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28/05/2015 | FRANCE | N°13/11968

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 28 mai 2015, 13/11968


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 28 Mai 2015



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11968



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 mai 2013 par le tribunal de grande instance de MELUN - RG n° 12/00092



APPELANTE

GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE (GFA) 'FERME DE L'ERMITAGE', prise en la personne de Monsieur [Y] [E]

Inscrit au RCS de Meaux sous le numéro D349 946

723 - SIRET :349 946 723 00021

[Adresse 3]

[Adresse 3]

En présence de Monsieur [Y] [E]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, av...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 28 Mai 2015

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11968

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 mai 2013 par le tribunal de grande instance de MELUN - RG n° 12/00092

APPELANTE

GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE (GFA) 'FERME DE L'ERMITAGE', prise en la personne de Monsieur [Y] [E]

Inscrit au RCS de Meaux sous le numéro D349 946 723 - SIRET :349 946 723 00021

[Adresse 3]

[Adresse 3]

En présence de Monsieur [Y] [E]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Carole-Anne LE PETIT LEBON, avocate au barreau de PARIS, toque : B0604

INTIMÉS

ETAT FRANÇAIS, représenté par l'ETABLISSEMENT PUBLIC D'AMÉNAGEMENT DE LA VILLE NOUVELLE DE [Localité 5] (EPAFRANCE)

EPIC immatriculé au RCS de Meaux sous le numéro B342 123 361

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Frédéric LEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES TRÉSORERIE GÉNÉRALE DE SEINE ET MARNE

France Domaine

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Monsieur [T], commissaire du gouvernement, en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 février 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Maryse LESAULT, conseillère, spécialement désignée pour présider cette chambre par ordonnance de Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS,

Monsieur Paul André RICHARD, conseiller hors classe, désigné par Madame la Première présidente de la cour d'appel de PARIS

Madame Lucie FONTANELLA, juge de l'expropriation au tribunal de grande instance de BOBIGNY désignée conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Maryse LESAULT, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par arrêté en date du 27 juillet 2012, le Préfet de la SEINE-ET-MARNE a déclaré d'utilité publique les acquisitions foncières par l'Etat, représenté par l'Etablissement Public d'Aménagement du secteur IV de [Localité 5] (EPAFRANCE), en vue du développement de l'éco-tourisme et de la réalisation du projet «VILLAGES NATURE ».

Par arrêté en date du même jour, le Préfet a déclaré cessibles au profit de l'Etat, ainsi représenté, les parcelles de terrains situées sur la commune de [Localité 11] nécessaires à l'opération ci-dessus dont celles situées :

- au lieu-dit « Les Cardinaux » cadastrée ZL n°[Cadastre 2] d'une surface de 85767M²,

- au lieudit « [Adresse 3] cadastrée ZN n°[Cadastre 1] d'une surface de 375 943M² pour une emprise de 34 346M².

Par ordonnance en date du 27 septembre 2012, le juge de l'expropriation a déclaré expropriées au profit de l'Etat les parcelles visées par la procédure.

Le Groupement Foncier Agricole "Ferme de l'Ermitage" ayant rejeté son offre d'indemnisation, EPAFRANCE a saisi le juge de l'expropriation par requête parvenue au secrétariat-greffe le 5 novembre 2012.

Le transport sur les lieux a été effectué le 14 janvier 2013.

Par jugement rendu le 10 mai 2013, le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Melun a :

- fixé à la somme de 398 373 € toutes causes confondues l'indemnité à payer par l'Etat représenté par EPAFRANCE au Groupement Foncier Agricole "Ferme de l'Ermitage" pour la dépossession des parcelles situées :

. au lieu-dit « Les Cardinaux » cadastrée ZL n°[Cadastre 2] d'une surface de 85767M²,

. au lieudit « [Adresse 3] cadastrée ZN n°[Cadastre 1] d'une surface de 375 943M² pour une emprise de 34 346M²,

- débouté le Groupement Foncier Agricole "Ferme de l'Ermitage" de toutes ses autres demandes

- condamné l'Etat représenté par EPAFRANCE à verser au Groupement Foncier Agricole "Ferme de l'Ermitage" la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,et dit que les dépens seront laissés à la charge de l'autorité expropriante en application de l'article L13-5 du code de l'expropriation.

Le Groupement Foncier Agricole "Ferme de l'Ermitage" a interjeté appel de ce jugement par acte reçu le 14 juin 2013.

Les parties ont déposé leurs conclusions et mémoire comme suit :

- le GFA Ferme de l'Ermitage le 24 juillet 2013 pour le mémoire d'appel, puis le 23 décembre 2014 pour le mémoire en réplique,

- EPAFRANCE représentant l'Etat : mémoire d'intimé et d'appel incident reçu le 6 novembre 2013, mémoire en réponse n°1 reçu le 4 février 2015 et mémoire en réponse n°2 le 11 février 2015,

- le Commissaire du Gouvernement par conclusions du 15 octobre 2013 sans appel incident.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions récapitulatives le GFA l'Ermitage demande à la cour de réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

A titre principal de :

- fixer à la somme de 3.303.029 € l'indemnité totale de dépossession, remploi compris, à lui revenir en sa qualité de propriétaire des parcelles cadastrées section ZL [Cadastre 2] à [Localité 11],

- fixer à la somme de 1.323.321 € l'indemnité totale de dépossession, remploi compris, à lui revenir en sa qualité de propriétaire des parcelles cadastrées section ZL [Cadastre 1] à [Localité 11],

A titre subsidiaire de :

- fixer à la somme de 1.416.155 € l'indemnité totale de dépossession, remploi compris, à lui revenir en sa qualité de propriétaire des parcelles cadastrées section ZL [Cadastre 2] à [Localité 11],

- fixer à la somme de 567.709 € l'indemnité totale de dépossession, remploi compris, à lui revenir en sa qualité de propriétaire des parcelles cadastrées section ZL [Cadastre 1] à [Localité 11],

Condamner en tout état de cause EPAFRANCE représentant l'Etat à lui payer 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme allouée en première instance à ce titre, et aux dépens

Au terme de ses conclusions et mémoire d'appel incident précitées, EPAFRANCE demande au visa des articles L13-13 et suivants, L13-15, L13-14 du code de l'expropriation et vu les termes de références versés aux débats de :

- débouter l'appelant de ses demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

. fixé au 20 avril 2011 la date de référence et considéré qu'à cette date le bien se trouvait en zone Nda du POS de [Localité 11],

. écarté la qualification de « terrain à bâtir » et celle de « terrain en situation privilégiée»,

. retenu une valeur unitaire de 3€/M² pour la parcelle cadastrée section ZN n°[Cadastre 1],

- réformer le jugement en ce qu'il a :

. fixé à 3 €/M² la valeur de la parcelle ZL n°[Cadastre 2],

. fixé l'indemnité de dépossession des parcelles occupées sans pratiquer d'abattement pour occupation,

- fixer en conséquence l'indemnité de dépossession à revenir aux « défendeurs », consécutivement à la dépossession des parcelles cadastrées ZL n°[Cadastre 2] et ZN n°[Cadastre 1] à la somme de 196.009 € décomposée comme suit :

A- indemnité principale (valeur occupée) 177.281 € comme suit :

Pour la parcelle ZL n°[Cadastre 2] : (85.767m x 2€/m²) ' 69.471 € (abattement pour occupation) = 102.063 €

Pour la parcelle ZN n°[Cadastre 1] : (34.346 x 3€/m²) ' 27.820 € (abattement pour occupation) = 75.218 €

B-Indemnité accessoire de remploi 18 728 €.

Au terme de son mémoire précité reçu le 15 octobre 2013 le commissaire du Gouvernement conclut à ce que la cour :

- déclare l'appel du GFA recevable,

- à titre principal, confirmant en cela le jugement de première instance,

- fixe la date de référence à la date de mise à la disposition du public du rapport du débat public, soit au 20 avril 2011, le document d'urbanisme de référence étant alors le POS de [Localité 11] approuvé le 1er mars 2001,

- confirme donc l'indemnisation globale retenue par le premier juge pour les parcelles ZL [Cadastre 2] et ZN[Cadastre 1] du GFA Ferme de l'Ermitage pour le montant global de 360.339 €, plus l'indemnité de remploi au taux usuel,

A titre strictement subsidiaire si la cour fixe la date de référence à celle de la publication de la DUP, le 30 juillet 2012, le document d'urbanisme opposable étant alors le PLU mis en compatibilité le 27 juillet 2012, à ce que la valeur d'indemnisation soit calculée sur une base de 8 €/M² à savoir une allocation globale de 960.904 € outre le remploi aux taux usuels.

Il convient de se reporter aux écritures des parties pour plus ample exposé des demandes et moyens.

SUR CE LA COUR

Considérant que la cour se réfère au jugement entrepris quant à l'exposé de l'opération d'aménagement « Village Nature » et à la chronologie des actes administratifs et juridictionnels de cette opération dont ceux décisions ayant concerné les parcelles appartenant au GFA concernées par le présent litige ;

Considérant que les points principalement en débat sont d'une part celui de la détermination de la date de référence et d'autre part celui de la qualification des parcelles, ainsi que l'appréciation des termes de références ;

1 - Sur la date de référence

Considérant que par délibération du 26 avril 2001 le conseil Municipal de [Localité 11] a instauré une DPU dont le périmètre couvre « l'ensemble du territoire communal » c'est-à-dire des territoires ruraux, non urbanisés ;

Considérant que les thèses en présence sont les suivantes :

- le GFA Ferme de l'Ermitage, rappelle l'instauration le 26 avril 2001 de ce droit de préemption urbain (DPU) sur l'ensemble du territoire de la Commune de [Localité 11] incluant pas conséquent des zones agricoles, fait valoir que le PLU de [Localité 11] a été approuvé le 26 février 2002 ; il ajoute que la dernière modification du PLU est celle résultant de l'arrêté préfectoral du 27 juillet 2012 publié au registre des actes administratifs le 30 juillet 2012, de sorte que c'est cette date, rendant opposable aux tiers cette décision, qui doit seule être retenue comme date de référence. Il ajoute ne pas se prévaloir de la qualification de terrain à bâtir des parcelles mais de leur situation hautement privilégiée.

- le commissaire du gouvernement souligne qu'en instaurant en 2001 un droit de préemption urbain sur l'ensemble du territoire communal, englobant au-delà des zones urbaines ou à urbaniser, la totalité des zones naturelles et agricoles du territoire communal, la Commune a violé les dispositions des articles L211-1 et suivants du code de l'urbanisme, mais qu'il n'a cependant pas été formé de recours contre cette décision. Il ajoute qu'en cette situation se pose la question de l'application ou non des dispositions des articles L213-6 et L213-4 du code de l'urbanisme, avec fixation de la date de référence au 30 juillet 2012, puisque le support juridique de la dernière modification du PLU par arrêté du 27 juillet 2012 est illégal mais non annulé. Il souligne l'effet contradictoire de prendre en compte la date de publication de cet arrêté alors que la loi vise à protéger l'expropriant compte le risque de spéculation foncière que fait naître une opération d'aménagement urbanistique.

- EPAFRANCE soutient notamment que le « POS » manifestement illégal de [Localité 11] ne peut fonder une décision qui ferait application des articles L213-6 et L213-4, des terres agricoles ne pouvant pas faire l'objet d'un DPU généralisé au territoire de la Commune. Il rappelle que l'ordonnance de délibération de [Localité 11] est postérieure au jugement entrepris, et qu'un terrain ne peut pas être évalué en fonction de sa destination future, après modification de cette destination.

Considérant que le jugement entrepris a fixé la date de référence applicable au 20 avril 2011 correspondant à la date de mise à disposition du public du dossier du débat public qui est intervenu du 12 avril au 23 juin 2011, faisant ainsi application, par motifs que la cour adopte, des dispositions de l'article L13-15 du code de l'expropriation ;

Qu'en effet selon ces dispositions (I) » les biens sont estimés à la date de la première instance et sous réserve de l'application du II du présent article [ie concernant les terrains à bâtir], sera seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L11-1 ou(') dans le cas de projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L121-8 du code de l'environnement (') au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat »

Considérant en effet que s'agissant de terres à destination agricole et exploitées comme telles, la cour retiendra qu'il n'y a pas matière à se référer aux dispositions du code de l'urbanisme relatives à l'expropriation de parcelles soumises au droit de préemption urbain ;

Que le jugement sera confirmé sur la fixation de la date précitée.

2 - Sur la valeur d'indemnisation

2-1- Qualification des terrains

Considérant que le GFA appelant ne revendique plus devant la cour la qualification de terrain à bâtir, mais se prévaut de la situation hautement privilégiée des parcelles concernées ce que le jugement a écarté en estimant non réunies les caractéristiques requises pour la qualifier ainsi :

Que sur ce point les parties s'opposent sur l'appréciation du cas d'espèce :

- le GFA invoque la proximité de zones urbanisées en ce que les parcelles sont accolées au ranch Davy Crockett qui est l'une des résidences hôtelières d'Euro Disney. Il conteste que soit requise la préexistence de réseaux d'une capacité suffisante et invoque le caractère suffisant de la situation existante au regard de la proximité des réseaux et des zones construites. Sur ce point il invoque la desserte en eau et électricité située à proximité, non seulement par les équipements du ranch Davy Crockett, mais également ceux de bâtiments agricoles importants comme la porcherie de la SAGA du Jariel. Il ajoute que la consommation d'importants espaces agricoles depuis de nombreuses années dans le secteur Sud de [Localité 5] créé nécessairement une pression immobilière sur les prix des terres.

- EPAFRANCE soutient que la qualification discutée, de situation hautement privilégiée, exige une proximité immédiate de zone urbanisée, de réseaux de viabilité et une situation de pression foncière de nature à conférer une plus value aux terres agricoles, conditions qu'elle estime non réunies en raison de l'éloignement des parcelles de zones urbanisées (Disneyland est à quelques kilomètres, de même que le centre commercial de Val d'Europe) alors que les villages de [Localité 11] et de [Localité 1] se trouvent à plus de deux kilomètres. EPAFRANCE souligne l'absence de réseaux de capacité suffisante sur les équipements cités qui ne peuvent desservir la zone où se situent les parcelles, et en outre leur caractère privé, ajoutant que le coût d'équipement de la zone à ce titre est d'ailleurs évalué à lui seul à 9,371 M €. EPAFRANCE conteste enfin la pression foncière en rappelant qu'il avait proposé de mettre 114 hectares à la disposition des agriculteurs évincés sur la plaine de Jossigny, pour permettre leur réinstallation, et fait avoir que l'opération Villages Nature » en elle-même n'est pas en elle-même de nature à augmenter la pression foncière. EPAFRANCE conclut en indiquant avoir retenu une situation modérément privilégiée en faisant des offres unitaires de 2 €, 3 € ou 9 € là où les parcelles agricoles se vendent entre 0,5 € et 1 € le mètre carré.

- le commissaire du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement quant aux valeurs unitaires admises. Il souligne que l'indemnité doit indemniser l'intégralité du préjudice subi, fait valoir que les références négociées avec l'autorité publique sont pertinentes et que les références produites par les parties pouvant être retenues sont celles de terrains dont la situation est directement transposable à la situation ici examinée, notamment au regard de la densité d'urbanisation et des réseaux. Il estime que l'évaluation judiciaire retenu pour des parcelles situées sur la Commune de [Localité 10] ne sont pas directement transposables.

Considérant que l'implantation et l'environnement des parcelles sont les suivants :

La parcelle ZL [Cadastre 2] se situe au [Adresse 4] , est louée à M.[E] qui a mis son bail du 3 février 2005 à disposition de l'exploitante, la SARL du JARIEL.

La parcelle ZN [Cadastre 1] est située au Sud Est de l'opération « Village Nature » et à proximité de la voie communale n°2. Elle est exploitée par bail verbal, également par la SARL du JARIEL.

Considérant qu'il sera rappelé qu'aux termes de l'article L13-13 du code de l'expropriation l'indemnisation « doi[t] couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par la mesure d'expropriation » ;

Considérant que la reconnaissance d'une situation privilégiée ne requiert aucunement la condition de préalable de constructibilité du terrain mais peut, au contraire, intervenir en l'absence de toute constructibilité, afin de voir reconnaître les autres éléments de plus value des terres concernées ;

Considérant que si les aménagements futurs ne sauraient avoir d'incidence sur l'évaluation actuelle des parcelles expropriées, il doit cependant être pris en compte dans cette évaluation actuelle leur situation dans une zone dont l'aménagement a été initié dans les années 1970 avec la définition de quatre secteurs de développement (Porte de Paris, Val Maubuée, Val de Bussy et Val d'Europe, ce dernier construit à partir de l'agglomération nouvelle de [Localité 5] [décret du 24 mars 1987] secteur incluant notamment les communes de [Localité 1], [Localité 10] et le projet « Village Nature » ; que l'expropriant EPAFRANCE a été créée en 1987 pour accompagner le développement des vastes projets de valorisation de ce secteur notamment en terme de développement, à dimension internationale, d'activités de loisirs (Disneyland dont l'exploitation a commencé en 1992), d'hôtellerie, vacances, services et activités commerciales associés ; qu'il s'en évince que les parcelles agricoles ne peuvent être privées de la spécificité de ce contexte déjà ancien ;

Considérant que la commune de [Localité 11] est distante d'environ 5 kilomètres de Disneyland et se situe dans le périmètre de grands aménagements déjà réalisés, et en cours de développement ; qu'elle se trouve à environ 3 kilomètres de l'accès à l'autoroute de L'Est et à une quinzaine de kilomètres de [Localité 5], dont une dizaine s'effectue par cette autoroute ;

Considérant que la consultation de la carte d'ensemble de la zone concernée sur le site internet de Epamarne visé dans le mémoire de EPAFRANCE (pièce 11) permet de constater que la commune de [Localité 11] se trouve dans la partie de cette zone située au Sud de l'autoroute, où certes le tissu d'urbanisation est moins dense, sans cependant que cette circonstance ne soit de nature à retirer aux parcelles cette spécificité déjà ancienne ; qu'au surplus le réseau de communication de proximité adapté à la dimension internationale du pôle d'activité [accès autoroute et RER très proche (gare desservant [2]), correspondances vers l'aéroport [1]] a de longue date ouvert les secteurs concernés par la présente expropriation à des implantations d'activités facilitées ;

Considérant que si EPAFRANCE conteste l'existence à proximité immédiate des parcelles de réseaux d'électricité et d'eau suffisants force est cependant de constater, que nonobstant la nécessité certaine pour l'Etablissement public de développer au fur à mesure de l'aménagement des pôles d'activités prévus le dimensionnement de ces réseaux, il existe d'ores et déjà un réseau public desservant le ranch Davy Crockett préexistant à l'opération village Nature, lequel est à proximité immédiate de ces parcelles ; qu'il importe peu que les concessionnaires des aménagements soient différents pour la zone du ranch et celle de [Localité 11] s'agissant d'un même service public  ;

Considérant que, nonobstant l'absence de démonstration d'une véritable pression foncière sur le marché privé, difficile à établir en raison de l'importance des transactions négociées dans le cadre des grands aménagements en cours, qui rendent objectivement le marché foncier captif, indépendamment de la qualité des accords, ces circonstances permettent de retenir le caractère privilégié de la situation des parcelles concernées, la cour infirmant le jugement, dans son principe, sur ce point ;

2-2- Références pertinentes

Considérant qu'en plus des critères habituels d'appréciation (emplacement géographique, environnement urbanistique, configuration, voies de circulation et réseaux, destination et affectation réelle) il convient d'apprécier les valeurs de référence et leur pertinence au regard de la situation ainsi retenue ;

Considérant que le GFA demande à la cour de retenir un prix unitaire de 35 €/M² pour les parcelles en retenant qu'elles sont situées en zone IAU ou, subsidiairement de 15 €/M² si la cour retient un classement en zone ND ;

Considérant que pour motifs qui précèdent relatifs à la fixation de la date de référence au 20 avril 2011, la situation d'urbanisme des parcelles est en NDa par référence au POS de [Localité 11] du 1er mars 2001 ; que ce classement désigne une zone à dominante naturelle non équipée qui doit être protégée en raison de la qualité du paysage et du caractère des éléments naturels la composant que cette zone est destinée à recevoir l'aménagement et l'extension mesurée des constructions existantes ;

Considérant que l'offre de l'Expropriant est inchangée en appel ; que la demande du GFA est formée sur son subsidiaire relative à ce classement au montant de 15 €, alors que le commissaire du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement soit 3 € /M² ;

Considérant que l'appréciation de la pertinence des références produites conduit à écarter celles concernant des parcelles de taille trop sensiblement différentes, ou situées dans une plus grande proximité d'urbanisation ou de forte urbanisation, étant rappelé que la commune de [Localité 11] comprend environ 2000 habitants ou, encore, de parcelles situées à proximité de secteurs d'activités trop différents des parcelles concernées ;

Considérant que les parcelle (ZL[Cadastre 2]) et emprise (sur la parcelle ZN18) expropriées représentent une superficie respective de 85767M² et de 34346M² ;

Considérant que le tribunal a retenu les références suivantes :

Décisions judiciaires

- deux décisions judiciaires d'adhésion à ordonnance d'expropriation du 4 juin 2012 pour des parcelles sur la commune de [Localité 4] à l'extrême Nord du secteur IV de [Localité 5], à plus de 8km à vol d'oiseau en zone NA pour un prix de 3,38€/M² que le GFA conteste pour n'être pas comparables en raison de leurs tailles (278 et 348 M²) dont l'une est enclavée et boisée, alors que l'acte ne précise pas leur classement à la date de référence de 2006,

- quatre jugements concernant des parcelles sur la Commune de [Localité 10] rendus le 17 décembre 2009 pour des parcelles en zone III NA, d'une valeur unitaire de 9€/M², dont le GFA fait valoir le caractère non définitif en raison de l'appel interjeté,

- un jugement rendu le 14 février 2008 sur la Commune de [Localité 8] Voisins pour une parcelle au Nord de [Localité 5] que le GFA indique être hors secteur, sans que le caractère définitif ou non soit précisé, pour même valeur unitaire,

- un arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 février 2010 pour une parcelle sur la Commune de REAU située à 48 kilomètres de l'emprise ;

Que le GFA se prévaut de plusieurs arrêts de la cour d'appel de Versailles du 18 septembre 2012 concernant des parcelles situées dans la plaine de MONTESSON et la commune de SARTROUVILLE, évaluées à 70€ /M² compte tenu de la pression foncière ;

Ventes

- sur la commune de [Localité 2] dans la ZAC de l'AMIRAULT, en février 2007 une vente entre entités publiques pour une valeur unitaire de 9,81€/M²

- sur les communes de [Localité 6] et [Localité 12] en 2008 une vente de 2008 pour une valeur unitaire de 15€/M² en valeur occupée,

- sur celle de [Localité 7] en en 2008 une vente pour une valeur unitaire de 15€/M²,

- sur celle de [Localité 9] une vente de 2008 pour les valeurs de 23€ et 15€ /M²,

Que le GFA estime que le tribunal n'a pas tiré les conclusions de ses constatations au regard de ces références et qu'il se prévaut notamment :

- de deux arrêts de la cour d'appel de Paris sur la Commune de Bussy Saint Georges ayant retenu des valeurs unitaires de 15 et 27 € /M² (arrêt du 24 février 2011) et 27€ /M² en valeur occupée (arrêt du 7 avril 2011) après avoir estimé insuffisante la valeur de 9€ retenue par le tribunal,

- de l'acquisition selon délibération du conseil municipal de Bussy Saint Georges du 22 octobre 2012, de parcelles non équipées au jour de la vente, auprès d'EPAMARNE, pour des valeurs comprises entre 57,70 et 80€/M²,

Considérant que EPAFRANCE qui dénie l'existence d'une situation privilégiée conteste en outre les références du GFA qui ne peuvent selon lui être considérées comme ventes ou décisions judiciaires définitives, de même que les références trop anciennes ou portant sur des parcelles non comparables ou trop éloignées ; qu'il fait état pour sa part de plusieurs références dont :

- celles concernant des ventes de parcelles agricoles de 21140 M² l'une et 2720€ l'autre en janvier 2011 à [Localité 3] pour une valeur de 1,8€/M²,

- celles issues de plusieurs accords homologués le 21 juin 2012 par le tribunal de grande instance de Melun pour la valeur libre de 3€/M² concernant des parcelles agricoles d'une surface comprise entre 178M² et 9273M²,

- celles tirées d'arrêts de la cour d'appel de Paris du 26 septembre 2013 ayant admis une valeur de 12€/M² et 9€/M² pour une situation qualifiée de très privilégiée,

- celles tirées de jugements du tribunal d'expropriation de Melun du 10 mai 2013 mentionnés être définitifs concernant des parcelles boisées en zone non constructible ni privilégiée sises à proximité immédiate de l'emprise de « Village Nature » pour 2€/M²,

Qu'EPAFRANCE demande de confirmer la valeur de 3 € pour la parcelle ZN18 et d'infirmer celle de même montant pour la parcelle ZL28 qui est en espace boisé, pour la fixer à 2€/M² ;

Considérant que le tribunal a pu valablement écarter des références concernant des parcelles qui ne relevaient pas d'un classement ND ou encore qui se trouvaient en zones « suburbaines » ou présentant des niveau d'équipement différents ; que les références tirées de la jurisprudence de la cour d'appel de Versailles ne peuvent rendre compte de la spécificité d'un marché local éloigné de plus de 60 kilomètres et de la situation privilégiée admise en l'espèce;

Considérant à cet égard que si la valeur moyenne des terres agricoles selon barème publié par arrêté préfectoral du 5 juillet 2012 pour l'année 2011 est de 0,63€/M² moyenne générale de valeurs comprises entre 0,26 et 2,10€/M², cette information est émise, comme il a été dit, à partir d'un marché foncier devenu captif ;

Considérant qu'en ces circonstances, la cour retiendra que l'offre faite par l'expropriant à 3€ pour les terres en cultures ne prend que très partiellement en compte une plus- value tenant à la situation spécifique des parcelles, et que, au regard des valeurs de transactions et mutations versées aux débats, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu cette valeur pour la parcelle ZN18 (emprise de 34 346 M² sur une surface totale de 375 943M²) ; qu'il convient de fixer cette valeur à 8€/M² étant observé que le tissu d'urbanisation est différent de celui de la Commune de [Localité 10], dont la population est par ailleurs plus importante (Environ 6500 Habitants) par rapport à celle de [Localité 11] ;

Considérant que le caractère de l'emprise sur la parcelle étant limité à moins de 10% de la surface, il n'est pas démontré d'incidence de cette amputation sur la configuration, les conditions d'exploitation et par conséquent sur la valeur de la surface restante ; qu'il n'y a pas lieu en conséquence à une indemnisation spécifique de ce chef, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point ;

Considérant que le jugement a retenu la même valeur d'indemnisation pour la parcelle ZL [Cadastre 2], d'une surface de 85767M² alors que EPAFRANCE demande de faire application d'une valeur de 2 € s'agissant d'une parcelle boisée ;

Considérant cependant que cette parcelle se trouve à plus grande proximité que celle ZN18, voire quasi immédiate d'aménagements déjà existants (le Ranch Davy Crocket) de sorte que par motif qui précède, l'évaluation de première instance sera infirmée et portée à 8 € ;

Considérant que pour écarter l'abattement en raison de la situation d'occupation, le premier juge a exactement rappelé que cette minoration s'appréciait en fonction de la différence de prix constatée sur le marché immobilier entre un immeuble libre d'occupation et le même occupé, soit en l'espèce exploité par un autre que le propriétaire ;

qu'à cet égard il est certain que si la spécificité et le peu de liberté du marché foncier local relativisent cette différence de prix, cependant la situation d'occupation doit être prise en compte, de sorte que le jugement sera infirmé sur ce point et que, compte tenu de cette occupation la valeur unitaire sera ramenée à 7€/m².

2-3- Montant des indemnisations principales et de remploi

Considérant que l'indemnisation du GFA sera en conséquence fixée comme suit :

' Parcelle ZN18 (emprise de 34 346 M² sur une surface totale de 375 943M²) :

Indemnité principale

34 346 x 7€

240422

Indemnité de remploi

20% jusqu'à 5000€

1000

26292,2

15% de 5001 à 15000

1500

10% pour le surplus

23792,2

266 714,2

arrondi à 266 715 €

' parcelle ZL [Cadastre 2], d'une surface de 85767M² :

Indemnité principale

85 767 x 7€

600369

Indemnité de remploi

20% jusqu'à 5000€

1000

62286,9

15% de 5001 à 15000

1500

10% pour le surplus

59786,9

662 655,9

arrondi à 662 656 €

4- Dépens et frais irrépétibles

Considérant que les dépens seront à la charge de l'expropriant conformément aux dispositions de l'article L13-5 du code de l'expropriation et que l'expropriant devra verser au GFA la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement entrepris sauf sur les dépens et frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

FIXE à 266 715 € le montant de l'indemnisation globale (principale et de remploi) de la parcelle ZN18 que l'Etablissement public d'aménagement de la Ville nouvelle de [Localité 5] devra verser au GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE « FERME DE L'ERMITAGE »,

FIXE à 662 656 € le montant de l'indemnisation globale (principale et de remploi) de la parcelle ZL [Cadastre 2] que l'Etablissement public d'aménagement de la Ville nouvelle de [Localité 5] devra verser au GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE « FERME DE L'ERMITAGE »,

Y ajoutant,

DIT que l'Etablissement public d'aménagement de la Ville nouvelle de [Localité 5] devra verser au GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE « FERME DE L'ERMITAGE » la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles devant la cour d'appel,

DIT que les dépens du présent arrêt seront à la charge de l'autorité expropriante.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 13/11968
Date de la décision : 28/05/2015

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°13/11968 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-28;13.11968 ?
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