Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRET DU 12 FEVRIER 2016
(n°16, 20 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/13793
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 mars 2009 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 1ère section - RG n°05/08716
APPELANTES
S.A. HUTCHINSON, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 1]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 542.051.826
S.N.C. PAULSTRA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 1]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 314.397.670
Représentées par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044
Assistées de Me Thierry MOLLET-VIEVILLE plaidant pour la SCP DUCLOS - THORNE - MOLLET-VIEVILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 75
INTIMES
Société CF GOMMA BARRE THOMAS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Immatriculée au rcs de Rennes sous le numéro 414.713.537
Me [E] [W], prise en sa qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société CF GOMMA BARRE THOMAS
[Adresse 3]
[Localité 2]
Me [S] [D], membre de la S.C.P. [O] - [D], prise en sa qualité de représentante des créanciers de la société CF GOMMA BARRE THOMAS
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Société COOPER-STANDARD FRANCE, anciennement société DES POLYMERES BARRE THOMAS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Immatriculée au rcs de Rennes sous le numéro 489.332.908
Représentées par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque K 111
Assistées de Me Pierre COUSIN plaidant pour l'association COUSIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque R 159
S.A.S. STEVA ORLEANS, anciennement dénommée PAUL ROBERT INDUSTRIE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Immatriculée au rcs d'Orléans sous le numéro 403.426.943
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque P 480
Assistée de Me Prisca WUIBOUT plaidant pour la SELARL UDA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque 91
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 16 décembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente
Mme Sylvie NEROT, Conseillère
Mme Véronique RENARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Sylvie NEROT, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, en remplacement de Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, empêchée, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Vu le brevet européen EP 06 910481 déposé le 05 juillet 1995 sous priorité française du 08 juillet 1994, publié le 10 janvier 1996 et délivré le 04 novembre 1998 dont est titulaire la société Hutchinson SA et qui porte sur des bielles reliant aux caisses des véhicules certains de leurs organes vibrants ainsi que la licence, régulièrement publiée, conférée par le titulaire à la société Paulstra SNC, sa filiale à 100 %, qui exploite l'invention en France,
Vu le jugement contradictoire rendu le 10 mars 2009 par le tribunal de grande instance de Paris - saisi par les sociétés Hutchinson et Paulstra d'une action en contrefaçon des revendications 1 à 5 du brevet à l'encontre des sociétés CF Gomma Barre Thomas et Paul Robert Industrie, selon assignation du 07 juin 2005, ainsi que de Maître [E] [W] et de la SCP Filliol-Goïc (pris en leurs qualités d'administrateur judiciaire et de représentant des créanciers de la société CF Gomma Barre Thomas, déclarée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nantes du 1er décembre 2005), selon exploit du 16 mars 2006, de Madame [E] [W], prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société CF Gomma Barre Thomas, selon exploit du 05 janvier 2007, et, après nouvelle saisie-contrefaçon, de la Société des Polymères Barre Thomas (locataire-gérant de la société CF Gomma Barre Thomas), selon exploit du 14 février 2007 ' lequel jugement a, pour l'essentiel, rejeté les demandes tendant à voir déclarer nul ce brevet pour défaut d'activité inventive et défaut de nouveauté, et, par ailleurs, rejeté les demandes des requérantes fondées sur la contrefaçon,
Vu l'appel interjeté le 22 juin 2009 par les sociétés Hutchinson et Paulstra,
Vu les décisions rendues le 30 septembre 2010 puis le 26 mai 2011 par le conseiller de la mise en état désigné de cette chambre, successivement saisi de deux incidents et qui a, par deux fois, rejeté la demande de désignation d'un technicien formée par les appelantes,
Vu l'arrêt rendu par la présente cour d'appel le 21 octobre 2011 qui a, notamment, confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté la demande en nullité du brevet EP 0 691 481 mais l'a infirmé en ses dispositions rejetant la demande au titre de la contrefaçon, déclarant, en particulier (au § 3 du dispositif) que 'les bielles décrites dans les procès-verbaux des 23 et 24 mai et 11 juillet 2005, 1er et 2 février 2007, ainsi que dans le rapport de calcul du 15 septembre 2006 et dans les mesures effectuées les 8 avril, 7 juillet, 28 août et 27 octobre 2010 reproduisent les moyens des revendications 1, 2, 4 et 5 dudit brevet' et désignant un expert afin de 'recueillir tous éléments permettant de déterminer le nombre de produits contrefaisant les revendications 1, 2, 4 et 5 du brevet susvisé, fabriqués et vendus par les sociétés CF Gomma Barre Thomas, Cooper-Standard France (anciennement Société des Polymères Barre Thomas) et Paul Robert Industrie et donner tous éléments sur le préjudice subi par les sociétés Hutchinson et Paulstra conformément aux dispositions de l'article L 615-7 premier alinéa du code de la propriété intellectuelle',
Vu l'ordonnance rendue le 25 octobre 2012 par le conseiller de la mise en état chargé du contrôle de l'expertise saisi d'un incident relatif à l'étendue de la mission de l'expert qui a, notamment, « (rejeté) la demande des sociétés Hutchinson et Paulstra tendant à voir juger qu'il ressort de l'arrêt rendu le 21 octobre 2011 que la cour, demandant à l'expert commis de recueillir tous éléments permettant de déterminer le nombre de produits contrefaisant les revendications 1, 2, 4 et 5 du brevet EP 0 691 481, a défini la masse contrefaisante en y incluant tant les bielles décrites au paragraphe 3 du dispositif que les bielles identiques ou similaires, quelles que soient leurs références ainsi que leurs étiquetage, taille, couleur, poids » et, de plus, dit « que, sous réserve de l'éventuelle saisine de la cour qui, seule, a pouvoir de statuer en application des articles 461 et suivants du code de procédure civile, les sociétés CF Gomma Barre Thomas, Maître [E] [W] et Maître [S] [D], toutes deux ès qualités, ainsi que la société Cooper Standard France (anciennement Société des Polymères Barre Thomas) ne seront tenues de répondre aux questions de l'expert que dans les limites de ce qui a précisément été tranché dans le dispositif de l'arrêt rendu par la cour d'appel le 21 octobre 2011 au titre de la contrefaçon, à savoir en la seule considération de la masse contrefaisante telle que définie au troisième paragraphe du dispositif de cet arrêt »,
Vu l'arrêt rendu le 13 novembre 2013 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 21 octobre 2011 en ce qu'il a dit que les sociétés CF Gomma Barre Thomas et Cooper Standard France ont commis des actes de contrefaçon des revendications dépendantes 2, 4 et 5 du brevet européen précité « sans donner aucun motif au soutien de sa décision », remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour de Paris autrement composée,
Vu le rapport déposé le 05 mai 2014 par Monsieur [O] [C], expert désigné aux lieu et place de l'expert désigné par l'arrêt de la présente cour rendu le 21 octobre 2011,
Vu les dernières conclusions (« n° 3bis après expertise ») notifiées le 09 décembre 2015 par la société anonyme Hutchinson et la société en nom collectif Paulstra,
Vu les dernières conclusions (« n° 4 après expertise ») notifiées le 03 décembre 2015 par Maître [E] [W], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société CF Gomma Barre Thomas en redressement judiciaire (désignée le 1er décembre 2005 par jugement du tribunal de commerce de Nantes) et de commissaire à l'exécution du plan de cette société (désignée par jugement du 12 juillet 2006 rendu par ce même tribunal), par Maître [S] [D] (SCP [O] [D]) ès qualités de représentant des créanciers de la société CF Gomma Barre Thomas en redressement judiciaire (désignée le 1er décembre 2005 par jugement du tribunal de commerce de Nantes), par la société CF Gomma Barre Thomas et par la société Cooper-Standard France (anciennement : Société des Polymères Barre Thomas),
Vu les dernières conclusions notifiées le 24 novembre 2015 par la société Steva Orléans (anciennement dénommée Paul Robert Industries),
SUR CE,
Sur le droit applicable
Considérant que l'article L 615-7 modifié par la loi du 11 mars 2014 dont les sociétés Hutchinson et Paulstra demandent qu'il soit fait application au présent litige, alors que leurs adversaires requièrent l'application de cet article en sa rédaction antérieure, dispose :
« Pour fixer les dommages-intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages-intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée » ;
Qu'invoquant le principe de non rétroactivité des lois, les intimées contestent la ventilation du préjudice dont les sociétés Hutchinson et Paulstra poursuivent l'indemnisation en se fondant sur les postes de préjudice définis par la loi nouvelle et, plus précisément, leurs prétentions indemnitaires au titre des « économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon » que ne visaient pas cet article en sa rédaction issue de la loi du 29 octobre 2007 ;
Considérant, ceci exposé, qu'il est constant que les critères de fixation du montant des dommages-intérêts n'ont pas vocation à rétroagir en s'appliquant à des faits commis antérieurement à leur entrée en vigueur et tout aussi constant que la loi ancienne invitait la juridiction à prendre distinctement en considération « les bénéfices réalisés par le contrefacteur » sans plus de précisions ;
Que, cela étant, les intimées ne peuvent être suivies lorsqu'elles soutiennent que la législateur de 2014 a inséré un nouveau chef de préjudice dès lors que les économies d'investissements en cause sont introduites dans la loi, sans adjonction d'un nouveau paragraphe, par les termes « y compris » qui tend seulement à expliciter ce qu'il faut inclure dans le bénéfice réalisé, faisant ainsi oeuvre de clarification du texte antérieur en consacrant des pratiques ;
Qu'il convient de relever, à cet égard, qu'il résulte de l'article 13 de la directive 48/2004/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, à la lumière de laquelle doit être interprété le droit national, qu'il appartient à la juridiction de fixer des dommages-intérêts « adaptés » au préjudice réellement subi en prenant en considération « tous les aspects appropriés » pour évaluer « les bénéfices injustement réalisés » de sorte qu'en précisant que les bénéfices réalisés comprennent les économies d'investissements la loi nouvelle n'a pas ajouté à la loi du 29 octobre 2007 transposant ladite directive ;
Qu'au demeurant, à s'en tenir à la définition du bénéfice qui retranche du chiffre d'affaires réalisé les frais et coûts dont le contrefacteur a eu la charge, les économies d'investissements ont vocation à diminuer lesdits coûts et se retrouvent donc dans le montant des bénéfices réalisés puisqu'elles sont source de gain pour le contrefacteur qui s'est fautivement dispensé d'investir ;
Que la loi nouvelle, précisant « les aspects appropriés » à prendre en considération évoqués par la directive n'a, par conséquent, pas introduit un nouveau chef de préjudice, de sorte que les intimées échouent en leur moyen ;
Sur l'évaluation de la masse contrefaisante
Considérant que, paraissant tenir pour négligeables les conséquences de l'arrêt rendu par la Cour de cassation précité ' dont la censure, pour défaut de motivation, se limite à la contrefaçon des revendications dépendantes 2, 4 et 5 - les sociétés Hutchinson et Paulstra poursuivent l'indemnisation de leur préjudice en demandant d'abord à la cour de considérer que font partie de la masse contrefaisant la revendication 1 du brevet EP 691 481 :
d'une part, les 4 premières bielles décrites dans les procès-verbaux des 23 et 24 mai et 11 juillet 2005, 1er et 2 février 2007 ainsi que dans le rapport de calcul du 15 septembre 2006 et dans les mesures effectuées les 08 avril, 07 juillet, 28 août et 27 octobre 2010 sous les références de 1ère monte PSA 96-449.646-80 // 96-481.734-80 // 96-456.919-80 // 96-527.413-80, correspondant respectivement aux références internes CF/Cooper A0005800 // A0006000 // A0007700 // A0026800 et aux références pièces de rechange PSA 1806-70 // 1806-73 // 1806-68 // 1806-72, d'autre part, les 6 deuxièmes bielles portant notamment :
les références de 1ère monte PSA 96-805.354-80 // 96-825.163-80 // 96-566.740-80 // 96-548.672-80 // 14-007.186-80 // 96-400.792-80
correspondant respectivement aux références internes CF/Cooper A0033400 // A1000300 // A0045200 // A0059500 // A0090400
et aux références pièces de rechange PSA 1806 88/1806 H1 // 1806 88/1806 H1 // 1806 92 //1806 99 // 1806 A2,
de sorte que, sur la base de ces dix références, la masse contrefaisante comprend 6.654.078 bielles pour un chiffre d'affaires de 33.432.539 euros HT ;
Qu'elles estiment que la cour reste saisie de la question de la consistance et de l'étendue de la masse contrefaisante et que ces « six deuxièmes références » présentent, selon elles, une structure identique à celle des bielles décrites et jugées contrefaisantes par la cour, à savoir des bielles dont le centre instantané de rotation est également placé, grâce au contrepoids, au niveau de l'axe du manchon de la caisse, ainsi que le prévoit la revendication 1 du brevet ;
Qu'en réplique aux conclusions de leurs adversaires qui leur opposent principalement l'autorité de la chose jugée attachée au dispositif de l'arrêt rendu le 21 octobre 2011 et, subsidiairement, l'absence de caractère contrefaisant des six autres « deuxièmes références » en contemplation de l'analyse Estaca de mars 2013 (DMTV Exp 28) qu'elles produisent, les sociétés Hutchinson et Paulstra font cumulativement valoir que la condamnation prononcée dans cet arrêt porte sur tous les objets présentant une structure contrefaisante, quels que soient leurs types et références ; que les quatre références visées au § 3 du dispositif ont été saisies à titre d'échantillons ; que la formule « de telles bielles » introduite au § 5 du dispositif vise les bielles du même genre ; que la cour a évoqué dans sa motivation une « fabrication en masse » et prononcé (au § 6 du dispositif) une mesure d'interdiction sur les bielles « identiques ou similaires » ; que, sur le fond, les critiques adverses de l'analyse Estaca produite (concluant que « le centre instantané de rotation de la bielle avec contrepoids est placé au voisinage de l'axe du manchon destiné à être relié à la caisse, alors que ce n'est pas le cas pour la bielle en contrepoids » ) procèdent d'une présentation tronquée et se révèlent de pure forme, sans production d'une analyse qui viendrait la contredire ;
Considérant, ceci rappelé, que par arrêt rendu le 21 octobre 2011, la présente cour s'est prononcée sur l'objet du litige tel que déterminé par les parties et a, notamment, repris dans son dispositif les termes mêmes des dernières conclusions des sociétés Hutchinson et Paulstra en disposant :
« Dit que les bielles décrites dans les procès-verbaux des 23 et 24 mai et 11 juillet 2005, 1er et 2 février 2007 ainsi que dans le rapport de calcul du 15 septembre 2006 et dans les mesures effectuées les 08 avril, 07 juillet, 28 août et 27 octobre 2010 reproduisent les moyens des revendications 1, 2, 4 et 5 du brevet EP 691 481 » ;
Que cet arrêt avant dire droit sur la liquidation du préjudice puisqu'il a ordonné une expertise notamment destinée à recueillir des éléments d'appréciation « permettant de déterminer le nombre de produits contrefaisant les revendications 1, 2, 4 et 5 du brevet susvisé » a, au principal, tranché dans son dispositif la contestation relative aux actes de contrefaçon dont la cour était précisément saisie ;
Qu'il a autorité de chose jugée sur ce point sans que les dispositions dont se prévalent les appelantes (§ 6 du dispositif) et qui font interdiction aux intimées « de fabriquer, de détenir, d'offrir, de mettre dans le commerce et/ou de fournir les moyens de mettre en oeuvre des bielles identiques ou similaires à celles décrites (au § 3 du dispositif) » permettent d'élargir le périmètre de la masse contrefaisante précisément cerné au § 3, cette mesure d'interdiction qui assure le rétablissement du droit privatif dans son état antérieur à l'atteinte s'analysant en une injonction pour l'avenir et permettant éventuellement l'introduction d'une nouvelle action en contrefaçon à l'encontre d'un contrefacteur agissant alors en connaissance de cause ;
Qu'il en va de même des termes du § 3 du dispositif ( à savoir : « Dit qu'en fabriquant, en détenant, en utilisant, en offrant, en mettant dans le commerce et en fournissant les moyens de mettre en oeuvre de telles bielles (...) » qui caractérisent les actes de contrefaçon précisément retenus en renvoyant à la masse contrefaisante restrictivement explicitée au § 3 du dispositif ;
Qu'il suit que les intimées opposent à bon droit aux sociétés Hutchinson et Paulstra cette fin de non-recevoir et que ces dernières ne sont pas fondées à se prévaloir d'une masse contrefaisante excédant les limites des quatre premières références sus-évoquées ;
Sur les éléments à prendre en considération pour l'évaluation des préjudices subis
Considérant qu'à l'issue des opérations d'expertise, les sociétés Hutchinson et Paulstra poursuivent distinctement l'indemnisation de leurs préjudices respectifs en demandant à la cour de prononcer une condamnation distincte (et de fixer leur créance) à l'encontre de chacune des parties intimées ;
Que pour solliciter dans le dispositif de ses dernières conclusions la somme globale de 1.890.592 euros [soit la somme de la contrepartie manquée (840.592 euros) du préjudice moral (100.000 euros) et des frais de recherche (950.000 euros) ] et, en toute hypothèse celle de 3.966.684 euros au titre de la redevance indemnitaire prévue à l'alinéa 2 de l'article L 615-7 précité, la société Hutchinson synthétise ses prétentions indemnitaires, au titre de la première dans un tableau (page 27/76 de ses dernières conclusions) et décompose sa demande chiffrée au titre de la seconde (calculée sur la base de 10 % du chiffre d'affaires de chaque contrefacteur sur les biellettes et articulations brevetées avec, présentée comme « la meilleure référence » la licence qu'elle a consentie à la société Cooper Standard le 03 avril 2012) dans un tableau figurant en page 29/76 de ses dernières conclusions ;
Qu'elle réclame ainsi paiement :
(pour la période antérieure au 1er décembre 2005) à la société CF Gomma Barre Thomas de la somme totale de 532.932 euros et à la société Paul Robert Industrie de la somme totale de 206.260 euros (dont 129.380 euros pour les faits qui leur sont communs),
(pour la période comprise entre le 1er décembre 2005 et le 1er/12 juillet 2006) à la société Paul Robert Industrie de la somme totale de 82.152 euros et à Maîtres [W] et [O], ès qualités, de la somme totale de 244.903 euros (dont 54.201 euros pour les faits qui leur sont communs et dont 154.955 euros pour les faits communs à ces mandataires judiciaires, ès-qualités, et à la société Cooper-Standard),
(pour la période postérieure au 1er/12 juillet 2006 à la société Cooper Standard de la somme totale de 824.345 euros ;
Que, de son côté, la société Paulstra poursuit le paiement, dans le dispositif de ces mêmes dernières conclusions (comportant une erreur de plume en ce qu'il vise la somme de 3.562.369 euros contredisant ses calculs décomposés en leur page 33/76), de la somme indemnitaire globale de 3.362.369 euros correspondant à ses marges manquées après actualisation ;
Qu'ajoutant aux 4 premières références contrefaisantes les 6 références invoquées à ce stade de la procédure, elle sollicite la condamnation :
(pour la période antérieure au 1er décembre 2005) de la société CF Gomma Barre Thomas à lui verser la somme totale de 1.081.727 euros et de la société Paul Robert Industrie à lui verser la somme totale de 195.040 euros,
(pour la période postérieure au 1er décembre 2005) de la société Paul Robert Industrie à lui payer la somme totale de 13.607 euros, de la société CF Gomma Barre Thomas à lui payer la somme totale de 244.614 euros et de la société Cooper Standard à lui payer la somme totale de 1.827.381 euros ;
Que les intimées contestant le bien-fondé des éléments tels que présentés par les appelantes pour chiffrer comme elles le font leurs préjudices respectifs ' la société Steva Orléans (anciennement Paul Robert Industrie) évoquant, en particulier, des demandes non justifiées, non débattues en cours d'expertise et surévaluées par rapport aux conclusions expertales -, il convient de trancher la contestation relative aux paramètres servant à évaluer le préjudice ;
Considérant, s'agissant de la masse contrefaisante, qu'il résulte de ce qui précède qu'elle ne peut inclure que les quatre premières références en cause, à l'exclusion des six autres prises en considération par les appelantes pour évaluer leur préjudice ;
Que l'expert doit être approuvé lorsqu'il précise dans son rapport, au terme d'une analyse précise des éléments soumis à son appréciation, qu'il a limité la masse contrefaisante aux seules bielles dont la biellette présente une des structures particulières des biellettes référencées, qu'à une référence correspond une unique structure et une structure n'est identifiée que sous une référence et qu'en conséquence, il a limité la masse contrefaisante aux seules bielles référencées 96-449.646, 96-481.734, 96-456.919 et 96-527.413 (page 21/57 du rapport);
Considérant, s'agissant de l'évaluation de la masse contrefaisante au cours des différentes périodes prises en compte, que l'expert explicite de manière pertinente (en pages 14 et 15/57 de son rapport), réserve faite de la question de la procédure collective dont a fait l'objet, le 1er décembre 2005, la société CF Gomma Barre Thomas, les éléments qui l'ont conduit à déterminer que :
pour la société CF Gomma Barre Thomas, la masse contrefaisante a été évaluée sur la base des ventes de biellettes du 23 mai 2002 au 30 juin 2006,
pour la société Cooper Standard France, la masse contrefaisante a été évaluée sur la base des ventes de biellettes du 1er juillet 2006 au 09 mars 2012,
pour la société Paul Robert Industrie, la masse contrefaisante a été évaluée sur la base des biellettes fabriquées du 23 mai 2002 au 25 janvier 2006 ;
Qu'en effet, ces différentes périodes permettent de prendre en considération le fait que la société Cooper Standard n'a effectivement repris l'activité de la société CF Gomma Barre Thomas qu'en juillet 2006 et que des accords sont intervenus entre les parties ainsi que les dates des saisies pratiquées, les délais de prescription et la date de l'arrêt de fabrication des produits contrefaisants par la société Paul Robert Industrie ;
Que l'expert s'est également livré à une analyse circonstanciée des données soumises à son appréciation ; que son approche ne saurait être critiquée, de même que son exclusion du « tout commercial indivisible » en l'absence d'éléments tendant à démontrer que des accessoires, tels des moyens de fixation, ont été vendus en conséquence de la vente de bielles selon l'invention (pages 21 à 24/57 du rapport) si bien qu'il convient d'évaluer à 3.447.906 - et non point à 6.654.078 euros, comme voudraient le voir juger les appelantes - le nombre total des bielles contrefaisantes soit, sous la réserve sus-mentionnée (page 43 et suivantes du rapport) :
un volume de 1.888.346 produits fabriqués et vendus par la société CF Gomma Barre Thomas sans intervention de la société Paul Robert Industrie jusqu'en juillet 2012
un volume de 399.627 pièces fabriquées par la société Paul Robert Industrie jusqu'en 2006,
un volume de 1.159.933 pièces fabriquées et vendues par la société Cooper Standard depuis juillet 2006 jusqu'au 09 mars 2012 ;
Considérant, s'agissant des conséquences économiques négatives subies par la société Paulstra qui, après divers revirements (explicités par les intimés dans leurs conclusions) reconnaît désormais exploiter l'invention et être même « un acteur majeur sur le marché des bielles antivibratoires », qu'il y a lieu de rappeler que le gain manqué correspond au profit qu'elle aurait retiré des actes d'exploitation réalisés par ces différents contrefacteurs si elle les avait réalisés elle-même ;
Qu'il lui appartient donc, pour étayer ses prétentions indemnitaires à ce titre, de préciser, en en justifiant, le taux de marge bénéficiaire qu'elle tire de l'invention brevetée ;
Qu'elle se prévaut, pour ce faire, d'une déclaration de son directeur des comptabilités (DMTV exp 36) indiquant qu'elle réalise une marge opérationnelle analytique » (différence entre le prix de vente et le coût de revient complet) de 9,7 % et expose que si elle a successivement déclaré à l'expert une marge de 3 % en précisant par erreur qu'il s'agissait de « biellettes selon l'invention » puis de 5,6 %, elles s'appliquaient, pour la première, au domaine du support-moteur qui est hors brevet et, pour la deuxième, sur toutes les bielles en ce compris celles qui sont hors brevet ;
Qu'en réplique aux critiques qui leur sont faites par les intimées, purement formelles selon elles, les appelantes ajoutent que cette marge de 9,7 % résulte de l'analyse, menée par leur directeur des comptabilités, de documents financiers et industriels, confidentiels et personnels au groupe Hutchinson et Paulstra, dont il est légitime de conserver le secret ; qu'au demeurant, poursuivent-elles, l'expert « a finalement retenu la thèse de Paulstra puisqu'il a indiqué à la page 9 de son rapport qu'il considérait que l'évaluation du préjudice devait être effectuée sur la base du taux de 9,7 % qui correspond à la réalité » ;
Que, toutefois, il échet de considérer que la position de l'expert telle que présentée par les appelantes ressort d'une lecture parcellaire du rapport puisque, dans la même phrase, ce technicien émet une réserve tenant à la suffisance des éléments de preuve fournis et qu'au terme de la longue analyse qu'il consacre à la question du taux de marge (pages 32 à 36 de son rapport) son avis se révèle singulièrement plus nuancé qu'il est prétendu ;
Que les intimées, évoquant les difficultés rencontrées tout au long des opérations d'expertise ' lesquelles ont conduit l'expert à introduire dans son rapport un préliminaire de 5 pages et à conclure, après un exposé chronologique de ses multiples diligences durant un an et demi et des réponses obtenues que « l'évolution des déclarations du Demandeur et les difficultés à obtenir des informations que, à mon avis, le Demandeur ne pouvait ignorer on ralenti la procédure d'expertise » - ne se contentent pas de critiques formelles ;
Qu'elles stigmatisent à raison le comportement des sociétés Hutchinson et Paulstra en mettant en relief les contradictions de leurs affirmations successives, leur incohérence et le peu de crédit que l'on peut y accorder en estimant que ceci relève de leur volonté de faire échapper les prétentions de la société Paulstra à tout contrôle et que le seul taux susceptible d'être retenu est celui de 3 % initialement indiqué ;
Que l'erreur alléguée par la société Paulstra dans l'invocation première de ce taux de 3 % se révèle en effet peu crédible, compte tenu du laps de temps qu'elle s'est accordé pour répondre à l'expert et de la part importante de son activité « bielles » dont elle ne pouvait ignorer ce qu'elle lui rapportait, ainsi qu'en conviennent l'expert judiciaire et le Cabinet d'experts comptable et commissaires aux comptes Abergel consulté par les intimées (pièce PIC AE 63) ;
Qu'il en va de même de la recherche d'une cohérence dans la présentation de ces taux de marge successifs qui n'est étayée par aucun document comptable certifié et se révèle mathématiquement incohérent, comme le démontre le cabinet Abergel ;
Que cette insuffisance probatoire pour démontrer qu'il y a lieu d'appliquer un taux de marge de 9,6 % afin d'évaluer le gain manqué ' observée par l'expert qui écrit dans son rapport : « Un commissaire aux comptes aurait pourtant pu certifier les données comptables de l'attestation du 1er juillet 2013 en précisant les références des biellettes prises en compte, comme l'ont fait les sociétés Paul Robert Industrie et Cooper Standard France. Faute de certification, la marge opérationnelle analytique de 9,6 % ne fait donc l'objet que d'une attestation établie par le Demandeur lui-même ' ne permet pas d'emporter la conviction de la cour sur le taux ainsi revendiqué ;
Que la tardive communication d'une lettre datée du 05 octobre 2015 que le commissaire aux comptes [U] & [E] et autres SAS adresse au directeur des comptabilités (pièce TMV 88) ne permet pas, contrairement à ce que prétend la société Paulstra, « de ne laisser nulle place au doute » ; que cette lettre, évoquant simplement le « litige Cooper » ou « la période considérée » sans plus d'éléments, se révèle imprécise et se borne à décrire la comptabilité analytique pratiquée « définie par site et département de production » reposant « sur des coûts de production standards, la réallocation des écarts « coûts réels/coûts standards » et l'allocation de frais fixes directs et indirects de production », ici aussi sans davantage de précisions, notamment sur les trois taux de marge en débat, pour conclure que « cette comptabilité analytique ne fait pas l'objet d'un audit » ;
Qu'il conviendra, dans ces conditions, de s'en tenir au taux généralement pratiqué sur ce type de produit dans le secteur des constructeurs automobiles, à savoir celui de 3 %, comme l'indiquaient d'ailleurs les appelantes, dans leur dire n° 2 du 12 juillet 2012 (repris en page 9/57 du rapport), écrivant (en page 19/20) dans un chapitre intitulé « les marges perdues » « C'est ainsi que pour la période de 2002 à 2012, la marge perdue se situe aux alentours de 3%, ainsi que le Commissaire aux comptes de Paulstra pourra le confirmer. De tels résultats sur ce type de pièces sont d'ailleurs en ligne par rapport aux résultats admis par les constructeurs automobiles notamment français ce que ne pourront contester les défendeurs » ;
Considérant, s'agissant de la demande au titre d'une redevance indemnitaire formée « en toute hypothèse » par la société Hutchinson, que cette dernière qui fonde sa demande sur les articles L 615-7 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil, s'estime en droit de réclamer devant la cour, toujours saisie de la détermination du préjudice, « le paiement du prix de son autorisation », indépendamment de la réparation du préjudice causé à la société Paulstra qui exploite l'invention et a l'exclusivité du marché ;
Qu'exposant qu'elle a donné en licence exclusive le brevet en cause à sa filiale, dans le cadre d'un contrat de location-gérance global lui assurant, en contrepartie, une rémunération financière globale dont une part non déterminable résulte de l'exploitation de l'invention, elle soutient qu'il est certain que cette rémunération ne peut être dévoilée à des concurrents comme le sont les sociétés intimées du fait du secret des affaires ;
Que cette redevance peut être calculée, ajoute-t-elle, en se référant au contrat passé avec la société Cooper Standard le 03 avril 2012 qui prévoit une redevance de 3 % sur les articulations et de 16 % sur les biellettes ; que la somme qu'elle réclame au titre de la redevance indemnitaire (soit : 3.966.684 euros), calcule-t-elle, représente globalement 10% du chiffre d'affaires HT de la contrefaçon ;
Qu'il y a lieu de considérer, ceci étant dit, que si les intimées ne sont pas fondées à lui opposer l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt rendu le 21 octobre 2011 visant uniquement le premier alinéa de l'article L 615-7 précité dans son dispositif dès lors que la cour reste saisie de la liquidation des préjudices subis et que l'alinéa 2 prévoit une alternative « sur demande de la partie lésée », elles lui opposent à juste titre le fait qu'elle s'est affranchie des règles de preuve et a entendu échapper aux demandes réitérées de l'expert relatives au prix ou aux modalités de détermination de prix de la concession de licence à la société Paulstra ;
Qu'il peut être relevé à cet égard qu'alors qu'elle oppose, dans ses dernières conclusions, le secret des affaires, elle justifiait son refus de fournir des renseignements sur ce point, lors des opérations d'expertise, en affirmant qu'il n'est « pas « classique », du moins dans les relations entre breveté et licencié, de faire payer une telle « redevance contractuelle » entre sociétés du même groupe », ceci selon un dire n° 7 du 03 mai 2013 (repris en page 30/57 du rapport d'expertise) ;
Que la référence au contrat conclu avec la société Cooper-Standard ne peut, par ailleurs, être tenue comme un standard des redevances pratiquées dans la mesure où les circonstances qui l'entourent, à savoir l'interdiction prononcée par l'arrêt du 21 octobre 2011 et la menace d'une rupture de stock face à ses partenaires commerciaux, n'ont pu qu'influer sur la négociation de la redevance convenue ;
Qu'il peut être ajouté que l'expert observe sur ce point que le contrat de licence du 03 avril 2012 a été négocié en vue d'un appel d'offres relatif à des biellettes équilibrées et que la société Cooper-Standard n'est pas parvenue à remporter cet appel d'offres (page 29/57 de de son rapport) ;
Qu'il y a lieu de considérer que face à des adversaires qui, par delà la contestation de cette demande présentée « en toute hypothèse » en relevant qu'elle figure dans le rapport d'expertise dans un chapitre intitulé « préjudice non justifié » (page 39/57), n'en reconnaissent pas moins que la société Hutchinson a vocation à être indemnisée du préjudice qu'elle a subi, cette société ne fournit aucun élément d'appréciation permettant à la cour de lui allouer, autrement que de manière hypothétique et arbitraire, une somme forfaitaire « supérieure au montant des redevances ou droit qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte »;
Que cette demande formée « en toute hypothèse » ne peut, dans ces conditions, prospérer ;
Sur la liquidation du préjudice de la société Plaustra
Par application de l'article L 615-7 du code de la propriété intellectuelle
1°/ Sur les conséquences économiques négatives de la contrefaçon dont le manque à gagner et la perte subie
Considérant que la masse contrefaisante et le taux de marge étant déterminés comme il a été précisé ci-avant, que, par ailleurs, les bielles jugées contrefaisantes ayant été exclusivement commercialisées dans le cadre d'appels d'offre, il convient de se reporter aux tableaux synthétiques dressés par l'expert en pages 51 à 54/57 de son rapport qui a procédé à une actualisation des montants à partir du taux de rémunération annuel moyen des comptes courants créditeurs de la société Paulstra (page 38/57 du rapport) ;
Que, dans l'appréciation de ces conséquences négatives, la démarche de l'expert doit être approuvée en ce qu'il précise, au paragraphe « calcul des préjudices » du rapport (pages 37 et 38/57) :
que « différentes articulations peuvent être potentiellement fixées sur une biellette, mais il n'est pas possible de déterminer quel modèle d'articulation a été associé à chaque biellette. Cela explique que les données fournies par (le conseil des intimées) ne fassent pas de rapprochement entre un modèle de biellette et un modèle d'articulation.
Une articulation est cependant vendue pour chaque biellette. J'ai déterminé un prix moyen de vente hors taxe d'une articulation, sur la base des informations fournies par (ce conseil) .»
que « la société Paulstra aurait été à même de fabriquer l'ensemble de la masse contrefaisante, que la technologie revendiquée était incontournable pour répondre aux appels d'offres et que la société Paulstra aurait remporté tous ces appels d'offres (...) » ;
Que ce dernier point est justifié par l'expert (en page 29/57) par le fait que « la société Paulstra est un acteur majeur sur le marché des bielles antivibratoires et il n'y a aucune raison de douter de sa capacité à honorer les appels d'offres qu'elle aurait remportés » ; que l'expert a pertinemment répondu à l'argumentation des intimées sur le marché concurrentiel en se prononçant en particulier sur les bielles Trelleborg et Vibracoustic, énonçant qu'il n'était pas démontré qu'elles présentent une utilité du même ordre que celle de l'invention, si bien que c'est en vain qu'elles la réitèrent devant la cour ;
Qu'il résulte desdits tableaux (qui scindent en trois périodes les faits de contrefaçon en fonction des entreprises qui les ont commis mais sans tenir compte de l'existence de la procédure collective) que la société Paulstra aurait perçu, de 2003 à 2012, un bénéfice sur les biellettes (somme actualisée) de 506.806 euros [263.639 euros + 78.657 euros + 164.510 euros] outre un bénéfice sur les articulations de 207.052 euros [116.604 euros + 24.703 euros + 65.745 euros], soit un gain manqué de 713.858 euros ;
2°/ Sur le préjudice moral causé à la société Paulstra
Considérant que pour réclamer une somme globale de 200.000 euros à ce titre et en ventiler la charge comme elle le fait entre les différents contrefacteurs, soit :
(avant le 1er décembre 2005) 50.000 euros au passif de la société CF Gomma Barre Thomas, 30.000 euros à la charge de la société Paul Robert Industrie, dont 20.000 euros pour les faits qui leur sont communs,
(entre le 1er décembre 2005 et le 1er/12 juillet 2006) : 30.000 euros à la charge de CF Gomma Barre Thomas, dont 10.000 euros in solidum avec Paul Robert Industrie pour les faits qui leur sont communs et 20.000 euros in solidum avec la société Cooper Standard pour les faits qui leur sont communs + 20.000 euros à la charge de la société Paul Robert Industrie,
(pour les actes commis postérieurement au 1er/12 juillet 2006) : 70.000 euros à la charge de la société Cooper Standard,
la société Paulstra affirme qu'elle s'est vue discréditée aux yeux de PSA du fait de la contrefaçon réalisée par les défenderesses et que l'expert a reconnu qu'elle aurait pu « bénéficier d'informations supplémentaires sur le marché et les produits et d'une reconnaissance supplémentaire de ses clients de sa capacité d'innovation. J'ai estimé ce préjudice à 125.000 euros » (page 35 du rapport) ;
Qu'elle critique, cependant, le mode de ventilation de ce poste de préjudice adopté par l'expert, en fonction des marges réalisées, et soutient que son préjudice résulte de l'existence d'une contrefaçon par chacune des défenderesses indépendamment de l'importance de leur faute ;
Considérant, ceci rappelé, que les observations liminaires des intimées sur la pertinence de l'indemnisation d'une personne morale au titre du préjudice moral qu'elle déclare avoir subi sont inopérantes en regard des termes clairs du texte précité ;
Que si rien ne s'oppose à l'indemnisation du préjudice résultant de la démarche de concurrents consistant à jeter le discrédit sur un acteur économique afin d'obtenir un avantage concurrentiel en pénalisant son compétiteur, encore faut-il rapporter la preuve d'une telle faute et du dommage corrélatif subi ;
Que force est de considérer en l'espèce que la société Paulstra, laissant sans réponse l'argumentation adverse, ne démontre ni même ne caractérise les agissements qu'elle incrimine et qui auraient eu pour effet de porter atteinte à sa réputation ;
Qu'elle ne prouve, en particulier, d'aucune manière que sa capacité de production ou la qualité de ses produits aient été mis en cause lors des appels d'offres de la société PSA, ou postérieurement, et ne s'explique pas sur son propre comportement sur le marché alors que, portant une appréciation générale, les intimées font valoir (page 45/109 de leurs conclusions) que les pertes de ventes dont se plaint la société Paulstra apparaissent dues à son incapacité à fournir des produits aptes à satisfaire les besoins des nombreux constructeurs européens qu'elles citent ;
Qu'outre le fait qu'elle majore sans justification le montant retenu par l'expert, lui-même avancé sans justification du chiffrage obtenu, il y a lieu de considérer que la privation d'informations supplémentaires et du bénéfice d'une reconnaissance supplémentaire de ses capacités d'innovation évoquée dans le rapport s'analyse en une perte de chance dont il lui appartenait de démontrer la réalité, et en particulier la certitude des avantages qu'elle estime avoir perdus, sans se borner à reprendre cette phrase à son compte sans plus d'éléments ;
Qu'il s'en induit que la société Paulstra qui ne justifie pas du préjudice qu'elle invoque doit être déboutée de ce chef de préjudice ;
3°/ Sur les bénéfices réalisés par le contrefacteur y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon
Considérant qu'étant relevé que l'expert met en évidence la faiblesse des bénéfices réalisés par les contrefacteurs en regard des préjudices résultant de ses calculs (page 55/57 du rapport), il convient de constater que la société Paulstra ne formule pas de demande de ce chef et qu'il n'y a donc pas lieu de statuer ;
Sur les demandes formées à l'encontre de chaque intimée
Considérant que le jugement prononçant la mise en redressement judiciaire de la société CF Gomma Barre Thomas à la date du 1er décembre 2005 conduit à étendre la ventilation opérée par l'expert afin qu'elle soit prise en considération ;
Qu'à cet égard, il convient de s'appuyer sur le premier tableau présenté en page 67/109 des dernières conclusions des intimées dans un chapitre intitulé « compléments au rapport d'expertise » et qui prend pour base les données chiffrées ci-avant retenues que l'expert a ensuite synthétisées dans des tableaux ;
Que sont ainsi mis en évidence cinq périodes et l'intervention de différents contrefacteurs, à savoir :
(avant le 1er décembre 2005) : Paul Robert Industrie + CF Gomma Barre Thomas ---$gt; gains manqués par la société Paulstra sur les biellettes et sur les articulations = 73.591 euros + 23.112 euros,
(avant le 1er décembre 2005) : CF Gomma Barre Thomas, seule ---$gt; gains manqués par la société Paulstra sur les biellettes et sur les articulations = 212.818 euros + 94.550 euros,
(après le 1er décembre 2005) : Paul Robert Industrie + CF Gomma Barre Thomas ---$gt; gains manqués par la société Paulstra sur les biellettes et sur les articulations = 5.066 euros + 1.591 euros,
(après le 1er décembre 2005) : CF Gomma Barre Thomas, seule ---$gt; gains manqués par la société Paulstra sur les biellettes et sur les articulations = 50.821 euros + 22.054 euros,
(à compter de juillet 2006 jusqu'au 09 mars 2012) société Cooper-Standard France (anciennement SPBT), seule ---$gt; gains manqués par la société Paulstra sur les biellettes et sur les articulations : 164.510 euros + 65.745 euros ;
1 ' s'agissant de la période antérieure au 1er décembre 2005
Considérant que les gains manqués durant cette période s'établissent à la somme totale de 404.071 euros [73.591 + 23.112 + 212.818 + 94.550 euros] et concernent les sociétés CF Gomma Barre Thomas et Paul Robert Industrie (devenue Steva Orléans) puis la première agissant seule ;
Que la société Steva Orléans qui expose qu'elle exerce une activité de sous-traitance en découpage, emboutissage et mécanique générale et n'est intervenue - à la demande de la société CF Gomma Barre Thomas, seule liée à la société PSA -, que pour le modèle de biellette référencé ASF00158 dans les actes de contrefaçon ne peut être condamnée que sur la base desdites biellettes ;
Que compte tenu du fait qu'elle ne s'est rendue coupable des faits de contrefaçon qu'en ce qu'ils portent sur l'une des quatre références contrefaisantes retenues par l'arrêt rendu le 21 octobre 2011 elle sera condamnée à payer la somme de 101.017 euros [404.071 x ¿] pour réparer les conséquences négatives de la contrefaçon préjudiciables à le société Paulstra ;
Que pour ce qui est de la société CF Gomma Barre Thomas, la créance indemnitaire de la société Paulstra à son égard est certaine et aurait pu s'établir à hauteur du solde, soit à la somme de 303.054 euros ;
Qu'il est toutefois justifié de la déclaration de la créance de la société Paulstra, le 10 janvier 2006, pour un montant de 181.000 euros (pièce TMV 20) ;
Que quand bien même l'admission au passif comporterait la mention « instance en cours », sans reprise de la somme déclarée de 181.000 euros, la société Paulstra ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que le juge de la contrefaçon n'est nullement limité par le montant déclaré lorsqu'il se prononce sur le montant des préjudices ; qu'elle ne peut l'être non plus lorsqu'elle invoque l'envoi, par ses soins, au tribunal de commerce de Nantes du précédent arrêt rendu le 21 octobre 2011 accompagnant un « complément de l'état de leur créance » qu'elle entend effectivement compléter ;
Qu'en effet, il est constant que si la juridiction saisie reste compétente pour constater l'existence de la créance et en fixer le montant, le juge qui statue sur l'admission d'une créance au passif d'une procédure collective à l'issue d'une instance en cours lors de l'ouverture de celle-ci doit se prononcer dans les limites de cette déclaration, y compris lorsque, non définitivement fixée, elle l'a été sur la base d'une évaluation, la créance ne pouvant être augmentée après le délai légal de déclaration ;
Qu'il en résulte que la créance de la société Paulstra à l'encontre de la société CF Gomma Barre Thomas doit être fixée à la somme de 181.000 euros ;
2 ' S'agissant de la période comprise entre le 1er décembre 2005 et le mois de juillet 2006
Considérant que les gains manqués durant cette période s'établissent à la somme totale de 79.532 euros [5.066 + 50.821 + 1.591 + 22.054 euros] et concernent les sociétés CF Gomma Barre Thomas, alors placée en redressement judiciaire, et, dans une moindre mesure, Paul Robert Industrie (devenue Steva Orléans) puis la première agissant seule ;
Que la société Paul Robert Industrie (devenue Steva Orléans) n'a en effet commis des actes de contrefaçon durant cette période que pendant deux mois, sa dernière livraison étant intervenue le 25 janvier 2006, et qu'elle a ainsi agi de conserve avec la société CF Gomma Barre Thomas, placée en redressement judiciaire pour une seule des quatre références concernées ;
Que sur la base du tableau établi par les autres intimées sus-évoqué (page 67 de leurs dernières écritures), opérant une ventilation qui prend en compte la procédure de règlement judiciaire, il convient d'évaluer le montant de sa condamnation à la somme totale de 6.657 euros [5.066 + 1.591 euros] ;
Qu'en ce qui concerne les demandes à l'encontre de la société CF Gomma Barre Thomas représentée par les organes de la procédure, la société Paulstra ne peut être approuvée lorsqu'elle poursuit, comme elle le fait dans le dispositif de ses dernières conclusions, la condamnation de « Maître [W] ès qualité et en tant que de besoin la SCP [O] [D] » dès lors que les agissements incriminés sont imputables à la société CF Gomma Barre Thomas, représentée par Maître [E] [W] agissant en qualité d'administrateur judiciaire de cette société en redressement judiciaire et que Maître [S] [D], de la SCP [O] [D], a été désignée en qualité de représentant des créanciers ;
Que le montant du préjudice subi par la société Paulstra sera réparé par l'allocation d'une somme de 1.664,25 euros [6.657 x ¿] au paiement de laquelle la société Steva Orléans et la société CF Gomma Barre Thomas représentée par Maître [E] [W], ès qualités, seront tenues in solidum et par la condamnation de cette dernière au surplus, soit la somme de 4.992,75 euros [6.657 ' 1.664,25 euros] ;
Que le même tableau auquel la cour se réfère conduit, par ailleurs, à condamner la société CF Gomma Barre Thomas représentée par Maître [E] [W], ès qualités, à indemniser le préjudice total subi par la société Paulstra à hauteur de la somme de 72.875 euros [50.821 + 22.054 euros] pour les faits de contrefaçon qu'elle a seule commis ;
3 ' s'agissant de la période postérieure au mois de juillet 2006 et jusqu'au 09 mars 2012
Considérant qu'il résulte des pièces et de la procédure que les faits de contrefaçon reprochés à la Société des Polymères Barre Thomas (devenue, par changement de dénomination sociale : Cooper Standard France), constituée le 27 mars 2006, s'inscrivent dans la période comprise entre le 12 juillet 2006, date de son entrée en jouissance du fonds CF Gomma Barre Thomas, et le 09 mars 2012, compte tenu d'un accord alors passé avec les parties demanderesses ;
Que sur la base du tableau établi par l'expert (page 54/57 de son rapport) et repris par les intimées (page 67 de leurs dernières conclusions, cette société sera condamnée à indemniser la société Paulstra du préjudice subi au titre des gains manqués du fait de la contrefaçon des biellettes et des articulations en cause à hauteur de la somme totale de 230.255 euros [164.510 + 65.745 euros] ;
Considérant qu'en résumé de ce qui précède, l'entier préjudice de la société Paulstra résultant des faits de contrefaçon, tel que retenu, doit être réparé comme suit :
sa créance admise au passif de la société CF Gomma Barre Thomas est fixée à 181.000 euros,
la société Steva Orléans (anciennement Paul Robert Industrie) est condamnée à lui verser la somme de 101.017 euros,
la société Steva Orléans (anciennement Paul Robert Industrie) est condamnée à lui verser in solidum avec la société CF Gomma Barre Thomas représentée par Maître [E] [W], ès qualités, la somme de 1.664,25 euros,
la société CF Gomma Barre Thomas représentée par Maître [E] [W], ès qualités est condamnée à lui payer la somme de 77.867,75 euros,
la société Cooper Standard France (anciennement Société des Polymères Barre Thomas) est condamnée à lui payer la somme de 230.255 euros ;
Que la société Paulstra sera condamnée à rembourser, s'il y a lieu, le montant des sommes perçues à titre provisionnel en exécution de l'arrêt rendu le 21 octobre 2011 qui excèderait celui des condamnations ainsi prononcées ;
Sur la liquidation du préjudice de la société Hutchinson
Sur les postes de préjudice invoqués
Considérant que la société Hutchinson, titulaire du brevet en cause mais qui ne l'exploite pas, sollicite, comme il a été dit, la condamnation des intimées à lui verser une somme totale de 1.890.592 euros selon trois postes de préjudice, à savoir : la contrepartie manquée, le préjudice moral et les frais de recherche exposés ;
1 - S'agissant de la « contrepartie manquée »
Considérant que la société Hutchinson fait valoir qu'elle a concédé le brevet en licence à sa filiale, dans le cadre d'un contrat de location-gérance global relatif à la fabrication et la vente d'objets en caoutchouc, matière plastique, élastomère ou autres, principalement des supports moteurs et des supports hydrauliques, qu'elle perçoit en contrepartie de l'exploitation des multiples éléments que comporte ce fonds (brevets, marques, bail, ') une rémunération financière globale dont les composantes sont impossibles à déterminer et qu'elle ne peut dévoiler à ses concurrents intimés du fait du secret des affaires ; que l'expert a néanmoins relevé qu'il ne pouvait pas ne pas exister de contrepartie pour l'octroi de la licence (page 39/57 du rapport) et l'a estimée à 25 % en contemplation de la marge opérationnelle analytique de Paulstra ;
Qu'elle se fonde sur ce pourcentage et les chiffres d'affaires par périodes de la société Paulstra, calculés sur la base des 4 premières et des 6 deuxièmes références ainsi que sur une marge de 9,7 % (selon un tableau figurant en page 22/76 de ses dernières conclusions), pour réclamer paiement de la somme totale de 840.592 euros ;
Qu'en réplique aux conclusions adverses qui lui dénient ce droit, elle leur oppose le droit à indemnisation du titulaire du brevet reconnu par la jurisprudence et soutient que cette contrepartie de 25 % est une réalité économique valable dans toute l'Europe, qu'il peut être observé que la société Cooper Standard a accepté de lui verser des redevances de 16 % sur le prix des biellettes, 3 % sur celui des articulations dans le cadre d'une licence postérieurement au prononcé de l'arrêt du 21 octobre 2011 et qu'est enfin dénué de pertinence comptable l'argument selon lequel cette contrepartie serait intégrée dans la marge opérationnelle analytique de la société Paulstra ;
Considérant, ceci exposé, que s'il ne saurait être contesté que le titulaire du brevet qui n'exploite pas l'invention mais concède le brevet en licence pour son exploitation a le droit d'être indemnisée des gains dont il a été privés du fait de la contrefaçon, encore faut-il qu'il établisse la réalité des gains dont il déclare subir la perte ;
Qu'à cet égard, quand bien même est-il démontré que la société Hutchinson était liée à sa filiale, la société Paulstra, par un contrat de location-gérance, la société Hutchinson ne fournit aucun élément sur les gains que lui aurait rapportés la licence de ce brevet ; qu'elle ne peut étayer son argumentation, comme elle le fait, sur l'appréciation de l'expert dès lors qu'il n'envisage l'existence d'une contrepartie que comme une hypothèse « vraisemblable » et fait figurer ce poste de préjudice au rang des préjudices non justifiés alors qu'à ce stade, il lui appartient d'en établir l'existence ;
Qu'ainsi que relevé précédemment sur, selon ses termes, « le prix de l'autorisation qu'elle était en droit de donner ou de refuser (aux contrefacteurs) », force est de constater qu'alors qu'elle oppose, dans ses dernières conclusions, le secret des affaires afin de justifier son refus de fournir des renseignements sur ce point, elle affirmait, lors des opérations d'expertise :
« Contrairement à ce que CF et Cooper soutiennent dans leur dire du 12 avril 2013, cette indemnité (soit : la redevance indemnitaire) ne doit pas être calculée en fonction de la redevance « contractuelle » que Paulstra paierait à Hutchinson.
Car Paulstra n'est qu'une filiale du groupe Hutchinson ; par conséquent, il n'est pas « classique », du moins dans les relations entre breveté et licencié, de faire payer une telle « redevance contractuelle » entre sociétés du même groupe », ceci selon un dire n° 7 du 03 mai 2013, page 5/6 (repris en page 30/57 du rapport d'expertise) ;
Que l'existence-même de cette contrepartie n'étant pas démontrée, la demande à ce titre ne peut prospérer ;
2 ' S'agissant du préjudice moral
Considérant que la société Hutchinson se prévaut de ce chef des atteintes portées à son image et à sa réputation en tant qu'inventeur, notamment à l'égard de la société PSA, faisant valoir que « les préjudices moraux sont d'autant plus sensibles en l'espèce que CF et Cooper savent pertinemment que, dans le domaine automobile, jamais un breveté n'ose poursuivre en contrefaçon un constructeur, même s'il commet délibérément une contrefaçon d'un droit de propriété intellectuelle appartenant à un tiers » et affirmant qu'elle s'est vue discréditée, aux yeux de PSA par l'attitude délibérée de ces deux sociétés ;
Que pour justifier du quantum réclamé, elle renvoie aux éléments retenus par l'expert pour chiffrer ce poste de préjudice à 60.000 euros et poursuit, sans plus d'explications : « cette estimation doit, en réalité, être portée à 100.000 euros » ;
Considérant, ceci exposé, que c'est à juste titre que, réfutant les arguments qui lui sont opposés, la société Hutchinson observe que, non sans contradiction, les intimées opposent tour à tour à la demande de la société Paulstra au titre de son préjudice moral le fait qu'elle n'est pas titulaire du brevet et à sa propre demande le fait que l'inventeur apparaît plutôt être un des employés de la société Paulstra ;
Qu'avec pertinence, elle objecte que le fait qu'elle ne traite pas avec la société PSA est sans influence sur sa demande et qu'indépendamment de l'atteinte portée à la réputation des contrefacteurs du fait des actes de contrefaçon qu'ils ont commis, sa propre image et sa réputation sont nécessairement affectées et dépréciées en raison de la dévalorisation de l'invention causée par la banalisation de l'invention ;
Qu'en l'absence d'explication sur la somme de 100.000 euros réclamée à ce titre, la cour s'en tiendra à l'évaluation de l'expert, soit une somme de 60.000 euros destinée à indemniser le préjudice moral subi du fait de l'ensemble des actes de contrefaçon dont la cour est saisie ;
3 ' S'agissant des efforts de recherche et développement
Considérant que se prévalant de l'importante valeur industrielle et commerciale de la bielle équilibrée, notamment confirmée par l'expert (pages 26 et 27/57 de son rapport), et des efforts de recherche et de développement par elle déployés mais que la contrefaçon ne lui a pas permis d'amortir, elle réclame paiement d'une somme de 950.000 euros à ce titre en exposant que cela correspond sensiblement à 5 % du chiffre d'affaires qu'elle leur consacre dans le domaine anti-vibratoire (pièce TMV 62) et qu'elle l'applique ici aux chiffres d'affaires réalisés par les intimées ;
Mais considérant que si les intimées ne sont pas fondées à se prévaloir de leurs propres efforts de recherche et de développement pour fabriquer et vendre les bielles contrefaisantes, à la structure particulière, dès lors qu'il a définitivement été jugé qu'elles étaient contrefaisantes et qu'il y a lieu de rechercher la part de bénéfice procédant directement de la contrefaçon, elles rappellent en revanche justement que les bénéfices réalisés « y compris les économies d'investissements (') » ont été pris en compte dans leur intégralité pour servir de base de calcul du gain manqué par la société Paulstra ;
Que ce préjudice, correspondant à l'accroissement indu de l'actif du patrimoine du contrefacteur et ici envisagé comme une économie sur les investissements, aurait éventuellement pu être indemnisé au titre de la contrepartie manquée ;
Qu'elles portent avec pertinence leur critique sur le document de communication produit pour justifier des investissements en ce qu'il ne vise pas spécifiquement l'invention en cause, et soulignant son caractère récent, elles s'approprient les termes de l'analyse du cabinet Abergel qui écrit :
« De notre point de vue, ce chef de réclamation ne devrait pouvoir être estimé que sur la base d'une quote-part des dépenses R&D supportées par la société Hutchinson avant juillet 1995, spécifiquement liée au développement et à la mise au point de l'invention brevetée. La méthode de calcul proposée par la société Hutchinson reviendrait à faire supporter aux sociétés défenderesses une quote-part ou la totalité des ras de R&D engagés par la société Hutchinson, d'une part pour l'ensemble de son activité et non seulement l'invention et d'autre part pour des inventions et brevets à venir » ;
Qu'il s'en déduit que la société Hutchinson doit être déboutée de ce chef de demande ;
Sur les demandes formées à l'encontre de chaque intimée
Considérant que par mêmes motifs que précédemment, il convient de se reporter aux évaluations de l'expert répartissant la condamnation au titre du préjudice moral en fonction de l'importance des actes de contrefaçon et au tableau établi par les intimées, ventilant ces évaluations chiffrées pour tenir compte du placement en redressement judiciaire de la société CF Gomma Barre Thomas ;
Qu'également par mêmes motifs que précédemment quant à la quote-part d'un quart devant être supportée par la société Steva Orléans, quant à la créance de 181.000 euros déclarée au passif ' identique à la déclaration de la société Paulstra - ou encore quant à la condamnation de la société CF Gomma Barre Thomas représentée par Maître [E] [W], ès qualités, l'entier préjudice de la société Hutchinson résultant des faits de contrefaçon, tel que retenu, doit être réparé comme suit :
sa créance admise au passif de la société CF Gomma Barre Thomas est fixée à 31.930 euros [(8.128 euros x ¿) + 25.834],
la société Steva Orléans (anciennement Paul Robert Industrie) est condamnée à lui verser la somme de 2.032 euros [8.128 x ¿],
la société Steva Orléans (anciennement Paul Robert Industrie) est condamnée à lui verser in solidum avec la société CF Gomma Barre Thomas représentée par Maître [E] [W], ès qualités, la somme de 140 euros [560 x 1/4],
la société CF Gomma Barre Thomas représentée par Maître [E] [W], ès qualités est condamnée à lui payer la somme de 6.545 euros [(560 ' 140) + 6.125 euros],
la société Cooper Standard France (anciennement Société des Polymères Barre Thomas) est condamnée à lui payer la somme de 19.353 euros ;
Que la société Hutchinson sera condamnée à rembourser, s'il y a lieu, le montant des sommes perçues à titre provisionnel en exécution de l'arrêt rendu le 21 octobre 2011 qui excèderait celui des condamnations ainsi prononcées ;
Sur les autres demandes
Considérant que l'équité conduit à condamner in solidum l'ensemble des sociétés intimées à verser à chacune des deux sociétés appelantes la somme de 15.000 euros correspondant aux frais non compris dans les dépens exposés depuis l'arrêt rendu le 21 octobre 2011, ceci en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que les intimées, tenues in solidum, supporteront les dépens exposés depuis le prononcé de l'arrêt rendu le 21 octobre 2011, en ce compris les frais de l'expertise ordonnée ;
PAR CES MOTIFS
Vu l'arrêt avant dire droit sur la liquidation du préjudice subi par les sociétés Hutchinson SA et Paulstra SNC rendu le 21 octobre 2011 par la cour d'appel de Paris ordonnant une expertise,
Fixe la créance de la société Paulstra SNC au passif de la société CF Gomma Barre Thomas à la somme de 181.000 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis antérieurement au 1er décembre 2005, date à laquelle elle a été placée en redressement judiciaire par jugement rendu par le tribunal de commerce de Nantes ;
Condamne la société Steva Orléans (anciennement dénommée Paul Robert Industrie SAS) à verser à la société Paulstra SNC la somme de 101.017 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis antérieurement au 1er décembre 2005 ;
Condamne la société Steva Orléans (anciennement dénommée Paul Robert Industrie SAS) et la société CF Gomma Barre Thomas, représentée par Maître [E] [W], agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société en redressement judiciaire, tenues in solidum à verser à la société Paulstra SNC la somme de 1.664,25 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre le 1er décembre 2005 et le 25 janvier 2006 ;
Condamne la société CF Gomma Barre Thomas, représentée par Maître [E] [W], agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société en redressement judiciaire, à verser à la société Paulstra SNC la somme de 77.867,75 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis à compter du 1er décembre 2005 et jusqu'en juillet 2006 ;
Condamne la société Cooper-Standard France (anciennement dénommée Société des Polymères Barre Thomas) à verser à la société Paulstra SNC la somme de 230.255 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre juillet 2006 et le 09 mars 2012 ;
Fixe la créance de la société Hutchinson SA au passif de la société CF Gomma Barre Thomas à la somme de 31.930 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis antérieurement au 1er décembre 2005, date à laquelle elle a été placée en redressement judiciaire par jugement rendu par le tribunal de commerce de Nantes ;
Condamne la société Steva Orléans (anciennement dénommée Paul Robert Industrie SAS) à verser à la société Hutchinson SA la somme de 2.032 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis antérieurement au 1er décembre 2005 ;
Condamne la société Steva Orléans (anciennement dénommée Paul Robert Industrie SAS) et la société CF Gomma Barre Thomas, représentée par Maître [E] [W], agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société en redressement judiciaire, tenues in solidum à verser à la société Hutchinson SA la somme de 140 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre le 1er décembre 2005 et le 25 janvier 2006 ;
Condamne la société CF Gomma Barre Thomas, représentée par Maître [E] [W], agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société placée en redressement judiciaire, à verser à la société Hutchinson SA la somme de 6.545 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis à compter du 1er décembre 2005 et jusqu'en juillet 2006 ;
Condamne la société Cooper-Standard France (anciennement dénommée Société des Polymères Barre Thomas) à verser à la société Hutchinson SA la somme de 19.353 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre juillet 2006 et le 09 mars 2012 ;
Déboute les sociétés Paulstra SNC et Hutchinson SA du surplus de leurs prétentions indemnitaires ;
Condamne les sociétés Paulstra SNC et Hutchinson SA à rembourser, s'il y a lieu, le montant des sommes perçues à titre provisionnel en exécution de l'arrêt rendu le 21 octobre 2011 qui excèderait celui des condamnations ainsi prononcées ;
Condamne in solidum la société Steva Orléans, la société CF Gomma Barre Thomas, représentée par Maître [E] [W], agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société placée en redressement judiciaire, et la société Cooper-Standard France à verser à la société Paulstra SNC, d'une part, à la société Hutchinson SA, d'autre part, la somme de 15.000 euros au profit de chacune correspondant aux frais non compris dans les dépens exposés depuis l'arrêt rendu le 21 octobre 2011, ceci en application de l'article 700 du code de procédure civile et, par ailleurs, à supporter les dépens exposés depuis le prononcé de l'arrêt rendu le 21 octobre 2011, en ce compris les frais de l'expertise ordonnée, avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière P/ la Présidente empêchée