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26/11/2015 | FRANCE | N°14/11651

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 26 novembre 2015, 14/11651


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 26 Novembre 2015



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/11651



Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 03 Octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° R14/00167





APPELANT

Monsieur [G] [B]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me

Lilia MHISSEN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0445





INTIMEE

SA AIR FRANCE

N° SIRET : 420 495 178

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 26 Novembre 2015

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/11651

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 03 Octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY - RG n° R14/00167

APPELANT

Monsieur [G] [B]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Lilia MHISSEN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0445

INTIMEE

SA AIR FRANCE

N° SIRET : 420 495 178

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 substitué par Me Amandine DE FRESNOYE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 octobre 2015 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine CANTAT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier.

**********

Statuant sur l'appel formé par Monsieur [G] [B] à l'encontre d'une ordonnance rendue, le 3 octobre 2014, par le conseil de prud'hommes de Bobigny, en sa formation de référé, qui a'dit n'y avoir lieu à référé dans l'affaire qui l'oppose à la SA AIR FRANCE et l'a condamné aux dépens';

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 23 octobre 2015, de Monsieur [G] [B] qui demande à la Cour de':

- infirmer l'ordonnance,

- constater l'existence d'une discrimination syndicale,

- dire que cette discrimination constitue un trouble manifestement illicite,

* à titre principal,

- enjoindre à la SA AIR FRANCE de cesser toute retenue sur salaire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à venir,

- ordonner la restitution de la somme de 5.893,30 euros à parfaire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à venir,

- condamner la SA AIR FRANCE en deniers ou quittance,

- condamner la SA AIR FRANCE à lui verser la provision de 1.500 euros à valoir sur la réparation de son préjudice en raison des retenues abusives effectuées sur son salaire,

* à titre subsidiaire,

- enjoindre à la SA AIR FRANCE de cesser toute retenue supérieure au 10ème de son salaire brut, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à venir,

- ordonner la restitution de la somme de 5.893,30 euros à parfaire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à venir,

- condamner la SA AIR FRANCE en deniers ou quittance,

- condamner la SA AIR FRANCE à lui verser la provision de 1.500 euros à valoir sur la réparation de son préjudice en raison des retenues abusives effectuées sur son salaire,

* en tout état de cause,

- condamner la SA AIR FRANCE à lui verser les sommes provisionnelles suivantes':

- 16.788,59 euros à valoir sur la réparation de son préjudice matériel,

- 2.896,03 euros à valoir sur la réparation de son préjudice social,

- 7.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral,

- 5.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice subi en raison du comportement déloyal et résistant de la SA AIR FRANCE,

- enjoindre à la SA AIR FRANCE de communiquer, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à venir, tous les éléments de calcul qu'elle a pris en compte pour procéder à la compensation et, notamment, la moyenne mensuelle des indemnités versées pour l'ensemble du personnel navigant commercial et la moyenne de chaque secteur d'activité et dans le grade pour les années 2007 à 2015,

- dire que les sommes mises à la charge de la SA AIR FRANCE porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la SA AIR FRANCE à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 23 octobre 2015, de la SA AIR FRANCE qui demande à la Cour de':

- confirmer l'ordonnance,

- débouter Monsieur [G] [B] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Monsieur [G] [B] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [G] [B] aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître Aurélien BOULANGER conformément à l'article 699 du code de procédure civile';

SUR CE, LA COUR

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [G] [B] a été engagé par contrat à durée indéterminée, par la SA AIR FRANCE, à compter du 6 février 1999, en qualité de'steward, la relation contractuelle étant soumise à la convention d'entreprise du personnel navigant commercial.

Du 1er mars 2007 au 31 mars 2011, il a été élu en qualité de délégué du personnel suppléant. Du 1er avril au 31 octobre 2007, puis du 1er août 2008 au 31 juillet 2009, et enfin du 1er juillet 2010 au 30 avril 2011, il a été désigné délégué syndical. Depuis le 1er mai 2011, il est représentant au comité central d'entreprise auprès de la MNPAF, la mutuelle de la SA AIR FRANCE.

Il est toujours en poste.

Il a saisi, le 27 mars 2014, le conseil de prud'hommes de Bobigny, en référé, afin d'obtenir'des dommages et intérêts pour préjudices matériel, social, moral et résultant du comportement déloyal et résistant de son employeur, en invoquant une discrimination syndicale.

Le conseil de prud'hommes'ayant dit n'y avoir lieu à référé, il a interjeté appel de la décision rendue.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la discrimination syndicale et les demandes en paiement provisionnel

Considérant que Monsieur [G] [B] bénéficie, pour l'exercice de ses activités syndicales de journées de déprogrammation';

Qu'il explique que, pendant plusieurs années, la SA AIR FRANCE ne lui a pas versé les indemnités de repas qu'il aurait perçues s'il avait effectué les vols pour lesquels il avait été initialement programmé, qu'au mois d'octobre 2014 elle lui a versé la somme de 11.532,54 euros correspondant aux indemnités des trois dernières années, puis que, de février à août 2015, elle a procédé à des retenues mensuelles sur salaire pour un montant total de 5.893,30 euros';

Qu'il demande à la Cour de constater l'existence d'une discrimination syndicale et de dire que cette discrimination constitue un trouble manifestement illicite';

Considérant qu'aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap';

Que, par ailleurs, l'article L.2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail';

Que l'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application du principe de non-discrimination, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles, la procédure de référé excluant toutefois le recours à une telle possibilité';

Qu'en effet, une discrimination, au sens des textes précités, est susceptible de caractériser un trouble manifestement illicite, conformément à l'article R.1455-6 du code du travail qui dispose que «'la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.'»';

Considérant qu'il résulte des protocoles d'accord relatifs à l'exercice du droit syndical au sein de la SA AIR FRANCE, dont des extraits sont versés aux débats par cette société, précisément quatre protocoles datés des 22 décembre 1997 et 17 janvier 2000, ou mentionnant qu'ils ont été conclus pour les périodes du 1er mars 2004 au 30 juin 2007, et du 1er avril 2008 au 31 mars 2010, que les crédits d'heures au titre du droit syndical sont exprimés en «'jours de déprogrammation'», et qu'une «'garantie mensuelle de rémunération est assurée en cas de sous-activité vol liée à l'exercice d'un mandat'», laquelle prend, pour le personnel navigant commercial (PNC) relevant d'un régime forfaitaire, «'la forme d'une régularisation à M'+'2 par référence à la moyenne des heures supplémentaires observées des PNC 100'% (utilisation en ligne) par secteur (Long-courrier, Moyen-courrier et Court-courrier) et par spécialité'» (libellé identique aux trois derniers protocoles ci-avant mentionnés, les extraits du premier cité ne comportant aucune stipulation à cet égard)';

Que la situation des indemnités de repas, découcher et voiture/courrier pendant ces journées de déprogrammation n'est pas mentionnée dans ces protocoles';

Considérant que Monsieur [G] [B] produit, à titre d'éléments de fait laissant supposer l'existence de la discrimination alléguée, un document émanant de la SA AIR FRANCE intitulé «'Montant mensuel moyen des indemnités de repas, indemnité de voiture/courrier, indemnités de découcher perçues par les hôtesses et les stewards travaillant à temps plein et affectés au secteur Commercial France sur la base d'[Localité 2]'» dont il ressort que les moyennes calculées de novembre 2003 à novembre 2004 sont de 305,33 euros pour les indemnités de repas, de 121,22 euros pour les indemnités de voiture/courrier et de 150,53 euros pour les indemnités de découcher'; qu'il fait valoir que ces moyennes établies par la SA AIR FRANCE ont trait à sa situation en tant que personnel navigant commercial ;

Que Monsieur [G] [B] produit également ses bulletins de paye qui confirment l'absence de paiement d'indemnités de repas lors de ses journées de déprogrammation ;

Qu'il y a lieu de retenir que les éléments que celui-ci produit laissent supposer l'existence d'une discrimination';

Considérant que la SA AIR FRANCE ne conteste ni l'absence de versement des indemnités de repas pendant les journées de déprogrammation, ni l'origine du document précité, mais soutient que Monsieur [G] [B] ne subit aucune discrimination';

Que pour démontrer que le non-versement des dites indemnités est étranger à toute discrimination, elle soutient qu'elle respecte les protocoles conclus sur l'exercice du droit syndical, et que les indemnités litigieuses constituent non pas des compléments de rémunération, mais des remboursements de frais qui ne sont dus que lors des activités de vol et pour compenser les frais encourus à cette occasion';

Considérant que, s'agissant de l'indemnité de repas, l'article 8.6 de la convention d'entreprise du personnel navigant commercial prévoit que':

«'Les frais supplémentaires entraînés par les repas pris hors de la base d'affectation, à l'occasion d'un courrier (déjeuner, dîner) sont remboursés par l'attribution d'une indemnité forfaitaire calculée d'après les prix normalement pratiqués pour un menu courant selon la note de Direction': barème d'indemnisation des frais de déplacement prévu par la convention commune.

L'indemnité valable pour le déjeuner ou le dîner ne comporte qu'un seul taux applicable à tout le personnel navigant commercial.'Elle est attribuée toutes les fois qu'un minimum de 01h00 de temps de séjour ['] est situé dans la période comprise entre 11h00 et 15h00 pour le déjeuner, et entre 18h00 et 22h00 pour le dîner ['].

Ces périodes s'entendent en horaires réels sur moyen-courrier et en horaires programmés sur long-courrier.

Lorsqu'un repas a fait l'objet de prestations embarquées (de type Déjeuner Chaud ou Dîner Chaud), il n'est pas versé d'indemnité repas au titre de la plage horaire correspondant et en tout état de cause, il ne peut être attribué plus de deux repas au cours d'une période de 24 heures, que ce soit sous forme d'indemnité ou de prestations embarquées.'

Pour les PNC du régime d'emploi long-courrier, l'indemnité repas est attribuée à la base d'affectation':

- au départ, si l'heure de départ programmée se situe dans les plages horaires précitées et au moins une heure avant l'heure d'issue de ces mêmes plages.

- à l'arrivée, si l'heure d'arrivée programmée se situe dans les plages horaires précitées et au moins 01h00 avant l'heure de début de ces mêmes plages.

Pour les PNC du régime d'emploi moyen-courrier, le montant de l'indemnité repas est celui fixé en référence à la première escale (y compris passage à la base d'affectation) dont l'heure de fin de temps d'escale est postérieure à l'heure de début de plage considérée pour l'attribution. En cas de découcher, le montant de l'indemnité du soir est toujours celle du lieu de découcher. En cas d'incapacité de détermination (ex.': annulation de vol, fin de mission à [Localité 3]'), une indemnité France sera versée.'»';

Qu'il résulte de ce texte que l'indemnité de repas n'est due qu'en cas de participation effective à une activité de vol, ou à une activité liée au courrier, à l'occasion de laquelle le personnel navigant commercial quitte sa base d'affectation pour exercer ses fonctions sur un vol de la compagnie, activité qui entraîne des frais qui sont ainsi compensés';

Que, dans son attestation produite par la SA AIR FRANCE, Madame [I], responsable du service gestion et paie du personnel navigant, confirme que «'le Personnel Navigant Commercial immobilisé au sol pour raison de formation, de visite médicale ou de réserve ne perçoit pas d'indemnités de repas'»';

Qu'aucune des autres pièces produites ne révèle que l'indemnité litigieuse serait versée au personnel navigant commercial à l'occasion de journées de travail n'incluant pas d'activité de vol';

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le non-versement de l'indemnité de repas au salarié pendant ses journées de déprogrammation ne constitue pas une discrimination syndicale qui caractériserait, en cet état de référé, un trouble manifestement illicite';

Considérant que l'article R.1455-7 du code du travail dispose que «'dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'»';

Qu'au cas présent, les créances dont se prévaut Monsieur [G] [B] se heurtent à une contestation sérieuse, compte tenu de l'absence du trouble manifestement illicite allégué sur lequel il les fonde, absence qui résulte de ce qui précède';

Qu'il y a lieu de débouter Monsieur [G] [B] de ses demandes tendant à voir':

- condamner la SA AIR FRANCE à lui verser les sommes provisionnelles suivantes':

- 16.788,59 euros à valoir sur la réparation de son préjudice matériel résultant de la perte alléguée de ses indemnités de repas pendant les 6 ans durant lesquels il a exercé ses fonctions syndicales,

- 2.896,03 euros à valoir sur la réparation du préjudice social qu'il aurait subi suite à la perte de droits à la retraite, lesdites indemnités n'ayant pas été soumises aux cotisations sociales pour la retraite,

- 7.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant de la discrimination qu'il aurait subie en raison de ses mandats syndicaux,

- 5.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice qu'il aurait subi en raison du comportement déloyal et résistant de la SA AIR FRANCE, qui ne lui a pas versé ses indemnités, alors qu'elle avait déjà été condamnée par de multiples décisions de justice dans des situations similaires';

Que la décision déférée sera, en conséquence, confirmée, en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur ces points';

Qu'il y a également lieu de débouter Monsieur [G] [B] de sa demande tendant à voir'enjoindre à la SA AIR FRANCE de communiquer, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à venir, tous les éléments de calcul qu'elle a pris en compte pour procéder à la compensation et, notamment, la moyenne mensuelle des indemnités versées pour l'ensemble du personnel navigant commercial et la moyenne de chaque secteur d'activité et dans le grade pour les années 2007 à 2015';

Sur les retenues sur salaire

Considérant que Monsieur [G] [B] demande, pour la première fois en cause d'appel, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la SA AIR FRANCE de cesser toute retenue sur salaire, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à venir, ou de cesser toute retenue supérieure au 1/10ème de son salaire brut, avec la même astreinte, en faisant valoir qu'au mois d'octobre 2014 elle lui a spontanément versé la somme brute de 11.532,54 euros,'puis, de février à août 2015, a unilatéralement procédé à des retenues sur salaire pour un montant total de 5.893,30 euros, au mépris des dispositions de l'article L.3251-1 du code du travail, sans l'informer ;

Qu'il demande, également pour la première fois en cause d'appel, d'ordonner à la SA AIR FRANCE de lui restituer la somme de 5.893,30 euros, avec la même astreinte,'et de condamner la SA AIR FRANCE à lui verser la provision de 1.500 euros à valoir sur la réparation de son préjudice en raison des retenues abusives effectuées sur son salaire';

Considérant que la SA AIR FRANCE répond que suite à l'ordonnance de référé rendue par le tribunal de grande instance de Bobigny le 31 mars 2014, dans le cadre d'un litige qui l'opposait au syndicat SUD AERIEN, elle a été contrainte de payer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par salarié concerné, dont Monsieur [G] [B], les indemnités de repas et de menus frais à partir du mois de juin 2014';

Qu'elle ajoute que suite à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 octobre 2014 ayant infirmé cette ordonnance de référé, elle était en droit de récupérer la moyenne des indemnités de repas perçues depuis juin 2014 par Monsieur [G] [B]'; qu'elle a, le 29 octobre 2014, envoyé au salarié une mise en demeure de lui restituer la somme ainsi perçue, mais que celui-ci n'ayant jamais répondu à sa demande elle a mis en 'uvre un mécanisme de compensation dans le cadre de l'«'application combinée des articles du code civil (art.1289 et s.) et du code du travail (art. L.3251-1 et s.)'» ;

Considérant que le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny, par ordonnance du 31 mars 2014, a enjoint à la société d'imputer aux salariés en délégation les indemnités de repas et les indemnités de menus frais et de rétrocéder l'ensemble des sommes dues aux salariés de ce chef, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par salarié concerné, passé un délai d'un mois à compter de la décision';

Que, suite à cette décision, la SA AIR FRANCE a informé l'ensemble des syndicats, par télécopie du 10 juillet 2014,'qu'elle avait interjeté appel mais que, sous réserve de cette voie de recours, elle exécuterait cette ordonnance et effectuerait une régularisation depuis le mois de juin 2011 dès que possible';

Qu'elle a, dans ce contexte, versé à Monsieur [G] [B] la somme de 11.532,54 euros';

Que la cour d'appel de Paris (chambre 6-1), par arrêt du 27 octobre 2014, a infirmé l'ordonnance du 31 mars 2014 ;

Que cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi';

Que la SA AIR FRANCE, en invoquant cette décision de la cour d'appel, a, par courrier du 29 octobre 2014, mis en demeure Monsieur [G] [B] de lui restituer avant le 15 décembre 2014 les sommes qu'elle lui avait versées sous la rubrique «'IND.AUTRES'» depuis le mois de juin 2014, y compris celles qui venaient de lui être versées sur le bulletin de paye du mois d'octobre 2014 ;

Que Monsieur [G] [B] n'ayant rien restitué, la SA AIR FRANCE a commencé à prélever mensuellement sur sa rémunération, entre février et août 2015, une somme variant, selon les mois, de 694,61 euros à 1.003,78 euros, pour un montant total de 5.893,30 euros';

- sur les textes invoqués

Considérant que le code du travail prévoit':

- en son article L.3251-1': '

«'L'employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu'en soit la nature.'»';

- en son article L.3251-2': '

«'Par dérogation aux dispositions de l'article L.3251-1, une compensation entre le montant des salaires et les sommes qui seraient dues à l'employeur peut être opérée dans les cas de fournitures suivants :

1° Outils et instruments nécessaires au travail ;

2° Matières ou matériaux dont le salarié a la charge et l'usage ;

3° Sommes avancées pour l'acquisition de ces mêmes objets.'»';

- en son article L.3251-3': '

«'En dehors des cas prévus au 3° de l'article L.3251-2, l'employeur ne peut opérer de retenue de salaire pour les avances en espèces qu'il a faites, que s'il s'agit de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles.

La retenue opérée à ce titre ne se confond pas avec la partie saisissable ou cessible.

Les acomptes sur un travail en cours ne sont pas considérés comme des avances.'»';

Que le code civil prévoit':

- en son article 1289': '

«'Lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes, de la manière et dans les cas ci-après exprimés.'»';

- en son article 1290': '

«'La compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives.'»';

- en son article 1291 : '

«'La compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles.

Les prestations en grains ou denrées, non contestées, et dont le prix est réglé par les mercuriales, peuvent se compenser avec des sommes liquides et exigibles.'»';

- sur les dettes réciproques

Considérant que Monsieur [G] [B] soutient que la créance de la SA AIR FRANCE n'est pas certaine aux motifs que':

- l'arrêt du 27 octobre 2014 a été frappé de pourvoi en cassation de sorte qu'il ne s'agit pas d'une décision définitive,'

- la créance n'a pas été chiffrée par l'arrêt de la cour d'appel du 27 octobre 2014,

- la SA AIR FRANCE a été à plusieurs reprises condamnée au paiement d'indemnités de repas à des salariés qui bénéficiaient de journées de déprogrammation';

Considérant que le pourvoi en cassation n'a pas d'effet suspensif et que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, le 27 octobre 2014, est exécutoire, ayant été rendu en dernier ressort, conformément à l'article L.111-11 du code des procédures civiles d'exécution qui dispose'que «'Sauf dispositions contraires, le pourvoi en cassation en matière civile n'empêche pas l'exécution de la décision attaquée. Cette exécution ne peut donner lieu qu'à restitution ; elle ne peut en aucun cas être imputée à faute.'»';

Que si la créance de la SA AIR FRANCE n'a pas été chiffrée par l'arrêt de la cour d'appel du 27 octobre 2014, le salarié a néanmoins perçu une somme précise dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance de référé du 31 mars 2014 qui a été infirmée par ledit arrêt';

Qu'il importe peu que la SA AIR FRANCE ait été à plusieurs reprises condamnée au paiement d'indemnités de repas à des salariés qui bénéficiaient de journées de déprogrammation';

- sur le titre exécutoire

Considérant que Monsieur [G] [B] soutient que'la SA AIR FRANCE':

- ne justifie d'aucun titre exécutoire à son égard,

- ne lui a pas communiqué par lettre recommandée avec accusé de réception les décisions de justice,

- n'a pas fait signifier ni le jugement ni l'arrêt qu'elle prétend exécuter,

- ne lui a pas adressé de commandement de payer,

- devait saisir le juge de l'exécution seul compétent pour trancher le litige «'relevant de l'exécution d'une décision judiciaire'»';

Considérant que la SA AIR FRANCE n'a pas besoin d'être titulaire d'un titre exécutoire pour agir en répétition de l'indu, la seule infirmation de l'ordonnance de référé rendue par le tribunal de grande instance de Bobigny le 31 mars 2014 valant titre de remboursement des sommes qu'elle a versées au salarié';

Que, même si la SA AIR FRANCE n'a pas communiqué au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception les décisions de justice, ce dernier ne conteste cependant pas en avoir eu connaissance';

Que la SA AIR FRANCE n'avait à faire signifier au salarié, ni l'ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Bobigny du 31 mars 2014, ni l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 octobre 2014 qu'elle prétend exécuter, celui-ci n'étant pas partie à l'instance';

Que la SA AIR FRANCE n'a pas adressé de commandement de payer au salarié, mais, par courrier du 29 octobre 2014, l'a mis en demeure de lui restituer avant le 15 décembre 2014 les sommes qu'elle lui avait versées sous la rubrique «'IND.AUTRES'» depuis le mois de juin 2014, y compris celles qui venaient de lui être versées sur le bulletin de paye du mois d'octobre 2014 ;

Que la SA AIR FRANCE qui n'a pas procédé à une exécution forcée au sens de l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire, mais a opéré une compensation en dehors de toute mesure d'exécution forcée, n'avait pas à saisir le juge de l'exécution';

- sur le montant de la compensation

Considérant que Monsieur [G] [B] soutient que le trop-perçu :

- s'analyse en une avance en espèces,

- ne peut donner lieu à une retenue excédant le 1/10ème du salaire exigible, conformément à l'article L.3251-3 précité';

Qu'il demande, pour la première fois en cause d'appel, d'enjoindre à la SA AIR FRANCE de cesser toute retenue supérieure au 10ème de son salaire brut, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à venir';

Considérant que la SA AIR FRANCE ne conteste pas avoir prélevé mensuellement des sommes supérieures au 1/10ème du salaire exigible, mais soutient qu'elle pouvait mettre en 'uvre le mécanisme de compensation qu'elle a choisi dans le cadre de l'application combinée des articles 1289 et suivants du code civil et L.3251-1 et suivants et du code du travail, la somme brute de 11.532,54 euros ne correspondant pas à une avance en espèces;

Considérant que la SA AIR FRANCE a versé au salarié, en exécution de l'ordonnance de référé du 31 mars 2014, la somme brute de 11.532,54 euros à titre de rappels des indemnités de repas et de menus frais mentionnées à l'article 8.6 de la convention d'entreprise du personnel navigant commercial ;'

Qu'au sens des articles L.3251-1 et suivants précités, cette somme correspondait donc à des avances en espèces'; qu'en conséquence,'la SA AIR FRANCE ne pouvait effectuer des retenues excédant le 1/10ème du salaire exigible mensuellement ;

Considérant que Monsieur [G] [B] ne fournit aucun calcul précisant, mois par mois, les sommes qui, en application de ces dispositions légales, pouvaient donner lieu à retenue;

Qu'en conséquence, si le principe de la restitution des sommes retenues par la SA AIR FRANCE au-delà du salaire exigible n'est pas contestable, la créance dont se prévaut Monsieur [G] [B] à ce titre, se voit en revanche opposer une contestation sérieuse dans son montant, de sorte qu'il sera dit n'y avoir lieu à référé sur sa demande tendant à la restitution de la somme de 5.893,30 euros, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à venir';

Que, par contre, il y a lieu d'enjoindre à la SA AIR FRANCE de cesser toute retenue mensuelle excédant le 1/10ème du salaire exigible, mais sans astreinte, laquelle n'apparaît pas justifiée';

- sur le préjudice subi en raison des retenues abusives effectuées sur le salaire

Considérant que Monsieur [G] [B] demande, pour la première fois en cause d'appel, la condamnation de la SA AIR FRANCE à lui verser la provision de 1.500 euros à valoir sur la réparation de son préjudice en raison des retenues abusives effectuées sur son salaire';

Considérant que la SA AIR FRANCE a, par courrier du 29 octobre 2014, mis en demeure le salarié de lui restituer les sommes qu'elle lui avait versées sous la rubrique «'IND.AUTRES'» depuis le mois de juin 2014, suite à l'infirmation de l'ordonnance de référé précitée du 31 mars 2014 par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 27 octobre 2014';

Que le salarié a refusé de restituer ces sommes alors qu'il savait qu'elles ne lui étaient plus dues';

Que, dans ce contexte, même si la SA AIR FRANCE n'a pas respecté le plafond des retenues sur salaire mentionné à l'article L.3251-3'précité, il y a lieu de débouter le salarié de sa demande tendant'à condamner la SA AIR FRANCE à lui verser la provision de 1.500 euros à valoir sur la réparation de son préjudice en raison des retenues abusives effectuées sur son salaire';

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont dû exposer pour la procédure de première instance et d'appel';

Qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance qui a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile'pour la procédure de première instance et de dire que les demandes fondées sur cet article, pour la procédure d'appel, doivent être rejetées';

Considérant qu'il y a lieu de condamner Monsieur [G] [B] aux dépens de première instance, en confirmant l'ordonnance, et d'appel, la demande formée conformément à l'article 699 du code de procédure civile, qui n'est pas applicable aux matières dans lesquelles la représentation par avocat n'est pas obligatoire, étant rejetée';

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [G] [B] de l'ensemble de ses demandes exception faite de celle tendant à voir enjoindre à la SA AIR FRANCE de cesser toute retenue supérieure au 10ème de son salaire brut, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à venir,

Enjoint à la SA AIR FRANCE de cesser toute retenue mensuelle excédant le 1/10ème du salaire exigible, sans astreinte,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Condamne Monsieur [G] [B] aux dépens de la procédure d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 14/11651
Date de la décision : 26/11/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°14/11651 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-26;14.11651 ?
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