RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 8
ARRÊT DU 24 Septembre 2015
(no, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/ 01411- CM
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Septembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de PARIS section encadrement RG no 11/ 05505
APPELANTE
SAS PRIMAPHOT
12-14 rue du Sergent Bobillot
92400 COURBEVOIE
représentée par Me Marianne FRANJOU, avocat au barreau de PARIS, toque : R021
INTIME
Monsieur Fakhri X...
...
75011 PARIS
représenté par Me Nathalie TOUATI SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0433
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine MÉTADIEU, Présidente de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
Greffier : Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, présidente et par Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, greffier présent lors du prononcé.
Exposé du litige
Fakhri X...a été engagé en qualité de responsable marketing offline pôle enfant aux termes d'une lettre d'embauche à effet au 1er juin 2006, le contrat à durée indéterminée ayant été régularisé ensuite avec la Sas Primaphot.
Par avenant du 31 août 2007, il a été promu aux fonctions de directeur marketing à compter du 1er septembre 2007.
Le statut de cadre dirigeant lui a été reconnu aux termes d'un avenant du 1er juillet 2010.
La relation de travail est régie par la convention collective des professions de la photographie.
Fakhri X...a été convoqué le 24 février 2011, pour le 8 mars suivant à un entretien préalable à un éventuel licenciement puis a reçu notification de son licenciement pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée datée du 11 mars 2011.
Contestant son licenciement, Fakhri X...a, le 4 avril 2011, saisi le conseil de prud'hommes de Paris.
Par jugement en date du 24 septembre 2012, le conseil de prud'hommes a :
- condamné la Sas Primaphot à verser à Fakhri X...les sommes de :
¿ 55 000 ¿ d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
¿ 700 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné Fakhri X...à rembourser à la Sas Primaphot la somme de 16 759, 61 ¿ au titre du prêt
-ordonné la compensation entre ces sommes
-débouté chacune des parties du surplus de ses demandes.
Appelant de cette décision, la Sas Primaphot demande à la cour de l'infirmer sauf en ce qui concerne la condamnation de Fakhri X...au remboursement du prêt.
Subsidiairement, elle demande si la cour entre en voie de condamnation d'ordonner la compensation, et en tout état de cause, de condamner Fakhri X...au paiement de la somme de 2 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Fakhri X...sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à son infirmation quant au quantum.
Il demande à la cour de condamner la Sas Primaphot à lui payer les sommes de :
¿ 144 240 ¿ d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
¿ 5 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.
Motivation
L'insuffisance professionnelle qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.
Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de ce dernier.
Pour justifier le licenciement, les griefs doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.
Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, il est reproché à Fakhri X...:
- de faire preuve d'une insuffisance manifeste de ses performances individuelles,
- de ne pas assumer son statut de cadre,
- de ne travailler que sur les sujets qui l'intéressent, essentiellement les dossiers techniques, et de délaisser les autres aspects de ses fonctions.
Fakhri X...fait valoir que son licenciement est en réalité fondé sur une décision visant à évincer les anciens cadres dirigeants, proches d'Eric Z..., remercié par le conseil de surveillance le 22 février 2011, que tel a été le cas Gaëlle Y..., directrice des ressources humaines.
- Sur le premier grief :
Il appartient au juge de vérifier le caractère raisonnable des objectifs fixés par l'employeur ainsi que la situation du marché.
Le budget assigné était de 2 500 000 ¿ au titre de l'exercice 2010/ 2011.
La Sas Primaphot fait observer que Fakhri X...admet dans ses écritures que le chiffre d'affaires à la clôture de l'exercice en mars 2011 était de 1 432 000 ¿, et donc inférieur de 25 % au budget convenu et qu'il lui est aussi reproché un retard sur l'activité Data dont il était en charge.
Force est de constater que la Sas Primaphot ne verse aucune pièce comptable probante au soutien de ses allégations, les pièces versées aux débats s'analysant en de simples projections nullement corroborées.
Elle affirme ainsi sans en justifier que l'équipe marketing était constituée de vingt personnes.
Aucun élément objectif ne permet de plus de constater que l'augmentation de 50 % des résultats de l'exercice N-1 étaient, pouvait de nouveau être envisagée pour 2010-2011 et qu'une telle attente était raisonnable.
La Sas Primaphot n'apporte aucun élément contredisant utilement le salarié lorsqu'il indique que :- l'employeur lui a retiré les recettes de l'activité Asile colis, représentant des recettes de 60 K ¿,
- la nouvelle activité lancée sous le contrôle de la division direct vista a concurrencé directement celle d'un client qui a cessé toute relation entraînant une perte de chiffre d'affaires de 105 K ¿,
- le nombre d'adresses que cette nouvelle activité devait générer n'a été que de 2000 au lieu de 20 000 attendues,
- il n'était plus en charge depuis octobre 2010, de la régie « digital data et data », c'est à dire de la vente de données et de la vente d'espaces publicitaires,
ce qui a eu pour conséquence de modifier le périmètre de ses objectifs et impliquait dès lors de procéder à une révision du budget prévu antérieurement à ces changements.
La réalité du premier grief n'est pas établie.
- Sur le deuxième grief :
Fakhri X...avait un statut de cadre dirigeant, disposant d'une grande latitude dans l'organisation de son temps de travail.
Il n'est justifié de sa nonchalance ni de sa désinvolture, ni de ses carences dans l'encadrement, rien ne permettant de constater que le turn over dénoncé lui est imputable.
- Sur le troisième grief :
La Sas Primaphot reproche à Fakhri X...d'avoir notamment ignoré l'accompagnement sur le plan marketing et web de départements entiers de l'entreprise en dépit de besoins importants, sans autre précision
Fakhri X...quant à lui verse aux débats les justificatifs des actions diverses menées, accompagnement de la force de vente (outils de financement Cofidis par exemple), développement de l'audience internet du site « maviedemaman », création de la régie publicitaire et sa gestion de 2007 à 2010, présentation de l'offre asile colis graine de bébé à de nombreux partenaires, définition du désign de certains produits (trousses).
Le courriel en date du 20 mars 2011, postérieur de quelques jours au licenciement, émanant de Yann A...est en contradiction avec le reproche fait à Fakhri X...dès lors que son auteur " salue la remarquable performance récente en termes d'évolution de trafic puisque nous sommes désormais le no3 du secteur ".
Il loue dans un autre courriel du même jour la qualité du travail accompli par les équipes offrant aux enseignes Primaphot et ABC des sites rénovés, " manifestation explicite de notre capacité de travail transversal.. "..
La Sas Primaphot échoue à établir l'insuffisance professionnelle alléguée dans la lettre de licenciement.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont dit le licenciement de Fakhri X...sans cause réelle et sérieuse.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (517 salariés), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Fakhri X...(6 010 ¿/ mois), de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, l'indemnité accordée à ce dernier en application de l'article L. 1235-3 du code du travail a été exactement appréciée par les premiers juges.
Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions, Fakhri X...ne le remettant pas en cause en ce qui concerne sa condamnation au remboursement du prêt que lui a consenti la Sas Primaphot et la compensation.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à Fakhri X...la somme de 700 ¿ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer 1 500 ¿ sur ce même fondement au titre des sommes qu'il a exposées en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
Condamne la Sas Primaphot à payer à Fakhri X...la somme de 1 500 ¿ en application l'article 700 du code de procédure civile
Déboute les parties du surplus de leurs demandes
Condamne la Sas Primaphot aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT