RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 17 Décembre 2015
(n° 672 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/04480
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 11/16693
APPELANTE
Madame [R] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1]
comparante en personne, assistée de Me Olivier GADY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0372
INTIMEE
SAS WOLTERS KLUWER FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Christine GERGAUD LERBOURG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0264
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-présidente placée, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine METADIEU, Présidente
M. Mourad CHENAF, Conseiller
Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-Présidente placée
Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile
- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, présidente et par Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
Faits et procédure :
Madame [R] [I] a été engagée par la SA LIAISONS SOCIALES à compter du 01 juin 1984, par contrats à durée déterminée successifs, en qualité de compocartiste, claviste monteuse, et secrétaire sténo-dactylographe.
A compter du 01 novembre 1987, Madame [I] a signé un contrat à durée indéterminée, en qualité de claviste-photocompo-dactylographe.
A compter du 01 mars 1997, elle occupe un poste de secrétaire de rédaction, relevant du statut des journalistes.
Sa rémunération mensuelle brute s'établit en dernier lieu à 3577, 49 euros.
L'entreprise compte plus de 10 salariés.
La relation de travail est régie par la Convention collective des Journalistes.
Dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, Madame [I] s'est portée candidate à un départ volontaire à la retraite.
Saisie à l'initiative de Madame [I], la Commission arbitrale des Journalistes s'est déclarée incompétente concernant le calcul de l'indemnité.
Par jugement en date du 23 avril 2013, le Conseil de Prud'hommes de PARIS a débouté Madame [I] de l'ensemble de ses demandes.
Madame [I] a interjeté appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation. Elle demande à la Cour de fixer le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement à laquelle est égale l'indemnité versée dans le cadre du départ volontaire à la retraite selon le plan de sauvegarde de l'emploi et de condamner la société à lui payer les sommes suivantes, augmentées des intérêts au taux légal :
-33 270, 64 euros à titre de rappel d'indemnité de départ volontaire à la retraite en application de plan de sauvegarde de l'emploi,
-20 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Elle sollicite également la condamnation de la SAS WOLTERS KLUWER FRANCE au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'employeur conclut à la confirmation du jugement et demande que Madame [I] soit condamnée au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 10 novembre 2015, reprises et complétées à l'audience.
MOTIVATION,
sur le montant de l'indemnité dans le cadre du départ volontaire à la retraite :
Madame [I] sollicite un solde d'indemnité perçue dans le cadre de son départ volontaire à la retraite et en application du plan de sauvegarde de l'emploi, en affirmant que les dispositions conventionnelles issues du plan de sauvegarde de l'emploi, mais également du protocole signé dans le cadre des négociations de ce plan, démontrent que les modalités de calcul du montant de l'indemnité de départ à la retraite sont identiques à celles applicables pour calculer le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
La SAS WOLTERS KLUWER FRANCE s'oppose à cette analyse, en indiquant que ces deux indemnités ne peuvent pas se calculer de manière identique, qu'elles sont bien distinguées dans le plan de sauvegarde de l'emploi et que l'indemnité perçue par Madame [I] a été calculée conformément aux dispositions négociées.
Elle ajoute que les mentions afférentes à la Commission arbitrale ne concernent pas les départs volontaires à la retraite et que les autres dispositions du plan afférentes à l'indemnité conventionnelle de licenciement concernent les licenciements et le congé mobilité, non les départs volontaires.
Il ressort des pièces du dossier qu'un plan de sauvegarde de l'emploi a été signé le 24 septembre 2009, prévoyant diverses mesures dont le départ volontaire à la retraite.
A la lecture des dispositions afférentes à l'indemnité versée dans ce cadre, le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit que « les salariés partant en retraite dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi bénéficieront d'une indemnité égale à l'indemnité conventionnelle de licenciement (ICL) en lieu et place de l'indemnité de départ en retraite ». Il est également précisé que « pour les journalistes, il est fait application de la seule convention collective nationale des journalistes » et que « le versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement est exclusif de l'indemnité de départ volontaire en retraite ».
Il résulte des termes clairs et dénués de toute ambiguïté du PSE que l'employeur s'est engagé, de manière unilatérale, à verser au salarié dans le cadre d'un départ volontaire à la retraite une indemnité de départ calculée selon les modalités prévues pour l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Dès lors, au regard des différentes dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi afférentes aux modalités de calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement, et ce quel que soit le mode de rupture de la relation de travail, il apparaît que l'employeur a entendu faire bénéficier les salariés de plus de 15 ans d'ancienneté d'une indemnité au minimum égale à 1, 2 mois de salaire par année d'ancienneté.
Il ne ressort, de plus, d'aucune disposition de ce plan de sauvegarde de l'emploi que les parties ont entendu cantonner l'indemnité versée aux salariés bénéficiant d'un départ volontaire à la retraite à un mois par an dans la limite forfaitaire de 15 années d'ancienneté.
Madame [I] justifie d'une ancienneté de 22 ans et 09 mois. Sa dernière rémunération brute mensuelle s'élève à 3577, 49 euros.
Il est établi qu'elle a perçu une indemnité s'élevant à 53 662, 35 euros, soit une indemnité limitée à 15 ans d'ancienneté.
Par conséquent, il convient de condamner la SAS WOLTERS KLUWER FRANCE au paiement d'un rappel d'indemnité d'un montant de 33 270, 64 euros correspondant au reliquat d'ancienneté.
sur les dommages-intérêts :
Madame [I] explique que la SAS WOLTERS KLUWER FRANCE a manqué à ses obligations contractuelles, sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code Civil, en refusant de saisir la Commission arbitrale et en limitant le montant de l'indemnité de licenciement, mais également en refusant initialement de la faire bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi alors qu'elle remplissait l'intégralité des critères prévus par le plan.
La SAS WOLTERS KLUWER FRANCE réfute tout manquement à ses obligations contractuelles. Elle indique que Madame [I] ne démontre pas la perte de chance qu'elle allègue lorsqu'elle affirme que la Commission Arbitrale lui aurait octroyé une indemnité supérieure à celle fondée sur 1, 2 mois par année d'ancienneté. Elle ajoute que le refus initial était justifié par le fait que le quota de départ volontaire dans la catégorie professionnelle de Madame [I] avait été atteint.
Il ressort des pièces du dossier que Madame [I] a du multiplier les démarches pour pouvoir bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi, alors même qu'elle remplissait les critères requis. Il n'est pas démontré que le refus initial repose sur l'atteinte d'un quota dans la catégorie professionnel, les deux mails produits aux débats n'étant corroborés par aucune pièce et étant particulièrement lapidaires.
Il y a lieu également de relever que la décision de la Commission arbitrale, saisie par Madame [I], et qui s'est déclarée incompétente, a néanmoins indiqué les éléments suivants dans sa décision : « la commission arbitrale n'est pas compétente pour statuer dans ce cadre légal. Elle ne peut l'être que comme instance arbitrale, saisie par les deux parties en application du plan de sauvegarde de l'emploi et du protocole du 09 novembre 2009, ce qui n'est pas soutenu par les parties. »
Il n'est pas contesté que la SAS WOLTERS KLUWER FRANCE n'a effectué aucune diligence suite à cette décision de nature à mettre un terme à la situation de blocage dans laquelle se trouvait Madame [I].
Compte tenu de cette carence fautive de l'employeur, il convient d'allouer la somme de 8 000 euros à Madame [I].
L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et que la SAS WOLTERS KLUWER FRANCE soit condamnée au paiement de la somme de 2000 euros à Madame [I].
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire publiquement ;
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
STATUANT à nouveau,
CONDAMNE la SAS WOLTERS KLUWER FRANCE au paiement à Madame [I] des sommes suivantes :
-33 270, 64 euros à titre de solde d'indemnité,
-8000 euros à titre de dommages-intérêts,
avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
CONDAMNE la SAS WOLKERS KLUWER FRANCE au paiement à Madame [I] de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNE la SAS WOLKERS KLUWER FRANCE aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT