISSE RSI DES PROFESSIONS LIBÉRALES DE PROVINCES, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 1]
Défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Régine BERTRAND-ROYER, Présidente
Madame Catherine COSSON, Conseillère, entendue en son rapport
Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Nadia DAHMANI
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prévu initialement pour le 11 Mai 2015 et prorogé au 27 Mai 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Régine BERTRAND-ROYER, président et par Mme Nadia DAHMANI, greffier présent lors du prononcé.
****
Le 13 décembre 2008, sur la route de [Localité 8], commune de [Localité 9], Monsieur [K] [O] qui pilotait une moto, a été victime d'un accident mortel de la circulation dans la survenance duquel était impliqué le véhicule conduit par Monsieur [P] [L] [D] assuré par la société MAAF.
Par jugement du 24 mai 2013, le tribunal de grande instance d'Evry a :
- déclaré Mademoiselle [C] [O] et Madame [S] [Q] veuve [O] recevables et bien fondées en leurs demandes,
- constaté l'implication du véhicule conduit par Monsieur [D] dans la réalisation de l'accident,
- constaté l'absence de faute imputable à Monsieur [D],
- constaté que Monsieur [O] avait gardé la qualité de conducteur au sens de la loi n° 85-677 lorsqu'il a été mortellement heurté par le véhicule de Monsieur [D],
- constaté l'absence de faute imputable à Monsieur [O],
- en conséquence déclaré Monsieur [D] et la société MAAF Assurances entièrement et solidairement responsables des conséquences dommageables des faits,
- condamné solidairement Monsieur [D] et la société MAAF Assurances à payer à Madame [O] 30.000 € en réparation de son préjudice moral, 3.381,93 € en remboursement des frais d'obsèques et 2.015.399,30 € en réparation de son préjudice économique,
- condamné solidairement Monsieur [D] et la société MAAF Assurances à payer à Mlle [C] [O] 20.000 € en réparation de son préjudice moral et 239.218,47 € en réparation de son préjudice économique,
- dit que les sommes allouées aux demanderesses tant pour le préjudice moral que pour le préjudice économique produiront intérêts au double du taux de l'intérêt légal pendant la période du 13 août 2009 au 4 février 2011 et au taux légal à compter du jugement,
- condamné solidairement Monsieur [D] et la société MAAF Assurances à payer à Madame [S] [O] et à Mlle [C] [O] la somme totale de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile,
- déclaré la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France recevable et bien fondée en son recours,
- condamné solidairement Monsieur [D] et la société MAAF Assurances à payer à la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France d'une part, en exécution de son recours subrogatoire, la somme de 208.323,22 €, d'autre part en application de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile la somme de 1.500 €,
- condamné solidairement Monsieur [D] et la société MAAF Assurances aux dépens,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- déclaré le jugement commun à la Caisse RSI des Professions Libérales de Provinces, la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France (CARMF) et l'Institution de Retraite Complémentaire des Agents non Titulaires de l'Etat et des Collectivités Publiques (IRCANTEC),
- ordonné l'exécution provisoire pour la moitié des sommes allouées.
Monsieur [P] [D] et la société MAAF Assurances ont relevé appel de la décision.
Par dernières conclusions signifiées le 2 décembre 2013, ils demandent à la cour :
1° à titre principal d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de dire que le défaut de maîtrise commis par Monsieur [O] est constitutif d'une faute excluant tout droit à indemnisation et de débouter Madame [O] et Mlle [O] de toutes leurs demandes,
2° à titre infiniment subsidiaire :
- de dire que la faute commise réduit de 70 % le droit à indemnisation de Monsieur [O],
- de fixer à la somme de 25.000 € le préjudice d'affection de Madame [O] et à celle de 20.000 € celui de Mlle [O],
- de fixer à la somme de 1.291.293,40 € le préjudice économique de Madame [O] après déduction de la créance de la CARMF d'un montant de 162.315,36 € sous réserve de la limitation qui sera retenue du droit à indemnisation,
- de fixer à la somme de 379.156,79 € le préjudice économique de Mlle [C] [O] après déduction de la créance de la CARMF d'un montant de 47.093,21 € sous réserve de la limitation qui sera retenue du droit à indemnisation,
- de statuer ce que de droit en ce qui concerne les frais d'obsèques,
- de débouter Madame [O] et Mlle [O] de leurs plus amples réclamations et de les condamner en tous les dépens tant de première instance que d'appel.
Ils font valoir que Monsieur [O] a perdu le contrôle de son engin, a été éjecté de celui-ci qui a continué à glisser tandis que sa tête est allée percuter le véhicule de Monsieur [D] au niveau du bas de l'avant gauche. Ils indiquent qu'il ne leur appartient de démontrer que l'existence du défaut de maîtrise et non sa cause.
Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 5 novembre 2013, Madame [S] [O] et Mlle [C] [O] sollicitent :
- que Monsieur [D] et la société MAAF Assurances soient dits mal fondés en leur appel et leur débouté de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- l'infirmation partielle du jugement déféré en ce qu'il a constaté que Monsieur [O] avait gardé la qualité de conducteur, condamné les appelants à leur payer diverses sommes au titre de leur préjudice économique et de leur préjudice moral et dit que les sommes allouées produiront intérêts au double du taux légal du 13 août au 4 février 2011,
- que la cour dise que Monsieur [O] avait perdu la qualité de conducteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 et qu'il n'a commis aucune faute inexcusable, cause exclusive de l'accident,
- à titre subsidiaire, qu'elle dise que les circonstances de l'accident sont indéterminées,
- la condamnation solidaire ou à défaut in solidum de Monsieur [D] et de la société MAAF Assurances à payer :
* à Madame [O] :
- 40.000 € en réparation de son préjudice moral,
- 2.678.277,30 € en réparation de son préjudice économique avant déduction des prestations servies par les organismes sociaux,
- 3.381,93 € au titre des frais d'obsèques,
* à Mlle [O] :
- 20.000 € en réparation de son préjudice moral,
- 426.250 € en réparation de son préjudice économique avant déduction des prestations servies par les organismes sociaux,
- que la cour disent que les indemnités qui leur seront allouées seront assorties des intérêts au double du taux légal entre le 13 juin 2009 et le jour où la décision sera devenue définitive, avec intérêts au taux légal à compter de cette date,
- la condamnation solidaire ou à défaut in solidum de Monsieur [D] et de la société MAAF Assurances à payer à Madame [O] la somme de 7.000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel par application de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile et aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Pascale Bettinger, en application de l'article 699 du code de procédure civile du code de procédure civile.
Elles soutiennent que Monsieur [O] était déjà tombé lorsque son corps a été heurté par le véhicule conduit par Monsieur [D] de sorte que la chute et le choc n'ayant pas eu lieu en un trait de temps, la victime ne pouvait plus être considérée comme conducteur. A titre subsidiaire, elles prétendent que la chute du conducteur d'une motocyclette ne caractérise pas en elle-même une faute et que celle-ci ne peut se déduire ni des conditions de circulation, ni du comportement de la victime. Enfin, à titre encore plus subsidiaire, elles allèguent qu'aucun élément ne permettant d'établir l'origine de la chute de Monsieur [O], les circonstances de l'accident sont indéterminées.
Par dernières conclusions signifiées le 3 novembre 2014, la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France, ci-après la CARMF, réclame la condamnation in solidum de Monsieur [D] et de la société MAAF Assurances à lui verser, dans la limite des condamnations qui seront prononcées à leur encontre, au profit de Madame [O] et de Mlle [O] en réparation de leur préjudice au titre du poste Préjudices patrimoniaux des victimes indirectes ' Perte de revenus des proches :
- par subrogation dans les droits de Madame [O] : au titre de l'indemnité décès 38.000 €, au titre de la rente temporaire 40.137,10 € au titre des arrérages échus et 84.303,45 € au titre des arrérages à échoir,
- par subrogation dans les droits de Mlle [O] : au titre de la rente d'éducation 38.114,33 € au titre des arrérages échus et 8.570,10 € au titre des arrérages à échoir,
ainsi qu'aux dépens.
Par lettre du 27 août 2013, le RSI Assurance Maladie Professions Libérales ' Provinces a indiqué n'avoir servi aucune prestation à Monsieur [O].
Ainsi qu'il y avait été invité par la cour lors de l'audience, le conseil des appelants à faire parvenir en cours de délibéré la copie de ses conclusions de première instance signifiées le 4 février 2011.
SUR QUOI, LA COUR
Sur le droit à indemnisation
En application des articles 4 et 6 de la loi du 5 juillet 1985, lorsque plusieurs véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice et une telle faute qui s'apprécie indépendamment du comportement des autres conducteurs, a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages subis tant par la victime directe que par les victimes par ricochet.
Il ressort du procès verbal établi par les services de police que le 13 décembre 2008, Monsieur [O] qui souhaitait changer de moto, avait rendez-vous chez un concessionnaire de la marque Harley Davidson, à [Localité 6] (91), afin de faire des essais. Arrivé dans la concession vers 15 heures, il a d'abord emprunté une moto de cylindrée 1584 cm3. Il a ensuite demandé à essayer une moto XR 1200. Après des explications fournies par le vendeur sur le fonctionnement de cet engin qui était déjà rodé, pneus compris, il est parti seul, empruntant un chemin qui lui était habituel lorsqu'il faisait des essais.
Vers 15 h 40, Monsieur [O] a pris la route de [Localité 8], commune de [Localité 9]. Il s'agit d'une route plate, bidirectionnelle, comportant deux voies, d'une largeur totale de 5 mètres 20 et où la vitesse est limitée à 50 km/h. La route était mouillée et il tombait une pluie fine. Monsieur [O] est tombé et son corps a été heurté par le pare-choc de la fourgonnette Mercedes Vito conduite par Monsieur [D] qui arrivait en sens inverse.
L'autopsie qui a été réalisée, a établi que la victime avait présenté un traumatisme crânien avec plaies cranio-encéphaliques, une plaie du c'ur et de l'aorte et une fracture du rachis dorsal, chacune de ses lésions prise séparément étant mortelle. Il n'a été identifié aucune cause pouvant être à l'origine d'un malaise. Les analyses toxicologiques effectuées se sont révélées négatives.
L'accident n'a eu aucun témoin. Monsieur [D] a été entendu à trois reprises, le 13 décembre 2008 à 16h10 et 18h10 et le 16 janvier 2009 à 15h05. De ses auditions, il ressort que c'est un peu avant d'arriver à sa hauteur, sans qu'il ait pu être formel quant à la distance, que le motard qui tenait bien sa droite, a chuté, que son corps est resté sur la route, sans glisser, et n'a heurté que son véhicule, s'encastrant dans le pare-choc. Il a précisé que lui-même roulait à une vitesse de l'ordre de 50 à 55 km/h et que le motard n'arrivait pas vite.
Ses déclarations ont été confortées par la déposition de Monsieur [T] qui se trouvait dans la cour d'un pavillon situé [Adresse 1], à [Localité 9], et qui a expliqué qu'il avait entendu un bruit, et ayant tourné la tête en direction de l'endroit d'où venait ce bruit, avait vu une moto glisser, puis sur la route, un motard allongé. Il a ajouté qu'il avait préalablement entendu un bruit de moto qu'il qualifiait de « normal » c'est-à-dire qu'il ne pensait pas que le conducteur avait mis les gaz.
Elles ont également été confortées par le rapport établi par Monsieur [N], expert en automobiles, requis par le commissariat de police de [Localité 7], qui a examiné les véhicules en cause, n'a pas constaté de cause mécanique à l'accident et a indiqué :
- que la fourgonnette était endommagée sur sa partie avant gauche,
- qu'étaient cassés le bouclier avant, le phare avant, la calandre et que l'aile était fêlée,
- que ces dommages ne provenaient pas d'un choc avec la motocyclette mais avec le motard,
- que sur la moto, le sélecteur de vitesse situé sur le coté gauche, était tordu et présentait des rayures provenant d'un contact sur le sol lors d'une courte glissade,
- qu'il n'était pas relevé de traces de rayures pouvant avoir une glissade pour origine sur les autres pièces de la moto,
- que les dommages relevés sur le sélecteur de vitesse se sont produits à la suite d'une perte d'équilibre à faible vitesse, voire à l'arrêt, ayant concouru à l'éjection du pilote, le projetant sur la chaussée au moment où le véhicule Mercedes était très proche, le conducteur n'ayant pu arrêter son véhicule, ni éviter le choc avec le motocycliste.
Il s'ensuit d'une part que la chute de Monsieur [O] sur la chaussée puis sa collision avec le véhicule conduit par Monsieur [D] se sont succédé dans un enchaînement continu et dans un laps de temps extrêmement bref, de sorte que l'accident est un accident unique et que Monsieur [O] n'avait pas perdu la qualité de conducteur, d'autre part que ce dernier a perdu le contrôle d'une moto de forte cylindrée qu'il pilotait pour la première fois, par temps de pluie, la chaussée étant glissante, commettant ainsi une faute qui exclut le droit à indemnisation de ses ayants droit. Il y a lieu d'ajouter qu'il ne peut être tiré aucun argument du fait que Monsieur [O] était un motard expérimenté et prudent.
Le jugement est en conséquence infirmé sauf en ce qu'il a dit que le véhicule de Monsieur [D] était impliqué dans l'accident, que ce conducteur n'avait pas commis de faute et que Monsieur [O] avait conservé la qualité de conducteur. Les demandes présentées tant par les consorts [O] que par la CARMF qui subrogée dans les droits de la victime, ne peut avoir plus de droits qu'elle, sont rejetées.
Les dépens tant de première instance que d'appel sont mis à la charge in solidum de Madame [O] et de Mlle [O]. Leur demande présentée en application de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile est rejetée.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu le 24 mai 2013 par le tribunal de grande instance d'Evry à l'exception de ses dispositions relatives à l'implication du véhicule conduit par Monsieur [D], à l'absence de faute de ce dernier et à la qualité de conducteur de Monsieur [O],
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Rejette l'intégralité des demandes présentées par Madame [S] [O], Mademoiselle [C] [O] et la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France,
Condamne in solidum Madame [S] [O] et Mademoiselle [C] [O] aux dépens tant de première instance que d'appel,
Rejette la demande présentée, en cause d'appel, par Madame [S] [O] et Mademoiselle [C] [O] au titre de leurs frais irrépétibles,
Dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE