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17/12/2015 | FRANCE | N°13/04479

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 17 décembre 2015, 13/04479


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 17 décembre 2015

(n° 671 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04479



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Février 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LONGJUMEAU section encadrement

RG n° 11/00105





APPELANT

Monsieur [N], [Z] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissanc

e 1] 1964 à [Localité 1]

représenté par Me Christine BORDET LESUEUR, avocat au barreau de CHARTRES







INTIMEE

SA AUBAY

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 391 504 693 00063

repré...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 17 décembre 2015

(n° 671 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04479

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Février 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LONGJUMEAU section encadrement

RG n° 11/00105

APPELANT

Monsieur [N], [Z] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

représenté par Me Christine BORDET LESUEUR, avocat au barreau de CHARTRES

INTIMEE

SA AUBAY

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 391 504 693 00063

représentée par Me Vincent GALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1719

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Mourad CHENAF, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine METADIEU, Présidente

M. Mourad CHENAF, Conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-Présidente placée

Greffier : Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, présidente et par Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Faits et procédure :

Monsieur [N] [R] a été engagé par la Société PROJIPE CONSULTING aux droits de laquelle se trouve la SA AUBRAY par contrat à durée indéterminée du 31 juillet 2003 en qualité de d'Ingénieur Concepteur Développeur, catégorie cadre.

La société compte plus de dix salariés et les relations contractuelles entre les parties sont régies par la convention collective SYNTEC.

Par courrier du 14 juin 2010, Monsieur [N] [R] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Monsieur [N] [R] a saisi le Conseil de Prud'hommes de CHARTRES qui s'est déclaré incompétent au profit du Conseil de Prud'hommes de Longjumeau par jugement du 03 décembre 2010.

Devant le Conseil de Prud'hommes de Longjumeau, Monsieur [N] [R] a sollicité la requalification de sa prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la condamnation de la société AUBAY au paiement des indemnités découlant de cette requalification ainsi qu'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement de départage du 1er février 2013, le Conseil de Prud'hommes de Longjumeau a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail devait s'analyser en une démission et à débouter Monsieur [N] [R] de l'intégralité de ses demandes.

Appelant de ce jugement, Monsieur [N] [R] sollicite de la Cour qu'elle dise que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence de condamner la SA AUBRAY au paiement des sommes suivantes :

- 40 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause et réelle;

- 8176,53 € au titre de l'indemnité légale de licenciement;

- 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SA AUBRAY conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et au rejet des demandes de Monsieur [R] ainsi qu'à sa condamnation au paiement d'une indemnité de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre aux entiers dépens.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés aux conclusions de l'appelant, visées par le greffier, et soutenues oralement à l'audience du 13 novembre 2015.

A la suite des débats, les parties ont été entendues en leurs dires et observations et avisées que l'affaire a été mise en délibérée pour un arrêt rendu le 17 décembre 2015.

Motivation :

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Il résulte de la combinaison des articles L 1231-1, L 1237-2 et L 1235- 1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

En l'espèce, Monsieur [N] [R] explique que la SA AUBAY a décidé de baisser le montant de ses frais de déplacement pour les ramener de 28,97 € à 18,29 € et que malgré ses demandes, son employeur a maintenu sa décision de diminuer les frais de déplacement qui, selon lui, constitue un élément déterminant de son contrat de travail.

Il précise que l'accord d'embauche du 31 juillet 2003 prévoyait une prise en charge des frais de déplacement à hauteur de 18,29 € par jour travaillé lorsqu'il était en mission et que ses frais de déplacement ont fait l'objet de novations par l'employeur qui ont successivement portées le taux journalier à 25,15 € à compter du 01 janvier 2005, puis à 28,97 € à compte du 01 juin 2008.

Monsieur [R] estime que la Société AUBAY ne peut remettre en cause cette novation pour laquelle il a donné son accord sauf à modifier de façon essentielle son contrat de travail ce qui constitue, selon lui, un manquement suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite de son contrat de travail.

En réponse, la société AUBRAY fait valoir que l'augmentation des frais de déplacement n'avaient pas été contractualisés, mais procédaient de décisions unilatérales que l'employeur a la faculté de dénoncer et que l'abaissement du taux journalier au montant convenu entre les parties dans la lettre d'engagement ne peut être constitutif d'un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles.

Il résulte des éléments du dossier que l'employeur a unilatéralement augmenté le taux journalier pour le porter à un taux forfaitaire journalier de 25,15 € à compter du 1er janvier 2005, puis à 28,97 € à compter du 1er juin 2008.

Ce faisant, l'employeur a explicitement entendu attribuer un avantage au profit de ses salariés en revalorisant la prise en charge des frais de déplacement par des augmentations forfaitaires importantes tous les 3 ans environ.

La dénonciation de ces revalorisations des frais de déplacements, pour être régulière, devait être précédée d'un préavis suffisant pour permettre des négociations, être notifiée aux représentants du personnel et à tous les salariés concernés.

L'information des salariés concernés devait, de surcroît, être faite individuellement et par écrit.

Les pièces du dossier démontrent que la SA AUBAY n'a respecté aucune de ces modalités, de sorte que la dénonciation de l'engagement unilatéral est inopposable à Monsieur [R], l'employeur ne pouvait lui imposer une baisse du taux journalier dont il bénéficiait depuis 15 mois.

Ce non-respect des règles de dénonciation est constitutif d' une faute grave de la part de l'employeur. Il en est résulté pour Monsieur [R] un préjudice qu'il convient d' évaluer, en considération des pièces produites, à 2000 euros par an.

En maintenant sa position malgré les récriminations du salarié, l'employeur a gravement manqué à ses obligations au point de rendre impossible pour Monsieur [R] le maintien de la relation de travail.

Il ressort de l'intégralité des éléments qui précèdent il y a lieu de constater que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [N] [R] doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Sur les conséquences pécuniaires du licenciement

Sur l'indemnité légale de licenciement

Selon l'article L 1234-9 du code du travail, « le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement ».

Monsieur [N] [R] compte 7 années d'ancienneté et la moyenne de ses trois derniers mois de salaire s'élève à 3463 €.

Compte tenu de ce qui précède, la Cour est en mesure de fixer l'indemnité légale de licenciement due à Monsieur [N] [R] la somme de 8173,53 €.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article L 1235-3 du code du travail, lorsque le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et que le salarié ne demande pas sa réintégration au sein de l'entreprise, celui-ci a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire.

Compte tenu des circonstances de la rupture du contrat de travail, de l'ancienneté du salarié, de sa rémunération et de l'évolution de sa situation postérieurement au licenciement, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il convient d'allouer à Monsieur [N] [R] la somme de 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande d'allouer à Monsieur [N] [R] une indemnité de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La SA AUBRAY, qui succombe dans la présente instance, sera condamnée aux entiers dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par ces motifs, la Cour :

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement du Conseil de Prud'hommes du 01 février 2013 en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur [N] [R] devait s'analyser en une démission;

Et statuant à nouveau,

Dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat par Monsieur [N] [R] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

En conséquence

Condamne la SA AUBRAY à payer à Monsieur [N] [R] les sommes suivantes :

-8176,53 € au titre de l'indemnité légale de licenciement;

-30 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause et réelle;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées ;

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamne la SA AUBRAY à payer à Monsieur [N] [R] la somme de 1 000 € au titre de ses frais irrépétibles ;

La déboute de ce chef ;

Condamne la SA AUBRAY aux dépens de première instance et en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/04479
Date de la décision : 17/12/2015

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°13/04479 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-17;13.04479 ?
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