RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 28 Janvier 2016
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/09381
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Septembre 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 11-01574/B
APPELANTE
CPAM 28 - EURE ET LOIRE
[Adresse 1]
Service juridique
[Adresse 1]
représentée par Me Olivia MAURY, avocat au barreau de PARIS, toque : R276
INTIMEE
SNC EIFFAGE ROUTE ILE DE FRANCE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Antony VANHAECKE, avocat au barreau de LYON, toque: 1025 substitué par Me Marine FARDEAU, avocat au barreau de LYON, toque : 2390
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 2]
[Adresse 2]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Céline BRUN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Laïla NOUBEL, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'EURE ET LOIRE, la caisse, à l'encontre du jugement prononcé le 12 septembre 2012, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY, dans le litige l'opposant à la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE DE FRANCE, la société EIFFAGE.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Monsieur [I] [T] a effectué une déclaration de maladie professionnelle le 25 octobre 2007 ainsi libellée :
«'Qualification professionnelle : Ouvrier Routier
Nature de la maladie : tendinite du bras droit
Date de la première constatation médicale de la maladie : 7 mai 2007
Dernier employeur : APIA IDF Centre Luce
Le certificat médical a été établi par le Docteur [H] [U] le 28 septembre 2007, constate une tendinite du coude droit persistante après un gros effort de travail, constatée médicalement pour la première fois le 2 mai 2007'et prescrit un arrêt de travail jusqu'au 31 octobre 2007.
La caisse a sollicité le 26 octobre 2007 un colloque auprès du service médical pour analyser le certificat médical et orienter l'enquête administrative.
Elle a demandé l'établissement d' un rapport de l'employeur et adressé un questionnaire à la victime qui ont été respectivement réceptionnés par la caisse, le 31 mars 2008 et le 25 octobre 2007.
Par courrier du 18 janvier 2008, réceptionné le 21 janvier 2008, la caisse a notifié à la société EIFFAGE un délai complémentaire d'instruction, la décision devant intervenir dans un délai de 3 mois à compter de l'envoi du courrier.
La caisse a notifié à la société EIFFAGE par courrier du 1er avril 2008 réceptionné le 2 avril, la possibilité de venir consulter les pièces du dossier.L'accord de prise en charge de la maladie à titre professionnel était transmis à l'employeur le 14 avril 2008 au titre du tableau 057- Epicondylite.
La société EIFFAGE a contesté l'opposabilité de la prise en charge par courrier du 7 avril 2011.
Le jugement entrepris a déclaré la reconnaissance de la maladie professionnelle inopposable à l'employeur retenant que la caisse a manqué à son obligation d'information en n'informant pas l'employeur de la qualification de la maladie professionnelle instruite.
La caisse a développé au soutien de son appel et par l'intermédiaire de sa représentante, les moyens contenues dans les observations déposées au greffe social et visées le 18 septembre 2015.
Elle sollicite l'infirmation du jugement, le débouté des demandes de la société EIFFAGE et sollicite que lui soit déclarée opposable la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Monsieur [I] [T].
La caisse fait valoir en premier lieu que le principe du contradictoire ne lui impose pas de transmettre à l'employeur le certificat médical initial avec la copie de la déclaration de maladie professionnelle ni même de l'informer sur l'intitulé du tableau de l'affection soumise à l'instruction.
En second lieu, la caisse observe qu'elle n'a pas unilatéralement et sans en informer l'employeur, changé la qualification de la maladie: l'épicondylite est selon la caisse notamment définie par une tendinite du coude, le questionnaire adressé à l'employeur visait le tableau 57, et c'est le même tableau 057 ABM 771 qui figure sur les avis du service médical et l'enquête administrative.
En troisième lieu, elle souligne que l'employeur n'a pas sollicité la possibilité de venir consulter les pièces du dossier médical et qu'il ne peut donc valablement arguer d'un défaut d'information concernant le tableau et la pathologie prise en charge.
La caisse rappelle que la date de première constatation médicale de la maladie mentionnée sur le certificat médical initial est le 2 mai 2007, que le médecin conseil a également déclaré qu'il y avait lieu de retenir cette date et que Monsieur [T] a été placé en arrêt de travail pris en charge au titre de la maladie à compter de la fin de l'exposition au risque, le 7 mai 2007, de sorte que le délai de prise en charge de 7 jours a été respecté.
La caisse souligne enfin que l'employeur à qui cette preuve incombe, échoue à faire la démonstration que la maladie soit due à une cause étrangère au travail en conséquence de quoi la présomption d'imputabilité s'applique.
La société EIFFAGE a développé par la voix de son conseil les conclusions visées par le greffe le 29 septembre 2015 tendant à titre principal à la confirmation du jugement et à titre subsidiaire à voir ordonner une expertise médicale judiciaire avec l'assistance du Docteur [S].
Elle sollicite la condamnation de la caisse à lui régler une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
La société EIFFAGE soutient que la décision de prise en charge de la maladie au titre du tableau 57B de la tendinite du coude droit déclarée le 28 septembre 2007 par Monsieur [T] lui est inopposable aux motifs :
- de la violation par la caisse de son obligation d'information préalablement à la prise de décision : en effet, selon l'intimée,la caisse a admis la prise en charge sur la base d'une déclaration de maladie professionnelle incomplète ne faisant référence ni à la caractérisation de la maladie ni aux emplois antérieurs de la victime ;
- du non respect des conditions médico-légales du tablau 57B : la société EIFFAGE souligne à cet égard qu'elle n'a pas été informée de la qualification de la maladie au plan professionnel préalablement à la prise de décision dès lors que la caisse a substitué à la maladie visée dans la déclaration ( tendinopathie du coude droit ) une épicondylite du coude prise en charge au titre du tableau 57B et que le délai de prise en charge de 7 jours n'a pas été respecté puisque le 28 septembre 2007, date de la première constatation médicale de la maladie Monsieur [T] était en arrêt de travail depuis le 7 mai 2007 et n'était donc exposé à aucun risque.La société EIFFAGE souligne par ailleurs que n'est pas rapportée la preuve que la pathologie déclarée par Monsieur [T] corresponde à une épicondylite.
-de l'absence de caractère professionnel de la maladie déclarée : à l'appui de la demande d'expertise médicale la société EIFFAGE se prévaut de l'avis de son médecin conseil qui souligne l'existence d'une pathologie présentée par Monsieur [T] sans lien avec la maladie déclarée.
SUR QUOI,
LA COUR :
Considérant les dispositions de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale dont il résulte que la caisse, lorsqu'elle reçoit la déclaration de maladie professionnelle, est tenue d'adresser un double de la déclaration à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief, par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception;
Que la caisse, en cas de réserves motivées de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, envoie avant décision, à l'employeur et à la victime de la maladie professionnelle, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés;
Considérant qu'il ne résulte pas de ce texte l'obligation pour la caisse d'adresser à l'employeur, simultanément à l'envoi de la déclaration de la maladie professionnelle, le certificat médical initial ;
Qu'ainsi, dès lors que l'employeur a été mis en mesure de connaître, préalablement à la décision de prise en charge de la maladie professionnelle, la fin de la procédure d'instruction, la possibilité de venir consulter les pièces du dossier et la date à laquelle la caisse envisageait de prendre sa décision, le caractère contradictoire de la procédure est respecté;
Considérant par ailleurs que les dispositions de l'article R 441-13 du code de la sécurité sociale prévoient la faculté pour l'employeur de solliciter la communication, par voie de consultation, du dossier constitué par la caisse lequel comprend :
- la déclaration de maladie professionnelle et l'attestation de salaire
- les divers certificats médicaux
- les constats faits par la caisse primaire
- les informations parvenues à la caisse de chacune des parties
- les éléments communiqués par la caisse régionale
- éventuellement le rapport de l'expert technique
Considérant qu'en l'espèce, l'employeur n'a pas usé de la faculté offerte par ce texte de consulter le dossier médical auquel était annexé tous les certificats médicaux et qu'il ne peut donc valablement arguer de la carence de la caisse à produire le certificat médical initial que l'employeur avait la possibilité de consulter;
Considérant par ailleurs que l'instruction de la prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle ne répond à aucun formalisme particulier en dehors de l'obligation qui incombe à la caisse de respecter le principe du contradictoire;
Que l'absence de référence à la nomenclature du tableau de la maladie professionnelle dans le questionnaire adressé à l'employeur ne lui fait pas grief dès lors qu'il a été régulièrement invité par la caisse à venir consulter les pièces du dossier médical et que, n'y ayant pas déféré, il ne saurait se prévaloir de sa propre carence à ce titre ;
Considérant enfin que le poste occupé par Monsieur [T] tel que décrit par l'employeur comprend des gestes répétés sollicitant le coude droit ;
Que la notification de la prise en charge de la maladie au titre du tableau 57 correspondant aux 'affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail' renvoie expressément à la tendinite ou tendinopathie du coude et des muscles épicondyliens visées dans le certificat médical initial ;
Que le premier constat médical de la maladie est intervenu le 2 mai 2007 ainsi qu'en fait foi le certificat médical initial alors que l'arrêt de travail prescrit à Monsieur [T] est intervenu à compter du 7 mai 2007, date correspondant à la fin de l'exposition au risque d'où il suit que le délai de prise en charge de 7 jours a été respecté ;
Considérant que l'ensemble de ces constatations établissent que le principe du contradictoire a été respecté et, partant, l'opposabilité à l'employeur de la prise en charge de la maladie professionnelle lequel ne justifie pas d'une contestation d'ordre médical de nature à fonder une expertise;
Qu'il s'en suit que le jugement doit être infirmé et que la prise en charge de la maladie déclarée par Monsieur [T] le 25 octobre 2007 au titre de la législation professionnelle doit être déclarée opposable à la société EIFFAGE qui déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles;
PAR CES MOTIFS:
Déclare la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'EURE recevable et bien fondée en son appel;
Infirme le jugement ;
Statuant à nouveau :
Dit que la prise en charge de la maladie déclarée par Monsieur [I] [T] le 25 octobre 2007 au titre de la législation professionnelle est opposable à la société EIFFAGE;
Déboute la Société EIFFAGE de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Le Greffier, Le Président,