Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2015
(n°2015-214 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/06952
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mars 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/15341
APPELANTE
Madame [A] [K] [G] en sa qualité de légataire universelle de Madame [V] [S], leur soeur décédée
Née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée de Me Marie-Hélène ISERN-REAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D994
INTIMES
Monsieur [R] [S]
Agissant en qualité d'héritier de Madame [M] [S] leur mère décédée
Né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assisté de Me Katy BONIXE, avocat au barreau de PARIS, toque : P127
Monsieur [W] [S], à titre personnel et es-qualité successible de Mme [M] [S], leur mère décédée
Né le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté et assisté par Me Claire DES BOSCS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0642
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 juin 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère, chargée d'instruire le dossier.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne VIDAL, présidente de chambre
Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère
Madame Isabelle CHESNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Sophie RICHARD, conseillère, pour la présidente empêchée et par Madame Malika ARBOUCHE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par arrêt en date du 22 septembre 2010 rendu par la cour d'appel de Versailles sur renvoi après cassation, [V], [W] et [R] [S] ont été condamnés à payer à la SCPA [O] différentes sommes à titre d'honoraires d'avocat soit la somme de 6 219,20 euros relative à la procédure de tutelle de [M] [S] leur mère décédée le [Date décès 1] 2010 et celle de 2 750,80 euros restant due au titre de la procédure en homologation de partage dans le cadre de la succession Chambon.
Soutenant que leur soeur [V] avait falsifié la signature de leur mère sur les lettres de change d'un montant total de 30 617,60 euros régularisées au profit de l'avocat pour payer en ses lieu et place les honoraires de Maître [O] dans le cadre des procédures qui lui avaient été confiées, [W] et [R] [S] ont sollicité la condamnation de [V] [S] puis celle de Mme [A] [G] en sa qualité de légataire universelle de leur soeur décédée le [Date décès 2] 2012 à leur rembourser les honoraires mis à leur charge par la décision du 22 septembre 2010.
Outre celle relative à la mise sous protection de leur mère, plusieurs procédures ont opposé les frères [S] à leur soeur et notamment une instance relative à des travaux dans un immeuble appartenant à [M] [S] commandés à la société LAVILLAUGOUET et qui a permis de révéler postérieurement à la décision du 22 septembre 2010 la falsification de la signature de sa mère par [V] [S] qui a imité la signature de sa mère sur les chèques émis en règlement de ces travaux.
Par jugement en date du 13 mars 2014 le tribunal de grande instance de Paris a déclaré la demande en paiement des frères [S] recevable et condamné Mme [A] [G] en sa qualité de légataire universelle de [V] [S] à payer à M [R] [S] et à M [W] [S] à chacun la somme de 3 491,60 euros à titre de dommages-intérêts outre intérêts capitalisés ainsi que la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. Il a également débouté Mme [G] de sa demande reconventionnelle en paiement des sommes de 8 970 euros et de 16 171,80 euros.
Mme [G] a interjeté appel de cette décision le 27 mars 2014 et dans ses conclusions notifiées le 20 juin 2014 elle demande à la cour d'infirmer le jugement, de déclarer les demandes de M [R] [S] et de M [W] [S] irrecevables et mal fondées, de les en débouter et de les condamner à lui payer la somme de 12 099,33 euros avec intérêts au taux légal au titre des honoraires complémentaires réglés à l'avocat ainsi que la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Elle soutient que :
-la demande des frères [S] qui tend à remettre en cause l'autorité de chose jugée de l'ordonnance du 22 septembre 2010 est irrecevable en vertu du principe de concentration des moyens puisque le soit disant aveu de leur soeur devait être invoqué devant le juge taxateur devant lequel étaient déjà avancés différents arguments tendant à mettre hors de cause la succession à l'égard de Maître [O],
-les nouveaux éléments factuels invoqués devant le tribunal et concernant la signature imitée de leur mère par leur soeur ne pourraient relever que de la procédure du recours en révision dont le délai pour agir est dépassé en l'espèce,
-si [V] a agi pour le compte de sa mère, elle n'a pas pour autant accepté de devenir seule redevable des honoraires de l'avocat qu'elle n'a pas mandaté à titre personnel,
[V], légataire de la totalité de la succession de sa mère, était tenue de payer la moitié des honoraires et ses frères I/4 chacun et elle a réglé une somme bien supérieure de sorte que Mme [G] est en droit d'en demander le remboursement à hauteur de la somme de 12 099,33 euros.
Dans ses conclusions notifiées le 6 mai 2015 M [R] [S] sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de Mme [G] à un article 700 et aux dépens.
Il soutient que:
-les procédures sont distinctes, n'opposent pas les mêmes parties et n'ont pas le même objet de sorte que l'autorité de chose jugée attachée à la décision du juge taxateur ne peut valablement être opposée dans le cadre de la présente instance, Maître [O] n'étant pas partie à celle-ci qui ne concerne pas la taxation de ses honoraires mais la charge définitive de leur paiement en raison du comportement fautif de leur soeur,
-il existe des circonstances nouvelles depuis l'ordonnance du 22 septembre 2010 faisant échec à l'irrecevabilité opposée puisque par arrêt en date du 20 octobre 2011 la cour d'appel de Paris a condamné [V] [S] à supporter seule la charge des réparations au sein de l'immeuble de [Adresse 3] en constatant qu'elle avait imité la signature de sa mère pour le règlement de ces travaux et par jugement en date du 5 octobre 2012 le conseil de Prud'hommes de Paris a également retenu l'existence d'un faux certificat d'hébergement de l'employée de [M] [S] là encore signé en réalité par sa fille [V] laquelle a réitéré à plusieurs reprises ses aveux quant à la falsification de la signature de sa mère à l'occasion des différentes instances qui l'ont opposée à ses frères,
-dans le cadre de la procédure en nullité du testament de leur père [Y] [S] une expertise graphologique du testament léguant la quotité disponible à [V] a été ordonnée le 29 octobre 2013 aux fins de démontrer là encore la falsification de la signature de [Y] [S] par sa fille,
-dans le cadre de la procédure en nullité de la donation par [M] [S] de l'immeuble de [Adresse 3] le tribunal a également ordonné trois expertises dont une expertise graphologique portant sur le testament et une expertise médicale de [M] [S],
- surtout les lettres de change signées par [M] [S] pour régler les honoraires de l'avocat l'ont été en réalité par sa fille [V], ce que cette dernière a reconnu, et il s'agit donc de documents falsifiés,
-les conditions du recours en révision de l'article 595 du code de procédure civile ne sont pas réunies,
-sur le fond, les honoraires de Maître [O] ne sont que la conséquence directe des agissements frauduleux de [V] [S] et n'ont pas à être réglés par les autres héritiers de [M] [S],
-l'aveu de [V] quant à l'imitation de la signature de sa mère sur les lettres de change démontre qu'elle est intervenue dans son propre intérêt et qu'elle a mandaté Maître [O] en lui faisant croire qu'il intervenait pour sa mère alors qu'elle s'opposait à la mesure de protection dans son intérêt exclusif et non dans celui de sa mère,
[V], (et aujourd'hui sa légataire), ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude pour obtenir que les honoraires de Maître [O] soient supportés par l'ensemble des autres héritiers de [M] [S] alors que cet avocat a été mandaté par elle dans l'intérêt exclusif de [V] et Mme [G] sera déboutée de sa demande reconventionnelle en remboursement des honoraires de Maître [O] payés sur ses deniers personnels non justifiée dans son principe comme dans son montant.
Dans ses conclusions notifiées le 20 août 2014 M [W] [S] demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner Mme [G] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Il soutient pour l'essentiel que:
-la présente procédure ne se heurte pas à l'autorité de chose jugée de l'ordonnance de 2010 à défaut d'identité des parties, d'objet et de cause et il ne s'agit pas d'un recours en révision,
-des éléments nouveaux qui ne permettent pas d'opposer le principe de concentration des moyens, sont intervenus quant à l'existence de faux concernant les lettres de change et l'aveu judiciaire de [V] conduisant à sa condamnation pour fraude et falsification le 20 octobre 2011 et dans la procédure en taxation d'honoraires seule la gestion de fait par [V] était invoquée par ses frères qui ignoraient alors tout des fraudes et falsifications dont elle s'était rendue coupable,
-les faux concernent l'ensemble des chèques signés par [V] à la place de sa mère et non en sa qualité de bénéficiaire d'une procuration,
-les sommes qu'elle prétend avoir réglées en trop à titre d'honoraires à Maître [O] mandaté en réalité dans son intérêt exclusif ne sont pas justifiées et n'ont pas été déclarées au passif de la succession de [M] [S].
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Considérant que devant la cour la recevabilité des pièces produites par Mme [G] en première instance n'est plus contestée non plus que la décision du tribunal en ce qu'il les a déclarées recevables ;
Considérant que M [W] [S] et M [R] [S], qui ne remettent pas en cause le caractère définitif de la décision les ayant condamnés au paiement des honoraires de Maître [O], sollicitent uniquement dans le cadre de la présente procédure que soit reconnu sur le fondement de l'article 1382 du code civil le comportement fautif de [V] [S] à l'origine de leur obligation de payer les dits honoraires, aux fins d'obtenir la condamnation de Mme [A] [G] en sa qualité de légataire universelle de leur soeur à les indemniser du préjudice en résultant ;
Sur la recevabilité de la demande des frères [S]:
Considérant que c'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a retenu en application des dispositions de l'article 1351 du code civil que la demande en paiement des frères [S] ne se heurtait pas à l'autorité de chose jugée de la décision de la cour d'appel de Versailles en date du 22 septembre 2010 à défaut d'identité de parties et d'objet ;
que pour les mêmes motifs, il ne peut être reproché aux intimés de ne pas avoir utilisé la procédure du recours en révision, étant rappelé qu'ils n'entendent pas contester la décision de taxation d'honoraires mais obtenir réparation des conséquences dommageables de la faute de leur soeur ayant abouti à une telle condamnation à leur encontre ;
qu'enfin il ne peut être allégué par l'appelante le non respect du principe de concentration des moyens dès lors que dans le cadre de la procédure de taxation d'honoraires seule la gestion de fait était imputée à [V] par ses frères qui ne pouvaient alors invoquer la falsification d'instruments de paiement par [V] [S] qui en a été reconnue coupable postérieurement par la décision devenue définitive du 20 octobre 2011, laquelle ne concerne au surplus que la falsification des chèques utilisés en paiement des travaux réalisés dans l'immeuble de [Adresse 3] ;
que la demande en paiement des frères [S] doit être déclarée recevable ;
Sur le bien-fondé de cette demande :
Considérant que les propos de [V] [S] figurant p 10 des conclusions n°4 du 13 septembre 2011 et selon lesquels: 'Mme [V] [S] ne conteste pas avoir signé certains documents pour le compte de sa mère qui sont notamment les trois lettres de change du 15 avril 2005 au profit de Maître [O];' ne constituent pas un aveu judiciaire au sens de l'article 1356 du code civil dans la mesure où ils ont été émis à l'occasion d'une autre instance relative au paiement des travaux de [Adresse 3] ; qu'ils ne constituent pas davantage un aveu extra-judiciaire par [V] [S] de ce qu'elle a imité la signature de sa mère lors de la rédaction des lettres de change émises en paiement des honoraires de Maître [O], mais seulement la reconnaissance qu'elle a bien signé ces documents ;
que cependant l'examen des dites lettres de change révèle que rédigées au nom de [M] [S] elles comportent la signature du nom [S] précédé d'un G et non d'un B et que [V] [S], a en signant '[M][S]' imité la signature de celle-ci de la même manière que dans le cadre de la procédure citée ci-dessus qui a révélé que [V] avait à de multiples reprises imité la signature de sa mère ;
qu'il en résulte que M [W] [S] et M [R] [S] qui se sont vus par la faute de leur soeur [V] condamnés en qualité d'héritiers de [M] [S] au paiement des honoraires dus à Maître [O] au vu de lettres de change qui n'avaient pas été signées par leur mère sont bien fondés à solliciter auprès de la légataire universelle Mme [A] [G] réparation du préjudice que la faute de leur soeur défunte leur a causé et qui s'élève au montant des condamnations définitives prononcées à leur encontre par le juge taxateur soit la somme de 3 491,60 euros chacun outre les intérêts au taux légal à compter du jugement et leur capitalisation ;
Sur la demande reconventionnelle de Mme [G] :
Considérant que Mme [A] [G] qui soutient devant la cour avoir réglé la somme totale de 39 726,98 euros à Maître [O] alors qu'elle n'était redevable à son égard tant à titre personnel qu'en qualité d'héritière de [M] [S] que de la somme de 27 627,60 euros, n'a cependant pas déclaré au passif de la succession de [M] [S] la créance qu'elle allègue aujourd'hui détenir à l'encontre de la dite succession pour réclamer à Messieurs [R] et [W] [S] la somme de 12 099,33 euros ;
que l'examen des pièces versées aux débats en cause d'appel, (document manuscrit et tableau établis par l'appelante au vu de relevés de compte n'identifiant pas le bénéficiaire des chèques, pièces 17 à 20), ne permet pas davantage d'établir le quantum des sommes réclamées par Mme [G] aux frères [S] ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par décision contradictoire :
-Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
-Condamne Mme [A] [G] à payer à M [R] [S] et à M [W] [S] la somme de 4 000 euros à chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Rejette le surplus des demandes ;
-Condamne Mme [A] [G] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE Mme Marie- Sophie RICHARD, conseillère pour la présidente empêchée