RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 12
ARRÊT DU 21 Janvier 2016
(no, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/ 02299
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Novembre 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG no 09-01417
APPELANT
Monsieur Jacques X...
né le 06 février 1968 à Saint Denis (93200)
...
75019 PARIS
représenté par Me Valérie SAUVADE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0824
INTIMEES
CPAM 75- PARIS
21 rue Georges Auric
Département Législation et Contrôle
75948 PARIS CEDEX 19
représenté par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
ERDF-GRDF
6 rue de la Liberté
93691 PANTIN CEDEX
représentée par Me Bertrand DELCOURT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0023 substitué par Me Marianne ROUSSO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0023
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
14, avenue Duquesne
75350 PARIS CEDEX 07
avisé-non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Présidente
Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseillère
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Céline BRUN, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Céline BRUN, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur X..., employé des sociétés EDF et GDF devenues ERDF et GRDF, a été placé en congé longue maladie pour dépression à compter du 27 août 2001, des reprises de travail à mi-temps thérapeutique sont intervenues en 2002 puis du 5 janvier au 31 mai 2006 et il a été placé en invalidité à compter du 15 mai 2007.
Il a établi le 20 juin 2007 une déclaration de maladie professionnelle pour un syndrome anxio dépressif avec première constatation le 27 août 2001.
La CPAM de Paris a saisi le Comité Régional de Reconnaissance des maladies processionnelles (CRRMP) de la région Ile-de-France qui le 24 septembre 2008 a rendu un avis concluant à l'absence de rapport de causalité directe entre la maladie soumise à instruction et les conditions de travail de l'intéressé.
La Caisse a donc notifié le 20 janvier 2009 une décision de refus de prise en charge, confirmée par la commission de recours amiable.
Monsieur X...a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris qui dans un jugement avant dire-droit du 15 mars 2010 a saisi le CRRMP de Rouen avec pour mission de donner un avis sur le lien de causalité direct et essentiel entre le travail habituel de Monsieur X...et le syndrome anxio dépressif déclaré le 31 mai 2007.
Ce deuxième CRRMP n'ayant pas retenu l'origine professionnelle de la maladie, le Tribunal a dans un jugement du 22 novembre 2010 débouté Monsieur X...de toutes ses demandes.
Par ailleurs la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 19 mai 2011 a infirmé la décision du conseil des prud'hommes qui avait débouté Monsieur X...de sa demande de dommages et intérêts et a condamné les sociétés ERDF-GRDF à lui payer la somme de 50000 ¿ pour des faits de harcèlement moral.
Monsieur X...a fait appel de la décision du Tribunal des affaires de sécurité sociale du 15 mars 2010 et dans un arrêt avant-dire droit du 21 novembre 2013 auquel il est renvoyé pour l'exposé intégral du litige et des moyens des parties, la Cour a ordonné le renvoi de Monsieur X...devant le CRRMP d'Orléans ou CRRMP de la région Centre pour un troisième avis sur l'origine professionnelle du syndrome dépressif médicalement constaté le 31 mai 2007.
Ce comité a rendu le 17 juin 2015 un avis dans lequel il ne retient pas l'origine professionnelle du syndrome dépressif déclaré le 31 mai 2007 en considération des éléments suivants :
- la physio pathogénie de l'affection déclarée
-la chronologie des événements professionnels et médicaux au cours de la carrière de l'assuré
-les éléments médico-administratifs communiqués au dossier
-les avis des médecins du travail (Docteur Z...le 3 mai 2006, docteur A...le 3 juillet 2008)
- l'avis de l'ingénieur conseil de la CARSAT
L'affaire a été plaidée à nouveau devant la COUR après cet avis.
Monsieur X...dans des conclusions écrites soutenues oralement par son avocat demande à la Cour d'infirmer le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale du 22 novembre 2010 et statuant à nouveau de :
- reconnaître l'origine professionnelle de sa dépression
-lui accorder une rente au taux de 25 % (taux minimum qui a été admis par la Caisse puisqu'elle a instruit le dossier de maladie professionnelle) à compter du 27 août 2001 première constatation médicale de sa dépression, soit " d'au moins 2576, 25 ¿ " par an.
- de condamner la CPAM à lui verser les arrérages et la somme de 1500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- de condamner les sociétés ERDF et GRDF à lui payer 1500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que les avis rendus par les CRRMP s'imposent aux Caisses mais non aux juges qui peuvent malgré ces avis négatifs retenir l'origine professionnelle d'une maladie au regard des éléments du dossier.
Il fait valoir notamment que le CRRMP de Rouen avait relevé que " les conditions de travail de Monsieur X...avant son arrêt-maladie de 2001 paraissaient conflictuelles " et que la présente formation de la cour Cour avait estimé dans son jugement avant-dire-droit que si le CRRMP évoquait l'existence " d'un facteur de risque extra-professionnel concomitant de ses conditions de travail ", l'existence de celui-ci n'était pas établi, ce qui avait justifié la saisine du troisième CRRMP.
Il prétend que les conditions de travail et la discrimination qui ont été reconnus par la Cour d'Appel le 19 mai 2011 sont à l'origine de sa dépression puisque la preuve d'une autre origine n'est pas rapportée.
LA CPAM a demandé à la Cour de confirmer le jugement déféré et de confirmer le rejet de la prise en charge au titre de maladie professionnelle de la dépression de Monsieur X....
Elle a rappelé que l'avis du CRRMP s'impose à la Caisse et que Monsieur X...n'apporte pas d'éléments probants pour le contredire.
Subsidiairement elle fait valoir que c'est la Caisse qui calcule le montant de la rente après qu'ait été fixé le montant de l'incapacité permanente.
Les sociétés ERDF et GRDF venant aux droits des sociétés EDF et GDF sollicitent à titre principal la confirmation de la décision du Tribunal des affaires de sécurité sociale au vu de la décision du troisième CRRMP, soutenant que les éléments produits par Monsieur X...ne sont pas probants et sont subjectifs alors que trois CRRMP ont conclu à l'absence de lien directe et que les représentants du syndicat CGT ont retiré la question du harcèlement de Monsieur X...après enquête.
Subsidiairement si la cour devait reconnaître le caractère professionnel de la pathologie ils demandent à ce qu'une expertise soit faite pour calculer le taux d'IPP.
MOTIFS
Si les avis rendus par les CRRMP ne s'imposent pas aux juges du fond et d'appel, il convient néanmoins que soient apportés des éléments qui puissent permettre de passer outre ces avis négatifs.
En l'espèce, le CRRMP d'Orléans a clairement exposé les éléments (notamment la chronologie des événements et des arrêts médicaux) qui lui ont permis de conclure que la raison de la dépression de Monsieur X...n'était pas les conditions de travail, et si celles-ci ont pu causer un trouble, le travail n'est pas apparu comme le facteur déterminent aux trois médecins composant le comité. Celui-ci avait notamment en sa possession tous les éléments médicaux fournis pas la Caisse et notamment le dossier de l'intéressé contenant les documents produits dans la présente affaire. Bien que le deuxième CRRMP saisi, celui de Rouen, ait indiqué que la cause extérieure n'était pas clairement définie il avait conclu dans le même sens et ce sont donc trois CRRMP composés différemment qui ont conclu à cette absence de lien, soit neuf médecins, outre les médecins conseils de la Caisse.
Pour justifier qu'il soit passé outre à ces très nombreux avis médicaux, Monsieur X...invoque la décision de la Cour de Paris qui a reconnu les faits de harcèlement. Or celle-ci a estimé que Monsieur X...avait apporté un " ensemble d'éléments, qui fondent une présomption de harcèlement moral ", et que " l'employeur n'a pas rapporté la preuve d'éléments d'explication objectifs étrangers à tout harcèlement permettant de combattre cette présomption " et la Cour qui n'est pas une instance médicale a estimé que Monsieur X...s'était trouvé dans le cadre de ses activités professionnelles dans une situation qui, " même s'il n'est pas exclu qu'il existe un terrain favorable, a altéré sa santé mentale ".
Cette décision qui n'est pas médicale et est en outre compatible avec l'avis des CRRMP ne peut suffire à passer outre à un troisième avis du CRRMP statuant dans le même sens que les deux précédents.
Monsieur X...se fonde également sur des avis médicaux qui avaient déjà été produits devant la Cour qui avait considéré dans la décision avant-dire-droit qu'ils révélaient un contentieux médical et avaient justifié la saisine d'un troisième CRRMP, et il ne peut donc après l'avis de celui-ci permettre à la Cour qui n'a pas de connaissances médicales de passer outre.
Les attestations diverses, outre leur caractère subjectif, ne sont pas des avis médicaux alors que la question posée du lien entre la pathologie et le travail relève du domaine médical.
Force est donc de constater que Monsieur X...n'apporte pas d'éléments suffisants et probants qui permettent de passer outre un troisième avis de CRRMP conforme aux deux précédents.
La décision des premiers juges qui a confirmé le refus de prise en charge de la dépression de Monsieur X...au titre d'accident du travail sera donc confirmée.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Confirme la décision du TASS de Paris du 22 novembre 2010.
Déboute Monsieur X...de toutes ses demandes
Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10, alinéa 2, du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante qui succombe au 10e du montant mensuel du plafond prévu à l'article L 241-3 et condamne Monsieur X...au paiement de ce droit ainsi fixé à la somme de 317 euros (trois cent dix sept euros).
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT