RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 09 Juin 2015
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/00342
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 11/10658
APPELANT
Monsieur [W] [T]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Philippe BRUNSWICK, avocat au barreau de PARIS, toque : P0299 et Me Marie-alice JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487
INTIMEE
SA EURAZEO
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Emmanuelle BARBARA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Monsieur Jean-Louis CLEVA, Président
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [T] du jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris section encadrement chambre 4 du 11 décembre 2012 qui s'est déclaré incompétent ratione materiae au profit du tribunal de grande instance pour les demandes relatives au carried interest et l'a débouté du surplus de ses autres demandes.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
M. [T] a été repris par la société Eurazeo, société d'investissement cotée sur Euronext Paris, le 25 avril 2001 avec reprise d'ancienneté au 1er octobre 1999, en qualité de directeur d'investissement.
Il a été désigné le 15 mai 2002 membre du directoire et renouvelé selon dernier mandat du 19 mars 2010 pour quatre ans ;
Il a été révoqué de son mandat social le 15 décembre 2010 ;
Il a été convoqué le 16 décembre et re-convoqué le 20 décembre 2010 à un entretien préalable fixé au 3 janvier 2011 et licencié le 12 janvier 2011 avec dispense d'exécution du préavis de 3 mois ;
Il a perçu une somme de 1 590 646.67 € d'indemnité contractuelle de rupture en application de l'article L225-90-1 du code du commerce réglementant les indemnités de rupture de contrat de travail et mandat social dans les sociétés cotées ;
L'entreprise est soumise à la convention collective du personnel des banques ;
M. [T] demande d'infirmer le jugement, de se dire compétente pour statuer sur la demande au titre du carried, de condamner la société Euazeo à payer les sommes de :
3 700 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
301 626 € au titre de la clause de non-concurrence sans contrepartie financière et 30162 € de congés payés afférents,
27 400 000 € brut au titre du carried dû à la rupture du contrat ou au moins par contravention à la bonne foi des conventions,
et 3000 € pour frais irrépétibles.
La société Eurazeo demande de confirmer le jugement, de renvoyer l'affaire sur le carried interest devant le tribunal de grande instance de 'Nanterre' et subsidiairement de débouter M. [T] de ses demandes et de rejeter la demande relative à la clause de non-concurrence et de condamner M. [T] à payer la somme de 5 000 € pour frais irrépétibles.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience ;
C'est par une exacte appréciation des faits et de justes motifs que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes a statué : En effet :
Sur la compétence relativement au programme de co-investissement dénommé carried interest
M. [T], selon des offres qui lui ont été faites dans le cadre de programmes de carried interest, a conclu un pacte d'associé pour l'achat de parts dans les sociétés civiles suivantes pour participer aux investissements effectués par Eurazeo et être attributaire de dividendes et de plus-values ou subir des pertes lors de la liquidation au-delà d'une garantie de rémunération de la société Eurazeo à hauteur de 6% par an :
Sci Investco 1 Bigen créée le 4 juin 2004 et liquidée le 20 mai 2008 lui ayant rapporté une dizaine de millions d'€,
Sci Investco 3d Bingen créée le 15 juin 2006 pour une durée de 8 ans dans laquelle M. [T] a investi 1 610 644 € qui est venu à échéance fin décembre 2014 avec un résultat nul selon cette Sci,
et Sci Investco 5 Bingen créée le 4 décembre 2009 pour une durée de 9 ans dans laquelle M. [T] a investi 25 747 € ;
Même si le programme de co-investissement a été dénommé rémunération dans des documents émanant de la société qui détermine les salariés ou mandataire éligibles et les programmes d'investissements et si la faculté d'accroissement d'investissement cesse après le départ de l'entreprise , ces pactes de co-investissement sont faits par le biais d'achats facultatifs par le salarié ou mandataire et non de façon forcée comme l'allègue M. [T] au motif que le refus d'investir constituerait une défiance manifeste dans la société Eurazeo et qu'il sera observé qu'il participait aux comités de direction qui ont mis en place ces programmes qu'il estime maintenant désiquilibrés à son endroit ;
L'achat de parts sociales de Sci individualisées qui restent acquises au départ des salariés ou mandataires de la société Eurazeo donnent lieu à des dividendes et boni ou perte de liquidation selon les pactes d'associés souscrits entre M. [T] et les Sci qui ne sont pas parties au présent litige ni employeur de M. [T] ;
Le conseil des prud'hommes s'est donc justement déclaré incompétent pour statuer sur les chefs de demandes relatifs au dénouement du carried interest au profit du tribunal de grande instance de Paris en ce que la demande de M. [T] a été formée contre la société Eurazeo qui est domiciliée à Paris ;
Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige fait état de démarche conflictuelle avec les interlocuteurs internes et externes pénalisant les travaux et prises de décision au sein de la société et dans les sociétés avec participation avec dégradation des relations, spécialement Terreal, Europcar, Elis, Eutelsat, déjà relevées lors du versement du bonus de l'exercice précédent, d'oppositions et critiques des investissements de ses collègues, notamment sur les dossiers B&B, [X] ou Accor, de propos violent sur le dispositif d'évaluation des collaborateurs, d'initiatives sans concertation comme dans le dossier Intercos, de récupération du dossier [X] initialement géré par Mme [C], de prises de rendez-vous à sa place, d'attitude méprisante et négative et fermée envers ses collaborateurs, de désintérêt pour le développement des autres membres et de rapport de force relatés dans le dépouillement le 1er décembre 2010 de l'appréciation des directeurs par leurs équipes ;
Il ressort des pièces versées aux débats qu'il y a eu des tentatives de rapprochement sur le mode de départ du salarié mais il n'y a pas de preuve de notification directe de licenciement à M. [T] avant l'entretien préalable ;
La diffusion interne du 16 décembre 2010 est relative à la révocation du mandat de membre du directoire ; l'article de presse du 17 décembre 2010 par les Echos repris par le Monde le 18 décembre 2010 a été fait sans commentaire d'Eurazeo;
Les participations ont été cédées, dans les sociétés Terreal en 2005, dans la société Eutelsat en 2007 ;
Les tentatives de participation datent d'avril 2008 pour accor ;
Ces faits anciens, au demeurant non justifiés et alors que le mandat au comité de direction a été renouvelé postérieurement ne peuvent être valablement invoqués ;
Le 5 mars 2010 M. [T] a exprimé son opposition à un ré-investissement dans Intercos tout en acceptant de se soumettre à la décision contraire des 5 autres membres du directoire, ce qui n'est pas reprochable ;
Par contre au cours de l'année 2010 :
M. [T] a demandé le 7 janvier 2010 une présentation sur Intercos pour un investisseur possible intéressé à laquelle s'est opposée Mme [C], membre également du directoire, ainsi que dit au dernier directoire, à laquelle M. [T] a répondu : 't'énerves pas, je ne t'ai pas attendu pour savoir ce que j'avais à faire pour Eurazeo' et a envoyé un courriel le 8 janvier 2010 à M. [B] disant : 'je te demande une description du business d'Intercos, tu me la donnes c'est tout ! je me fous de ce que vous pensez les uns ou les autres !!!' ;
Dans un courriel que l'on peut situer en septembre 2010, Mme [C], à fait grief à M. [T] du courriel envoyé à tous les membres du directoire sur le projet de revue des process d'évaluation comme une tentative de minorer sa contribution en marquant un territoire qui n'est pas le sien avec des piques maladadroites et offensantes en lui demandant de présenter des sujets de moindre importance à un prochain comité ;
L'erreur matérielle sur le dossier dénommé [X] dans la lettre de licenciement, antérieur à l'arrivée de Mme [C], n'est pas de nature à empêcher l'examen du dossier réel [E] [D] concernant effectivement Mme [C] alors que les griefs sont généraux et n'excluent pas l'examen du dossier cité incorrectement : les courriels produits échangés fin novembre 2010 attestent de la volonté de M. [T] de s'approprier le dossier [E] [D] au détriment de Mme [C] en lui demandant d'annuler les rendez-vous qu'elle avait déjà pris ;
Le 22 novembre 2010 contre l'avis de Mme [C] et de M. [Q], président du directoire, M. [T] s'est imposé pour présenter le deal flow/sourcing au prochain comité du directoire à la place de Mme [C] ;
Les appréciations de M. [T] par ses équipes édité le 3 décembre 2010, qui font preuve même si elles ont été faites à l'époque du licenciement, font état de rapport de force et de pouvoir, caractère tranchant et goût prononcé pour le conflit, de ton méprisant avec les managers des cibles, de défaut d'implication, de développement et d'esprit d'équipe ;
Il résulte de ces pièces que M. [T] a montré au cours de l'année 2010 et notamment postérieurement à son renouvellement de mandat au comité directoire, un caractère tranchant et méprisant avec ses équipes et s'est approprié des dossiers au détriment de sa collègue [C] qui justifient le licenciement sur une cause réelle et sérieuse ;
Sur la clause de non-concurrence
L'avenant du 15 mai 2002 spécifie une clause de non-concurrence sur 6 mois après la cessation effective du contrat de travail sur l'ensemble du territoire national sans contrepartie financière, ce qui la rend nulle et alors que l'intention d'inclure dans les contrats de travail des clauses de non-concurrence rémunérées manifestée lors de la réunion du 19 mars 2010 au cas de démission, n'a pas été mise en exécution à l'égard de M. [T] ;
Cependant M. [T] a créé le 12 avril 2011 une société Gs Conseil en stratégie et en matière de prise de participation ; l'activité de prise de participation est concurrente à l'activité de holding de participations financières de la société Eurazeo visée dans la clause de non-concurrence et a été commencée dès la fin du préavis ;
Il n'y a pas lieu à indemnité de ce chef dans la mesure où M. [T] n'a pas tenu compte de cette clause de non-concurrence qu'il n'a pas exécutée ;
Il n'y a pas lieu à frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne M. [T] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT