RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 24 Septembre 2015
(n° 391 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/02259
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Février 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS - Section industrie - RG n° 10/16799
APPELANT
Monsieur [K] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 5]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1]
représenté par Me Lydie LALLEMANT-BIF, avocat au barreau de REIMS
INTIMEES
SA ERDF
[Adresse 9]
[Adresse 7]
N° SIRET : 444 608 442 06056
SA GRDF
[Adresse 4]
[Adresse 6]
N° SIRET : 444 786 511 00022
représentées par Me Annie SCHAF-CODOGNET, avocat au barreau de NANCY
CNIEG (CAISSE NATIONALE DES INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIERES)
[Adresse 1]
[Adresse 8]
[Adresse 3]
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 7 mai 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Madame Murielle VOLTE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère pour le Président empêché et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [K] [Y], né le [Date naissance 1] 1969 et père de trois enfants, qui avait été engagé le 2 novembre 1992 par EDF GDF, a sollicité le 25 juin 2008 de son employeur le bénéfice d'un départ anticipé en inactivité à compter du 1er novembre 2008 avec jouissance immédiate d'une pension bonifiée, en application des dispositions de l'article 3 de l'annexe 3 du Statut national des industries électriques et gazières. Il s'est vu répondre, par lettre du 28 juillet 2008 de Erdf Grdf qui viennent aux droits de EDF GDF, que les dispositions dont il se prévalaient avaient été modifiées par décret du 27 juin 2008 entré en application le 1er juillet 2008 exigeant désormais une interruption totale d'activité pour chacun de ses enfants, et l'invitant à se rapprocher de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) afin de vérifier s'il remplissait les conditions pour une liquidation immédiate de sa pension.
Il a saisi la juridiction prud'homale le 18 décembre 2010 d'une demande de liquidation de sa pension de retraite sous astreinte et de paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Par jugement du 7 février 2013, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en formation de départage, l'a débouté de sa demande et condamné aux dépens.
M. [Y] a interjeté appel de cette décision le 4 mars 2013.
A l'audience du 7 mai 2015, il demande à la Cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a jugé sa demande recevable et de :
- 'constater qu'il peut bénéficier des dispositions de l'article 3 annexe 3 du statut de 1946, qui sont indivisibles du chapitre 263 du manuel pratique déclaré également illégal par le Conseil d'Etat,
- en conséquence, dire et juger que la mise en inactivité est indivisible de la liquidation de pension, et constater que ces demandes ont été formées indivisiblement par la demande à l'employeur le 25 juin 2008 soit avant le 1er juillet 2008,
- dire et juger que la demande de mise en inactivité vaut demande de liquidation de pension,
- déclarer l'arrêt opposable à la CNIEG afin qu'elle procède à la liquidation de la pension de retraite à jouissance immédiate avec bonification pour les enfants qu'il a eus,
- dire et juger que la condamnation de l'employeur à ordonner la mise en inactivité entraîne automatiquement et nécessairement la condamnation de la CNIEG à liquider la pension sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt,
- condamner Erdf et Grdf à lui verser la somme de 3000 € au titre du préjudice moral subi du fait du refus de son employeur,
- les condamner à lui verser la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens'.
Il s'oppose en premier lieu à la fin de non-recevoir tirée du principe de l'unicité de l'instance, soutenant que le premier litige qu'il avait introduit en 2007 contre son employeur ne concernait pas les mêmes personnes puisqu'il demandait la condamnation de EDF GDF et que le personnel de EDF GDF n'a été transféré à ses filiales ERDF et GRDF que le 1er janvier 2008. Rappelant qu'aucune discrimination en raison du sexe ne pouvait être posée par le statut d'EDF et que les dispositions en faveur des mères de famille devaient également bénéficier aux hommes, il fait valoir ensuite qu'il ne devait répondre, à la date de sa demande de départ en inactivité, qu'aux seules conditions obligatoires de 15 années de service et de 3 enfants, et que c'est cette seule date qui fixe l'application ou non du décret du 27 juin 2008 et non la prise d'effet de ce départ. Il considère donc que la demande de mise en inactivité et de liquidation de la pension étant indivisibles, il y a lieu de condamner la CNIEG sous astreinte à procéder à cette liquidation, et à condamner l'employeur qui a résisté abusivement à sa demande à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral qu'il lui a causé.
Les sociétés ERDF et GRDF demandent pour leur part de déclarer la demande irrecevable au regard de la règle de l'unicité de l'instance et subsidiairement, de confirmer le jugement et de condamner M. [Y] à leur payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles exposent qu'à la suite de l'important contentieux provoqué par les nombreuses revendications d'agents hommes du bénéfice des dispositions du statut des IEG qui prévoyaient la possibilité pour les mères de famille ayant eu trois enfants d'une mise en inactivité anticipée au bout de quinze années de service, son article 3 de l'annexe 3 a été abrogé par décret du 27 juin 2008, ce qui a provoqué juste avant sa sortie un nouvel afflux de demandes de liquidation de pension, à titre conservatoire ou immédiat, suscitées par les organisations syndicales. Elles font valoir que M. [Y], qui avait ainsi adressé sa demande le 25 juin 2008, avait saisi la juridiction prud'homale à la même époque d'une demande étrangère à cette question, instance qui était donc en cours lorsqu'il a eu connaissance de la difficulté. Elles estiment donc que le demandeur n'ayant pas joint la présente contestation à son instance d'origine, sa demande actuelle est irrecevable par application des dispositions de l'article R.1452-6 du code du travail.
A titre subsidiaire, elles soutiennent que bien qu'ayant adressé sa demande de départ anticipé le 25 juin 2008, celle-ci devait être appréciée au regard des dispositions résultant du décret du 27 juin 2008, dès lors qu'il demandait le bénéfice du droit à bonification au 1er novembre 2008, soit postérieurement à la mise en application des nouvelles dispositions, les conditions de mise en inactivité comme les droits à bénéficier des bonifications devant se voir appliquer les dispositions réglementaires en vigueur au jour de la mise en place de la mesure, ce qu'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 12 avril 2012.
La Caisse Nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), qui a été touchée par la convocation que lui a adressée le greffe dont elle a signé l'accusé de réception le 2 avril 2013, a écrit le 16 avril 2013 pour indiquer qu'elle ne se ferait pas représenter.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Attendu qu'en application de l'article R.1452-6 du code du travail, une instance ne peut être engagée postérieurement à une première procédure prud'homale que lorsque le fondement des nouvelles prétentions est né ou s'est révélé après l'extinction de l'instance primitive ;
Attendu qu'il résulte des pièces produites au dossier que M. [Y] avait saisi le conseil de prud'hommes d'Arras, le 20 mars 2007, d'une demande formée contre EDF GDF relative à des indemnités de repas ; qu'à l'audience de plaidoirie du 10 octobre 2008, les sociétés ERDF et GRDF, venant aux droits d'EDF et GDF, ont demandé le rejet des demandes du salarié, et le jugement a été rendu le 28 novembre 2008 à l'encontre de 'Electricité Réseau de France' et de 'Gaz Réseau de France' ; qu'à l'époque du litige, -lequel était donc pendant entre les mêmes parties que dans la présente procédure-, et plus précisément le 25 juin 2008, M. [Y] a formé sa demande de liquidation de sa pension, et le 27 juin 2008, il a saisi la juridiction prud'homale en référé d'une demande dirigée contre les SA ERDF et GRDF aux fins de solliciter 'le bénéfice des droits à bonification pour enfants, comme prévus dans l'article 3 du paragraphe 3 du statut des IEG et l'application des dispositions du paragraphe 112.35 du chapitre 263 du manuel des questions du personnel EDF GDF' ; qu'il en résulte qu'à la date où la première affaire a été jugée, le fondement de la nouvelle prétention de M. [Y] était déjà né et qu'il avait donc la possibilité de la faire juger par la première juridiction ; que sa demande actuelle est en conséquence irrecevable par application du principe de l'unicité de l'instance et des dispositions susvisées, et le jugement sera infirmé sur ce point ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimées en tenant compte de la situation respective des parties ; qu'une somme de 250 € leur sera allouée de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement attaqué et, statuant de nouveau,
Déclare la demande de M. [K] [Y] irrecevable,
Le condamne à payer aux sociétés ERDF-GRDF la somme de 250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [Y] aux dépens d'appel.
Le Greffier Pour le Président empêché