RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 28 Janvier 2016
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/03607
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Novembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section encadrement - RG n° 11/01906
APPELANTE
SARL CBH
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 417 654 597
représentée par Me Christine BELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0447
INTIME
Monsieur [P] [T]
[Adresse 2]
[Localité 2]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Michael HADDAD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2092 substitué par Me Axelle LAGACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2092
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 octobre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Murielle VOLTE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Madame Murielle VOLTE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente, et par M. Franck TASSET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [P] [T] a été embauché par la Société CB HYGIÈNES ET SERVICES (ci-après dénommée : CBH), suivant contrat de travail à durée indéterminée du 4 mai 1998, en qualité d'«applicateur hygiéniste hautement qualifié » coefficient 200 de la Convention collective nationale des entreprises de désinfection, désinsectisation, dératisation du 1er septembre 1991, étendue par arrêté du 16 janvier 1992. Selon un avenant n°1 du 7 juin 2001, il a été promu technicien 2ème échelon, coefficient 250. Puis, aux termes d'un avenant n° 2 du 11 septembre 2003, il a été promu ingénieur technique 1er échelon coefficient 350 à compter du 1er septembre 2003 avec pour fonction de continuer, sous l'autorité de la Direction commerciale et technique, d'exercer ses activités opérationnelles dans les divers métiers développés par la société CBH 'en réservant en priorité son temps de travail aux métiers de l'assainissement', d'assurer la coordination du personnel technique et de l'encadrer . Le 1er mars 2009, son salaire brut mensuel a été porté à 3.000 €.
M. [T] a été convoqué, le 11 octobre 2010, à un entretien préalable qui s'est tenu le 25 octobre suivant et a été licencié pour faute grave, par lettre du 3 novembre 2010. Le 27 janvier 2011, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement de diverses sommes au titre tant de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement du 20 novembre 2012, notifié le 11 mars 2013, le Conseil de prud'hommes de Paris a :
- dit que le licenciement de M. [T] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- condamné la SARL CB HYGIENES ET SERVICES à lui payer les sommes suivantes :
'' 9 000,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
'' 900 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
'' 8 828,23 euros au titre des heures supplémentaires,
avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation ;
'' 1500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;
- débouté M. [T] du surplus de ses demandes ;
- condamné la SARL CB HYGIENE ET SERVICES aux dépens.
La société CB HYGIENES ET SERVICES a interjeté appel de cette décision le 11 avril 2013.
À l'audience du 2 octobre 2015, elle demande à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris dans ses dispositions qui l'ont condamnée à payer à M. [T] les sommes de de 9.000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 900 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 8.828,23 € au titre des heures supplémentaires, 1.500 € à titre de dommages intérêts pour non-respect de la procédure ;
- dire et juger que les fautes graves reprochées à M. [T] sont caractérisées et que son licenciement est justifié ;
- en conséquence, débouter M. [T] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis et de dommages intérêts pour licenciement abusif ;
- dire et juger que la procédure de licenciement mise en 'uvre est régulière et débouter M. [T] de sa demande à ce titre ;
- dire et juger que M. [T] ne justifie pas des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées en semaine et le débouter de sa demande à ce titre ;
- dire et juger que M. [T] a été rémunéré des heures supplémentaires qu'il a effectuées pendant le week-end et le débouter de sa demande à ce titre ;
- en conséquence, débouter M. [T] de sa demande de dommages intérêts pour travail dissimulé ;
- condamner M. [T] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. [T] demande pour sa part à la Cour de :
- débouter la société CB HYGIENES ET SERVICES de toutes ses demandes ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société CB HYGIENES ET SERVICES à lui payer les sommes suivantes:
'' 9 000,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
'' 900,00 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
'' 1500,00 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de
licenciement ;
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il n'a alloué que la somme de 8 828,23 euros au titre des heures supplémentaires qu'il a effectuées de 2006 à 2010 ;
- le réformer pour le surplus ;
Et, statuant à nouveau,
- débouter la société CB HYGIENES ET SERVICES de toutes ses demandes ;
- constater le caractère irrégulier de la procédure de licenciement ;
- constater le caractère abusif du licenciement ;
En conséquence :
- condamner la société CB HYGIENES ET SERVICES au paiement des sommes de:
'' 14.107,72 euros au titre des heures supplémentaires de travail non réglées,
'' 1410 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente ,
'' 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
'' 18.000 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;
- ordonner l'exécution du jugement à intervenir ;
- condamner la société CB HYGIENES ET SERVICES au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées oralement lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les heures supplémentaires
Attendu qu'il appartient au salarié qui sollicite le paiement d'heures supplémentaires de produire des éléments permettant d'étayer ses allégations et que l'employeur puisse discuter ; que selon les articles L. 3121-10 et L. 3121-22 du code du travail, sont considérées comme des heures supplémentaires les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à 35 heures par semaine civile ;
Attendu que la société CBH critique le jugement qui l'a condamnée au paiement de sommes au titre d'heures supplémentaires alors, selon elle, que le salarié ne produit aucun justificatif des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées, que ce soit en semaine ou pendant le week-end ; qu'elle prétend que M. [T], à la différence des autres salariés, n'a jamais voulu se soumettre au système appliqué au sein de l'entreprise consistant à remplir des fiches hebdomadaires récapitulant les missions accomplies au cours de la semaine et ne peut venir lui reprocher d'avoir, pour pallier sa carence, rémunéré les heures supplémentaires accomplies sur la base d'une prime puisqu'il refusait de s'astreindre à la rédaction de fiches de mission ; qu'elle verse aux débats les fiches hebdomadaires remplies et signées par un de ses anciens salariés pour le mois de décembre 2007 ; qu'elle soutient également que les fiches d'intervention qui lui sont remises par ses salariés n'ont pas vocation à déterminer le quota d'heures supplémentaires éventuellement effectué mais servent uniquement à préciser le temps d'intervention sur un site et donc le montant de la facturation à réclamer au client, si bien qu'une fois payée, elle n'a aucune raison de les conserver, rien n'empêchant toutefois le salarié d'en faire une copie avant de les lui remettre, ce qu'a d'ailleurs fait M. [T] pour l'année 2007 ; qu'elle relève par ailleurs que si le salarié 'a cru habile', à réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable, de rappeler dans un courrier du 12 octobre 2010 de prétendues demandes antérieures à ce titre, il n'a jamais justifié avoir adressé la moindre réclamation ; mais attendu que la circonstance que le salarié n'a pas réclamé le paiement de ses heures supplémentaires pendant l'exécution de son contrat de travail ne signifie pas qu'elles n'ont pas été effectuées et ne lui interdit nullement de le faire par la suite, dans la limite de la prescription quinquennale applicable à la présente instance, celle-ci ayant été introduite avant la loi du 14 juin 2013;
Attendu que M. [T], bien qu'ayant le statut de cadre, n'était pas soumis à une convention de forfait annuel, et son contrat de travail prévoyait aux termes du dernier avenant le versement d'une rémunération fixe mensuelle brute équivalant à 151,67 heures de travail mensuel, les autres clauses du contrat de travail n'étant pas modifiées, lequel prévoyait, avant le passage aux 35 heures hebdomadaires, que le salarié exercerait ses fonctions de 8h30 à 12 h et de 13 h à 17h30 du lundi au jeudi, ainsi que de 8h30 à 12 h et de 13 h à 16h30 le vendredi ; qu'il verse aux débats 29 fiches d'intervention pour l'année 2007 visées par le client après travaux et attestant de la réalité d'heures de travail effectuées en semaine au-delà de 17h30 ; qu'il estime, sur la base de ces pièces, pouvoir fixer à 5 heures par mois au minimum le nombre d'heures supplémentaires effectuées, soit 60 heures par an de janvier 2006 à décembre 2009, et 50 heures de janvier 2010 à octobre 2010 ; qu'il souligne que les fiches d'intervention produites sont loin d'être exhaustives et qu'il ne peut justifier du quantum exact des sommes réclamées en raison du refus délibéré de l'appelante de verser les fiches d'intervention des années litigieuses 2006, 2008,2009 et 2010 ; que selon lui, l'année 'de référence 2007" suffit pour calculer les sommes dues en l'absence de décompte contraire versé par la société CBH qui succombe donc dans la charge de la preuve ;
Qu'en l'état des éléments produits de part et d'autre, la cour estime que M. [T] a bien effectué des heures supplémentaires en semaine au cours de l'année 2007 pour une durée totale de 34heures et 5 minutes et, qu'en revanche, les fiches d'intervention produites ne permettent pas d'étayer la réalité d'heures supplémentaires effectuées au-delà en ce qui concerne l'année 2007, ni à hauteur de 5 heures par mois pour les autres années ; que les heures supplémentaires effectuées ouvrent droit au paiement d'une somme de 723,46 euros sur la base d'un taux horaire de 21,23 euros (16,981 € x 1,25) et le jugement sera réformé qui a alloué au salarié, au titre de la seule année 2007, la somme de 1273,57 euros qu'il réclamait ;
Qu'en ce qui concerne la demande au titre des heures supplémentaires effectuées les fins de semaine, l'examen des bulletins de paie fait apparaître la mention «prime week-end» qui confirme que le salarié a travaillé certains week-ends, ce que reconnaît au demeurant l'employeur qui estime toutefois qu'elles ont été rémunérées sur la base d'une prime destinée à les compenser ; que cependant, le versement de primes ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires ; qu'il ressort des bulletins de paie que M. [T] a travaillé 24 week-ends en 2006, 18 week-ends en 2007, 14 week-ends en 2008, 7 week-ends en 2009 et 6 week-ends en 2010 ; que selon l'intimé, la moyenne travaillée durant les fins de semaine était de 5 heures supplémentaires ; que force est de constater que l'appelante, qui est en mesure de répondre à la demande, suffisamment précise quant au nombre d'heures accomplies et de week-ends concernés, ne présente pas d'éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié durant les mois ayant donné lieu au versement des primes figurant sur les bulletins de paie qu'elle a pourtant elle-même établis ; que par conséquent, au vu du décompte intégré dans les écritures de M. [T], celui-ci est fondé à obtenir le règlement de ces heures supplémentaires travaillées le week-end et le jugement sera confirmé qui a condamné l'employeur à lui verser la somme de 7554,66 euros à ce titre ; qu'il sera ajouté au jugement, qui a omis de statuer sur la demande d'indemnité compensatrice de congés payés, et la société CB HYGIENE ET SERVICES condamnée au paiement de la somme de 827,81 euros représentant 1/10ème du montant total alloué au titre des heures supplémentaires ;
Sur l'indemnité pour travail dissimulé
Attendu que l'article L. 8223-1 du code du travail prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel son employeur a eu recours notamment en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ; qu'aux termes de l'article L. 8221-5 du même code 'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur...2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre premier de la troisième partie.' ; qu'il est exact que le jugement entrepris n'a pas statué sur la demande formulée à ce titre par le salarié qu'il n'a pas examinée dans ses motifs ; que M. [T] soutient que la société CBH a délibérément dissimulé une partie de son activité en n'inscrivant pas au bulletin de salaire les heures de travail effectuées qui ne lui était pas rémunérées ;que toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par les dispositions légales précitées n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué et que le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ; qu'en l'espèce, il est constant que le salarié n'établit pas avoir formulé la moindre réclamation à ce titre auprès de son employeur avant la rupture de son contrat de travail et que l'entreprise appliquait bien un système consistant à faire remplir par les salariés des feuillets hebdomadaires récapitulant les missions accomplies chaque jour avec l'heure d'arrivée et l'heure de départ, ainsi qu'elle en a justifié pour un autre salarié, M. [P], dont les bulletins de paie produits aux débats par M. [T] mentionnent le règlement d'heures supplémentaires ; que, sur ce dernier point, M. [T] ne conteste pas qu'il a toujours refusé de s'astreindre à la rédaction de ces fiches de mission, ainsi que l'indique la société CB HYGIENE ET SERVICES dans ses écritures ; que dans ces conditions, le seul fait qu'il ait été fait droit à sa demande de paiement d'heures supplémentaires en raison de l'insuffisance des éléments produits au dossier de l'employeur pour justifier de leur règlement ne permet pas d'en déduire le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé et M. [T] sera débouté de sa demande ;
Sur le licenciement
Attendu que les termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il convient de rappeler que M. [T] a été licencié pour faute grave, par lettre du 3 novembre 2010, aux motifs suivants :
'...Je vous rappelle qu'au début du mois de septembre 2010, nous avons appris par un de nos confrères l'existence d'une société d'assainissement qui porte votre nom.
Nous avons alors constaté que vous déteniez des parts sociales à hauteur de 45 % dans le capital d'une société dénommé [T] [P] ASSAINISSEMENT, dont le siège est [Adresse 3] (93), et dont l'objet social est rigoureusement identique à celui de la Société CBH Services. Les trois autres associés sont par ailleurs pour deux d'entre eux d'anciens salariés de la société CBH Services et pour le troisième un responsable de site de la société ENERGILEC un des principaux clients de la société CBH Services.
Nous vous avons indiqué que cette situation nous semblait difficilement compatible avec l'obligation de loyauté prévue par votre contrat de travail.
Vous nous avez alors répondu que cette société n'employait aucun salarié et n'avait aucune activité.
Ces informations étaient difficilement contrôlables car la société BGA constituée en fin 2008 n'a pas encore déposé ses comptes sociaux et par ailleurs, M. [Y] [P], ancien salarié de la société CBH Services et actuel gérant de la société BGA, a fait l'objet il y a plusieurs années d'une déclaration d'inaptitude au travail.
Au préalable vous aviez déjà fait preuve d'une surprenante désinvolture avec vos horaires de travail avec pour point d'orgue votre absence de l'entreprise du lundi 30 août au mardi 1er septembre 14h30 sans justifier d'aucun motif.
Attitude qui faisait suite à notre décision de faire installer sur votre véhicule de service une nouvelle installation de la balise de géo-localisation impossible à neutraliser.
Il nous a d'ailleurs été confirmé par l'installateur que le dysfonctionnement pendant plusieurs mois de cette balise résultait d'un acte délibéré. Ces agissements ne pouvant avoir pour but que d'empêcher la société CBH Services de suivre les déplacements de ce véhicule.
Mais, rapidement après cet entretien, nous avons constaté une nette dégradation de votre comportement général manifestant de votre part une totale désinvolture à l'égard de votre travail outre une forme de provocation totalement inacceptable.
Le vendredi 17 septembre 2010, aux environs de 11h45, vous vous êtes présenté en « tongs » au dépôt, et avez décidé de cesser votre service au motif que les travaux de la matinée qui vous avaient été confiés étaient terminés.
Non seulement cette tenue est totalement incompatible avec l'exercice tant de votre activité que de votre fonction mais encore vous restez à la disposition de votre employeur, notamment pour répondre aux demandes d'urgence, jusqu'à la fin de votre journée de travail, soit 16h30 majoré éventuellement de l'amplitude de la pause déjeuner déduction faite d'une heure conformément au règlement intérieur de l'entreprise.
De plus, vous avez cru pouvoir encore davantage vous affranchir du respect de vos horaires de travail, notamment à titre d'exemple et cela étant loin d'être exhaustif :
- 14/09/2010 arrivée sur votre 1er chantier à 10h40
- 17/09/2010 arrivée sur votre 1er chantier à 09 h 37 arrêt de votre activité de la journée à 12h17
- 20/09/2010 aucune activité dans la journée sauf pour vous rendre avec le véhicule de la société CBH Services dans la rue où siège la société BGA
- 15/10/2010 arrivée sur votre 1er chantier à 10 h00
- 18/10/2010 arrivée sur votre 1er chantier à 11h28
- 19/10/2010 arrivée sur votre 1er chantier à 09h58
Alors que, nous vous le rappelons de nouveau, l'horaire conventionnel d'arrivée sur le lieu de travail est fixé à 8h30 au plus tard et celui de départ du lieu de travail est fixé à 16h30 au plus tôt.
Enfin et surtout, il est apparu que les explications que vous nous aviez données concernant la société [T] [P] ASSAINISSEMENT étaient mensongères.
Contrairement à vos affirmations, mais conformément aux mentions figurant sur l'annuaire électronique des professionnels LES PAGES JAUNES à savoir « activité 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 », cette société exerce effectivement une activité.
Nous avons, par ailleurs, relevé que vous utilisiez le matériel de la société CBH Services pour son compte.
Il est apparu, en effet, au vu des factures détaillées de notre opérateur que vous avez utilisé le téléphone portable mis à votre disposition par la société CBH Services pour appeler la société [T] [P] ASSAINISSEMENT pendant vos heures de travail.
... L'examen des comptes-rendus journaliers de géo-localisation a révélé que vous aviez également utilisé le véhicule de service mis à votre disposition par la société CBH Services pour vous rendre au siège de la société [T] [P] ASSAINISSEMENT pendant vos heures de travail.
Vos tentatives de justifications données lors de l'entretien du 25 octobre 2010 sont restées en contradiction avec les faits exposés.
Ces manquements avérés à vos obligations contractuelles, et notamment à votre obligation de loyauté, constituent une faute grave...';
Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle justifie la rupture immédiate du contrat de travail ; que la preuve de la faute grave incombe à l'employeur qui l'invoque ;
Attendu que la société CB HYGIENE ET SERVICES a produit aux débats notamment un procès-verbal de constat dressé le 2 septembre 2010 par Maître [E], huissier de justice, auquel sont annexés, d'une part, la copie d'écran d'une page publiée sur Facebook concernant la société dénommée [T] [P] Assainissement portant le sigle BGA, d'autre part, les statuts de la société BGA signés le 4 novembre 2008 et déposés au greffe du tribunal de commerce de Bobigny le 20 novembre 2008, permettant de constater que son objet social est «Assainissement ' Activités de 3D : Dératisation, Dessourisation, Désinfection », qu'elle est constituée de quatre associés, que M. [P] [T] détient 90 parts sur les 200 parts, M. [Y] [P], 100 parts, et M. [U] [N], 5 parts, que les fondateurs de la société sont MM. [T] et [P] et que M. [P] a été nommé premier gérant ; qu'il est constant que MM. [P] et [N] sont d'anciens salariés de la société CBH ; que les comptes sociaux de la société BGA sur le site Internet www.société.com montrent qu'elle est bien en activité puisqu'elle a réalisé un chiffre d'affaires de 22'900 euros au 31 décembre 2009 et de 100'800 euros au 31 décembre 2010 ;
Attendu que pour justifier cette situation M. [T] soutient qu'il avait parfaitement le droit de détenir des parts, qui plus est inférieures à 50 %, dans une société concurrente sans porter atteinte à l'obligation de loyauté à laquelle il était tenu, l'achat d'actions ou de parts sociales ne représentant qu'un simple placement financier, et ce d'autant que son employeur qui avait parfaitement connaissance, dès 2008, de l'existence de cette société BGA et de ce qu'il en détenait des parts, n'avait jamais émis auparavant aucune contestation à ce sujet, le fait même qu'il ait indiqué sur son profil public Facebook être l'un des deux « fondateurs » de la société BGA montrant bien au contraire qu'il n'avait rien à cacher et que c'est évidemment parce qu'il en avait déjà avisé son employeur verbalement auparavant ; qu'il argue qu'en tout état de cause, ni la loi ni la jurisprudence n'imposent d'avertir son employeur d'un placement financier, que la société CBH n'apporte pas la preuve du moindre détournement de sa clientèle au profit de la société BGA, et qu'il ressort de l'attestation établie par M. [P] que ce n'est qu'après son licenciement qu'il a commencé à travailler pour la société BGA de manière effective ; qu'il souligne que son contrat de travail ne contenait qu'une clause de confidentialité qui n'est ni une clause de non-concurrence ni une clause d'exclusivité, si bien que le fait de créer une société concurrente et de débuter son activité peu de temps après le licenciement, alors qu'il était libre de tout engagement, n'est pas une faute ; qu'il ajoute que la société CB HYGIENE ET SERVICES a mis plus de deux ans à déclencher une procédure de licenciement en évoquant un motif dont elle connaissait l'existence depuis 2008, un tel délai étant incompatible avec l'obligation pour l'employeur de respecter un délai restreint entre la constatation de la prétendue faute grave et la rupture du contrat de travail ;
Mais, attendu que lors de l'exécution du contrat de travail, le salarié est tenu de respecter une obligation de loyauté et de fidélité à l'égard de son employeur ; que, contrairement à ce que prétend M. [T], la publicité sur son site Facebook d'informations concernant la société BGA ne prouve pas que la société CB HYGIENE ET SERVICES ait eu connaissance de ce projet de création en 2008, ni qu'il en avait informé l'ancien gérant ou le nouveau, ce qui a toujours été contesté par l'appelante qui affirme pour sa part qu'elle n' a découvert l'existence de cette société d'assainissement et du fait que M. [T] en détenait 45 % des parts, qu'au début du mois de septembre 2010 ; qu'il ressort des éléments de fait et de preuve soumis à la cour que le salarié a, alors qu'il était au service de son employeur et sans l'en informer, créé une société dont l'activité était directement concurrente de celle de la société CB HYGIENE ET SERVICES, ces circonstances ne pouvant être regardées comme constitutives d'un simple placement financier s'agissant d'une société à responsabilité limitée dont la personnalité des associés est déterminante et alors qu'il en était l'un des deux membres fondateurs ; qu'il importe peu que des actes de concurrence déloyale et notamment de détournement de clientèle soient ou non établis ; que de tels faits imputables au salarié caractérisent un manquement à son obligation de loyauté légitimant l'exercice par l'employeur de son pouvoir disciplinaire, constitutifs d'une faute grave, ayant rendu impossible dans de telles conditions la poursuite de l'exécution du contrat de travail entre les parties et nécessité son départ immédiat de l'entreprise sans indemnités ; que le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a qualifié la faute commise par M. [T] de simple cause réelle et sérieuse de licenciement et alloué à ce dernier une indemnité compensatrice de préavis ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement
Attendu que selon l'article L. 1235-2 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, il est octroyé au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ;
Que selon l'article L. 1232-4 du même code, et la circulaire DRT n° 92-15 du 4 août 1992, lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, ce qui est le cas de la société CB HYGIENE ET SERVICES, la lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié informe le salarié de son droit de se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié inscrit sur une liste dressée par le préfet, l'employeur devant préciser l'adresse de l'inspection du travail dans laquelle sont tenues les listes des conseillers et celle de la mairie du domicile du salarié s'il demeure dans le département où est situé l'établissement ou l'adresse de la mairie de son lieu de travail s'il demeure en dehors de ce département ;
Que l'article L. 1235-5 dudit code précise en son dernier alinéa qu'en cas de méconnaissance des dispositions de l'article L. 1232-4, relatives à l'assistance du salarié par un conseiller, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 s'appliquent même au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés ; que la lettre de convocation à l'entretien préalable du 11 octobre 2010, qui indique au salarié qu'il pouvait se faire assister d'un conseiller extérieur, en lui indiquant, de manière éronnée, l'adresse de la mairie de son propre domicile au lieu de celle de son lieu de travail, ne respectant pas les dispositions précitées, la sanction du non-respect de la procédure de licenciement consistant en l'octroi d'une indemnité au salarié est encourue du seul fait de l'inobservation des règles qui entraîne nécessairement un préjudice dont la réparation doit être assurée, de sorte que le moyen opposé par la société CB HYGIENE ET SERVICES selon lequel M. [T] a été assisté par un conseiller salarié et n'a donc subi aucun préjudice est inopérant ; que le jugement sera cependant réformé sur le montant alloué et M. [T] se verra octroyer une indemnité de 100 euros à ce titre ;
Sur les autres demandes et les dépens
Attendu que le présent arrêt n'étant assorti d'aucune voie de recours à caractère suspensif, la demande d'exécution provisoire est sans objet ;
Attendu que M. [T] qui perd en appel sur ses principaux chefs de prétentions sera condamné aux dépens ; que toutefois aucune considération tirée de l'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société CB HYGIENE ET SERVICES qui sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement sauf en celles de ses dispositions condamnant la société CB HYGIENE ET SERVICES au paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et aux dépens ;
Le réforme sur le montant de la condamnation au paiement d'heures supplémentaires et de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et réformés et, y ajoutant,
Condamne la société CB HYGIENE ET SERVICES à payer à M. [T] les sommes de :
- 8278,12 euros au titre des heures supplémentaires,
- 827,81 euros au titre des congés payés y afférents,
avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2011, date de réception par l'employeur de la convocation à l'audience devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes
- et 100 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;
Dit que le licenciement de M. [T] repose sur une faute grave ;
En conséquence,
Le déboute de toutes ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail ;
Déboute en outre M. [T] de sa demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [T] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT