RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2015
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/10276
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL Section commerce RG n° 11/01434
APPELANT
Monsieur [X] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Patrick BURNICHON, avocat au barreau de MEAUX
INTIMEE
Me [Y] [T] - Mandataire liquidateur de la SAS [H]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Frédéric CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0118
PARTIE INTERVENANTE :
AGS CGEA IDF EST
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205 substitué par Me Pierre MARILLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : E.1588
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Conseiller
Monsieur Philippe, Conseiller
Greffier : Madame Wafa SAHRAOUI, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Bruno BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Claire CHESNEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [X] [J] a été embauché le 22 mai 2003 par la Société [H] qui compte plus de dix salariés, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de conseiller commercial et occupait dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes, épiceries et produits laitiers, des fonctions de chargé de projet pour un salaire mensuel de 2 487 € brut.
A la suite de deux entretiens tenus les 26 janvier et 02 février 2010, M. [J] et son employeur ont signé un formulaire de rupture conventionnelle du contrat de travail adressé à la Direction Départementale du Travail pour homologation à l'issue du délai de réflexion s'achevant le 18 février 2010.
Le 12 mars 2010, le contrat liant M. [J] à la société [H] est rompu.
Le 3 Juin 2011, M. [J] saisissait le Conseil de prud'hommes de CRETEIL aux fins de voir déclarer nulle la rupture conventionnelle de son contrat de travail intervenue le 12 mars 2010 et fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société [H], représentée par Maître [Y] es qualités de Mandataire Liquidateur, aux sommes de :
- 5.416 € au titre de l'indemnité de préavis ;
- 541,60 € au titre des congés payés y afférents ;
- 16.248 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 16.248 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ; - 1.500 € sur le fondement demandait au Conseil de prud'hommes de lui allouer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La Cour est saisie d'un appel formé par M. [J] contre le jugement du Conseil de prud'hommes de CRETEIL en date du 19 septembre 2012, qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
Vu les écritures du 09 septembre 2015 au soutien des observations orales par lesquelles M. [J] conclut à l'infirmation de la décision entreprise et demande à la cour de fixer la créance de M. [J] au passif de la liquidation judiciaire de la société [H], représentée par Maître [Y] es qualités de Mandataire Liquidateur, aux sommes de :
- 5.416 € au titre de l'indemnité de préavis ;
- 541,60 € au titre des congés payés y afférents ;
- 30.000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 10.000 € à titre de dommage et intérêts pour harcèlement moral-préjudice moral ;
- 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
et de juger que l'AGS doit garantir ces condamnations.
Vu les écritures du 09 septembre 2015 au soutien de ses observations orales au terme desquelles Maître [Y] es-qualités conclut à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de M. [J] à lui verser 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les écritures du 09 septembre 2015 au soutien de ses observations orales au terme desquelles l'AGS demande à la cour à titre principal de débouter M. [J] de l'ensemble des prétentions et à titre subsidiaire de juger que la garantie de l'AGS ne saurait être recherchée au-delà du plafond 6, sans s'étendre à l'article 700 du Code de procédure civile et de juger que les intérêts légaux sont interrompus à l'ouverture de la procédure collective.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile , renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience ;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En application de l'article L.1152-3 du code du travail, un licenciement intervenu dans ce contexte est nul.
Pour infirmation, M. [J] fait essentiellement valoir qu'en dépit du fait qu'il avait attiré l'attention de son employeur sur les découvertes concernant le contenu de l'ordinateur professionnel de son fils, ce dernier en qui il avait confiance a temporisé et n'a pas pris les mesures nécessaires imposées par son obligation de sécurité de résultat pour y mettre un terme et l'a ainsi exposé à ces comportements de nature à compromettre sa santé et son avenir professionnel.
La société intimée réfute les arguments développés par M. [J], arguant de ce qu'elle a pris les mesures adéquates concernant les faits imputés au fils du dirigeant dont les difficultés étaient connues de tout le personnel à la suite d'une perquisition, qu'il a fallu que M. [J] aille rechercher les photos litigieuses sur l'ordinateur de ce salarié pour y être exposé et que les échanges de courriers ou de courriels antérieurs à la rupture, ou même l'ambiance lors du pot de départ de M. [J] sont à l'opposé d'un contexte de harcèlement.
En l'espèce, s'il est constant que M. [J] a pu être fortuitement exposé aux photos pédopornographiques enregistrées dans un fichier de l'ordinateur de M. [H] qu'il était chargé de débloquer, à une date qu'il situe en 2005-2006, et qu'il ait pu ressentir une gêne en la présence de ce salarié avec lequel il partageait un bureau, M. [J], même promu responsable informatique, n'explique pas les raisons l'ayant poussé à consulter à nouveau en juin 2009 et "plus tard" l'ordinateur de M. [H] et partant à être à nouveau exposé à la découverte de photos illicites susceptibles de le perturber.
En outre, non seulement la cohabitation dont M. [J] estime avoir souffert et à laquelle l'employeur a mis un terme à sa demande en octobre 2009, n'a pas excédé quatre mois, mais l'intéressé n'en a fait état ni au cours de son entretien d'évaluation du 30 septembre 2009 où il a essentiellement évoqué son ambition et ses projets d'avenir, ni auprès d'un médecin ou d'un thérapeute qu'il aurait pu consulter.
Il résulte de ce qui précède qu'au delà de ses affirmations, M. [J] n'établit pas la réalité de faits qui pris dans leur ensemble, permettraient de présumer l'existence d'un harcèlement à son égard, qu'il sera par conséquent débouté de la demande formulée à ce titre.
Sur la rupture conventionnelle
En application des articles 1111 à 1115 du Code civil, il y a violence lorsque physique ou morale, elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent
Cette violence qui est une cause de nullité des conventions lorsque le consentement a été donné sous la contrainte, est appréciée en fonction de l'âge, du sexe et de la condition des personnes.Un contrat ne peut plus être attaqué pour cause de violence, si, depuis que la violence a cessé, ce contrat a été approuvé soit expressément, soit tacitement, soit en laissant passer le temps de la restitution fixé par la loi.
Pour infirmation, M. [J] invoque d'une part que des irrégularités de date, de nature selon lui à affecter la validité de la convention et d'autre part la violence qu'aurait constitué à son égard le maintien de la situation qu'il avait dénoncée à son employeur, et le contexte conflictuel dans lequel aurait été obtenu son consentement.
Ce faisant, et outre les développements qui précèdent concernant le harcèlement allégué, les moyens soutenus par M. [J] ne font que réitérer, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
Il sera seulement souligné que l'intéressé disposait d'une faculté de rétractation qu'il n' a pas exercée, cette abstention dans le délai imparti ayant pour effet à la fois de purger les éventuelles erreurs de date de la convention par ailleurs homologuée, et faire obstacle à la possibilité d'invoquer la violence alléguée.
Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise et de débouter M. [J] des demandes formulées à ce titre.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE M. [X] [J] à payer à Maître [T] [Y], es qualité de Mandataire Liquidateur de la SAS [H] 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [X] [J] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [X] [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT
FONCTION DE PRÉSIDENT