RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 04 Novembre 2015
(n° , 04 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/03473
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/05372
APPELANTE
S.A.R.L. SECURITAS FRANCE
N° SIRET : 304 497 852
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Jean BAILLIS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1178
INTIME
Monsieur [E] [Z]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparant en personne
assisté de Me Roland ZERAH, avocat au barreau de PARIS, toque : D0164
substitué par Me Sophie ROUVERET, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Chantal GUICHARD, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, conseiller faisant fonction de président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Chantal GUICHARD, conseiller
Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, conseiller faisant fonction de président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
M. [E] [Z] a été engagé par la société SECURITAS en qualité d'agent d'exploitation selon contrat à durée indéterminée en date du 11 septembre 1996.
Il est devenu chef d'équipe sécurité incendie IGH 2ème degré selon avenant du 2 février 2000.
Il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement le 16 mars 2012 et licencié pour faute grave le 28 mars 2012.
Par jugement en date du 12 décembre 2012, le Conseil de Prud'Hommes de PARIS a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement intervenu et condamné la SA SECURITAS FRANCE à payer à M. [E] [Z] les sommes suivantes :
- 12.984,18 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,
- 4.328,06 € à titre d'indemnité de préavis, celle de 432,81 € au titre des congés payés afférents,
- 97,20 € au titre de rappel de salaire pour la journée du 19 décembre 2011,
ces sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le Bureau de Conciliation et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'article 1154 du code civil outre une indemnité de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA SECURITAS FRANCE a régulièrement interjeté appel le 8 avril 2013.
La SA SECURITAS FRANCE sollicite la réformation du jugement du Conseil de Prud'Hommes, s'oppose à l'ensemble des demandes et prétentions de [E] [Z] et lui réclame paiement d'une indemnité de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [E] [Z] sollicite la confirmation de la décision en ce qu'elle a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse mais souhaite la voir réformer pour le surplus et condamner la SA SECURITAS FRANCE au paiement des sommes suivantes :
- 50.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 4.328,06 € à titre d'indemnité de préavis, celle de 432,81 € au titre des congés payés afférents,
- 291,60 € à titre de rappel de salaire,
- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.
SUR CE,
Aux termes de l'article L 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; il appartient à l'employeur de la caractériser.
La lettre de licenciement fixe l'étendue du litige.
Il est reproché à M. [E] [Z] de ne pas être titulaire de la carte professionnelle indispensable à l'exercice de l'activité de sécurité privée conformément aux dispositions de la loi du 12 juillet 1983 et du décret du 9 février 2009 et ce, en dépit d'un courrier d'information adressé le 6 mars 2009, de plusieurs mises en demeure des 10 octobre 2010, 20 janvier 2011 et 22 février 2012 ; de n'avoir fait aucune démarche auprès de la Préfecture pour faire une demande de numéro de carte et se mettre en conformité.
Selon l'employeur, conformément à la loi du 12 juillet 1983, le contrat de travail est rompu immédiatement et aucun préavis n'est effectué ni payé.
Aux termes de l'article L612-20 du code de la sécurité intérieure, nul ne peut être employé par une entreprise exerçant une activité privée de surveillance et de gardiennage s'il ne répond à un certain nombre de conditions tenant à son aptitude professionnelle et morale, notamment, s'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire, et si ses agissements sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens et sont incompatibles avec l'exercice de ses fonctions, le respect de ces conditions étant attesté par la détention d'une carte professionnelle ; l'article L612-21 dispose que le contrat de travail du salarié qui cesse de remplir les conditions posées aux 1° à 3° de l'article précédent est rompu de plein droit, cette rupture ouvrant droit au versement, par l'employeur, de l'indemnité de licenciement ; le même code punit de sanctions correctionnelles non seulement toute personne qui aura été employée en infraction aux dispositions de l'article 6, mais également tout dirigeant d'une entreprise de sécurité qui aura employé une telle personne en connaissance de cause, et prévoit une sanction administrative allant de la fermeture jusqu'à l'interdiction d'exercer la profession.
Enfin, le décret du 9 février 2009 relatif à la carte professionnelle, à l'autorisation préalable et à l'autorisation provisoire des salariés, a instauré la délivrance de ladite carte professionnelle, sous la forme dématérialisée d'un numéro d'enregistrement Lorsque la demande est complète, le préfet en délivre récépissé. Ce récépissé permet, jusqu'à l'intervention d'une décision expresse, une poursuite régulière de l'activité professionnelle.
Force est de constater que si [E] [Z] a effectué une demande de carte professionnelle auprès de la Préfecture du Val de Marne le 26 mars 2009 (accusé de réception du 20 avril 2009), il reste que son dossier n'était pas complet puisqu'il devait joindre une attestation d'aptitude professionnelle établie par l'employeur et les bulletins de salaire justifiant d'une activité continue pendant 18 mois. Il ne justifie d'aucune autre démarche auprès de ce service en dépit de courriers et mises en demeure régulières de son employeur avant sa convocation à un entretien préalable à licenciement ni d'un quelconque courrier à son employeur pour lui faire part des diligences et des difficultés rencontrées.
Il n'a par ailleurs jamais produit ce document.
La SA SECURITAS FRANCE pouvait légitimement exiger de son salarié qu'il produise le récépissé de sa demande de carte, sachant qu'elle encourrait des sanctions pénales et administratives si elle employait un agent non titulaire de ce document.
Cette attitude passive du salarié qui n'a pas répondu aux sollicitations régulières de la SA SECURITAS FRANCE constitue à elle seule un comportement fautif de ce salarié qui, cependant, ne saurait caractériser une faute grave d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et le prive ainsi de son préavis.
Il convient donc de réformer la décision du Conseil de Prud'Hommes en ce qu'elle a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la SA SECURITAS FRANCE à payer à M. [E] [Z] à lui payer la somme de 12.984,18 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la confirmer pour le surplus, par adoption de motifs.
M. [E] [Z] n'étaye pas suffisamment sa demande au titre des rappels de salaire, il convient de rejeter ses prétentions sur ce point et d'infirmer le jugement du Conseil de Prud'Hommes ;
Il n'est pas inéquitable que chaque partie conserve la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer, il n'y a donc pas lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par décision remise au greffe, contradictoire et rendue en dernier ressort,
Infirme le jugement du Conseil de Prud'Hommes de PARIS en ce qu'il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la SA SECURITAS FRANCE à payer à M. [E] [Z] à lui payer la somme de 12.984,18 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que la somme de 97,20 € au titre du rappel de salaire.
Confirme la décision pour le surplus.
Y ajoutant,
Rejette le surplus des demandes.
Condamne la SA SECURITAS FRANCE aux dépens.
LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT
FONCTION DE PRÉSIDENT