Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2015
(n°2015/ , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03320
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Décembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 12/11697
APPELANTE
Mutuelle MATMUT (MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jean-Jacques LETU de la SCP LETU ITTAH PIGNOT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120
Assistée par Me Camille PICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120
INTIME
Monsieur [D] [B]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Clothilde CHALUT-NATAL de la SELARL BERTIN & BERTIN - AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU, toque : R295
Assisté par Me Doriane LALANDE, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre, et Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Aouali BENNABI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente et par Catherine BAJAZET, greffier présente lors de la mise à disposition.
M [D] [B] est propriétaire d'une maison d'habitation située au [Adresse 1] et il a souscrit un contrat d'assurance multirisque habitation auprès de la MATMUT.
Le 13 mai 2006, il a été victime d'un dégât des eaux, consécutif au débordement et au percement du chéneau central de la couverture en zinc de son immeuble, qui a gravement endommagé l'ensemble des pièces du rez-de-chaussée.
Il a déclaré ce sinistre et la MATMUT a désigné le cabinet GRES afin d'évaluer les dommages. Celui-ci a déposé son rapport, le 6 mars 2007, fixant le coût des travaux de remise en état à la somme de 42 886,28€, procédant à des réfactions du prix de certaines prestations du devis de la société BATI DÉCOR, d'un montant total de 54.058,97€.
Dès le 17 juin 2006, M [D] [B] avait remis un ordre de réparation à cette entreprise par lequel il l'autorisait 'à percevoir à ma place, pour qu'elle soit imputée à due concurrence sur le montant de la facture des réparations qu'elle a effectuées, l'indemnité me revenant au titre de mon contrat d'assurance pour les dommages matériels subis du fait de ce sinistre soit la somme de 42 886,28€'.
Après en avoir avisé son assuré par courrier du 30 mars 2007, la MATMUT a procédé au règlement de la somme sus-mentionnée entre les mains de la société BATIDECOR, sur présentation d'une facture du 16 février 2007.
Les travaux de réfection suite au sinistre n'ont pas été effectués, M [D] [B] ayant souhaité affecter l'indemnité d'assurance à la surélévation de son pavillon, qui a été refusée par les services de l'urbanisme, puis au remplacement de la couverture existante. Ces derniers travaux confiés à la société BATIDECOR n'ont pas été réalisés et M [D] [B] a engagé une procédure à l'encontre de cette entreprise avec l'assistance de la MATMUT PROTECTION JURIDIQUE et, par jugement en date du 4 avril 2011, le tribunal de grande instance de Bobigny a condamné la société BATIDECOR à lui rembourser l'indemnité d'assurance.
Concomitamment et pour la première fois par un courrier du 12 juillet 2007, M [D] [B] a vainement sollicité de son assureur qu'il finance à nouveau les travaux de remise en état de l'intérieur de son logement et, par acte du 26 décembre 2012, il l'a assigné devant le tribunal de grande instance de Bobigny, arguant du fait qu'il n'était pas parvenu à exécuter la décision condamnant l'entrepreneur.
Par jugement en date du 5 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Bobigny a condamné la MATMUT à payer à M [D] [B] la somme de 42.886,28€ avec intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé de sa décision et indexation de cette somme outre une somme de 35.000€ pour trouble de jouissance entre la date du sinistre et la date du jugement, M [D] [B] étant débouté du surplus de ses demandes et la MATMUT condamnée au paiement d'une indemnité de procédure de 3000€ et aux dépens.
Par déclaration du 13 février 2014, la MATMUT a interjeté appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 12 février 2015, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de la mettre hors de cause, le paiement entre les mains de BATIDECOR étant libératoire. Subsidiairement, elle prétend à la limitation de sa condamnation à la somme de 29.765,89€ compte tenu des travaux exécutés par l'entreprise et chiffrés à 13120,39€ et demande à la cour de ramener l'indemnisation du préjudice de jouissance à de plus justes proportions, en excluant notamment la période antérieure au règlement de l'indemnité, le 2 avril 2007. En tout état de cause, elle soutient le rejet de toute indemnisation de M [D] [B] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sollicite la condamnation de ce dernier à lui payer une somme de 3.000€ sur ce fondement et aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 juin 2014, M [D] [B] soutient la confirmation du jugement déféré en ce qu'il retient la faute de l'assureur et sa condamnation à payer, une seconde fois, l'indemnité d'assurance sollicitant que le trouble de jouissance qu'il a subi soit indemnisé sur la base de 600€ par mois à compter de la date du sinistre jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir soit par la somme totale de 62.400€. En tout état de cause, il réclame la condamnation de l'appelante au paiement d'une indemnité de procédure de 5.000€ et aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mai 2015.
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'à titre liminaire, la MATMUT demande à la cour de tirer toutes conséquences du refus de M [D] [B] de satisfaire à sa sommation de communiquer les dernières conclusions échangées dans la procédure l'ayant opposé à la société BATIDECOR, rappelant que celui-ci a procédé avec l'assistance de la MATMUT PROTECTION JURIDIQUE entité juridique distincte, ainsi que le prévoit l'article L 322-2-3 du code des assurances et en déduisant qu'elle ne peut avoir accès aux actes de procédure qu'elle réclame ; qu'au fond, elle admet que l'acte du 16 février 2007 ne constitue nullement une délégation de paiement mais doit, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, être qualifié de cession de créance ; qu'elle rappelle que celle-ci portait sur le droit à indemnité d'assurance qui existait au jour de la cession, qu'elle est donc valable comme le paiement réalisé entre les mains du cessionnaire ; qu'elle conteste toute faute, n'ayant aucune obligation de contrôler la réalisation des travaux, ajoutant que son assuré avait la libre disposition de l'indemnité d'assurance et qu'il pouvait, ainsi qu'il l'a fait, l'affecter à des travaux autres que ceux qui devaient être entrepris pour remettre en état son logement ;
Que M [D] [B] objecte que la MATMUT sollicite la remise de pièces d'ores et déjà en sa possession, puisqu'elle avait pris la direction du procès l'opposant à BATIDECOR au mépris des règles applicables aux assurances de protection juridique ; qu'au fond, il prétend que la MATMUT a commis deux fautes contractuelles dans l'exécution de ses obligations, en premier lieu, en procédant à un règlement entre les mains de l'entrepreneur, sans vérifier la réalisation effective des travaux, alors que les pièces qu'elle détenait lui permettait de constater que la facture avait été émise avant exécution des prestations et, en second lieu, en réglant directement l'entrepreneur en l'absence de délégation de paiement ou de mandat ;
Considérant au préalable, que contrairement aux allégations de l'intimé, la procédure qu'il a engagée à l'encontre de BATIDECOR a été conduite, ainsi qu'il ressort des multiples courriers qu'il produit, avec l'assistance de son assureur protection juridique, la MATMUT PROTECTION JURIDIQUE personne morale distincte de l'appelante ; que l'affirmation qu'il serait dans l'incapacité de produire les conclusions des parties à cette procédure est démentie par la communication tronquée qu'il fait en pièce 32 de ses propres conclusions ; qu'il convient simplement de relever que le refus de M [D] [B] de satisfaire à la sommation de communiquer de son adversaire ne peut avoir d'incidence que sur la demande subsidiaire de l'appelante tendant à voir déduit de l'indemnité due, le coût des travaux qu'aurait effectués la société BATIDECOR ;
Considérant au fond, qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'ordre de travaux du 17 février 2007 contient une cession de créance, entendue ainsi que l'énonce l'article 1698 du code civil, comme la transmission d'une créance, par son titulaire, au profit de son contractant ; que la créance d'indemnité d'assurance était née au jour du sinistre et, au surplus, liquidée avant sa cession, ainsi qu'il ressort de la mention à l'acte de cession de son montant exacte ; que l'acte engageait M [D] [B] qui s'était dessaisi de sa créance au profit de l'entrepreneur et la cession était connue du débiteur cédé, la MATMUT puisque communiquée à celle-ci par le cabinet d'expertise, le non-respect des formalités de l'article 1690 du code civil étant, dès lors, indifférent ;
Qu'il s'ensuit que l'assureur devait se libérer de sa dette entre les mains de la société BATIDECOR, aucune faute ne pouvant lui être imputée dans la mesure où ce paiement est intervenu sur présentation par l'entrepreneur de sa facture datée du 16 février 2007 et en l'absence de toute opposition de M [D] [B], à réception du courrier du 30 mars 2007, l'informant du règlement à venir ;
Que dès lors, le paiement effectué était libératoire à l'égard du créancier cédant, qui sera débouté de l'intégralité de sa demande, la décision déférée étant infirmée ;
Considérant que M [D] [B] partie perdante sera condamné aux dépens de l'instance et, en équité, devra rembourser les frais irrépétibles de l'appelante dans la limite de 3000€ ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 5 décembre 2013 ;
Statuant à nouveau,
Déboute M [D] [B] de l'intégralité de ses demandes ;
Condamne M [D] [B] à payer à la MATMUT la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE