RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 10 Septembre 2015
(n° , 21 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05955
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2011 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section commerce - RG n° 08/07359
DEMANDEUR AU CONTREDIT
Monsieur [LM] [QC]
Chez Me Eric MOUTET
[Adresse 1]
[Adresse 4]
représentés par Me Eric MOUTET et par Me Katia BITTON, avocats au barreau de PARIS, toque : E1543
DEFENDERESSES AU CONTREDIT
SA COMILOG INTERNATIONAL
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 8]
[Adresse 2]
[Adresse 5]
représentée par Me Antoine VALÉRY, avocat au barreau de PARIS, toque : R180
SA COMILOG FRANCE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 8]
[Adresse 2]
[Adresse 5]
représentée par Me Antoine VALÉRY, avocat au barreau de PARIS, toque : R180
SARL COMILOG HOLDING prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 8]
[Adresse 2]
[Adresse 5]
représentée par Me Antoine VALÉRY, avocat au barreau de PARIS, toque : R180
COMPAGNIE MINIERE DE L'OGOOUE COMILOG
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 6]
[Adresse 7]
représentée par Me Justin TATY, avocat au barreau de LIBREVILLE
PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE
FEDERATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIERE DES CHEMINOTS
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Adresse 4]
représentée par Me William BOURDON, avocat au barreau de PARIS, toque : R143 substitué par Me Sandrine RICHER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0076
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Nicolas BONNAL, Président
Madame Martine CANTAT, Conseiller
Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
MINISTERE PUBLIC :
Représenté lors des débats par Madame Annabel ESCLAPEZ, avocat général, qui a fait connaître son avis
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .
**********
Statuant sur le contredit formé par M. [LM] [QC] contre un jugement rendu le 26 janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de PARIS qui, saisi par l'intéressé de demandes en paiement visant la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG et de demandes en production de diverses pièces visant les sociétés COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG FRANCE, demandes également formées en présence de la société COMILOG HOLDING, la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS intervenant volontairement aux débats, s'est déclaré territorialement incompétent, a renvoyé les parties à mieux se pourvoir et a condamné le demandeur aux dépens';
Vu le précédent arrêt rendu par cette chambre le 20 juin 2013, auquel il est expressément référé pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens et arguments des parties antérieurs, qui a':
- dit les juridictions françaises compétentes pour statuer sur la demande de M. [LM] [QC] dirigée contre les sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL,
évoquant du chef de cette demande,
- rejeté les moyens d'irrégularité de la procédure devant le conseil de prud'hommes, tirés de la litispendance et de l'autorité de la chose jugée,
- ordonné aux sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL de communiquer à M. [LM] [QC], pour chacune d'entre elles, leurs statuts, les procès-verbaux des réunions de leur conseil d'administration, les rapports des assemblées plénières ordinaires et extraordinaires, les rapports de gestion du conseil d'administration, les bilans consolidés et les conventions intergroupe, pour les années 1957 à 1960 et 1988 à 1993,
- renvoyé la cause et les parties à une audience ultérieure pour conclusions à la suite de cette communication de pièces,
- sursis à statuer sur le moyen d'incompétence opposé par la société COMILOG,
- sursis à statuer sur les autres demandes,
- réservé les dépens';
Vu l'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 28 janvier 2015 qui a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt du 20 juin 2013 par les sociétés COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, COMILOG INTERNATIONAL, COMILOG FRANCE et COMILOG HOLDING et condamné celles-ci aux dépens';
Vu les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience du 11 juin 2015 pour M. [LM] [QC], auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions du demandeur au contredit, qui sollicite de la cour qu'elle':
sur le contredit,
- réforme le jugement entrepris, constate l'irrecevabilité de l'exception pour défaut de mention de la juridiction estimée compétente et dise les juridictions françaises compétentes,
sur l'évocation,
- rejette l'ensemble des exceptions soulevées en défense,
- constate que le licenciement est intervenu le 23 octobre 1992,
- constate que les sociétés COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG FRANCE sont ses co-employeurs,
- condamne in solidum ces trois sociétés ou, si le co-emploi n'était pas reconnu, la seule société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG à lui payer les sommes, avec intérêts à compter de la saisine et capitalisation des dits intérêts, de':
- 14'141,97 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 686,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 686,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés,
- 343,17 euros à titre de prime de fin d'année,
- 16'472,08 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,
- 8'236 euros à titre de dommages et intérêts sur le préjudice moral distinct,
- 4'118,02 euros à titre de prime de départ à la retraite,
- 4'461 euros au titre du chômage technique,
- 10'295,05 euros à titre de prime spéciale de bonne séparation,
- 24'708,12 euros à titre de dommages et intérêts sur la perte de retraite,
- 3'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens';
Vu les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience pour la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de cette partie, qui demande à la cour de':
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- lui donner acte de son intervention volontaire au soutien des demandes formées par M. [LM] [QC],
- la déclarer recevable en la dite intervention volontaire,
- condamner solidairement les sociétés défenderesses à lui payer un euro à titre de dommages et intérêts,
- les condamner aux dépens';
Vu les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience pour les sociétés COMILOG INTERNATIONAL, COMILOG FRANCE et COMILOG HOLDING, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de ces défenderesses au contredit et à l'évocation, qui demandent à la cour de':
- dire que les sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL n'avaient pas la qualité de co-employeur de M. [LM] [QC],
- rejeter le contredit formé par ce dernier, et dire ses demandes irrecevables ou mal-fondées,
- constater le désistement de M. [LM] [QC] à l'égard de la société COMILOG HOLDING,
- condamner M. [LM] [QC] à leur payer à chacune un euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- dire l'intervention volontaire de la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS irrecevable,
- condamner cette fédération syndicale à leur payer à chacune un euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [LM] [QC] et la FÉDÉRATION FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS aux dépens';
Vu les conclusions transmises à la cour et soutenues à l'audience pour la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de cette autre défenderesse au contredit, qui demande à la cour de':
- constater que le litige relève de la seule compétence des juridictions congolaises du travail,
- constater qu'elle est une société de nationalité gabonaise et de droit gabonais,
- dire les juridictions françaises incompétentes pour statuer et renvoyer les parties à mieux se pourvoir,
- constater en tant que de besoin que le tribunal compétent est le tribunal du travail de POINTE-NOIRE (République du Congo),
- rejeter le contredit formé contre le jugement déféré,
subsidiairement,
- faire droit à l'exception de litispendance et à la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée,
plus subsidiairement, faisant application du droit congolais,
- dire irrecevables les justificatifs inexploitables et rejeter les demandes,
encore plus subsidiairement,
- surseoir à statuer sur les demandes jusqu'à production des justificatifs, en tant que de besoin, enjoindre au demandeur de les produire ou ordonner une expertise sur la situation du demandeur au regard des paiements effectués au Congo,
- dire irrecevable l'intervention volontaire de la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS,
- dire en tout état de cause irrecevables les demandes de cette fédération syndicale,
- condamner M. [LM] [QC] et la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS chacun à lui payer la contre-valeur en francs CFA au jour de l'arrêt d'un euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et les condamner aux dépens';
Vu les observations du ministère public soutenues à l'audience, tendant au rejet des demandes visant les sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL, et à l'incompétence sur les demandes formées à l'encontre de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG';
Vu la possibilité offerte aux parties à l'audience de reprendre la parole après les observations du ministère public';
SUR CE, LA COUR
Sur les faits constants et la procédure antérieure
Les faits ont été exposés dans l'arrêt du 20 juin 2013 susvisé.
Il suffira de rappeler que':
- la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG a été constituée en 1953 pour exploiter un gisement de manganèse situé à proximité de MOANDA au Gabon, le minerai étant ensuite transporté jusqu'au port de POINTE-NOIRE au Congo, par une ligne de chemin de fer, et ce à partir de 1962,
- les relations entre cette société, et les nouveaux États du Gabon et du Congo, ayant pris la suite des territoires du Gabon et du Moyen-Congo jusque là intégrés à l'Afrique équatoriale française, et ce dans le cadre de la Communauté instituée par la Constitution du 4 octobre 1958, puis ayant accédé à l'indépendance respectivement les 17 et 15 août 1960, ont été réglées par la convention relative à l'établissement et au fonctionnement de cette société dans les territoires du Gabon et du Congo, conclue entre elle, les gouvernements du Gabon et du Congo et le chef du groupe de territoires de l'Afrique équatoriale française, les 24 décembre 1958 et 26 et 27 février 1959, puis par le protocole des 3 et 9 juillet 1959, conclu entre la République du Gabon, la République du Congo et la société,
- M. [LM] [QC], de nationalité congolaise, a été engagé le 1er août 1962 par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG,
- à la suite d'un grave accident ferroviaire survenu sur la ligne de chemin de fer à MVOUNGOUTI, à proximité de POINTE-NOIRE, le 5 septembre 1991, dans lequel une locomotive de la COMILOG était impliquée, le ministre des transports de la République gabonaise a décidé, le 19 septembre suivant, de «'suspendre à partir d'aujourd'hui la desserte ferroviaire du Congo par COMILOG'»,
- dès le 28 août 1992, plusieurs salariés de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG ont saisi le tribunal du travail de POINTE-NOIRE, pour voir tirer les conséquences de l'absence de fourniture d'activité par leur employeur,
- la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG a annoncé à la République du Congo par lettres des 20 et 26 octobre 1992 sa décision «'d'arrêter le transit de ses minerais par la République du Congo'», précisant que «'la date de cessation totale de [ses] activités a[vait] été fixée au 31 octobre 1992,
- parallèlement, par lettres du 23 octobre 1992, elle a informé les divers salariés concernés, au nombre desquels, ainsi qu'il n'est pas contesté, M. [LM] [QC], de ce qu'au 31 octobre suivant, la société, «'dans l'impossibilité tant financière que technique de reprendre ses activités antérieures'», était «'contrainte de procéder au licenciement de son personnel'», chaque lettre annonçant le paiement d'indemnités de préavis et de licenciement, dont le règlement serait, compte tenu de sa situation financière, réparti sur cinq ans, avec un premier versement dans le courant du premier semestre 1993 et des intérêts de 8'%,
- par jugement du 16 juillet 1993, le tribunal du travail de POINTE-NOIRE, écartant l'exception d'incompétence territoriale soumise par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, a ordonné à celle-ci de conclure sur le fond, renvoyé l'affaire à cette fin et réservé les dépens,
- sur appel de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, la cour d'appel de POINTE-NOIRE, par arrêt en date du 21 septembre 1994, a déclaré l'appel irrecevable et renvoyé le dossier au tribunal du travail de POINTE-NOIRE pour qu'il soit jugé au fond,
- un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt, sur lequel la Cour suprême du Congo n'a pas encore statué,
- le 21 mai 2008, M. [LM] [QC] et 866 autres anciens salariés de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG ont saisi le conseil de prud'hommes de PARIS de la procédure dans le cadre de laquelle a été rendue la décision déférée.
Dans son précédent arrêt, la cour, accueillant de ce chef le contredit de M. [LM] [QC], a dit que les juridictions françaises étaient compétentes pour connaître des demandes de production de pièces qui étaient alors les seules réclamations formées par l'intéressé à l'encontre des sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL. Elle n'a pas statué sur l'existence d'une situation de co-emploi de M. [LM] [QC] par ces deux sociétés, d'une part, et par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, d'autre part.
Elle a relevé que les productions de pièces sollicitées étaient destinées à établir la réalité du co-emploi allégué, et ajouté qu'au cas où celui-ci serait établi, les juridictions françaises seraient également compétentes à l'égard de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, par application des dispositions de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile, étant rappelé que ce texte dispose que, «'s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit à son choix la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux'» et que cette règle s'étend à l'ordre international.
Certaines des pièces dont la production avait été ordonnée ont été produites pendant le cours du délibéré au terme duquel a été rendu l'arrêt du 20 juin 2013. Tout en critiquant le caractère incomplet de cette communication, M. [LM] [QC] ne sollicite plus aucune production de pièces mais forme maintenant des demandes en paiement fondées sur l'exécution et la rupture de son contrat de travail, in solidum contre les deux sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL, d'une part, et la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, d'autre part.
Il y a donc lieu d'examiner d'abord, à la fois dans le cadre de l'évocation décidée par l'arrêt susvisé à l'égard des deux sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL et pour statuer sur le contredit formé sur la question de la compétence des juridictions françaises à l'égard de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, l'existence ou non d'une situation de co-emploi de M. [LM] [QC] par ces trois sociétés.
Sur l'intervention volontaire de la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS
La déclaration d'irrecevabilité de l'intervention volontaire de cette fédération syndicale est sollicitée par les sociétés COMILOG FRANCE, COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG HOLDING, qui ne motivent pas cette fin de non-recevoir, et par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, qui discute des conditions d'application de l'article L'2132-3 du code du travail.
La présence de la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS à l'instance de contredit n'est l'objet d'aucune contestation, étant observé que cette fédération syndicale, qui n'a pas formé elle-même contredit, ne soumet à la cour à titre personnel aucune contestation sur la compétence, se contentant de demander qu'il lui soit donné acte de son intervention au soutien des demandes formées par M. [LM] [QC].
Aux termes de l'article L'2132-3 du code du travail, les syndicats peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
Il résulte des statuts de cette fédération syndicale, dont la dernière modification a fait l'objet d'une déclaration régulière à la mairie de son siège social, qu'elle est formée entre les syndicats des travailleurs des chemins de fer, et qu'elle adhère à la FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES OUVRIERS DU TRANSPORT, laquelle se propose elle-même, aux termes de ses statuts, d'«'aider les travailleurs et travailleuses du transport et des industries connexes à défendre et à favoriser leurs intérêts économiques, sociaux, professionnels, éducatifs et culturels'» et, à cette fin, d'établir et de maintenir «'des relations étroites entre les organisations syndicales de travailleurs et travailleuses des transports et secteurs connexes, et plus particulièrement entre ses affiliés et sur les plans nationaux et internationaux'».
Les difficultés rencontrées par un grand nombre de salariés du secteur des transports ferroviaires à faire valoir leurs droits à l'égard de leur employeur, à la suite de la cessation partielle d'activité de celui-ci consécutive à un grave accident de chemin de fer, sont susceptibles de porter un préjudice direct à l'intérêt collectif de la profession, peu important à cet égard que ces salariés soient de nationalité congolaise et aient été employésau Congo, dès lors qu'ils ont choisi de saisir une juridiction française.
L'intervention devant les premiers juges de la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS sera, en conséquence, déclarée recevable.
Sur la recevabilité de l'exception d'incompétence
M. [LM] [QC] soutient à tort que l'exception d'incompétence soulevée par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG serait irrecevable, au motif que, contrairement à ce qu'exige à peine d'irrecevabilité l'article 75 du code de procédure civile, cette société n'aurait pas fait connaître devant quelle juridiction elle demandait que l'affaire fût portée. Cette fin de non-recevoir, qui n'avait pas été opposée en première instance ni lors des débats qui ont donné lieu à l'arrêt du 20 juin 2013, est néanmoins recevable, dès lors que ce moyen de défense peut être proposé en tout état de cause, ainsi que l'autorise l'article 123 du même code.
Il résulte cependant du jugement frappé de contredit et des écritures développées devant les premiers juges que la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG qui, soutenant la compétence d'une juridiction étrangère, n'avait pas à désigner précisément la juridiction compétente, mais à indiquer seulement le ou les pays dont les juridictions étaient compétentes, a satisfait à cette obligation.
Sur la situation de la société COMILOG HOLDING
Si M. [LM] [QC] ne s'est pas expressément désisté à l'égard de la société COMILOG HOLDING, il ne forme pour autant aucune demande contre cette société.
Il ne saurait donc être fait droit à la demande de cette société tendant à se voir donner acte du désistement à son égard. Il sera cependant constaté qu'aucune demande n'est formée contre elle.
Sur le co-emploi
Ainsi qu'il résulte de ce qui précède, M. [LM] [QC] et la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG ont été unis par un contrat de travail. Il n'en est pas de même s'agissant des sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL, dont il n'est pas contesté, non seulement, qu'elles n'ont jamais conclu de contrat de travail avec M. [LM] [QC], mais aussi qu'elles n'ont jamais exercé directement à l'égard de ce dernier les prérogatives de l'employeur, et notamment le pouvoir de direction, de contrôle et de sanction constituant le lien de subordination caractéristique du contrat de travail.
Pour autant, la situation de co-emploi peut être caractérisée même en l'absence de lien de subordination, à la condition qu'il existe entre les sociétés concernées une confusion d'activité, d'intérêts et de direction et que la ou les sociétés qui n'exercent pas directement les pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction à l'égard du salarié s'immiscent à leur profit dans la gestion économique et sociale de la société qui les assume effectivement, en privant celle-ci de toute autonomie industrielle, commerciale et administrative, ce qui suppose que cette société soit leur filiale et que cette immixtion aille au delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre des sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer.
La dite immixtion doit être caractérisée pendant la période de l'exécution et de la rupture du contrat de travail au titre desquelles agit le salarié.
Il ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats que la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG aurait été la filiale des sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL ou de l'une de ces deux sociétés seulement.
Ainsi que l'observe lui-même M. [LM] [QC], il résulte au contraire des pièces produites relativement à la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE MINIÈRE «'SAMAF'» devenue COMILOG INTERNATIONAL que cette société détenait au mois de mai 1989 (procès-verbal des réunions du conseil d'administration des 10 novembre 1988 et 12 mai 1989) seulement 7,09'% du capital de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, participation ensuite portée à 10,01'% (procès-verbaux des réunions du conseil d'administration des 23 novembre 1989, 28 novembre 1990, 29 novembre 1991 et 2 décembre 1992), avant de redescendre à 5'% en 1993 (procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 17 janvier 1994).
Une telle participation maximale de 10'% pendant la période pertinente est inférieure au seuil de la moitié du capital qui, au sens de l'article L'233-1 du code de commerce, doit conduire à considérer qu'une société est la filiale d'une autre.
Il résulte même, à l'inverse, du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 9 décembre 1993 que l'entrée de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG au capital de la société SAMAF à hauteur de 44'500 actions sur un total de 105'000 a été agréée, et d'un procès-verbal en date du 7 novembre 2013 qu'à cette date, la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG était devenue l'associée unique de la société COMILOG INTERNATIONAL.
Il n'est pas soutenu par M. [LM] [QC] que la société COMILOG FRANCE, précédemment dénommée SOCIÉTÉ DU FERROMANGANÈSE DE PARIS-OUTREAU «'SFPO'», aurait détenu une portion du capital de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG.
Il résulte cependant du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la SFPO du 22 septembre 1989 qu'une prise de participation de cette société dans la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG à hauteur de 1'% de son capital a été approuvée. Une telle participation n'est pas davantage supérieure au seuil de l'article L'233-1 susvisé. La décision de céder cette participation a été prise lors de la réunion du conseil d'administration du 1er avril 1993.
Inversement, il résulte des procès-verbaux des réunions du conseil d'administration de la SFPO en date des 30 septembre 1988 (point 6) et 5 août 1993 (point III) que la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG était un des actionnaires de la société, les sociétés COMILOG FRANCE, COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG HOLDING n'étant pas contredites lorsqu'elles indiquent que cette participation s'élevait à 4,88'% du capital de la SFPO, M. [LM] [QC] soutenant même pour sa part qu'en 1992, cette participation s'élevait à 20'%. Il sera ajouté que, lors d'une réunion du conseil d'administration de la société SFPO en date du 10 décembre 1993, il a été évoqué la nécessité que «'COMILOG et SONADIG («'la partie gabonaise'») détiennent ensemble, directement, le contrôle du capital de la SFPO'».
La société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, dont le rôle dominant au sein du groupe résulte au contraire de ce qui précède, ne saurait donc être considérée comme ayant été, pendant la période litigieuse, une filiale ni de la SOCIÉTÉ DU FERROMANGANÈSE DE PARIS-OUTREAU «'SFPO'» devenue COMILOG FRANCE, ni de la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE MINIÈRE «'SAMAF'» devenue COMILOG INTERNATIONAL.
Il sera ajouté que M. [LM] [QC], qui allègue qu'il aurait existé entre ces trois sociétés une confusion d'activités, d'intérêts et de direction, ne soutient à aucun moment que les sociétés devenues COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL se seraient immiscées à leur profit dans la gestion économique et sociale de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, en privant celle-ci de toute autonomie industrielle, commerciale et administrative.
Aucune des pièces produites aux débats ne démontre en tout état de cause la réalité d'une telle immixtion.
Sont ainsi dénués de pertinence':
- les éléments relatifs aux dirigeants de ces différentes sociétés, dont l'identité partielle ne dépasse pas les liens unissant des sociétés appartenant à un même groupe,
- le fait que les réunions des conseils d'administration des sociétés SAMAF et SFPO aient eu lieu dans les locaux du principal établissement de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG en France,
- les relations commerciales existant entre la COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG et la société SFPO, celle-ci achetant le minerai produit par celle-là, étant au contraire observé qu'il résulte du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la SFPO du 1er avril 1993 (point V «'Approvisionnement en manganèse'») que les conditions de ces transactions semblaient imposées plus par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG que par la SFPO, et du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 27 septembre 1993 (point 3.3) qu'en diversifiant ses sources d'approvisionnement en minerai, notamment dans le cadre d'un projet de coopération avec la société sud-africaine SAMANCOR, la SFPO prenait grand soin de ne pas remettre en cause «'les principes d'approvisionnement en minerai gabonais en vigueur depuis de nombreuses années'».
Il en résulte que c'est en vain que M. [LM] [QC] soutient l'existence d'une situation de co-emploi à son égard, par son employeur effectif, la COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, et par les sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL.
Les demandes qu'il forme contre ces deux dernières sociétés seront donc rejetées.
Par voie de conséquence, la compétence des juridictions françaises pour connaître des demandes en tant qu'elles visent la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG ne saurait résulter des dispositions de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile.
Sur la nationalité de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG
Pour affirmer encore la compétence des juridictions françaises, M. [LM] [QC] invoque les dispositions de l'article 15 du code civil, aux termes desquelles «'un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger'», et soutient que la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG est française au sens de ce texte.
La nationalité d'une société résulte, en principe, de la localisation de son siège réel, défini comme le siège de sa direction effective et présumé par le siège statutaire. Pour l'application de l'article 15 susvisé relatif à la compétence juridictionnelle, elle s'apprécie au moment de l'engagement de la procédure judiciaire.
Ainsi qu'il résulte de ses statuts, le siège social de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG est fixé à MOANDA, au Gabon. Cette société est inscrite au registre du commerce de FRANCEVILLE (Gabon). Il n'est pas même soutenu que le siège de sa direction effective serait situé en France, ce qu'aucune des pièces produites aux débats ne vient suggérer.
C'est en vain que M. [LM] [QC] fait valoir le fait qu'à la création de la société, celle-ci, située dans un territoire placé sous souveraineté française, était une société de droit français, régie par les règles particulières à l'Afrique équatoriale française.
Une convention a été conclue le 22 avril 1953, au moment de la création de la société, entre les cofondateurs de celle-ci et le gouverneur général de Afrique équatoriale française, réglant «'les conditions d'exercice des droits de recherche et, éventuellement, d'exploitation de mines susceptibles d'être attribuées'» à la dite société, convention soumettant notamment toute modification des statuts de la dite société à l'approbation du gouverneur général.
Ainsi qu'il a été déjà dit, une convention relative à l'établissement et au fonctionnement de la société dans les territoires du Gabon et du Congo a été conclue entre elle, les gouvernements du Gabon et du Congo et le chef du groupe de territoires de l'Afrique équatoriale française, les 24 décembre 1958 et 26 et 27 février 1959, convention qui garantissait à la société, en cas d'intervention de modifications législatives ou réglementaires en matière de concession minière et de droit des sociétés, le bénéfice des dispositions antérieures, et qui stipulait également que les éventuelles transformations constitutionnelles à venir «'ne modifier[aient] pas la consistance des droits et obligations de COMILOG telles qu'elles résult[ai]ent des actes législatifs et réglementaires, des délibérations et des conventions'» précédemment énumérés, à savoir des textes antérieurs à l'accession à l'autonomie dans le cadre de la Communauté des territoires du Gabon et du Congo.
Le protocole d'accord ultérieurement conclu les 3 et 9 juillet 1959 entre la République du Gabon, la République du Congo et la société a pour l'essentiel transféré à la République du Gabon les prérogatives précédemment dévolues au gouverneur général de l'Afrique équatoriale française à l'égard de la société.
Il résulte de ce qui précède que, si la société a été créée sur un territoire alors français, et si des accords sont ensuite intervenus pour lui garantir, au moment où le Gabon a accédé au statut d'entité autonome au sein de la Communauté, le maintien de certains aspects du droit qui lui était précédemment applicable, aucune disposition spécifique n'a été prise pour garantir, au moment où cette République a accédé à une indépendance pleine et entière, un statut dérogatoire à la société, dont le siège est demeuré en territoire gabonais, où elle a continué à exercer son activité et depuis lequel elle est restée effectivement dirigée.
En tout état de cause, lors de l'indépendance du Gabon, le droit français précédemment applicable a été incorporé au droit gabonais dont il est devenu partie intégrante.
Contrairement à ce que soutient M. [LM] [QC], ce régime particulier n'a donc pas eu pour effet de faire obstacle à la règle générale rappelée ci-dessus, qui fait dépendre la nationalité d'une société du lieu de son siège.
Il sera ajouté que, si les statuts de la société ont fait référence au droit de l'Afrique équatoriale française (lequel, ainsi qu'il vient d'être dit, était devenu le droit gabonais), y compris dans leur version adoptée en 1995, tel n'est plus le cas depuis l'entrée en vigueur au Gabon de l'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales pris dans le cadre de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), ainsi qu'il résulte de la production des statuts mis à jour suite à l'assemblée générale mixte du 13 juin 2002. Il résulte en tout état de cause d'une note d'information sur une augmentation de capital par souscriptions reçues du 10 au 22 novembre 1975, note émise par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, que celle-ci se présentait bien, déjà en 1975, comme une «'société anonyme par actions, régie par la législation gabonaise'».
Il doit donc être considéré que, régie par le droit gabonais et ayant son siège au Gabon, la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG est une société de nationalité gabonaise.
La compétence des juridictions françaises ne saurait donc être acquise au bénéfice de l'article 15 du code civil.
Sur le déni de justice
Ainsi qu'il résulte du principe d'accès à la justice, notamment consacré par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et découlant également de l'article 4 du code civil, l'impossibilité pour une partie étrangère d'accéder au juge national naturellement chargé de se prononcer sur sa prétention, et donc d'exercer un droit qui relève de l'ordre public international, constitue un déni de justice qui fonde la compétence de la juridiction française lorsqu'il existe un rattachement avec la France.
M. [LM] [QC] estime le déni de justice caractérisé au motif que la procédure engagée au mois d'août 1992 devant le tribunal du travail de POINTE-NOIRE n'a pas encore donné lieu à une décision au fond. Il invoque également l'impossibilité que cette procédure ou une autre aboutisse en raison de l'intervention d'un protocole d'accord «'pour la reprise du transport sur le territoire congolais du minerai de la COMILOG entre le Gouvernement de la République gabonaise et le Gouvernement de la République du Congo'», et d'un protocole d'accord conclu à LIBREVILLE le 19 (en fait le 20) juillet 2003 entre la République gabonaise, la COMILOG et la République du Congo relatif au règlement définitif du contentieux lié à la cessation des activités de la COMILOG au Congo.
M. [LM] [QC] ne produit pas la requête introductive de l'instance ouverte devant le tribunal du travail de POINTE-NOIRE. La société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG produit, pour sa part, la décision du président de cette juridiction, rendue le 7 septembre 1992, sur «'la requête introduite par Mr ou Mme [NS] et autres c/ COMILOG'», faisant citer le directeur de cette société à l'audience du 16 septembre suivant, et des listes de noms suivies, ou non, d'un matricule et d'un émargement, qu'elle présente, sans être contredite, comme les listes des auteurs de la dite requête.
Il résulte de l'examen de ces listes et spécialement de celle intitulée «'liste agents de service MI MAKABANA'» (pièce n° 19 de la société) que M. [LM] [QC] y figure, sous le numéro d'ordre 87, et que son nom est suivi de la mention de son matricule (1595) et de sa signature. Il est donc démontré que l'intéressé a saisi la justice congolaise du litige l'opposant à son employeur.
Or, il résulte des pièces produites que cette procédure, introduite par requête du 28 août 1992, n'a pas encore abouti à une décision au fond. Ainsi qu'il a été dit plus haut, le tribunal du travail de POINTE-NOIRE a rendu le 16 juillet 1993 un jugement écartant l'exception d'incompétence territoriale soumise par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG au profit du tribunal de DOLISIE, ordonnant à celle-ci de conclure sur le fond et renvoyant l'affaire à cette fin. La cour d'appel de POINTE-NOIRE a, par arrêt du 21 septembre 1994, déclaré irrecevable l'appel formé par la société et renvoyé le dossier au tribunal du travail de POINTE-NOIRE pour qu'il soit jugé au fond.
Un pourvoi a été formé contre cet arrêt, le 30 octobre 1995, sur lequel il n'a pas été statué à ce jour.
La société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG produit relativement à la procédure devant la Cour suprême de la République du Congo, saisie de ce pourvoi':
- un «'certificat de dépôt d'une requête et de reconstitution'» en date du 6 mars 2009, par lequel le greffier en chef fait état de ce que, «'suite aux événements du 5 juin 1997 qui ont eu lieu à BRAZZAVILLE, ce dossier n'a pas été retrouvé après cette guerre dans nos bureaux, est reconstitué ce jour 6 mars 2009'»,
- une ordonnance de désignation d'un juge rapporteur prise par le premier président le 5 mai 2009,
- une notification effectuée le 18 mai 2009 à «'[NS] [JG] et autres'» sous couvert de leur avocat, par le dit juge rapporteur, de «'la requête de pourvoi en cassation formée par vous'» et du fait que ce pourvoi «'est assorti d'une requête spéciale aux fins de sursis à exécution'», étant observé qu'il n'est pas sérieusement contesté, malgré les termes de ce document, que le pourvoi en cassation n'a pas été formé par les requérants initiaux, mais bien par la société COMILOG,
- une ordonnance de désignation d'un autre juge rapporteur prise par le premier président le 21 mars 2014,
- une nouvelle notification du pourvoi, cette fois exactement présenté comme formé par la société COMILOG, pourvoi dont il est à nouveau précisé qu'il est assorti d'une requête aux fins de sursis à exécution, cette notification comme la précédente mentionnant le délai de deux mois pour déposer un mémoire en défense.
Ainsi que le fait justement observer la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, il n'appartient pas au juge français de suspecter a priori la compétence et l'impartialité d'un juge étranger, de sorte qu'il est indifférent de rechercher si les délais devant la Cour suprême sont la conséquence des événements qu'a connus le Congo à partir de 1997, ou de l'inertie de telle ou telle partie, ou encore de déficiences imputables à l'administration de la justice.
Il doit en revanche être constaté que, près de vingt après le dépôt du pourvoi, il ne résulte d'aucun des éléments produits aux débats à quelle date il pourrait être statué sur cette voie de recours, étant rappelé qu'elle a été formée contre un arrêt qui a déclaré un appel irrecevable et renvoyé l'affaire au juge de première instance, qui n'avait jusque là que tranché une exception d'incompétence, afin que se tiennent les débats au fond.
La cour constate que la date à laquelle la requête déposée le 18 août 1992 par M. [LM] [QC] pourra être examinée reste donc à ce jour encore indéterminée, et qu'une telle situation, contraire au principe selon lequel la justice doit être rendue dans un délai raisonnable, caractérise à l'évidence un déni de justice, sans même qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens tirés des protocoles dont se prévaut encore l'intéressé.
Ce dernier fait valoir qu'il existe entre le litige faisant l'objet d'un déni de justice et la France un lien de rattachement suffisant.
Un tel lien doit s'apprécier au moment de la saisine des juridictions françaises, de sorte que les développements sur l'histoire de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG sont inopérants.
Il résulte, en revanche, des pièces produites par M. [LM] [QC] (article publié dans RÉALITÉS INDUSTRIELLES en août 2008 et extrait du site internet accessible à l'adresse www.eramet.com, impression du 8 avril 2013), que la dite société COMILOG a désormais pour principal actionnaire, à hauteur de 63,71'% de son capital, et notamment aux côtés de l'État gabonais, la société française ERAMET, dont elle est donc devenue une filiale, au sens de l'article L'233-1 susvisé du code de commerce.
Il en résulte que M. [LM] [QC] pouvait saisir, pour faire échec au déni de justice dont il est l'objet au Congo, la juridiction du travail française.
M. [LM] [QC] sera en conséquence accueilli en son contredit. Le jugement déféré sera infirmé et le conseil de prud'hommes de PARIS déclaré compétent.
Sur l'évocation
Il y a lieu pour la cour d'évoquer l'affaire, dans l'intérêt d'une bonne justice, au sens de l'article 89 du code de procédure civile, compte tenu de l'ancienneté du litige, et ainsi qu'aucune partie ne le conteste.
Sur l'exception de litispendance
Si, dans son arrêt du 20 juin 2013 susvisé, la cour a rejeté cette exception, c'est au titre de l'évocation sur les demandes visant les sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL, de sorte qu'il y a lieu de statuer à nouveau sur cette exception en tant qu'elle est présentée par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG et dès lors, de surcroît, qu'elle se présente dans des conditions différentes, puisque le litige ne se poursuit plus qu'à l'encontre de cette dernière société.
C'est en vain que celle-ci invoque les dispositions de l'article 100 du code de procédure civile, aux termes desquelles, «'si le même litige est pendant devant deux juridictions du même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande'».
Outre qu'il résulte des pièces produites que cette cour et la juridiction présentement saisie au Congo ne sont pas du même degré, il sera observé que cette cour ne tient sa compétence que de ce qu'elle a estimé, ainsi qu'il a été dit plus haut, que le déroulement de la procédure en cours au Congo caractérisait un déni de justice, de sorte qu'aucune exception de litispendance avec une telle procédure ne saurait être accueillie.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée
Pour les mêmes raisons que ci-dessus, la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG peut soumettre à nouveau à cette cour la fin de non-recevoir par laquelle elle oppose l'autorité de la chose jugée sur la compétence par le tribunal du travail de POINTE-NOIRE et la cour d'appel de cette ville, mais son argumentation est, également pour les mêmes raisons que ci-dessus, dénuée de pertinence, dès lors que la décision prise par le tribunal du travail sur la compétence territoriale entre les juridictions de POINTE-NOIRE et de DOLISIE n'est pas susceptible de remettre en cause la compétence des juridictions françaises résultant du déni de justice précisément caractérisé par le fait qu'il n'a toujours pas été statué sur le recours intenté contre l'arrêt de la cour d'appel déclarant irrecevable l'appel formé contre cette décision statuant sur la compétence.
Cette fin de non-recevoir sera également rejetée.
Sur les demandes présentées par M. [LM] [QC]
Ainsi qu'en conviennent les parties, le droit congolais est applicable à un contrat de travail conclu au Congo entre un salarié de nationalité congolaise, qui a accompli habituellement son travail dans ce pays, et une société de nationalité gabonaise.
Le code du travail et le code de la sécurité sociale auxquels il est ci-dessous fait référence sont en conséquence les codes congolais. Il en est de même de la convention collective dont il est fait application.
Les parties et la cour font par ailleurs application au litige du code civil français, dès lors qu'à l'exception de sa partie remplacée par le code congolais de la famille du 17 octobre 1984, qui ne concerne pas les présentes demandes, le code civil français est applicable au Congo dans sa version de 1960.
- Sur les pièces produites
Pour établir sa situation personnelle, M. [LM] [QC] produit'd'abord une liste des agents de COMILOG (Congo) comportant, sous le numéro d'ordre 235, outre son nom et son prénom, ses fonctions d'agent d'exécution, son lieu de travail (MAKABANA), sa date d'embauche (1er août 1972, cette mention étant erronée, ainsi qu'il résulte de ce qui suit), sa date de licenciement (31 octobre 1992), sa date de retraite (1er janvier 1998), son salaire mensuel (112'821 francs CFA), et des montants renseignant les diverses rubriques correspondant à ses demandes, y compris le doublement du total au titre de la dévaluation du franc CFA. Ce document a été établi, ainsi qu'il n'est pas contesté, pour les besoins de la présente procédure et n'a en lui-même aucune valeur probante.
Il produit également':
- une liste alphabétique des agents au 31 octobre 1992, établie le 27 octobre précédent, émanant du service paie, sur laquelle figure, outre son nom et son prénom, son matricule, et les indications codées de direction, section et catégorie,
- plusieurs contrats de travail, bulletins de paie, attestations concernant d'autres employés, soit, pour s'en tenir à ceux pour lesquels sont produits des documents émanant de l'employeur, Mme [SI] [CK] et MM. [EQ] [VT], [G] [AG] [PB], [TN] [CI], [VX] [AD], [ZI] [IB], [US] [RH], [HA] [LQ], [G] [J], [ZI] [ES], [BH] [EU], [MR] [TN] [WY], [KL] [FV] et [RD] [UO],
- deux grilles des salaires de la COMILOG au Congo au 1er janvier 1985 par catégorie, pour les agents d'exécution et pour l'encadrement,
- une liste du personnel d'exécution établie au 24 avril 1991, mentionnant outre le nom et le prénom, le matricule, la section, le code et le libellé de l'emploi, la catégorie, ainsi que les dates d'embauche et de naissance, cette liste précisant que M. [LM] [QC] a été engagé, comme il le mentionne dans ses conclusions, le 1er août 1962, et non pas le 1er août 1972 selon la retranscription erronée faite sur le document susvisé établi pour les besoins de la procédure.
Les bulletins de paie, attestations et contrats versés aux débats sont concordants avec les informations contenues, pour chacune des personnes concernées, sur les diverses listes. Spécialement, les catégories et les salaires mentionnés sur les bulletins de paie, cohérents avec les grilles de salaires produites, sont exactement retranscrits sur le document récapitulatif de la situation de M. [LM] [QC] et des 866 autres salariés ayant agi parallèlement à lui.
Ces documents sont par ailleurs lisibles, contrairement à ce que soutient la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG. Tout au plus, doit-il être constaté que manque la page 13 du document constituant la pièce n° 27 (liste du personnel d'exécution au 24 avril 1991), page qui comporte les informations concernant les salariés de la direction «'chemin de fer Congo'» situés par ordre alphabétique entre M. [VX] [OX] (dernier salarié figurant en page 12) et M. [NW] [IF] (premier salarié figurant en page 14), de sorte que MM. [US] [RH] et [ZI] [IB], dont les bulletins de paie sont par ailleurs produits, ne figurent pas sur cette pièce.
Les diverses informations que ces documents mentionnent sont cohérentes entre elles et cohérentes avec le contenu des contrats de travail, bulletins de paie ou attestations émanant de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG et dont l'origine ne peut être utilement contestée par elle.
Il sera seulement précisé, à cet égard, que les contrats produits de deux cadres, MM. [VX] [AD] et [TN] [CI], mentionnent une date d'embauche plus récente que celle figurant sur la pièce n° 27 de la société, de sorte qu'il peut être supposé que ces deux salariés avaient précédemment été employés, mais au titre d'une autre catégorie professionnelle, par la société.
Il en résulte que les deux listes et les grilles de salaires produites émanent effectivement de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, ainsi que M. [LM] [QC] le soutient à juste titre.
Cette société, qui ne conteste en détail aucune de ces pièces, se contente d'affirmer que son ancien salarié ne justifie pas des sommes qu'il réclame, dès lors qu'il se borne «'à produire quelques pièces dont des tableaux Excel pour la plupart inexploitables'», et d'en déduire qu'elle est «'dans l'impossibilité absolue de vérifier non seulement le quantum mais le principe même des sommes réclamées'», et ce sans soutenir à aucun moment pour autant qu'elle n'aurait pas conservé tous ses registres et archives relatifs à cette période, qu'en sa qualité d'employeur, elle se doit de toujours détenir, et ce d'autant plus que la situation de ses anciens salariés au Congo après l'accident du 5 septembre 1991 a donné lieu dans les mois et les années qui ont suivi à des procédures judiciaires et à diverses tentatives administratives, politiques et diplomatiques de règlement, auxquelles elle n'a cessé de participer.
Dans ces conditions, quoique M. [LM] [QC] ne produise ni contrat de travail ni bulletin de paie, les informations le concernant figurant dans les listes émanant de la société (son emploi de soudeur, sa catégorie d'agent d'exécution A061, sa date d'embauche au 1er août 1962, sa date de naissance, soit le 11 janvier 1949, sa date de licenciement, soit le 31 octobre 1992) et le salaire mensuel dont il se prévaut, soit 112'821 francs CFA, exactement conforme à la grille de salaire de la société pour sa catégorie, ne sont pas utilement contestées.
La société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG fait encore valoir un «'rapport de mission relatif au paiement des droits conventionnels des ex-travailleurs de COMILOG'», dont elle produit la première page, document non daté, dont elle indique qu'il date du 12 septembre 2008, qui fait état de 120 «'travailleurs payés'» à hauteur d'un total de 133'296'063 francs CFA (sa pièce n° 68) et une «'fiche relative à la situation des ex-travailleurs de la COMILOG'» émanant de la «'cellule technique chargée du paiement des droits des ex-travailleurs de la COMILOG'», datée du 23 février 2011, de laquelle il résulte que 339 travailleurs ont été indemnisés pour un montant total de 452'407'639 francs CFA (sa pièce n° 67).
Tout en reconnaissant qu'elle ignore si le demandeur fait partie des bénéficiaires de ces règlements, elle soutient que ces documents «'laissent à tout le moins planer le doute sur le bien-fondé des demandes'».
Il résulte des pièces produites aux débats que, par un protocole du 20 juillet 2003, la République du Congo a repris «'à son compte les obligations résultant des activités de la COMILOG en République du Congo à la date de [sa] signature [...], notamment droits des travailleurs, indemnisations des victimes, sécurité sociale et charges patronales'», et ce après que la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG se fut engagée à lui payer la somme de 1'200'000'000 francs CFA, et à lui abandonner tout son patrimoine en République du Congo, que la somme convenue a été payée par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG par chèque du 10 juin 2005 à l'ordre de la République du Congo, que ce chèque n'ayant pas encore été encaissé le 19 octobre 2006, un nouveau règlement a été effectué le 21 novembre 2007, et qu'une commission a ensuite été mise en place pour distribuer cette somme aux salariés concernés.
Dans ces conditions, dès lors que les paiements qu'évoque la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG auraient été effectués pour son compte par la République du Congo, et étant rappelé qu'il appartient à celui qui se prétend libéré d'une obligation de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de la dite obligation, c'est à cette société d'établir que M. [LM] [QC] aurait reçu une quelconque somme et de préciser à quel titre, ce qu'elle manque à faire.
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la demande de sursis à statuer, dans l'attente de la production par le salarié de plus amples justificatifs, et la demande tendant à la désignation d'un expert doivent être rejetées, ces mesures d'instruction étant inutiles, étant rappelé qu'aux termes de l'article 146 du code de procédure civile, «'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve'».
- Sur les demandes
M. [LM] [QC] se prévaut de la dévaluation de moitié du franc CFA, intervenue le 11 janvier 1994, pour obtenir le doublement des indemnités qu'il sollicite. La société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG réplique à juste titre que les parties se situant toutes dans la zone monétaire CFA, la dévaluation n'a pas d'effet dans leurs rapports respectifs.
Prononcées par une juridiction française, les condamnations qui suivent le seront en euros, sur la base du taux de change non contesté de 0,001520853092 euro pour un franc CFA, le salaire mensuel de référence s'élevant donc à la somme de 171,58 euros.
Il n'est pas contesté que la convention collective des mines, de recherches et productions pétrolières et assimilées du 30 septembre 1973 est applicable aux relations contractuelles.
- Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
L'article 20 de la convention collective applicable prévoit que cette indemnité, à laquelle a droit le travailleur qui a une durée de service dans l'entreprise égale à deux années, «'est représentée, pour chaque année de présence accomplie dans l'entreprise, par un pourcentage déterminé du salaire global mensuel moyen des douze mois d'activité qui ont précédé la date du licenciement'», soit 30'% pour les cinq premières années, 37'% de la sixième à la dixième année, 55'% de la onzième à la quinzième année et 65'% à partir de la seizième année, étant observé que s'il est prévu également qu'il doit être tenu compte des fractions d'année, aucune demande n'est formée à ce titre.
Il en résulte qu'est due à ce titre à M. [LM] [QC] la somme de 2'719,61 euros.
Ce salarié se prévaut à juste titre de l'engagement pris par l'employeur dans la lettre de licenciement d'assortir le paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement d'un intérêt annuel de 8'% à compter du début de l'année 1993, le paiement de cet intérêt, jusqu'en 2013 dans les limites de la demande, étant ordonné.
- Sur l'indemnité de préavis
En application de l'article 41 du code du travail et de l'article 19 de la convention collective, le salarié ouvrier ou employé qui n'a pas, comme au cas présent, bénéficié du préavis de deux mois prévu par ces textes, a droit à une indemnité compensatrice égale à la rémunération qu'il aurait perçue, soit, pour deux mois de salaire, la somme de 343,17 euros.
- Sur l'indemnité compensatrice de congés payés
Il n'est pas contesté que le salarié n'a pu exercer le droit à congé payé légal de 26 jours ouvrables par an (article 119 du code du travail), outre les 10 jours supplémentaires après 25 ans de présence dans l'entreprise prévus par l'article 40 de la convention collective, à partir du 5 septembre 1991, et qu'en application de l'article 120, alinéa 4, du code du travail, est due une indemnité compensatrice aux lieu et place du congé qui n'a pu être pris, soit la somme dont le mode de calcul n'est pas contesté de 343,17 euros.
- Sur la prime de fin d'année
Contrairement à ce que soutient la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, l'article 50 de la convention collective («'aux appointements visés à l'article 44 s'ajoutent éventuellement les primes ci-après'») ne laisse pas le versement d'une prime de fin d'année à la discrétion de l'employeur, le recours à l'adverbe éventuellement renvoyant au fait que son versement dépend de la réunion des conditions stipulées, à savoir la présence de l'agent pendant toute une année, du 1er janvier au 31 décembre, la seule latitude offerte à l'employeur étant de verser également cette prime au prorata des mois de service de l'année considérée. La note de service sur l'octroi en 1973 d'une telle prime de fin d'année rappelle les conditions conventionnelles en cas d'année entière, et prévoit une prime au prorata dont l'octroi est laissé à la discrétion du directeur des exploitations.
Le salarié ayant, compte tenu de la période de préavis, travaillé toute l'année 1992, la prime est due à hauteur de la somme d'un mois de salaire, soit 171,58 euros.
- Sur l'indemnité pour licenciement abusif
L'article 42 du code du travail dispose que «'sont réputés abusifs les licenciements effectués sans motif légitime'», que «'la preuve de l'existence d'un motif légitime incombe à l'employeur'» et que «'la décision de la juridiction compétente indique expressément le motif allégué par la partie qui aura rompu le contrat'».
La lettre de licenciement du 23 octobre 1992 est ainsi rédigée':
«'Suite à l'accident du 05/09/1991 à MVOUNGOUTI, les activités de COMILOG au Congo ont été interrompues sur instructions du Gouvernement Gabonais.
Depuis cette date, et en dépit de la conjoncture internationale, COMILOG a mis en 'uvre une série de mesures visant à préserver l'essentiel de son action sociale, espérant ainsi un aboutissement dans des délais raisonnables des discussions sur les possibilités de reprises.
Malgré les nombreuses démarches, COMILOG est restée longtemps sans réponse des autorités congolaises. Au 31 octobre 1992, la société se trouvera dans l'impossibilité tant financière que technique de reprendre ses activités antérieures, et se voit contrainte de procéder au licenciement de son personnel'».
La société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG se prévaut de la décision déjà mentionnée prise le 19 septembre 1991 par le ministre des transports du Gabon, qui énonce, après avoir rappelé les circonstances de l'accident, soit un choc frontal entre un train de marchandises, composé d'une locomotive de la COMILOG et de wagons du chemin de fer Congo-Océan (CFCO) propriétés de la partie congolaise, et suggéré que l'état ou le chargement excessif des dits wagons pouvaient être responsables de l'accident':
«'Sans attendre les conclusions de l'enquête, certaines personnalités congolaises, notamment mon collègue des transports, essayent par tous les moyens de rendre d'ores et déjà COMILOG responsable de cet accident et de désigner le Gabon à la vindicte populaire du Congo'»,
et conclut':
«'Devant cette attitude, je décide, en tant que ministre des transports du Gabon, de suspendre à partir d'aujourd'hui la desserte ferroviaire du Congo par COMILOG jusqu'à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire'».
Il est également établi que les salariés ont été mis au chômage technique, avec les autorisations administratives nécessaires (pièce n° 3 du salarié, page 33).
M. [LM] [QC] oppose en vain à ces éléments les conclusions d'une commission d'enquête nommée le 19 octobre 2000 par le ministre du travail et de la sécurité sociale du Congo, conclusions qu'il ne produit que partiellement (mais qui sont intégralement produites par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG) et aux termes desquelles «'les raisons de la cessation définitive des activités de COMILOG au Congo'» sont à chercher ailleurs que dans la décision du ministre gabonais des transports -'lequel, en tout état de cause, «'devait s'abstenir de donner des injonctions à la direction de COMILOG'», qui «'était en droit de refuser d'obtempérer aux ordres des autorités gabonaises'»'-, et sont en réalité «'notamment liées à la nécessité de rentabiliser très rapidement le chemin de fer Transgabonais et le port minéralier d'Owendo mis en service depuis 1988'».
Il résulte, en effet, des pièces produites que l'accident du 5 septembre 1991 et la cessation subséquente des activités de COMILOG au Congo ont occasionné un différend durable entre le Gabon et le Congo, ce qu'illustre le fait qu'un projet de protocole d'accord entre les deux gouvernements qui prévoyait la reprise de l'évacuation du minerai de MOANDA par le Congo, versé aux débats par le salarié, n'a pu être finalement adopté, de sorte que les conclusions de cette commission d'enquête congolaise doivent être prises avec prudence.
Si M. [LM] [QC] fait encore observer, avec la dite commission d'enquête, que la convention relative à l'établissement et au fonctionnement de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG dans les territoires du Gabon et du Congo, conclue entre cette société, les gouvernements du Gabon et du Congo et le chef du groupe de territoires de l'Afrique équatoriale française, les 24 décembre 1958 et 26 et 27 février 1959, garantissait le droit de COMILOG à «'faire gérer sans intervention des [deux États] son exploitation et ses intérêts par les représentants librement désignés par ses actionnaires'», il ne peut être suivi, pas davantage que la commission d'enquête, lorsqu'ils en déduisent que la décision ministérielle gabonaise était irrégulière et que la société aurait dû ne pas la respecter.
Dans ces conditions, la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG démontre que sa décision de licencier M. [LM] [QC] était fondée sur un motif légitime, de sorte que la demande en dommages et intérêts fondée sur les dispositions de l'article 42 du code du travail, qui prévoit la réparation du préjudice causé en cas de licenciement abusif, sera rejetée.
- Sur l'indemnité pour le préjudice moral distinct
Il résulte de ce qui précède et n'est pas sérieusement contestable que le non-paiement immédiat, par l'employeur, des indemnités dues en cas de licenciement, et l'inaction subséquente de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG pendant de très nombreuses années a causé au salarié un préjudice moral distinct de celui lié au seul retard, qui sera justement réparé par la condamnation de cette société à payer à M. [LM] [QC], qui avait travaillé pendant plus de trente années pour la société, la somme de 5'147,40 euros, soit trente mois de salaire.
- Sur la prime de départ à la retraite
C'est à juste titre que la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG fait observer que la prime de douze mois de salaire qu'elle s'était engagée, ainsi qu'il résulte de la «'synthèse de la réunion de concertation CSC/direction COMILOG'» qui s'était tenue à POINTE-NOIRE le 16 octobre 1988, à payer aux salariés partant à la retraite de façon anticipée pendant l'année 1992, ne saurait être due au salarié, qui loin de partir à la retraite, a fait l'objet d'un licenciement.
Cette demande sera rejetée.
- Sur le chômage technique
Le salarié développe, pour soutenir que le chômage technique qui lui a été imposé l'aurait été dans des conditions non conformes à l'article 47-9 du code du travail -'qui autorise le recours à une telle mesure en cas d' «'impossibilité matérielle dans laquelle se trouve l'employeur de fournir du travail dans tout ou partie de l'entreprise'», en raison notamment «'d'un événement de force majeure ou du fait du prince, [...] d'un sinistre, d'un incendie, ou de toutes circonstances à caractère exceptionnel'»'-, la même argumentation qu'au soutien du caractère abusif de son licenciement, portant sur l'irrégularité de la décision du ministre gabonais des transports du 19 septembre 1991.
Pour les mêmes raisons que ci-dessus, cette argumentation ne saurait être suivie. Il sera constaté que cette décision ministérielle s'imposait à la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, de droit gabonais, et l'a mise dans l'impossibilité matérielle de fournir du travail aux salariés qu'elle employait au Congo.
La demande au titre du chômage technique sera, en conséquence, rejetée.
- Sur la prime spéciale de bonne séparation
Lors de la réunion déjà évoquée du 16 octobre 1988, dont un procès-verbal régulièrement signé de toutes les parties est produit, la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG s'était engagée à allouer aux travailleurs qui feraient l'objet d'un licenciement économique une indemnité spéciale équivalant à un mois de salaire par année d'ancienneté dans l'entreprise.
La société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG, qui se contente de faire valoir qu'une telle indemnité n'est pas prévue par le code du travail, ne saurait dénier avoir pris cet engagement, lequel était sans limitation de durée, et ne conteste pas que le licenciement du salarié doit être assimilé, au sens de cet accord, à un licenciement économique.
Il sera donc fait droit à la demande formée à hauteur de la somme de 5'147,40 euros, soit trente mois de salaire.
- Sur les dommages et intérêts sur la perte de retraite
M. [LM] [QC] fait valoir sans être contredit que la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG ne lui a pas délivré le certificat de travail qu'il incombe à l'employeur de remettre à son travailleur à l'expiration du contrat de travail, en application des dispositions de l'article 46 du code du travail.
La lettre de licenciement annonçait la remise du dit certificat lorsqu'un décompte définitif serait établi et l'employeur n'allègue pas même qu'il aurait ni payé les sommes qu'il promettait dans cette même lettre à titre d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement (précisant toutefois que sa situation financière ne lui permettait pas de les acquitter immédiatement mais seulement de les répartir sur cinq ans, avec un premier versement devant intervenir dans le courant du premier semestre de 1993), ni établi le décompte définitif comprenant également l'indemnité compensatrice de congés payés et la «'gratification prorata temporis'», qu'il annonçait, ni enfin remis le certificat de travail.
L'article 150 du code de la sécurité sociale du Congo dispose que le montant de la pension de vieillesse «'est fixé en fonction de la moyenne mensuelle des rémunérations des 36 ou 60 meilleurs mois contenus dans les 10 dernières années précédant la date d'admissibilité à la pension'», et que son montant mensuel «'est égal à 40 pour cent de la rémunération mensuelle moyenne'», ce pourcentage étant «'majoré de 2'% pour chaque période d'assurance ou assimilée de douze mois au-delà de deux cent quarante mois'». L'article 145 du même code fixe à 55 ans l'âge auquel l'assuré a droit à une pension de vieillesse, âge pouvant être ramené à 50 ans en cas d'inaptitude à exercer une activité salariée.
Il résulte des pièces produites que le salarié avait au moment de son licenciement travaillé plus de deux cent quarante mois, de sorte que la cour ne peut suivre le calcul proposé pour la fixation des dommages et intérêts sollicités, à savoir 40'% de douze fois le salaire mensuel multiplié par le nombre d'années de retraite du salarié jusqu'à 2013. Il n'est par ailleurs produit aucun document sur la situation du salarié au regard de la perception d'une pension de vieillesse, et M. [LM] [QC], qui n'invoque aucune règle ou circonstance particulière de nature à lui permettre de prendre sa retraite avant 55 ans, ne justifie pas de l'exactitude de la date de retraite prévue au 1er janvier 1998 qu'il allègue.
Au regard de la règle de majoration ci-dessus rappelée et compte tenu de l'âge de l'intéressé et des circonstances, le préjudice qu'il subit en perte de retraite du fait du défaut de remise d'un certificat de travail sera justement réparé par la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 2'500 euros.
- Sur les intérêts
Outre l'intérêt contractuel dont sera assortie l'indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les sommes allouées seront assorties de l'intérêt au taux légal à compter de la convocation adressée à la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG en vue de l'audience de conciliation du conseil de prud'hommes, à l'exception de l'indemnité pour préjudice moral distinct et des dommages et intérêts sur la perte de retraite, dont le principe et le montant sont fixés par le présent arrêt.
La capitalisation des intérêts par année entière sera ordonnée en application des dispositions de l'article 1154 du code civil.
Sur les autres demandes
Il sera fait droit à la demande formée par la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS, au titre de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession, à hauteur de l'euro demandé contre la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG.
Le droit d'agir en justice et d'exercer les voies de recours prévues par la loi ne dégénère en faute qu'en cas d'abus caractérisé ou d'intention de nuire, dont la réalité n'est pas démontrée en l'espèce, le demandeur ayant pu légitimement espérer que les productions de pièces initialement sollicitées lui permettraient d'établir la réalité du co-emploi allégué.
Les demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive formées par les sociétés COMILOG FRANCE, COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG HOLDING seront en conséquence rejetées.
Sur les frais irrépétibles et les frais de contredit
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge de M. [LM] [QC], dépens auxquels la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG sera condamnée, comme aux frais du contredit.
Cette société sera également condamnée à payer à M. [LM] [QC] la somme de 2'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour des raisons tirées de considérations d'équité, il ne sera pas fait droit à la demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile contre M. [LM] [QC] par les sociétés COMILOG FRANCE, COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG HOLDING.
PAR CES MOTIFS
Dit recevable l'intervention volontaire de la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS';
Constate qu'aucune demande n'est formée contre la société COMILOG HOLDING';
Rejette les demandes formées par M. [LM] [QC] et par la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS contre les sociétés COMILOG FRANCE et COMILOG INTERNATIONAL';
Rejette la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive formée par les sociétés COMILOG FRANCE, COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG HOLDING';
Dit recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG';
Accueille M. [LM] [QC] en son contredit en ce qu'il vise la compétence des juridictions françaises à l'égard de la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG';
Infirme le jugement déféré de ce chef'et en ce qu'il a statué sur les dépens';
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le conseil de prud'hommes de PARIS est compétent pour statuer sur les demandes formées par M. [LM] [QC] contre la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG';
Dit y avoir lieu évocation';
Rejette l'exception de litispendance';
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée';
Rejette la demande de sursis à statuer et les demandes tendant à ce que soient ordonnées des mesures d'instruction';
Condamne la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG à payer à M. [LM] [QC] la somme de 2'719,61 euros à titre l'indemnité conventionnelle de licenciement, assortie d'un intérêt contractuel de 8'% l'an entre 1993 et 2013';
Condamne la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG à payer à M. [LM] [QC], avec intérêts au taux légal à compter de la réception par cette société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de PARIS, les sommes de':
- 343,17 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 343,17 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 171,58 euros à titre de prime de fin d'année,
- 5'147,40 euros à titre de prime spéciale de bonne séparation';
Condamne la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG à payer à M. [LM] [QC], avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, les sommes de':
- 5'147,40 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,
- 2'500 euros à titre de dommages et intérêts sur la perte de retraite';
Rejette les autres et plus amples demandes formées par M. [LM] [QC], spécialement au titre du chômage technique, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et de prime de départ à la retraite';
Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière';
Condamne la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG à payer à la FÉDÉRATION SYNDICALISTE FORCE OUVRIÈRE DES CHEMINOTS un euro à titre de dommages et intérêts';
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés COMILOG FRANCE, COMILOG INTERNATIONAL et COMILOG HOLDING';
Condamne la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG à payer à M. [LM] [QC] la somme de 2'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne la société COMPAGNIE MINIÈRE DE L'OGOOUÉ-COMILOG aux dépens de première instance et aux frais du contredit.
LE GREFFIER LE PRESIDENT