RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 12
ARRÊT DU 04 Février 2016
(no, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/ 07754
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juin 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de CRETEIL RG no 11/ 00645
APPELANTE
LA SOCIETE CPC DE L'ESSONNE
42 avenue de la Gare
91760 ITTEVILLE
représentée par Mme Christelle X...(Gérante)
INTIMES
CPAM 94- VAL DE MARNE
1-9 Avenue du Général de Gaulle
94031 CRETEIL CEDEX
représentée par Mme Y... en vertu d'un pouvoir général
Monsieur Sébastien Z...
27 rue Albert LARME
94290 VILLENEUVE LE ROI
représenté par Me Emilie BRUEZIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2419
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
14, avenue Duquesne
75350 PARIS CEDEX 07
INTERVENANT VOLONTAIRE :
Assurances Banque Populaire
Chairay-BP 8410
79024 NIORT,
représentée par Me Marion SARFATI, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 102
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Bernadette VAN RUYMBEKE, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laïla NOUBEL, lors des débats
ARRÊT : contradictoire
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Président et par Madame Laïla NOUBEL, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS-PROCÉDURE
Salarié depuis le 29 août 2005 en qualité de couvreur de la société CPC de l'Essonne, spécialisée dans la couverture et la charpente, monsieur Sébastien Z..., a été victime, le 29 septembre 2005, d'une chute de 8 mètres suite à l'effondrement de l'échafaudage sur lequel il travaillait.
Transporté à l'Hôpital Ambroise Paré, il s'est vu diagnostiquer une fracture ouverte, un'enfoncement du plateau tibial droit outre des fractures des métatarsiens latéraux et des vertèbres L1, L2, L3.
L'accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle.
Une enquête pénale a été ouverte.
Déclaré consolidé le 6 mars 2007, monsieur Z...a été reconnu travailleur handicapé le 16 novembre 2006 avec une IPP de 20 % et par la suite a justifié de rechutes, prises en charge par la caisse.
Le 30 mai 2006, Monsieur Z...a saisi la caisse d'une demande de reconnaissance de faute inexcusable et, à défaut d'accord, a porté le litige devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale.
Par arrêt confirmatif de la chambre correctionnelle du 10 mai 2012, monsieur et madame X..., gérants de la société CPC de l'Essonne, ont été condamnés définitivement pour blessures involontaires et manquements aux règles relatives à la sécurité dans le travail en hauteur notamment en mettant à disposition des salariés un échafaudage dont les fixations étaient inadaptées, en ne fournissant pas les équipements individuels de protection obligatoire, en omettant de dispenser aux salariés nouvellement embauchés une formation obligatoire à la sécurité.
Le tribunal des affaires de la sécurité sociale par jugement en date du 20 juin 2012 a :
- reconnu la faute inexcusable de la société CPC de l'Essonne ;
- fixé la majoration de la rente à son taux maximum ;
et avant dire droit :
- ordonné une expertise médicale aux fins d'évaluation des préjudices personnels de monsieur Z..., désignant pour y procéder le docteur A...;
- fixé la provision pour expertise à 5. 000 euros ;
- dit que cette provision sera versée par la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne.
MOYENS DES PARTIES :
La SA CPC de l'Essonne, par l'intermédiaire de sa gérante qui a fait des observations orales en se fondant sur les écritures de première instance, conteste le jugement en ce qu'il n'a pas retenu une responsabilité du salarié dans le dommage qu'il a subi ; elle fait valoir que les ensembles de sécurité étaient bien présents sur le chantier, dans les casiers, mais que monsieur Z...était monté sans réclamer son kit ; elle estime que les deux parties ont des torts et sollicite une diminution de sa part de responsabilité de 50 %.
Monsieur Z..., par l'intermédiaire de son conseil qui a déposé des écritures développées à la barre, conclut à la confirmation du jugement pour les motifs entrepris, y additant une demande de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; il souligne que la faute inexcusable de l'entreprise est largement démontrée et que lui même n'a pas commis aucune faute et encore moins une faute d'une exceptionnelle gravité, en s'attelant à sa mission de travail selon les ordres de son employeur.
La caisse primaire d'assurance maladie s'en rapporte à ses conclusions sur la faute inexcusable, s'en remet à justice sur le montant de la majoration de la rente, émet les réserves d'usage quant aux montants qui pourraient être alloués à monsieur Z...et ce, dans la limite du montant des préjudices habituellement alloués, et enfin demande que les frais d'expertise soient mis à la charge de l'employeur et qu'il soit dit qu'elle récupérera, sur ce dernier, les sommes avancées au salarié.
La compagnie d'assurance Banque Populaire demande qu'il soit donné acte de son intervention volontaire faite sous réserves de garantie s'agissant de la règle proportionnelle.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 12 novembre 2015, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments.
SUR CE LA COUR,
- sur la faute inexcusable :
Considérant qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Considérant sur les circonstances de l'accident que monsieur Z...et spn collègue Leduc ont chuté de 8 mètres de hauteur à la suite de l'effondrement d'un échafaudage sur lequel ils étaient en train d'installer des garde corps ;
Et considérant qu'il est largement établi notamment par les pièces pénales versées au dossier et par l'enquête de l'inspecteur du travail que l'accident dont a été victime Monsieur Z...résulte de la violation par l'employeur de plusieurs règles de sécurité et de l'emploi de matériel inadapté ;
Que les investigations opérées, rappelées avec minutie par le tribunal, ont en effet révélé que le mode de fixation des équipements de travail par simple piton à douille, était inadapté à la tendreté de la pierre, que malgré les mises en garde insistante et les alertes du chef de chantier, monsieur B..., sur la dangerosité d'un tel dispositif " qui ne correspondait aucunement aux normes de sécurité en vigueur ", le choix de son utilisation a été maintenu par l'employeur même après que celui-ci ait personnellement constaté que la façade était " à nu ", que monsieur Z...n'avait bénéficié d'aucun équipement individuel de protection notamment et alors qu'il venait d'être embauché, n'avait reçu aucune formation adaptée à la sécurité spécifique aux travaux en hauteur sur échafaudages ;
Considérant que pour ces faits, la chambre des appels correctionnels, par arrêt confirmatif du 10 mai 2012, a définitivement condamné la société CPC de l'Essonne et ses gérants pour blessures involontaires et violations manifestes des règles d'utilisation des équipements de travail et des règles de sécurité pour le travail en hauteur ;
Que c'est en vain que la SA CPC de l'Essonne soutient que monsieur Z...était monté sur l'échafaudage sans prendre le kit de protection qui se trouvait dans son casier de sorte qu'il doit assumer une part de responsabilité dans le dommage qu'il a subi ; qu'en effet, non seulement la société ne démontre pas avoir mis harnais et casque à disposition du salarié mais en outre, même si ces équipements se trouvaient dans le casier, il lui appartenait de donner des instructions claires au salarié en ce sens, de le former à la sécurité et enfin de veiller à ce qu'il utilise effectivement ses moyens de protection, ce quelle n'a pas fait ; qu'elle ne démontre aucune faute inexcusable du salarié qui amoindrirait sa responsabilité ;
Qu'il résulte de cette condamnation pénale qui a écarté toute l'argumentation soutenue encore aujourd'hui par la société CPC de l'Essonne, que celle ci devait avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, travaillant dans un environnement à risque sur un dispositif dont elle n'ignorait pas le danger et qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la faute inexcusable est, en conséquence, caractérisée ;
Considérant que le jugement doit être confirmé ;
- sur les conséquences de la faute inexcusable :
Considérant qu'en vertu de l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail dû à une faute inexcusable bénéficie d'une majoration de la rente d'accident du travail ; que les premiers juges l'ont fixé à bon droit au taux maximum ;
Qu'ils ont également à bon droit ordonné une expertise pour évaluer les préjudices personnels de la victime et alloué à la victime une provision ;
Que les autres dispositions du jugement seront enfin confirmées en ce qu'ils ont mis à la charge de la caisse l'avance des frais d'expertise, de la provision et de toutes les conséquences financières de la faute inexcusable ainsi reconnue, à charge pour l'organisme social de pouvoir récupérer ses sommes sur l'employeur ;
Considérant que l'expertise n'ayant pas encore été réalisée, il convient de prescrire à l'expert d'y procéder et de déposer son rapport dans les 4 mois du versement de la provision par la caisse primaire d'assurance maladie, ce versement devant intervenir dans le mois suivant la notification du présent arrêt ;
Que la cour, pour une bonne administration de la justice, compte tenu de l'ancienneté de l'accident, évoquera le litige sur l'indemnisation du préjudice de sorte que la consignation sera versée par la caisse primaire d'assurance maladie au greffe de la cour auquel sera également transmis le rapport de l'expert ;
Que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions sauf à prendre en compte des conséquences de l'évocation, quant au rapport d'expertise ;
Que les parties seront invitées à débattre contradictoirement à l'issue de dépôt du rapport de l'expert, sur les points non tranchés à une audience fixée dans le dispositif ;
- sur l'intervention volontaire de la compagnie d'assurance Banque Populaire :
Considérant qu'il sera donné acte à la compagnie d'assurance Banque Populaire de son intervention volontaire qui ne tend qu'à une déclaration de jugement commun ;
Considérant que la société CPC de l'Essonne sera condamnée à verser à monsieur Z...une indemnité de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf à préciser les conditions de la mise en oeuvre de l'expertise,
Y ajoutant,
Évoque le litige sur l'indemnisation des préjudices,
En conséquence,
Dit que la consignation due à l'expert en avance de ses honoraires, sera versée, auprès de la régie de la cour d'appel par la caisse primaire d'assurance maladie dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, la caisse pouvant récupérer les frais d'expertise sur l'employeur,
Dit que le docteur A...dont la mission est inchangée devra déposer son rapport dans les 4 mois du versement de la consignation par la caisse primaire d'assurance maladie,
Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance rendue par le président ou membre de la chambre ;
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société CPC de l'Essonne à verser à monsieur Z...une indemnité de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui s'ajoute à celle fixée en première instance,
Renvoie l'affaire à l'audience collégiale du :
JEUDI 08 DÉCEMBRE 2016
en salle 520
(Escalier Z)
et dit que la notification de la présente décision vaudra convocation des parties à cette audience.
Le Greffier, Le Président,