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28/01/2016 | FRANCE | N°14/09617

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 28 janvier 2016, 14/09617


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 28 Janvier 2016

(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/09617



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mars 2014 par le tribunal de grande instance de PARIS RG n° 13/00129





APPELANT



FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION D'AVOUES

DACS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Sandrine BOU

RDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709, substituée par Me Aurélie LOISON, avocate au barreau de PARIS, toque : G0709





INTIMÉES



Madame [X] [R]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Loc...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 28 Janvier 2016

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/09617

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mars 2014 par le tribunal de grande instance de PARIS RG n° 13/00129

APPELANT

FONDS D'INDEMNISATION DE LA PROFESSION D'AVOUES

DACS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Sandrine BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709, substituée par Me Aurélie LOISON, avocate au barreau de PARIS, toque : G0709

INTIMÉES

Madame [X] [R]

née le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 2] (33)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Bernard DE FROMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : G0195, substitué par Me Alexandre RIQUIER, avocat au barreau de PARIS, toque L291

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Commissariat du gouvernement

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par M. [P] [L] (Commissaire du gouvernement) en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Christian HOURS, Président de chambre, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Mme le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS,

M. Claude TERREAUX, Conseiller désigné par Mme le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS

M. Pascal COUVIGNON, Juge de l'expropriation au Tribunal de Grande Instance de MELUN, désigné conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

Greffier : Mme Isabelle THOMAS, lors des débats

ARRÊT :- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Isabelle THOMAS, greffier présent lors du prononcé.

La cour statue sur l'appel formé le 6 mai 2014 par le Fonds d'indemnisation des avoués (le FIDA) d'une décision du juge de l'expropriation de Paris en date du 24 mars 2014, fixant avec exécution provisoire, à la somme de 150 000 euros l'indemnisation due à Mme [X] [R], ancienne avouée, au titre de l'indemnité de remploi, à la suite de la loi 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant la cour d'appel et lui ayant alloué en outre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le FIDA étant condamné à supporter les dépens.

Mme [X] [R] exerçait au sein de la SCP [X] [R] et [M] [V], titulaire d'un office d'avoué à Bordeaux, dont elle détenait 16,60 % des parts.

La SCP a accepté une offre d'indemnisation de 956 718 euros pour la perte de son droit de présentation.

Mme [R] a, de son côté, accepté, 11 avril 2012, une indemnité de 95 672 euros représentant son préjudice d'industrie.

Mme [R] a ensuite saisi le juge de l'expropriation qui a rendu la décision précitée.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- déposées au greffe par le FIDA le 4 juillet 2014, tendant à l'infirmation du jugement et à ce que la cour, statuant à nouveau, déclare irrecevables le recours et les demandes de Mme [X] [R], subsidiairement la déboute de toutes ses demandes en indemnisation et, en tout état de cause, la condamne à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;

- déposées au greffe par Mme [X] [R], le 2 octobre 2014, contenant appel incident et concluant :

- à la confirmation du jugement sur la fixation de l'indemnité de perte de revenus à la somme de 150 000 euros ;

- à l'octroi des indemnités suivantes :

- 459 805 euros au titre du préjudice de perte de revenus ;

- 55 145 euros au titre du préjudice de perte de droits à la retraite ;

- 87 363 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence des avoués du fait des modalités successives de la réforme ;

- à ce que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir avec capitalisation ;

- à ce qu'il soit ordonné à l'Etat de garantir le Fonds de toute condamnation ;

- à la condamnation du Fonds à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à la condamnation du Fonds aux dépens de première instance et d'appel

- adressées par le commissaire du gouvernement le 1er octobre 2014, aux termes desquelles il conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour, statuant à nouveau, de déclarer irrecevables le recours et les demandes de Mme [X] [R].

Motifs de l'arrêt :

Considérant que le FIDA soulève en premier lieu l'irrecevabilité de la demande de Mme [X] [R] en ce que le droit d'agir en justice devant le juge de l'expropriation a été limité aux seuls avoués ayant refusé l'offre faite par la Commission d'indemnisation, ce qui n'a pas été le cas de l'intimée qui a accepté l'offre portant sur le seul chef de préjudice tiré de son industrie au sein de la SCP, après que la commission ait expressément considéré qu'il n'y avait pas matière à offre pour les autres préjudices invoqués ; qu'en acceptant cette offre sans réserve, Mme [R] a accepté de ne pas être indemnisée pour le surplus de ses préjudices invoqués ou non ; qu'aucune demande ne pouvait être formulée après le 31 décembre 2011 pour ceux qui cessaient leur activité et le 31 mars 2012 pour ceux qui la poursuivaient ;

Considérant que le FIDA fait valoir qu'il résulte de la décision 2010-624 du Conseil constitutionnel que le versement d'indemnités pour des préjudices autres que celui résultant de la perte du droit de présentation et le préjudice subi par les avoués détenant des parts en industrie, était inconstitutionnel ; qu'il a ainsi écarté le préjudice de carrière (considérant 21), les préjudices économiques jugés purement éventuels (considérant 24), les anciens avoués pouvant devenir avocats et jouir d'un monopole de représentation non seulement devant les cours d'appel mais aussi les tribunaux de grande instance ; que le juge de l'expropriation ne pouvait dès lors statuer que sur le montant de l'indemnité pour perte du droit de présentation et l'indemnité allouée aux avoués qui exerçaient au sein d'une société dont ils détenaient des parts en industrie ;

Considérant qu'il souligne que la situation à prendre en compte est celle d'une profession juridique ayant perdu un monopole sur une partie seulement de son activité et bénéficiant de plusieurs contreparties ; que des revenus futurs ne constituent pas des biens actuels au sens du protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l'homme ; que le juge national ne saurait ordonner une indemnisation excédant les limites qui ont été fixées par le Conseil constitutionnel, conformément à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que l'application du code de l'expropriation ne saurait avoir pour effet de reconnaître un droit à indemnisation de préjudices économiques ou accessoires déclarés contraire à la Constitution au nom du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; qu'il n'est pas possible d'indemniser les autres préjudices invoqués qui sont purement éventuels ou d'ordre moral ;

Considérant que Mme [X] [R] fait valoir que la seule censure opérée par le Conseil constitutionnel concerne la réparation de préjudices éventuels ou indirects, tout en maintenant les dispositions relatives à la réparation intégrale par le juge de l'expropriation du préjudice subi ; qu'elle s'appuie, pour réclamer une indemnisation complémentaire à celle accordée par le premier juge, sur l'article 1 du protocole additionnel n°1 et la jurisprudence de la CEDH (arrêt Lallement), selon laquelle, lorsque le bien exproprié est l'outil de travail de l'exproprié, l'indemnité versée n'est pas raisonnablement en rapport avec la valeur du bien si d'une manière ou d'une autre elle ne couvre pas cette perte spécifique ; qu'elle se fonde également sur l'interprétation a contrario de l'arrêt Wendenburg contre Allemagne qui a refusé d'indemniser les études d'avocat à la suite de la suppression du monopole de plaidoirie dont ils bénéficiaient devant la cour d'appel car les avocats concernés n'avaient apporté aucun élément concret prouvant qu'ils étaient tributaires des recommandations d'autres avocats pour trouver l'essentiel de leur clientèle qu'elle expose être devenue avocat à titre individuel après avoir perdu la qualité d'avoué ; qu'elle enregistre une baisse de revenus de 87 115 euros pour une année, l'indemnité allouée par le premier juge représentant trois années du revenu médian d'avocat ; qu'elle fait valoir que plus de 95 % des dossiers ouverts par les avoués provenaient des avocats ; qu'elle affirme que la Convention s'applique à la protection des privilèges accordés par la loi, lorsque ces privilèges donnent naissance à un espoir légitime d'acquérir certains biens ; qu'elle sollicite la confirmation de son préjudice économique fixé à la somme de 150 000 euros, mais sollicite une indemnité complémentaire fondée sur sa perte de revenus pendant 7 ans, le temps admis pour constituer une clientèle d'avocat ; qu'elle réclame également l'indemnisation du préjudice en découlant pour ses droits à la retraite et l'indemnisation du préjudice au titre des troubles dans les conditions d'existence des avoués du fait des modalités successives de la réforme, qui, d'assez favorable initialement, a abouti à la décision du Conseil constitutionnel extrêmement traumatisante, ce préjudice ne pouvant être inférieur à une année du bénéfice moyen des exercices pris en compte pour le calcul de l'indemnité de présentation ;

Considérant que le commissaire du gouvernement demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de débouter Mme [X] [R] de l'ensemble de ses demandes ; qu'il soutient que l'indemnisation sollicitée ne pourra lui être allouée, s'agissant d'un préjudice économique que le Conseil constitutionnel, dont les décisions s'imposent à toutes les autorités publiques, a refusé d'indemniser, sous peine de contrevenir au principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques et à la règle de bonne utilisation des deniers publics ; qu'en outre, au regard des textes du code de l'expropriation, il ne peut être estimé que les avoués perdent leur outil de travail ni qu'il y a dépossession par la puissance publique au sens de l'article 17 de la déclaration de 1789 et transfert au profit de l'Etat ou d'une autre personne avec versement d'une indemnité préalable ;

Considérant que les avoués ont été institués par les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 pour représenter en justice les parties à un procès, après la suppression des charges des procureurs royaux dont le ministère était obligatoire depuis 1620 ; qu'ils ont été supprimés en même temps que les avocats par le décret du 24 octobre 1793, avant d'être rétablis par la loi du 18 mars 1800 près les juridictions de première instance, d'appel et de cassation, qui leur attribue un monopole de la postulation, tant en matière civile que pénale, l'Etat fixant leur nombre et leur rémunération ;

Considérant que la loi du 18 février 1801 a supprimé la spécialité d'avoué près les tribunaux criminels ; qu'après le rétablissement, également en 1800, de la profession d'avocat, celui-ci étant en charge de la plaidoirie, l'avoué a conservé le monopole de la postulation et du dépôt des conclusions ; que la profession d'avoué a été scindée en celle d'avoué au tribunal et d'avoué à la cour d'appel ;

Considérant que la loi du 28 avril 1816 a consacré la patrimonialité des offices, les avoués étant autorisés à présenter un successeur au roi puis au garde des Sceaux, pourvu qu'il réunisse les qualités requises ; que ce système a été maintenu, le titulaire de l'office, officier ministériel, jouissant ainsi d'un droit de présentation de son successeur, un traité étant conclu avec celui-ci, fixant un prix de cession, soumis à l'agrément de la Chancellerie ;

Considérant que la patrimonialité des offices d'avoué a été supprimée dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, après la guerre de 1870, sans avoir été rétablie après 1918, les lois du 20 février 1922 et 29 juillet 1928 définissant seulement un régime de postulation spécifique, où les avocats doivent choisir de postuler devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d'appel ;

Considérant que les offices d'avoué au tribunal de grande instance et ceux d'avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer ont été supprimés par la loi du 31 décembre 1971, les anciens avoués devenant avocats ;

Considérant que les avoués à la cour d'appel ont conservé le monopole de la postulation devant les cours d'appel dans les procédures où la représentation est obligatoire, soit la majorité du contentieux civil, à l'exclusion notable des affaires portées devant les chambres sociales des cours d'appel ; qu'ils peuvent en outre exercer une activité hors monopole de consultation juridique, de rédaction d'actes sous seing privé, de représentation et de plaidoirie dans des contentieux judiciaires ou administratifs où la représentation n'est pas obligatoire ;

Considérant que les avocats, s'ils avaient la possibilité de plaider partout en France, ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance dont dépendait leur barreau d'inscription (les avocats des barreaux de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil pouvant eux postuler devant tous ces tribunaux de grande instance, issus de l'ancien tribunal de la Seine)

Considérant que les avoués percevaient pour leur activité monopolistique des émoluments tarifés, selon un tarif fixé par le décret du 30 juillet 1980, modifié en 1984, puis en 2003 ;

Considérant qu'à la suite des rapports au Président de la République présentés par MM.[H] (2008) et [W] (2009), remettant en cause le bien-fondé de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat, en cause d'appel et compte tenu de la directive 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), un projet de loi a été élaboré, intégrant les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au barreau près du tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office est situé, avec possibilité de renoncer à devenir avocat ou de choisir un autre barreau ; que, corrélativement, l'activité des avocats a été étendue à la postulation devant la cour d'appel, le tarif de postulation en cause d'appel étant supprimé ;

Considérant que le projet initial prévoyait seulement une indemnisation du droit de présentation des avoués correspondant aux deux tiers de la valeur de la charge, qui sera portée par l'Assemblée nationale à la totalité de cette valeur, le Sénat ajoutant ensuite l'indemnisation des préjudices de carrière, économique, accessoires et désignant le juge de l'expropriation de Paris pour fixer cette indemnisation en cas de désaccord des avoués sur les propositions à eux faites par une commission chargée de statuer sur leurs demandes ;

Considérant que sur le recours de 82 sénateurs, contestant notamment, d'une part, les modalités de l'indemnisation des avoués prévues par la loi déférée, en ce qu'elle n'était pas préalable à la suppression de cette profession, d'autre part, le régime fiscal de cette indemnisation, le Conseil constitutionnel a rejeté ces contestations et, se saisissant d'office, a notamment considéré que le préjudice de carrière était inexistant pour un avoué, que le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes clauses confondues étaient purement éventuels, compte tenu des activités qu'ils pouvaient continuer d'exercer et qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée avaient méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

Considérant qu'en conséquence l'article 13 de la loi déférée, ainsi libellé initialement : "les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L13-1 à L13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi..." a été privé par la décision n°2010-624 DC du 20 janvier 2011 des mots "du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues" , de même que des mots " en tenant compte de leur âge" ;

Considérant sur la recevabilité des demandes d'indemnisation présentées par Mme [R], que l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011dispose que ' les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi. L'indemnité est versée par le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19. Par dérogation aux règles de compétence territoriale, le juge de l'expropriation compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris. Dans un délai de trois mois suivant la cessation de l'activité d'avoué près les cours d'appel et au plus tard le 31 mars 2012, la commission prévue à l'article 16 notifie à l'avoué le montant de son offre d'indemnisation. En cas d'acceptation de l'offre par l'avoué, l'indemnité correspondante est versée à l'avoué dans un délai d'un mois à compter de cette acceptation' ;

Considérant que l'article 6 du décret précise qu'à défaut d'avoir été acceptée dans le délai de six mois, l'offre de la commission est réputée avoir été refusée par l'avoué, auquel il appartient de saisir le juge de l'expropriation ; qu'il résulte de ce texte que la saisine du juge est ouverte à l'avoué qui a refusé l'offre de la commission ou n'y a pas répondu dans le délai indiqué ;

Considérant que Mme [R] a détaillé à l'intention de la commission d'indemnisation les postes d'indemnisation auxquels elle prétendait ; que, le 23 mars 2012, la commission d'indemnisation lui a adressé une offre correspondant à ce qu'elle estimait être le montant de l'entière indemnisation lui revenant ; qu'il était expressément précisé que la commission avait considéré qu'il n'y avait pas matière à offre pour les autres préjudices invoqués, ce dont il résultait nécessairement qu'un refus était opposé à leur indemnisation qu'il était également indiqué qu'à qu'à défaut d'avoir été acceptée expressément et sans réserve dans le délai de 6 mois de sa notification, l'offre de la commission était réputée avoir été refusée et il appartenait alors à Mme [R] de saisir la juridiction compétente ;

Considérant que, le 11 avril 2012, Mme [R] a déclaré accepter expressément et sans réserve l'offre d'indemnisation formulée à son endroit ;

Considérant que Mme [R] a, ce faisant, nécessairement renoncé à contester le montant de cette indemnisation acceptée sans réserve ; qu'en sa qualité de praticien chevronné du droit, elle ne pouvait se méprendre sur la portée de son acceptation ;

Considérant qu'il ne peut être soutenu qu'elle n'aurait pas bénéficié d'un accès au juge dès lors qu'il lui suffisait de ne pas accepter ou de refuser expressément l'offre faite pour pouvoir demander en justice la fixation de son indemnisation ; que, mieux-même, un certain nombre de ses confrères ont refusé l'offre de la commission d'indemnisation, saisi le juge des référés devant lequel ils ont obtenu une provision correspondant à l'offre du fonds pour demander ensuite au juge de l'expropriation la fixation de ce qu'ils estimaient être le montant de leur juste indemnisation ;

Considérant dès lors que Mme [R] n'est pas recevable à venir réclamer un complément d'indemnisation à celle de la commission d'indemnisation ou une indemnisation différente de celle-ci ;

Considérant qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris ;

Considérant qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ; qu'en revanche, Mme [R] supportera les dépens afférents à l'ensemble de la procédure ;

PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

- infirme en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'expropriation de Paris du 24 mars 2014 ;

- statuant à nouveau, déclare Mme [R] irrecevable en ses demandes ;

- y ajoutant :

- dit que chaque partie conservera à sa charge l'ensemble des frais irrépétibles exposés ;

- dit que Mme [R] supportera les entiers dépens.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 14/09617
Date de la décision : 28/01/2016

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°14/09617 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-28;14.09617 ?
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