Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2015
(n° 399 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/15780
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juin 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/05429
APPELANTS
Madame [E] [C]
Née le [Date naissance 1]1958 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Ayant pour avocat plaidant Me Marie-claude ALEXIS de la SDE SAINT-ADAM, avocat au barreau de PARIS, toque : K0194
Maître [K] [T] Membre de la SCP D'AVOCATS '[K] [T]'
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Marcel PORCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
Ayant pour avocat plaidant Me Catherine EGRET de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
Maître [L] [V] ÉPOUSE [F] Membre de la SCP D'AVOCATS'[J]-[S]-[V]-[W]-[B]'
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Marcel PORCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
Ayant pour avocat plaidant Me Catherine EGRET de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
SA ALLIANZ
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Marcel PORCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
Ayant pour avocat plaidant Me Catherine EGRET de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
INTIMÉES
Madame [E] [C]
Née le [Date naissance 1]1958 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Ayant pour avocat plaidant Me Marie-claude ALEXIS de la SDE SAINT-ADAM, avocat au barreau de PARIS, toque : K0194
SA ALLIANZ IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Marcel PORCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
Ayant pour avocat plaidant Me Catherine EGRET de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
SCP [J] [S] [V] [W] [B]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Marcel PORCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
Ayant pour avocat plaidant Me Catherine EGRET de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
SCP [K] [T]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Marcel PORCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
Ayant pour avocat plaidant Me Catherine EGRET de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Mai 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Jacques BICHARD, Président de chambre
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère (rapporteur)
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Elodie PEREIRA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Elodie PEREIRA, greffier.
Madame [E] [C] a épousé M [Y] [M], le [Date mariage 1] 1978 sans contrat préalable.
Par jugement du 18 mars 1993, le tribunal de grande instance de Millau a prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de M [M] et a commis le président de la chambre des notaires de l'[Localité 1] pour liquider les droits des époux.
Par jugement du 15 décembre 1999, le tribunal a ordonné l'inscription à l'actif de la communauté de la somme de 264.361,11 francs représentant le montant de la récompense due par M [M] en raison des travaux effectués sur son immeuble et l'inscription au passif de la communauté de la somme de 358.815,12 francs représentant le capital restant dû au 25 octobre 1991 après la déchéance prononcée au mois d'octobre 1991 sur les emprunts souscrits pendant la communauté.
Maître [U], notaire désigné pour liquider la communauté, a présenté un projet de liquidation et de partage des biens dépendants de la communauté suivant les termes du jugement du 15 décembre 1999.
Madame [C] a demandé à Maître [T], avocat, de remplacer Maître [V] pour défendre ses droits à compter de janvier 2005.
Par jugement du 14 décembre 2005, le tribunal de grande instance de Millau, saisi d'une demande de remplacement de notaire, a estimé qu'aucun reproche ne pouvait être fait au notaire dans la mise en oeuvre de la liquidation, que l'indemnité revenant à Madame [C] relevait non pas des récompenses mais de l'indivision post-communautaire au visa de l'article 815-3 du code civil.
En 2006, Maître [G] a succédé à Maître [U] et celui-ci a dressé un procès-verbal de difficultés. Le tribunal a considéré par jugement du 16 avril 2008 que les prétentions de Madame [C] relatives aux trois emprunts consentis par la Banque Populaire se heurtaient à l'autorité de chose jugée.
Madame [C] a changé de conseil et a fait assigner M [M] en paiement de la somme de 11.894,01 euros, solde en sa faveur après compensation entre la soulte due par son ex-époux et sa propre créance au titre du passif bancaire.
Le juge de la mise en état, par ordonnance du 24 juin 2010, a déclaré son action irrecevable comme se heurtant à l'autorité de chose jugée.
M [M] a alors fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie vente portant sur diverses sommes à raison de la liquidation de la communauté en exécution des jugements précités.
Madame [C] a saisi le juge de l'exécution de Rodez d'une demande d'annulation du commandement qui a été rejetée par décision du 25 mai 2010. La Cour d'appel de Montpellier a statué le 13 décembre 2010.
Le 29 mars 2012, Madame [C] a fait assigner la société ALLIANZ IARD in solidum avec Maître [V] et Maître [T], intervenants volontaires, à lui payer les sommes de 98.000 euros au titre de son préjudice matériel, 50.000 euros au titre du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation outre une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile devant le tribunal de grande instance de Paris, qui, par jugement du 5 juin 2013, a :
- donné acte des interventions volontaires de la SCP [J]-[S]-[V]-[W]-[B] et de la SCP [T] ;
- dit que Maître [V] a commis une faute ;
- dit que Maître [T] a commis une faute ;
- condamné in solidum la société ALLIANZ et la SCP [J]-[S]-[V]-[W]-[B] et la SCP [T] au paiement de la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice matériel avec intérêts au taux légal à compter de la décision;
- condamné in solidum la société ALLIANZ et la SCP [J]-[S]-[V]-[W]-[B] et la SCP [T] au paiement de la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
- condamné in solidum la société ALLIANZ et la SCP [J]-[S]-[V]-[W]-[B] et la SCP [T] au paiement de la somme 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [C], appelante, par conclusions du 13 octobre 2014, souhaite voir infirmer la décision entreprise quant au quantum des sommes qui lui ont été allouées . Elle sollicite la condamnation de Maître [V] et de Maître [T] au paiement de la somme de 129.878, 95 euros en réparation de ses préjudices matériel et moraux avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et application de l'article 1154 du code civil. Elle souhaite voir débouter ses adversaires de leur appel incident et condamner au paiement de la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles.
La société ALLIANZ et la SCP [J]-[S]-[V]-[W]-[B] et la SCP [T], par conclusions du 8 avril 2015, sollicitent l'infirmation du jugement et la condamnation à restitution de la somme de 58.000 euros réglée avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2013. A titre subsidiaire, elles souhaitent voir diminuer le montant des sommes allouées et réclament l'allocation d'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Considérant que Madame [C] fait grief aux deux avocats attraits à la cause d'avoir méconnu le droit applicable qui imposait d'agir sur le fondement des règles de l'indivision et de ne pas avoir relevé appel des deux décisions de première instance qui sont devenues définitives ;
Sur la faute commise par Maître [V] :
Considérant que le jugement du tribunal de grande instance de Millau du 15 décembre 1999 a régulièrement dit, au vu des demandes qui étaient présentées, des éléments fournis et du rapport d'expertise déposé qu'une somme de 264.361,11 francs représentant le montant de la récompense due par M [M] en raison de travaux effectués sur son immeuble devait être inscrite à l'actif de la communauté et qu'une somme de 358.815,12 francs représentant le capital restant dû au 25 octobre 1991 après échéance du mois d'octobre 1991 sur les emprunts souscrits pendant la communauté de vie devait être placée au passif de la communauté ;
Considérant que ces énonciations sont exactes ; qu'il appartenait seulement à l'avocat qui savait que la dissolution de la communauté était intervenue le 25 octobre 1991 et que Madame [C] avait après cette date assumé la charge des emprunts figurant au passif de la communauté, formé une demande en paiement de sa part à M [M] au titre de l'indivision post-communautaire sur le fondement de l'article 815-13 du code civil ;
Considérant qu'il ressort clairement d'un courrier du 13 mars 2002 de Maître [V] adressé à l'avocat de la partie adverse qu'une telle demande n'avait pas été présentée au tribunal appelé à statuer en 1999 ; qu'il appartenait à l'avocat de conseiller utilement sa cliente afin qu'elle puisse recouvrer la somme ainsi versée pour le compte de son ex-époux;
Considérant que cette omission de l'avocat constitue une faute dès lors que la jurisprudence applicable alors prévoyait la possibilité de faire une telle demande au titre de l'indivision post-communautaire ;
Considérant ensuite que n'ayant pas fait une telle demande, Maître [V] n'a pas plus interjeté appel de la décision ainsi rendue pour tenter de présenter celle-ci devant la juridiction du second degré en exposant qu'elle se rattachait à la prétention initiale destinée à régler la liquidation de la communauté ayant existé entre les époux et en était le complément ;
Considérant que Maître [V] a donc commis des fautes dans l'exécution du mandat qui lui avait été confié par sa cliente ;
Sur la faute commise par Maître [T] :
Considérant qu'il ressort des conclusions déposées par Maître [T] devant le tribunal de grande instance de Millau dans le cadre de la deuxième procédure qu'il a mentionné que Madame [C] était créancière de M [M] d'une somme de 41.354,32 euros au titre d'une créance post-communautaire tout en sollicitant la paiement après compensation d'une somme de 25.897,60 euros avec intérêts en application des dispositions de l'article 1473 du code civil ;
Considérant que le Tribunal a motivé sa décision en disant que 'Madame [C] n'est pas recevable à prétendre à l'attribution de la somme de 54.701,01 euros déboursée pour amortir le capital restant dû au titre des emprunts ayant financé l'acquisition de biens communs ni à prétendre à une majoration en appliquant les intérêts de plein droit au jour de la dissolution en application de l'article 1473 du code civil qui régit les récompenses et non le passif de la communauté' ;
Considérant que le tribunal saisi de la demande en paiement de la somme avancée par Madame [C] sur le fondement de l'article 1473 du code civil, n'avait pas à modifier ce fondement juridique donnée par Mme [C] à cette prétention ;
Considérant que si un appel avait été interjeté par l'avocat, ce dernier aurait pu modifier le fondement donné à la demande déjà présentée devant les premiers juges et en se fondant sur l'article 815-13 du code civil obtenir le paiement de la somme due dans le cadre de l'indivision post-communautaire sur laquelle le tribunal dans son jugement de 1999 n'avait pas statué et qui n'aurait pas pu être rejetée à raison de l'autorité de chose jugée ;
Considérant qu'il s'ensuit que Maître [T] qui n'a, devant les premiers juges, pas qualifié correctement sa demande, a commis une faute à laquelle s'est ajoutée celle de ne pas avoir interjeté appel du jugement du 14 décembre 2005 pour réparer celle-ci à l'égard de Madame [C] ;
Sur le préjudice subi par Madame [C] :
Considérant que, compte tenu de la jurisprudence applicable, si les avocats avaient présenté la demande de Madame [C] en visant les textes de l'indivision post communautaire, elle aurait pu obtenir le remboursement de la moitié des sommes versées au titre du remboursement des emprunts communs après la dissolution du mariage ; que, sous réserve de démontrer le paiement des sommes ainsi réclamées, le préjudice ainsi subi est certain et ne constitue pas une perte de chance comme retenue par les premiers juges ;
Considérant qu'en l'état, Madame [C] déclare avoir réglé la somme de 82.708,64 euros arrêtée à 2008, date finale du partage et que son préjudice matériel s'établit donc à la moitié de cette somme soit 41.354,32 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
Considérant que ses adversaires contestent qu'elle ait effectué le paiement de cette somme à titre personnel relevant qu'elle produit un relevé de compte professionnel pour en justifier;
Considérant que Madame [C], en sa qualité de demanderesse au remboursement de la somme susvisée, doit rapporter la preuve du paiement effectif de celle-ci par ses soins;
Considérant que Madame [C] ne verse aux débats ni les contrats de prêts concernés par ce remboursement, ni les tableaux d'amortissement, ni la justification du montant des échéances ;
Considérant qu'elle ne produit que la pièce 21 qui regroupe trois extraits d'un compte à son nom aux dates du 29 mars 1996, 29 décembre 1997 et 31 décembre 2002 ; que ces documents sont fragmentaires et ne couvrent pas la totalité de la période concernée ; qu'à l'examen de ceux-ci, figurent sur le premier une mention d'un prêt artisan d'un montant de 1.609,86 francs et une mention d'un autre prêt artisan d'un montant de 1.326,24 francs, sur le second, la seule mention d'un prêt artisan d'un montant de 1.326,24 francs et sur le dernier, celle d'un prêt immobilier d'un montant de 402,16 euros ;
Considérant que la Cour ne peut vérifier que les mentions relatives à ces prêts correspondent bien aux prêts contractés au cours de la communauté et dont étaient redevables les deux anciens époux ;
Considérant dès lors que Madame [C] ne démontre pas avoir payé les sommes afférentes à des emprunts communs postérieurement à la dissolution du mariage et entrant dans le cadre de l'indivision post-communautaire ;
Considérant que la preuve de ce préjudice matériel n'est pas établie ;
Considérant que Madame [C] sollicite aussi une somme de 32.863,26 euros correspondant à la 'revalorisation au profit subsistant' arguant de ce qu'elle aurait dû bénéficier de cette revalorisation si les avocats avaient valablement visé les textes applicables ;
Considérant que la valeur de l'immeuble est indépendante de la somme versée par Madame [C] au titre du remboursement des emprunts dont on ignore si elle les a effectivement remboursés ; que la Cour ne sait pas de plus qui s'est vu allouer desdits immeubles dans le cadre du partage et lequel des anciens époux bénéficiera de la plus value desdits immeubles ;
Considérant que la demande relative à ce préjudice est rejetée ;
Considérant que Madame [C] sollicite ensuite le remboursement des frais de procédure ( avocats et expert) payés dans le cadre du litige avec son ex-époux et de la liquidation-partage ; que, toutefois, ces frais devaient être engagés nonobstant la faute commise par les avocats ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande;
Considérant qu'elle indique avoir souffert d'un préjudice moral suite à cette procédure l'ayant obligé à interrompre son activité professionnelle ; qu'il n'est pas contestable que les tracas liés à la procédure et aux difficultés rencontrées avec ses avocats ont été de nature à affecter durablement Madame [C] ; qu'il n'est pas démontré avec certitude que l'interruption de l'activité professionnelle soit consécutive au présent contentieux ;
Considérant que la cour alloue à Madame [C] au titre de la réparation de son préjudice moral, la somme de 6.000 euros au paiement de laquelle les avocats et leur assureur sont condamnés in solidum ;
Considérant que, dès lors, le jugement est infirmé relativement aux sommes allouées à Madame [C] en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises par les avocats ;
Considérant que la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement de première instance formée par les intimés est rejetée dès lors que l'infirmation du jugement de ce chef implique cette restitution, l'arrêt étant exécutoire de plein droit ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit à la demande des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a alloué à Madame [C], une somme de 40.000 euros en réparation de son préjudice matériel et une somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Statuant à nouveau ;
Rejette les demandes de Madame [C] présentées au titre de la réparation de son préjudice matériel ;
Condamne in solidum la société ALLIANZ et la SCP [J]-[S]-[V]-[W]-[B] et la SCP [T] au paiement de la somme de 6.000 euros en réparation du préjudice moral ;
Rejette toute autre demande des parties en ce compris celle présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT