Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 16 JUIN 2015
(n°2015/ , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/22740
Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après Cassation par Arrêt de la Cour de Cassation du 04 Juillet 2013 ayant cassé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 19 Juin 2012 - (RG n° 09/19975).
Sur appel du Jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS du 30 Juillet 2009 - (RG n° 06/18210).
DEMANDERESSE A LA SAISINE
SA AXA FRANCE IARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Assistée par Me Fabrice DUBEST de l'AARPI DARTEVELLE & DUBEST, avocat au barreau de PARIS, toque : L0015
DÉFENDEUR A LA SAISINE
Organisme FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Pierre-Vincent ROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0393
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente
Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
Madame Maryse LESAULT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Aouali BENNABI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente, et par Madame Aouali BENNABI, greffier présente lors de la mise à disposition.
Le 21 novembre 1999 , Monsieur [C] [K] , garde frontière de nationalité suisse, a été mortellement blessé au cours d'un accident à la frontière franco-suisse, du côté de la Suisse, après avoir été percuté par un véhicule appartenant à Monsieur [E], assuré en France auprès de la société AXA FRANCE IARD, conduit par Monsieur [D], mineur, qui venait de le dérober.
Par arrêt du 9 décembre 2003, la Cour d'assises des mineurs du Rhône a reconnu Monsieur [D] coupable de vol suivi de violences ayant entraîné la mort de Monsieur [K] pour favoriser la fuite ou assurer l'impunité de son auteur et par arrêt civil du même jour, la Cour d'assises a condamné in solidum Monsieur [D] et sa mère Madame [K] ès-qualité de civilement responsable à indemniser les ayants droits de Monsieur [K] de leur préjudice moral.
La société de droit suisse ZURICH qui s'est chargée de l'indemnisation directe des ayants droits de Monsieur [K] a sollicité le remboursement des sommes qu'elle a versées auprès du Bureau Central Français (BCF), la société AXA FRANCE IARD ayant refusé par lettre du 2 février 2000 adressé au Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de dommages (FGAO) au motif que les dommages ne résultaient pas d'un accident mais d'une infraction volontaire.
Le BCF s'est alors tourné vers le FGAO afin d'obtenir le remboursement des sommes dont il avait fait l'avance, le FGAO a remboursé la somme de 756.251,76 euros.
Par lettre adressée le 2 décembre 2004 à la société AXA FRANCE IARD, le FGAO a contesté le refus de garantie de l'assureur du véhicule.
Faisant valoir que l'accident dont a été victime Monsieur [K] est soumis à la loi suisse qui n'autorise pas qu'un assureur soulève une exclusion de garantie en raison d'un accident causé à la suite d'un vol et résultant de violences ayant entraîné la mort, le FGAO a assigné la société AXA FRANCE IARD par acte d'huissier du 6 décembre 2006 devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.
Par jugement en date du 30 juillet 2009, le Tribunal de Grande Instance de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, déclaré le FGAO recevable en son action, condamné la société AXA FRANCE IARD à rembourser au FGAO la somme de 756.251,76 euros sur production de la quittance signée par les ayants droits de Monsieur [K] et d'un décompte certifié conforme des dépenses réellement exposées par le BCF à l'occasion de l'accident dont s'agit, a condamné en outre la société AXA FRANCE IARD à payer au FGAO la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, déboutant les parties du surplus de leurs demande.
Par arrêt du 19 juin 2012, la Cour d'appel de Paris a infirmé le jugement déféré, a déclaré irrecevable l'action de FGAO et l'a condamné à payer à la société AXA FRANCE IARD la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par arrêt du 4 juillet 2013, la Cour de Cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 19 juin 2012 entre les parties, a remis en conséquence les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit les a renvoyées devant la Cour d'appel de Paris autrement composé, a condamné la société AXA FRANCE IARD au paiement de la somme de 2.850 euros ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration en date du 27 novembre 2013, la société AXA FRANCE IARD a saisi la Cour d'appel de Paris.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 20 mars 2015, la société AXA FRANCE IARD sollicite l'infirmation du jugement entrepris, le débouté du FGAO de l'ensemble de ses demandes et prétentions et la condamnation du FGAO à lui verser la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 25 avril 2014, le FGAO sollicite, sous divers constats qui sont la reprise de ses moyens, la confirmation du jugement dont appel et la condamnation de la société AXA FRANCE IARD à lui verser la somme supplémentaire de 2.970,10 euros et la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 mars 2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que prenant acte de la décision de la Cour de Cassation en date du 4 juillet 2013, la société AXA FRANCE IARD ne conteste plus la recevabilité de l'action du FGAO, que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré l'action du FGAO recevable ;
Sur le droit applicable
Considérant que la société AXA FRANCE IARD soutient que les faits relatés par la police suisse et confirmés par les décisions pénales montrent que le décès de Monsieur [K] est dû à un fait intentionnel , que l'article L113-1 du code des assurances exclut l'assurance en cas de fait volontaire, que la loi du 5 juillet 1985 n'est applicable qu'aux seuls accidents de la circulation à l'exclusion des infractions volontaires, qu'en application de la convention de La Haye du 4 mai 1971, la subrogation est régie par la loi applicable à l'organisme qui a indemnisé la victime et non par la loi du lieu de l'accident , que l'article L 211-4 du code des assurances qui impose une extension géographique de garantie à l'assureur dans les limites et conditions autres que celles prévues par la loi française est conditionnée par l'existence même de la garantie, qu'alors que dans la situation soumise à la cour, la garantie n'existe pas , le contrat ne peut donc produire des effets et que cette analyse n'est pas contredite par le mécanisme instauré par la Convention Multilatérale de Garantie entre bureaux nationaux d'assureurs du 15 mars 1991, repris par le Règlement du Conseil des Bureaux publié au JOUE du 28 juillet 2003 ;
Considérant que le FGAO rétorque que la société AXA FRANCE IARD inverse l'ordre d'application des textes , qu'il rappelle que son intervention est soumise au principe de subsidiarité et qu'en l'espèce son intervention n'est consécutive qu'au refus injustifié de la société AXA FRANCE IARD de faire application des termes de l'article L 211-4 du code des assurances, que faisant état de deux décisions de la Cour de Cassation des 18 mars 2010 et 16 juin 2011, il expose qu'il ne doit indemniser les victimes que si la garantie de l'assureur n'est pas accordée selon la loi de l'Etat du lieu de l'accident ;
Considérant d'une part que selon l'article L421-11 du code des assurances, le Fonds de garantie est chargé de l'indemnisation des victimes d'accidents causés par les véhicules dont la circulation entraîne l'application d'une obligation d'assurance de la responsabilité civile et qui ont leur stationnement habituel en France Métropolitaine ou à Monaco lorsque ces accidents surviennent sur le territoire d'un Etat visé à l'article L 211-4 à l'exception de la France et de Monaco et que le responsable des dommages ne dispose pas de la garantie d'assurance obligatoire , d'autre part que selon l'article L211-4 du code des assurances , l'assurance prévue à l'article L211-1 du même code doit comporter une garantie de la responsabilité civile s'étendant à l'ensemble des territoire des Etats membres de la communauté européenne, que cette garantie lorsqu'elle est appelée à jouer hors du territoire français, est accordée par l'assureur dans les limites et conditions prévues par la législation nationale de l'Etat sur le territoire duquel s'est produit le sinistre ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces deux textes qu'en cas d'accident survenu sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne, le Fonds n'indemnise les victimes que si la garantie de l'assureur n'est pas accordée par la loi de cet Etat, qu'il en résulte que si la loi française est applicable aux conditions d'intervention du Fonds, conformément à l'article 2 de la convention de LA HAYE, l'étendue de la garantie d'assurance par rapport au tiers lésé et les cas de non assurance donnant lieu à l'intervention du FGAO sont soumis à la loi du lieu de l'accident y compris lorsque, comme en l'espèce, l'assureur invoque l'absence de garantie fondée sur la non assurabilité du fait intentionnel ;
Considérant en conséquence que la société AXA FRANCE IARD n'est pas fondée à opposer à l'action du FGAO l'application de la loi française et plus particulièrement les dispositions de l'article L 113-1 alinéa 2 du code des assurances, que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le litige était soumis aux dispositions de l'article L 211-4 du code des assurances et qu'en l'état d'un accident survenu en Suisse, il convenait d'examiner la loi de cet Etat pour déterminer si l'assureur était fondé à opposer une non garantie dans l'hypothèse où les dommages causés à la victime résulte d'un fait volontaire commis par le détenteur d'un véhicule volé ;
Sur l'application du droit suisse
Considérant que se fondant sur le certificat de coutume de Maître GABUS, avocat à Genève, la société AXA FRANCE IARD soutient qu'en application de la loi Fédérale sur la circulation routière (dite LCR) le vol définitif du véhicule exclut la couverture d'assurance du propriétaire, que la liste des exclusions de l'article 63 alinéa 3 de la LCR n'est pas exhaustive et que les assureurs peuvent prévoir d'autres exclusions comme le fait volontaire ainsi qu'il résulte des conditions générales d'un contrat de la société suisse HELVETIA, qu'elle affirme que le FGAO n'apporte aucun élément de nature à faire échec à sa police excluant le fait volontaire ;
Considérant que le FGAO, qui relève que l'assureur fait état de l'article 14 de la loi suisse, affirme que la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958, applicable en l'espèce, prévoit, en ses articles 58, 75 et 63 que l'assurance couvre la responsabilité civile du détenteur d'un véhicule lequel peut être celui qui a soustrait un véhicule dans le dessein d'en faire l'usage, que la liste des exclusions de l'article 63 alinéa 3 est clairement limitative, qu'invoquant les termes d'une plaquette éditée par le Conseil des Bureaux versée aux débats, il fait état de la réponse selon laquelle, étant donné le principe de l'inopposabilité des exceptions au contrat(art 65/2 LCR) les éventuelles exclusions de la police d'assurance font l'objet d'une recours de l'assureur directement contre le détenteur ou l'assuré, qu'il en conclut que la législation suisse n'autorise pas qu'un assureur automobile soulève une exclusion de garantie en raison d'un accident causé à la suite d'un vol et résultant de violences ayant entraîné la mort ;
Considérant qu'aux termes de l'article 65 alinéa 2 de la LCR produite aux débats, il est prévu que 'les exceptions découlant du contrat d'assurance ou de la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance ne peuvent être opposées au lésé', que les parties ne produisent pas d'éléments permettant de déterminer comment la doctrine et les juridictions suisses interprètent ce texte qui semble de portée générale, qu'il importe notamment de savoir si ce texte qui fait référence à la loi fédérale du 2 avril 1908, reprise sous le numéro 221.229.1, rend inopposable au tiers lésé l'article 14 de cette loi produit aux débats par l'assureur et aux termes duquel il est précisé 'l'assureur n'est pas lié si le sinistre a été causé intentionnellement par le preneur d'assurance ou l'ayant droit', que de même s'agissant du vol, chacune des parties produit l'avis d'un avocat sur le vol d'usage, le vol simple et leurs conséquences en matière d'assurance sans produire des extraits de traités théoriques ou des décisions de jurisprudence permettant de connaître précisément l'interprétation qui est faite de ces notions par les juridictions, qu'il convient également de savoir si l'exception de non assurance qui pourrait éventuellement être opposée par l'assureur d'un véhicule volé entre dans les exceptions de l'article 65 alinéa 2 de la LCR qui ne peuvent pas être opposées au lésé, qu'il y a lieu de réouvrir les débats sur ce point ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action du FGAO recevable et en ce qu'il a retenu que la loi suisse est applicable au litige,
Avant dire droit sur le contenu du droit suisse,
Ordonne la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire à la conférence de mise en état du 16 novembre 2015 à 13 heures pour permettre à chacune des parties de produire tous éléments, extraits de traité et décisions de jurisprudence permettant d'éclairer la cour sur les points ci dessus soulevés et de conclure éventuellement au vu des pièces produites,
Réserve les autres demandes,
Réserve les dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE