Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9
ARRÊT DU 25 JUIN 2015
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/22692
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2012 -Tribunal d'Instance de PARIS-7ème - RG n° 11-11-000051
APPELANTE
Société CRÉDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°542 016 381, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Didier SALLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0924
Assistée à l'audience de Me Laure-Anne LAMMENS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0924 substituant Me Didier SALLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0924
INTIMÉE
SOCIÉTÉ CIVILE DE MOYENS 'BROUARD ET ASSOCIES', immatriculée au RCS de PARIS sous le n°390 650 380, représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
assistée de Me Nathalie PERRIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P64
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mai 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia GRASSO, Conseillère faisant fonction de Président, et Madame Françoise JEANJAQUET, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Patricia GRASSO, Conseillère faisant fonction de Président
Madame Françoise JEANJAQUET, Conseillère
Madame Hélène SARBOURG, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Catherine MAGOT
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia GRASSO, Conseillère faisant fonction de Président, et par Madame Catherine MAGOT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La SCM BROUARD & Associés était titulaire d'un compte bancaire professionnel dans les livres du CIC qui présentait à sa clôture un solde débiteur de 7 153,19 €.
Le CIC a obtenu le 29 novembre 2010 une ordonnance du tribunal d'instance du 7ème arrondissement de Paris faisant injonction à la SCM BROUARD & Associés de payer la somme restant due au titre du solde débiteur du compte.
Le 18 févier 2011, la SCM BROUARD & Associés a formé opposition à l'ordonnance et par jugement du 27 novembre 2012, le tribunal d'instance a déclaré recevable l'opposition et a débouté le CIC de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné à verser à la SCM BROUARD & Associés la somme de 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en retenant l'absence du titre sur lequel elle fonde sa créance et l'impossibilité de déterminer avec certitude le taux d'intérêt applicable.
Par déclaration du 13 décembre 2012, le CIC a relevé appel de la décision.
Selon ses conclusions du 29 août 2014, la société appelante soulève l'irrecevabilité de la demande nouvelle formée par la SCM BROUARD & ASSOCIÉS sollicitant sa condamnation à lui payer la somme de 4 450,79 €. Sur le fond, elle poursuit l'infirmation du jugement et demande que la SCM BROUARD & Associés soit condamnée lui payer la somme de 7 153,19€, avec intérêts au taux légal, déboutée de toutes ses demandes et condamnée à lui payer la somme de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui seront recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait grief au jugement de l'avoir déboutée en assimilant l'ouverture de compte à l'octroi d'un prêt et alors même que la SCM BROUARD n'a jamais contesté les opérations sur ce compte hormis les intérêts et les frais comptabilisés.
Elle fait valoir, s'agissant des intérêts en période de fonctionnement, que, malgré l'absence de convention de compte, ceux-ci sont validés par l'envoi au client des relevés de compte sur lesquels étaient portés les relevés trimestriels d'agios et les échelles d'intérêts et des arrêtés de compte dont il n'est pas justifié qu'il les ait contestés ; qu'en outre, le calcul du TEG n'est pas erroné car la banque n'a pas à intégrer les commissions d'intervention dans ce calcul, ces commissions étant déconnectées de l'opération de crédit pouvant résulter d'une opération sur un compte à découvert et rémunérant le banquier teneur de compte : que les commissions constituent la juste rémunération du banquier et sont visées dans les relevés de compte et entrent donc bien dans le champ contractuel et ne peuvent dès lors être contestées.
Selon ses conclusions du 12 mai 2014, la SCM BROUARD ET ASSOCIES sollicite la confirmation du jugement. Elle demande qu'il soit ordonné au CIC de rétablir le solde du compte en appliquant au découvert le taux d'intérêt légal, que le CIC soit condamné à lui rembourser la somme de 4 450,79€ au titre de la différence entre le taux d'agios pratiqué et le taux d'intérêt légal ainsi que les frais divers non contractuels tels que les frais d'intervention et commissions d'intervention pour un montant total de 2 248,11 € avec intérêt légal majoré de moitié, qu'il soit débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné à lui payer la somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation en tous les dépens.
Elle fait valoir que du fait de l'absence de convention, le CIC n'apporte pas la preuve de l'existence d'un accord sur les conditions de fonctionnement du compte et notamment sur le taux conventionnel appliqué au découvert ; que même si le CIC lui a adressé, de temps à autre, un relevé des agios mentionnant le taux en même temps qu'il les prélevait sur le compte, ces relevés ne sont pas de nature à valider l'opération dès lors qu'aucun accord sur le taux n'est produit et que les prélèvements ont été pratiqués d'autorité et alors même que les lettres qu'elle a adressées au CIC démontrent son total désaccord sur de telles pratiques.
Elle soutient que même si le TEG lui est opposable contractuellement, les frais de forçage comptabilisés le rendent erroné, car ils auraient dû être inclus dans le TEG puisqu'ils rémunèrent le banquier en tant que dispensateur de crédit au titre d'opérations liées au découvert en compte et non au titre d'un service de caisse et que non informée, elle a en réalité accepté un taux erroné qui ne peut lui être appliqué.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité de la demande en paiement de la SCM BROUARD ET ASSOCIES
En première instance, la SCM BROUARD ET ASSOCIES a contesté le taux d'intérêt et a sollicité le rétablissement du solde du compte en appliquant le taux légal et le remboursement de divers frais non contractuels, demande qu'elle formule à nouveau en cause d'appel.
Elle y ajoute une demande de remboursement de la somme de 4 450,79€ au titre de la différence entre le taux d'agios pratiqué et le taux d'intérêt légal ainsi que les frais divers non contractuels tels que frais d'intervention, commissions d'intervention pour un montant total de 2 248,11 € avec intérêt légal majoré de moitié.
Cette demande de condamnation n'est que le complément de sa demande principale tendant à voir appliquer le taux légal et le remboursement de frais non contractuels du compte courant ouvert dans le livres du CIC et s'appuie sur les mêmes arguments à savoir la contestation du taux d'intérêt pratiqué et des frais prélevés.
Elle ne peut être qualifiée de nouvelle en application de l'article 566 du code de procédure civile et doit être déclaré recevable.
Sur la demande du CIC au titre du solde débiteur du compte
Il n'est pas contesté que le compte de la SCM BROUARD ET ASSOCIES a fonctionné à découvert pendant plusieurs années à découvert sans qu'aucune convention n'ait été signée entre les parties et ce fonctionnement à découvert s'analyse en une ouverture de crédit tacite.
Or, conformément à l'article L. 313-2 du code de la consommation, le taux effectif global tel que déterminé à l'article L. 313-1 du même code doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt. Cette exigence s'applique à toutes les formes de crédit, qu'ils soient consentis à un consommateur ou à un professionnel.
En cas d'ouverture de crédit en compte courant, le taux réel ne peut être connu qu'a posteriori, à l'échéance de chaque période d'intérêts, après application des commissions entrant dans son calcul, notamment de la commission du plus fort découvert et le banquier peut donc suppléer l'absence de stipulation du taux d'intérêts effectif global dans une convention de crédit, qui en l'espèce n'a pas été formalisée, par la mention, sur les relevés de compte reçus sans protestation ni réserve, du taux effectif global appliqué pour la période écoulée, cette information valant toutefois seulement pour l'avenir et à titre indicatif.
Ainsi la seule mention indicative de ce taux, ne vaut pas, s'agissant d'un compte courant, reconnaissance d'une stipulation d'agios conventionnels et le titulaire du compte peut en conséquence en contester le taux pour la période qui n'est pas couverte par la prescription.
Si la banque peut invoquer le relevé comme preuve de sa créance, l'accord tacite du titulaire du compte ne peut être retenu que si les relevés périodiques comportent des indications suffisantes pour l'informer exactement sur le taux effectif global des opérations postérieures et le mettre en mesure d'apprécier les éléments d'information qui y figurent.
Or, le CIC se prévaut de l'envoi de relevés périodiques trimestriels mentionnant le taux et le mode de calcul du TEG depuis le 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2009 et accompagnés des échelles d'intérêts mensuelles.
Toutefois, en application de l'article L 313-1 du code de la consommation, doivent être inclus dans l'assiette du TEG, tous les frais commissions ou rémunérations de toutes natures, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais correspondent à des débours réels qui ne sont pas indépendants de l'opération de crédit.
Or, il ressort de l'historique des mouvements du compte que le CIC a facturé de nombreuses commissions d'intervention à l'occasion de chèques ou de prélèvements débités sur le compte se trouvant en position de découvert.
Ces commissions qui rémunèrent des opérations autorisées par la banque sur un compte fonctionnant en permanence en découvert ne peuvent s'analyser en une simple rémunération de services de caisse mais constituent en réalité la contrepartie de l'ouverture de crédit consentie par la banque tacitement à son client.
Elles devaient en conséquence être intégrées au TEG, appliqué par ailleurs.
Dès lors la banque ne peut se prévaloir de l'envoi de relevés périodiques trimestriels mentionnant un TEG nécessairement erroné auquel la SCM BROUARD ET ASSOCIES n'a pu consentir de façon éclairée.
Le CIC ne peut par ailleurs se prévaloir de ce que la SCM BROUARD ET ASSOCIES a été informée de la perception des commissions d'interventions par l'envoi des relevés mensuels de commissions et que celles-ci sont rentrées dans le champ contractuel alors qu'il ressort d'un courrier recommandé adressé par la SCM BROUARD ET ASSOCIES à la banque le 7 janvier 2009 qu'elle a contesté le prélèvement des frais d'intervention outre celui des agios.
L'irrégularité affectant l'indication d'un taux effectif global erroné est sanctionnée non par la nullité du contrat, mais par celle de la stipulation du taux de l'intérêt conventionnel y compris les commissions d'intervention, auquel est substitué le taux légal.
La SCM BROUARD ET ASSOCIES a formé opposition à l'injonction de payer le 18 février 2011 et sa contestation ne peut porter que sur les intérêts calculés à compter du 18 février 2006.
L'analyse de l'historique de compte versé aux débats par le CIC fait apparaître la computation d'agios et de commissions d'intervention pour la période du 18 février 2006 à la date de clôture du compte à hauteur de la somme de 7527,52€ de sorte que la SCM BROUARD ET ASSOCIES n'est plus redevable d'aucune somme au titre du solde débiteur du compte réclamé par la banque à hauteur de 7153,19€, la banque ne justifiant pas du calcul des intérêts au taux légal susceptibles de s'appliquer aux lieu et place du TEG.
En conséquence le jugement sera confirmé dans toutes ses dispositions.
Le CIC est redevable envers la SCM BROUARD ET ASSOCIES de la différence entre le montant des intérêts et frais indûment perçus et du solde du découvert du compte réclamé soit 374,33€ assorti des intérêts au taux légal à compter de la siginification de l'arrêt.
Il est inéquitable de laisser à la charge de la SCM BROUARD ET ASSOCIES les frais non répétibles par elle exposés en appel à hauteur de la somme de 1000€.
Le CIC, partie succombante, supportera la charge des dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable la demande en paiement SCM BROUARD ET ASSOCIES ;
Confirme le jugement du tribunal d'instance de Paris 7ème arrondissement du 27 novembre 2012 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à payer à la SCM BROUARD ET ASSOCIES la somme de 374,33€ avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt ;
Condamne le CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à payer à la SCM BROUARD ET ASSOCIES la somme de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamne aux dépens de l'appel
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT