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03/02/2016 | FRANCE | N°14/06597

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 03 février 2016, 14/06597


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 03 Février 2016



(n° , 08 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/06597



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Octobre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/10414



APPELANT

Monsieur [V] [I]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en

personne

assisté de Me Jean-philippe DESTREMAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0542



INTIMEES

SAS 1688

N° SIRET : 517 831 368 00017

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par M...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 03 Février 2016

(n° , 08 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/06597

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Octobre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/10414

APPELANT

Monsieur [V] [I]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne

assisté de Me Jean-philippe DESTREMAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0542

INTIMEES

SAS 1688

N° SIRET : 517 831 368 00017

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Bertrand OLLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

SAS GROUPE FIGARO

N° SIRET : 401 328 919 00030

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Bertrand OLLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Décembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Stéphanie ARNAUD, Vice-président placé, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, conseiller faisant fonction de président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 30 juillet 2015

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Marjolaine MAUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [V] [I] a été engagé par la SAS 1688 en qualité de directeur des opérations à compter du 9 novembre 2009 en application d'un contrat à durée indéterminée signé le 15 octobre 2009.

Le capital de la société 1688 est détenu à 85% par le groupe Figaro, ses statuts prévoyaient un conseil d'administration de cinq membres dont Monsieur [I], désigné directeur général de la société. Le contrat de travail de Monsieur [I] prévoyait également l'attribution d'actions gratuites représentant 2,5% du capital de la société 1688 dans les trois mois de sa prise d'effet avec une attribution définitive à l'issue d'une période de deux ans sous réserve d'une condition de présence à cette date.

Le 20 octobre 2009, un pacte d'associés est signé entre Monsieur [I] et le groupe Figaro, ainsi qu'une promesse unilatérale de vente et d'achat d'actions le 8 avril 2010.

La rémunération mensuelle brute de Monsieur [I] s'élevait en dernier lieu à la somme de 9.166,67 euros.

Le 20 avril 2012, Monsieur [I] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 3 mai suivant, puis licencié le 9 mai 2012.

Le 11 mai 2012, le groupe Figaro lui a notifié l'exercice de la promesse de vente de ses actions.

Le 18 mai 2012, Monsieur [I] a notifié au groupe Figaro l'exercice de la promesse d'achat des mêmes actions.

Contestant les motifs de son licenciement, Monsieur [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 30 octobre 2013, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Monsieur [I] a régulièrement fait appel de cette décision et, à l'audience du lundi 7 décembre 2015, demande à la cour de condamner la société 1688 à lui verser la somme de 246.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sollicite également la condamnation de la société groupe Figaro à lui payer la somme de 100.000 euros en contrepartie des 125 actions qu'il détenait dans le capital de la société 1688 avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2012, ainsi que la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Il sollicite enfin la condamnation solidaire des sociétés groupe Figaro et 1688 à lui verser la somme de 15.000 euros au titre des frais de procédure ainsi qu'aux dépens.

Les sociétés 1688 et groupe Figaro demandent à la cour de confirmer le jugement déféré. A titre subsidiaire, la société 1688 demande à la cour de réduire ses demandes à de plus justes proportions dans la limite de six mois de salaire.

Elles sollicitent la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur le licenciement

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l'espèce, la lettre de licenciement est ainsi rédigée :

« Pour les raisons qui vous ont été exposées lors de cet entretien, nous nous voyons dans l'obligation de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, pour les motifs suivants :

1) Insuffisance professionnelle, manque de compétence et manque d'efficacité dans le traitement des dossiers relevant de vos attributions :

- la contractualisation mal maitrisée du dossier avec Cardif a gravement impacté le niveau de commission perçu par notre Société et a conduit la Société à devoir mettre un terme au contrat Cardif et trouver un nouveau porteur de risques,

- le choix d'un prestataire très peu fiable pour la fourniture de l'outil de suivi informatique des contrats santé, en l'occurrence la société BM Courtage, a causé un grave préjudice à la Société qui a été contrainte de mettre fin à ce contrat et risque de subir un contentieux onéreux suite à cette résiliation,

- ces deux éléments impactent négativement les comptes de la Société et mettent en péril son activité santé qui représente 85% de son chiffre d'affaires,

- depuis septembre, il n'y a que très peu de suivi de management des prestataires avec lesquels la Société travaille, notamment s'agissant du call center dénommé Qualione et de CGRM notre gestionnaire santé dans la réalisation de ces prestations,

- la marque « Plus que Parfait » proposée par vos soins à la société Cardif s'est révélée être détenue par une société tierce dénommée Alptis. Un changement de nom du produit a dû être mis en place causant un préjudice vis-à-vis de la clientèle. Par ailleurs, la Société n'est pas à l'abri d'une action contentieuse sur ce point de la part de la société Alptis,

- la valorisation du portefeuille de notre Société présentée par vos soins lors des managements reviews s'est avérée erronée et largement survalorisée. Ceci cause un préjudice grave à la Société,

- sur le plan administratif, de nombreux contrats formalisant les engagements de la Société manquent et votre argument consistant à dire qu'il s'agit d'une pratique inhérente au secteur de l'assurance n'est pas recevable. Certains contrats n'ont pas suivi le processus de validation habituel et ne comportent pas les clauses standards validées avec la direction juridique. Également notre inscription à l'ORIAS a été renouvelée tardivement,

- l'ensemble de ces éléments auraient du faire l'objet d'un reporting au groupe ou au Président et il s'avère que cela n'a pas été le cas.

2) Manque de rigueur dans votre travail et délaissement de votre poste :

- nous avons eu à constater de nombreuses absences non justifiées ainsi que des déplacements chez des prestataires pour des raisons non justifiées. Également, nous constatons que certaines réunions ne sont pas préparées et parfois annulées sans fondement,

- vous vous êtes montré très peu impliqué dans la préparation du budget 2012 lequel a été construit par les équipes constituées de Madame [I] [N] et les services financiers du groupe sans le niveau d'aide que vous auriez dû fournir,

- vous avez laissé présenter un budget 2012 présentant de grandes zones d'incertitude sur le chiffre d'affaires, notamment eu égard au taux de commissionnement liés au contrat Cardif et au risque de chute de contrats en cours d'année, créant encore de sérieux problèmes de transparence et de reporting,

3) Manquement à votre obligation de loyauté et d'exclusivité pendant la relation contractuelle du fait de votre projet de création d'une entreprise dénommée Patrimoine Conseils et des pourparlers que vous avez menés à cet effet avec vos partenaires potentiels.

Aujourd'hui, les faits susvisés sont préjudiciables au bon fonctionnement de la Société.

Vous comprendrez bien qu'une telle situation nous met dans l'impossibilité de poursuivre la relation qui nous lie. »

Sur l'insuffisance professionnelle

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de ce dernier.

Au soutien de ses prétentions, l'employeur indique qu'au 7 février 2012, malgré la souscription de contrats marque Cardif par des clients de la société 1688, aucun contrat n'avait encore été signé directement entre les deux sociétés, et ce en raison d'un désaccord sur le commissionnement de la société 1688 du fait d'une erreur de Monsieur [I] dans le tableau de commissionnement. L'employeur précise que cette erreur a impacté le niveau de commissionnement qu'il devait percevoir et l'a conduit à devoir mettre un terme au contrat Cardif et à trouver un nouveau porteur de risque. Il produit des échanges de mails entre Monsieur [I] et la société Cardif sur plusieurs mois faisant état de leurs difficultés à contractualisé un accord, ainsi que le procès verbal de la réunion du comité de direction du 11 avril 2012.

Sur ce point, Monsieur [I] précise que ce blocage ne lui était pas imputable et n'était pas lié à une erreur dans le tableau de commissionnement mais à la non atteinte des objectifs de production. Il fait valoir que la société 1688 a par la suite obtenu des conditions financières plus favorables avec le nouveau porteur de risque et produit un mail de Monsieur [K], directeur général adjoint de la société 1688 faisant état de « commissions supplémentaires », ainsi que le CODIR du 11 avril 2012 constatant des « conditions financières améliorées ».

La société 1688 reproche à Monsieur [I], le choix d'un prestataire peu fiable pour la fourniture de l'outil de suivi informatique des contrats de santé.

Ce dernier fait valoir que ce prestataire leur avait été recommandé par le directeur commercial de la CGRM avec lequel ils collaboraient. Par ailleurs, l'outil informatique proposé par BM courtage est toujours utilisé par les leaders de la complémentaire santé sur internet, ce qui démontre que le choix de ce prestataire était parfaitement judicieux.

La société 1688 reproche à Monsieur [I] une absence de suivi et de management des prestataires particulièrement depuis le mois de septembre 2011 et produit plusieurs mails des autres collaborateurs de la société l'interpelant sur des dossiers en cours.

Monsieur [I] précise que le suivi des prestataires n'était pas de sa seule responsabilité mais a toujours fait l'objet d'un travail en équipe, et que son employeur n'a jamais émis la moindre critique à ce sujet jusqu'à l'envoi de la lettre de licenciement. Au surplus, il constate que la société 1688 n'invoque en réalité aucun fait précis et objectif et se contente d'émettre de vagues allégations. S'agissant plus particulièrement du call center Qualione, Monsieur [I] indique avoir alerté Monsieur [K], directeur général adjoint, qui avait choisi ce prestataire, de ses doutes sur sa capacité à honorer pleinement ses engagements commerciaux.

S'agissant de la marque « Plus que Parfait », Monsieur [I] fait valoir qu'en tant que courtier il n'avait pas la responsabilité du choix et de la validation d'une marque, qui est du ressort de l'assureur c'est-à-dire Cardif. Il produit des exemples de noms de marque déposés par de grands groupes d'assurance tels Générali Vie, April Entreprise Immobilier ou Alptis Assurances. Il ajoute qu'aucune action contentieuse n'a été engagée à l'encontre de la société 1688 qui n'a, dès lors, subi aucun préjudice.

La société 1688 produit un mail de Monsieur [I] dans lequel il assure avoir eu l'idée du nom proposé ensuite à Cardif.

L'employeur reproche également à Monsieur [I] d'avoir établi une valorisation erronée du portefeuille de la société 1688 lors des managements reviews.

Monsieur [I] constate que ces erreurs, dont la réalité n'est pas démontrée, relèvent de son mandat de directeur général comme en atteste le procès-verbal de la réunion du comité de direction du 11 avril 2012. Au surplus, il ajoute que Monsieur [K] avait en charge le contrôle du modèle économique et que la direction de la société 1688 était parfaitement informée de ce problème d'évaluation trop approximatif comme le soulignait l'audit du cabinet [V] en septembre 2011.

La société 1688 déplore l'absence de formalisation de nombreux engagements et l'absence de reporting à ses différents interlocuteurs internes. Ainsi l'inscription à l'ORIAS dont Monsieur [I] avait la responsabilité n'a été renouvelée que tardivement.

Monsieur [I] fait valoir que l'existence de ce grief n'est pas démontrée mais qu'en tout état de cause il est habituel dans le secteur de l'assurance que les contrats soient formalisés tardivement, comme l'a souligné le cabinet [V] dans son audit. Il ajoute que ce suivi administratif ne relevait pas de sa seule responsabilité mais également de celle de Monsieur [K] en charge des relations avec le groupe Figaro et avec son service juridique. S'agissant de l'inscription à l'ORIAS, Monsieur [I] précise que cette formalité avait été confiée à la responsable coordination de la société Groupe Figaro comme cela avait toujours été le cas depuis la création de la société 1688. Cette inscription devait être faite avant le 29 février 2012 et ne justifiait pas l'intervention de Madame [N], directrice marketing.

S'agissant du choix du prestataire pour la fourniture de l'outil de suivi informatique des contrats de santé, la société 1688 ne produit aucun élément permettant d'évaluer la qualité de la prestation de la société BM Courtage ni les conséquences de cette mauvaise gestion. La réalité de ce grief n'est dès lors pas établie.

S'agissant du choix de la marque « Plus que Parfait », la société 1688 ne démontre pas que l'entière responsabilité de ce choix est imputable à Monsieur [I], ni qu'il lui appartenait de procéder aux vérifications quant à l'utilisation de ce nom. Dès lors l'employeur ne saurait lui reprocher un tel manquement.

S'agissant du renouvellement de l'inscription à l'ORIAS, l'employeur ne produit aucun élément en dehors d'un email de Madame [N], permettant d'attester l'existence d'un quelconque retard dans les démarches à effectuer, retard qui serait de plus imputable à Monsieur [I]. Ce grief n'est pas établi.

En fin, s'agissant des autres manquements invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, force est de constater que les documents communiqués et versés aux débats ne sont pas significatifs et ne permettent pas d'établir avec certitude la réalité des griefs invoqués par la société 1688 ni leur imputabilité au salarié et ce, d'autant plus au regard des difficultés relationnelles existant entre Monsieur [I] et Madame [N].

En effet, à la lecture des différentes pièces produites, il apparaît que les tensions professionnelles entre le salarié et la directrice marketing persistaient malgré l'intervention de Monsieur [K] qui avait du rappeler dans un mail du 4 octobre 2011 les sphères d'intervention de chacun. Dès lors, les difficultés rencontrées sur l'ensemble des dossiers ne peuvent être imputées uniquement et directement au salarié.

Le grief de l'insuffisance professionnelles n'est par conséquent pas établi.

Sur le manque de rigueur et le délaissement de poste

La société 1688 reproche à Monsieur [I] ses nombreuses absences sans que personne ne sache ce qu'il faisait ainsi que son manque de préparation et de suivi, or elle ne produit aucun élément objectif justifiant de la réalité de ce grief.

La société 1688 fait également état de son absence de participation à l'élaboration du budget 2012 et produit plusieurs mails de relance de Madame [N], directrice marketing, entre le 5 décembre 2011 et le 23 janvier 2012.

Monsieur [I] fait valoir que ces courriels n'ont aucun rapport avec l'élaboration du budget mais concernent leur produit d'assurance. Il refuse d'être tenu pour responsable d'une supposée défaillance dans l'élaboration du budget 2012 qui a été élaboré en toute transparence, avec Monsieur [K] en charge du contrôle du modèle économique, en suivant les préconisations du cabinet [V].

Il ressort de la lecture des échanges de mails produits que ces derniers concernent effectivement un produit d'assurance et non l'élaboration du budget 2012. En tout état de cause, aucune pièce versée aux débats ne permet de mettre en exergue une quelconque carence du salarié sur ce point.

Sur le manquement à l'obligation de loyauté et d'exclusivité

La société 1688 produit des échanges des mails envoyés par Monsieur [I] depuis sa boîte professionnelle ainsi qu'un projet de création d'une entreprise dénommée Patrimoine Conseils qui selon elle était destinée à concurrencer directement la société 1688 et à se servir de sa base client comme l'écrit le salarié dans un email du 17 janvier 2012 mais dont elle n'a eu connaissance qu'en février.

Elle produit également une attestation de Monsieur [K] indiquant qu'il a découvert ce projet de création de société Patrimoine Conseil à son retour de congé maladie et qu'à aucun moment Monsieur [I] ne l'en avait informé.

Monsieur [I] soutient que ce projet d'entreprise a été imaginé avec Monsieur [K]. En tout état de cause, il fait valoir que ces emails ont été imprimés depuis le serveur informatique de la société auquel il n'a pas accès laissant supposer une incursion dans sa messagerie professionnelle. Il constate que ces mails ont été édités le 18 janvier 2012 et que ce grief se trouve dès lors prescrit, la procédure de licenciement ayant été engagée plus de deux mois après.

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà du délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance. En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que les emails et les documents faisant référence à la création de la société Patrimoine conseil ont été imprimés et édités le 18 janvier 2012. Si la société 1688 produit une attestation de Madame [N] indiquant qu'elle a découvert lesdits documents courant février 2013, le lien de subordination mais également les mauvaises relations de travail existant entre cette dernière et Monsieur [I], affaiblissent la force probante de cette attestation, qui n'est au demeurant corroborée par aucun autre élément. Dès lors il y a lieu de considérer que ces manquements, dont l'employeur avait manifestement eu connaissance dès le 18 janvier 2012, étaient prescrits et ne pouvaient justifier le licenciement de Monsieur [I].

En tant que de besoin, la cour relève que les mails litigieux ne révèlent en rien un manque de loyauté du salarié à l'égard de la société 1688 et de son actionnaire majoritaire le groupe Figaro et ce d'autant plus qu'il ressort de la lecture de ces documents qu'il était envisagé un partenariat avec le Figaro.

Il s'ensuit que les trois griefs ne peuvent servir de base au licenciement prononcé qui dès lors doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera par conséquent infirmé.

Sur les conséquences financières du licenciement

A la date du licenciement, Monsieur [I] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 9.166,67 euros, avait 39 ans et bénéficiait d'une ancienneté de deux ans et six mois au sein de l'entreprise.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [I], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-5 du Code du travail, une somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la promesse d'achat d'actions

Sur interpellation de la cour, la question de sa compétence pour connaître des demandes relatives à l'exercice des promesses d'achat et de vente des actions détenues par Monsieur [I], a été soulevée, mais se trouve sans objet. En effet, il ressort des termes clairs des dites promesses qu'elles sont adossées au contrat de travail.

Il ressort de la lecture de la promesse unilatérale de vente et d'achat en date du 8 avril 2010 que le contrat conclu entre Monsieur [I] et le groupe Figaro prévoit expressément que « Monsieur [V] [I] pourra exercer l'option conférée au titre de la promesse d'achat à tout moment et immédiatement, même en dehors des périodes visées à l'article 5.1.1, au cas où Monsieur [V] [I] n'exercerait plus aucun mandat social ou de fonction salariée au sein de la Société par suite (') d'un licenciement non fondé sur une faute grave ou lourde. ». Il est par ailleurs spécialement prévu qu' « à défaut par Monsieur [I] d'avoir exercé son option au plus tard dans les 30 jours de la survenance de la révocation ou du licenciement, la promesse d'achat deviendra de plein droit caduque et non avenue. Ensuite, Groupe Figaro pourra exercer l'option conférée au titre de la promesse de vente en exécution de l'article 2.1.2 ci-dessus ».

Dès lors le bénéfice de la promesse d'achat déroge clairement aux dispositions prévues dans le cadre de la promesse de vente, le contrat prévoyant expressément que le groupe Figaro ne pourra exercer l'option conférée au titre de la promesse de vente qu'après l'écoulement d'un délai de 30 jours à compter du licenciement ou de la révocation.

Dès lors, le groupe Figaro ne pouvait exercer sa promesse de vente avant l'expiration du délai de 30 jours.

Toutefois, le contrat prévoit expressément que « l'exercice de la promesse d'achat ne pourra porter que sur les actions autres que les actions gratuites ». En l'espèce, il n'est pas contesté que les 125 actions détenues par Monsieur [I] lui ont été attribuées gratuitement dans le cadre du pacte d'associés signé le 20 octobre 2009 et de la décision du président de la société 1688 du 8 avril 2010.

Dès lors, l'exercice de la promesse d'achat ne pouvait concerner ces mêmes actions, la demande de Monsieur [I] à ce titre sera par conséquent rejetée et le jugement confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Monsieur [I] ne justifie pas de l'existence d'un quelconque préjudice à ce titre, sa demande sera par conséquent rejetée.

Sur les frais de procédure

Il n'est pas inéquitable que chacune des parties conserve la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer, il n'y a donc pas lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 30 octobre 2013 en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur [I] au titre de l'exercice des promesses de vente et d'achat d'actions, l'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société 1688 à verser à Monsieur [I] la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l'arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation

Rejette le surplus des demandes,

Laisse à chacune des parties les dépens exposés par elle.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 14/06597
Date de la décision : 03/02/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°14/06597 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-03;14.06597 ?
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