Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRET DU 19 FEVRIER 2016
(n°26, 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04151
Décision déférée à la Cour : jugement du 29 janvier 2015 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 1ère section - RG n°14/01740
APPELANT AU PRINCIPAL et INTIME INCIDENT
M. [V] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque K 0065
Assisté de Me Viviane SIMON, avocat au barreau de PARIS, toque A 778
INTIMES AU PRINCIPAL et APPELANTS INCIDENTS
S.A. EDITIONS XO, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Adresse 1]
M. [E] [G]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentés par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque B 1055
Assistés de Me Anne BOISSARD, avocat au barreau de PARIS, toque B 412
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 13 janvier 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Colette PERRIN, Présidente
Mme Sylvie NEROT, Conseillère
Mme Véronique RENARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Monsieur [V] [F] expose qu'après avoir publié un premier roman en 2009, il a débuté l 'écriture d'un second en 2010 et en a confié le manuscrit portant alors le titre de Et une brise marine balaya les herbes rases du cimetière [Localité 1], en juin 2011, au dirigeant de la société Editions XO qui le lui a restitué fin juillet 2011 ; que ce roman a finalement été publié après corrections et réécriture, le 03 janvier 2013, aux Editions du Cherche Midi sous le titre [T] peut-être.
Estimant que le dixième roman de Monsieur [E] [G] intitulé Demain, publié le 23 février 2013 par la société Editions XO, contenait un faisceau de similitudes ne pouvant être tenues pour fortuites avec le manuscrit qu'il avait précédemment remis à ce même éditeur, il a résilié, le 30 septembre 2013, le contrat d'édition qui le liait à son propre éditeur afin de pouvoir agir en justice, puis, selon acte du 31 janvier 2014, a assigné cet auteur et son éditeur en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale.
Par jugement contradictoire rendu le 29 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance et avec exécution provisoire, débouté Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes et les défendeurs à l'action de leur demande indemnitaire pour procédure abusive en condamnant Monsieur [F] à leur verser la somme globale de 20.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2015, Monsieur [V] [F], appelant, demande pour l'essentiel à la cour de débouter les intimés de leurs entières demandes, de le déclarer bien fondé en son appel, d'infirmer le jugement et, au visa des articles L 121-1, L 122-4, L 335-2 du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil :
à titre principal , de considérer que le roman Demain est une contrefaçon du manuscrit Et une brise marine balaya les herbes rases du cimetière [Localité 1] et du roman [T] peut-être de Monsieur [V] [F],
à titre subsidiaire, de considérer que la publication du roman Demain constitue un acte de concurrence parasitaire à son préjudice,
en conséquence :
à titre principal, de condamner Monsieur [E] [G] et la société Editions XO tenus in solidum à lui verser 100% de l'à valoir perçu par l'auteur pour son roman Demain, outre 100% des rémunérations et royautés de toutes natures perçues et à percevoir (pour la durée des droits d'auteur) par ce dernier liées à ce roman pour tous pays et tous modes d'exploitation ' à hauteur de 75 % et de 25% au titre, respectivement, de ses préjudices patrimonial et moral - et d'ordonner une mesure de publication par voie de presse ainsi que l'insertion d'un bandeau portant mention du « jugement » dans les exemplaires de cet ouvrage offerts à la vente,
à titre subsidiaire, de les condamner in solidum au paiement de la somme de 2 millions d'euros (correspondant à 30 % des droits perçus par Monsieur [G] sur la seule distribution papier en France),
dans tous les cas, de les condamner in solidum à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 04 décembre 2016, la société Editions XO et Monsieur [E] [G] prient, en substance, la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il n'a pas retenu l'abus de procédure et de condamner Monsieur [F] à verser à chacun les sommes indemnitaires de 30.000 euros et de 10.000 euros réparant leurs préjudices respectifs résultant d'une mise en cause intempestive, d'un comportement déloyal, d'une procédure et d'un appel abusifs, outre une somme globale de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
SUR CE,
Sur les oeuvres en comparaison
Considérant, s'agissant de la connaissance par l'éditeur XO de l'oeuvre revendiquée par Monsieur [F] - à savoir son manuscrit dont la protection par le droit d'auteur n'est pas contestée - que si l'appelant fait justement valoir que le tribunal s'est mépris sur la charge de la preuve puisqu'il est constant que, lorsque l'auteur qui incrimine une reprise substantielle des caractéristiques de son oeuvre dont la combinaison donne prise au droit d'auteur établit que son adversaire a eu la possibilité d'y avoir accès, il bénéficie d'une présomption simple et que c'est alors au contrefacteur désigné qu'il incombe de démontrer, pour faire échec au grief de contrefaçon, l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de connaître cette oeuvre, force est de considérer que c'est en vain que l'appelant y consacre des développements ;
Qu'il ressort en effet des écritures des intimés (page 9/ 56) qu'en dépit de leurs réserves, ils exposent ne point vouloir échapper au débat de fond de sorte qu'ils se refusent, comme en première instance, « à émettre le moindre doute sur la consistance précise du manuscrit qui a été remis à Monsieur [L], PDG des Editions XO, en juillet 2011 et considèrent pour acquis le fait que ce manuscrit correspond très exactement à la pièce adverse n° 2 » ;
Considérant, s'agissant des oeuvres en conflit proprement dites, que dans le dispositif de ses conclusions, l'appelant poursuit la contrefaçon à la fois de ce manuscrit et du roman [T] peut-être publié « après corrections et réécriture» par le roman Demain ;
Que l'argumentation qu'il développe dans le corps de ses écritures ne porte cependant que sur la comparaison du manuscrit et du roman de Monsieur [G], à l'exclusion de l'ouvrage [T] peut-être et qu'il ne poursuit la contrefaçon que de son manuscrit, comme il en a convenu lors des plaidoiries et ainsi qu'acté ; que la cour ne statuera donc que sur les emprunts au manuscrit incriminés ;
Sur l'action en contrefaçon
Considérant que l'appelant soutient qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal a méconnu tant les faits que le droit ;
Qu'à tort, expose-t-il, il a porté une appréciation, sans toujours procéder à une analyse, sur chaque similitude invoquée, prise isolément, et considéré, en portant des jugements de valeur (telle « banalité affligeante »), que chacun de ces éléments ne pouvait justifier la contrefaçon, ceci en estimant que Monsieur [G] justifiait d'une utilisation antérieure dans ses propres romans ou en se fondant sur la banalité des situations ou encore en retenant qu'il s'agissait de ressorts habituels ou adaptés à la technologie actuelle des romans, alors qu'un examen individuel des composantes ne saurait suffire et que, dans le cas d'une oeuvre romanesque, il convient de faire l'addition de tous les points de ressemblance entre les oeuvres ;
Que pour démontrer que le « faisceau d'emprunts » litigieux ne peut être le fruit du hasard et justifie son action en contrefaçon, il évoque successivement (§ 4 à 16 figurant dans ses dernières écritures) : l'histoire, les prénoms des deux héros, les prénoms des personnages secondaires, l'association de ces différents prénoms, la psychologie et la situation des personnages principaux, l'apparence physique et psychologique des héros, les caractéristiques des personnages secondaires, les scènes et situations vécues par les personnages, la description des lieux et d'un objet, la formulation d'expressions et l'emploi de termes, deux têtes de chapitres et « beaucoup d'autres détails » ;
Qu'il estime enfin qu'est inopérant l'argument qui lui est opposé selon lequel il se serait inspiré de l'oeuvre de Monsieur [G] et qu'il ne fait que conforter la réalité des ressemblances entre les oeuvres en conflit ;
Considérant que, de leur côté, les intimés précisent que la présentation de l'argumentation en défense qu'ils développent respecte celle adoptée par l'appelant dans le droit fil d'une analyse comparative que ce dernier a fait réaliser par une Universitaire ;
Qu'invoquant ce qu'ils nomment un « comparatif inversé », ils concluent que les similitudes censées fonder les griefs de l'appelant (histoire, structures narratives, personnages, scènes, lieux, objets, caractéristiques stylistiques) correspondent à l'univers même de [E] [G] tel qu'il l'a conçu et développé dans tous ses romans depuis 2001, autrement dit que Monsieur [F] reproche à Monsieur [G] d'avoir « fait du [G] » également dans son roman intitulé Demain alors que les griefs que leur adversaire articule apparaissent totalement infondés et que, surtout, dans les faits, tout prouve qu'en créant l'oeuvre Brise... il a lui-même cherché à « faire du [G] » ;
S'agissant de l'histoire narrée dans chacune des deux oeuvres en conflit
Considérant que l'appelant reproche au tribunal de n'avoir introduit dans le jugement que les seuls résumés proposés par les défendeurs à l'action en négligeant ceux qu'il versait lui-même aux débats ;
Considérant que la cour ne peut qu'observer que s'il en déduit que l'appréciation des premiers juges ne pouvait être que subjective, il ne formalise aucune critique précise sur leur conclusion selon laquelle les deux histoires n'ont pas de lien, énonçant :
« l'une se déroulant dans le monde de la finance et étant dominée par les rivalités qui s'y combattent, l'histoire d'amour de [D] étant secondaire même si elle prend de l'importance au fil du roman,
et l'autre décrivant une double histoire d'amour, celle de [D] et de sa femme [K] puis celle de [D] et d'[T] qui dévoile à ce dernier la véritable nature de sa femme et de la relation qu'il a entretenue avec celle-ci, l'histoire d'amour est ici principale, le thriller n'étant qu'un accessoire au développement de l'histoire d'amour même si elle prend de l'importance au fil du roman » ;
Qu'après lecture des oeuvres opposées, il y a lieu de considérer que les intimés, relevant que l'assignation ne comportait pas de résumé des deux histoires, tardivement versé aux débats par leur adversaire, et que l'analyse comparative des histoires ne ressort, en cause d'appel, que des pièces 10 et 17 qu'il produit sans développements précis s'y rapportant, se prévalent à juste titre d'un rapprochement dénué de sérieux ;
Que celui-ci tient, en effet, à la simple existence d'une double trame narrative, amoureuse et policière, comme ces deux trames ont pu coexister dans d'autres oeuvres, tel le roman de [E] [G] Je reviens te chercher paru en 2008 ; que débattant des structures narratives évoquées dans la consultation de l'Universitaire (inversement des trames, alternance des points de vue, retour en boucle d'une même scène) et versant aux débats diverses oeuvres antérieures de Monsieur [G], ils concluent dans le même sens sans être précisément contredits ;
S'agissant du choix des prénoms
Considérant que Monsieur [F] soutient que ne peut être fortuite l'association des deux mêmes prénoms donnés aux personnages principaux, que le tribunal, suivant l'argumentation adverse, s'est mépris en retenant la banalité de chacun, pris isolément, et que c'est « avec aplomb » que Monsieur [G] affirme qu'ils sont présents dans ses romans antérieurs alors qu'ils n'apparaissent que de manière anecdotique (le choix du prénom d'un bébé) ou bien sous forme de diminutif (Matt) ou de nom de lieu (un magasin, un hôpital) ;
Que s'y ajoute l'identité du prénom donné à l'ancienne fiancée du héros, [B], et, qui plus est, à des personnages secondaires [[Z], [Y], [M], [U]] qui n'apparaissent que de manière furtive dans l'oeuvre de Monsieur [G] ou n'y figurent pas (tels [Y] et [M]) ;
Que, s'appropriant l'analyse de l'Universitaire consultée, il soutient en conséquence que la probabilité qu'ils se retrouvent dans deux romans est quasi nulle et que, quels que soient les effets de mode, cette combinaison de prénoms est en soi originale et sa reproduction peut relever de la contrefaçon ;
Considérant, ceci rappelé, que pour hautement improbable qu'elle soit, l'association des deux prénoms [T] et [D] donnés aux deux héros de l'oeuvre de Monsieur [F] se retrouvant dans une autre oeuvre romanesque n'en est pas moins possible et même avérée, ainsi que tend à le démontrer le roman de [W] [S], Pour l'amour d'un hors-la-loi, paru aux éditions Harlequin en 2013 après son édition en langue anglaise sous le titre Renegate most wanted, produit par les intimés (pièce 9), lesquels estiment, non sans pertinence, que cette reprise par Monsieur [G] ferait figure de véritable provocation dans l'hypothèse d'une contrefaçon ;
Que, par ailleurs, Monsieur [F] ne peut valablement se prévaloir de la simple coexistence de ces prénoms dans son oeuvre pour affirmer, sans démonstration aucune, que cette combinaison porte son empreinte personnelle, de même qu'il ne peut aller rechercher des prénoms épars dans l'oeuvre Demain constituée de plusieurs centaines de pages et qui sont usuellement donnés dans le pays où se situent les actions, pour incriminer la reprise d'une combinaison qui serait imprégnée de sa personnalité ;
Que tout au plus peut-il être considéré que ces prénoms qui n'épuisent pas la liste de ceux qui sont attribués aux personnages des oeuvres en leur entier, constituent, certes, des éléments de reprise mais que cette reprise ne porte pas sur des caractéristiques substantielles du manuscrit ;
S'agissant de la psychologie et de la situation des deux personnages principaux
Considérant que les emprunts incriminés à ce titre par l'appelant portent sur la même profession de serveuse qu'exerce l'héroïne et sur le lieu d'une rencontre des deux héros, à savoir un restaurant ;
Mais considérant qu'outre le fait que Monsieur [F] ne précise pas que le choix de cette profession et celui d'un restaurant pour situer une rencontre des deux héros constituent des caractéristiques de son oeuvre au fondement de son originalité, force est de considérer que ces éléments sont puisés dans le fonds commun de la littérature romanesque et que l'héroïne de l'ouvrage antérieur de Monsieur [G], Je reviens te chercher, exerçait, elle aussi, un emploi de serveuse ;
S'agissant de l'apparence physique et psychologique des personnages
Considérant que Monsieur [F] reproche au tribunal d'avoir jugé, sans justifier son appréciation, que le comparatif des oeuvres fourni comportait des éléments tronqués, qu'il ressortait de l'artifice et que les deux ouvrages en question empruntaient aux poncifs et aux archétypes alors que, selon lui, la comparaison est irréprochable, que les jugements de valeur ne sont pas de mise et que c'est la conjonction de ces situations qui est originale et non chaque élément pris isolément ;
Qu'il qualifie de « procédé d'embrouille » la défense de ses adversaires qui portent la comparaison sur d'autres personnages de romans de Monsieur [G] ;
Qu'évoquant le personnage de [D], Monsieur [F] propose un tableau comparatif mettant comme suit en parallèle, respectivement, les éléments de son manuscrit et les emprunts incriminés :
« 37 ans » // « petite quarantaine »,
« Et puis il avait trouvé cela trop classique, enfin trop Wall Street, assez West Village (') Il avait décidé de mettre une veste. Tout de même. Mais une veste en velours, marron, à la fois chic et décontractée. Un jean straith » // « la coupe classique, c'est ce qui te va le mieux : des épaules bien dessinées, une taille droite, mais le torse libéré. C'est chic et intemporel (') Rasé de près, les cheveux courts, sanglé dans une veste ajustée au millimètre » (en précisant que [D] porte une grande attention à son habillement avant de retrouver [T] au restaurant),
« cette très grande solitude dans laquelle il s'était installé » // « il avait besoin d'être seul. Il ne cherchait personne pour le comprendre, personne pour le consoler » (en précisant qu'on retrouve chez les deux héros des deux ouvrages un même sentiment de solitude),
« burning syndrom » « tristesse infinie » // « long tunnel de tristesse » (un même état dépressif),
« des calmants lorsqu'il devait atterrir et se détendre » // « anxiolytiques » (les mêmes calmants pour combattre l'angoisse)
« Une sensation d'immense liberté le saisit (') sa vie est en train de vaciller », « [D] [O] revenait au monde », « Très longtemps qu'il n'a pas ressenti cela (') Une possibilité de changement profond » // « Depuis quand n'avait-il pas eu le coeur aussi léger ' (') ce matin il s'était réveillé avec l'esprit clair ('), la bonne humeur ('). Il sentait la vie qui tourbillonnait autour de lui, et de nouveau il avait l'impression de prendre part à ce mouvement (') sensation retrouvée, (') sentiment enivrant de liberté » (en précisant que [D] retrouve le goût à la vie grâce à [T]),
« Il l'ouvre. A l'intérieur, des tableaux de chiffres et de codes multiples. Tout a l'air en ordre, rien ne semble avoir disparu (') Bien sûr, il ne trouve pas de traces de documents ouverts et étranges sur son ordinateur. Rien de nouveau dans l'onglet 'documents récents' » // [D] alluma le portable et tapa le mot de passe pour accéder à l'écran d'accueil. A première vue, tout était normal : bureau, fond d'écran, icônes familières du Mac. Il entra ses propres identifiants pour se connecter à internet et pendant quelques minutes fureta dans les programmes » (en précisant que [D] vérifie le bon état de son ordinateur qui a été utilisé par une autre personne)
« il a choisi de marcher calmement jusqu'au restaurant où l'attend [T] » // « En voyant son ami franchir la porte du restaurant ('). Je vais attendre [T] » (en précisant qu'il se rend au restaurant pour faire enfin connaissance avec [T]) ;
Qu'il présente de la même façon le personnage d'[T] dans les oeuvres en conflit :
« 27 ans », « une brune superbe », « de grands yeux verts », « sourire franc » // « trente-trois ans » « aux cheveux bruns », « au regard vert clair », « la franchise de son sourire »,
l'anosmie : « J'ai plus de goût, plus d'odorat, si cela se trouve (') lors du choc, je suis devenue frigide des sentiments. Je suis peut-être condamnée à traverser la vie sans amour ''' » // « ménopause précoce », « pourquoi certains ont-ils droit à l'amour et au réconfort d'une famille '» (en précisant que les deux héroïnes ont toutes deux un handicap physique rare qui menace leur désir d'amour et d'enfant),
« elle avait décidé de mettre la pédale douce sur ses relations amoureuses. Si souvent déçue, peur d'être encore et toujours déçue » // « sa vie affective était jonchée de relations douloureuses. En amour, elle avait trop donné à des personnes qui ne le méritaient pas » (en précisant qu'elles ont toutes deux accumulé des relations amoureuses décevantes),
« Il la révélait magnifiquement. Alors, elle avait décidé de remettre son destin entre ses mains. Elle avait choisi de lui faire entièrement confiance » // « [D] [J] avait remis du soleil et de la confiance dans sa vie » (en précisant qu'elles renaissent à la vie et retrouvent confiance en elles grâce à [D]),
« Mais de toutes les manières [D] n'a qu'un visage en tête, celui d'[T]. Qu'une obsession. Voir [T]. La sentir. Lui parler ' le reste, tout le reste, il s'en fiche ... » // « Quoi qu'il fasse, où qu'il aille, [T] [R] ne quittait pas ses pensées. Impossible de la fuir. Impossible de lui échapper » (pour illustrer « une même fonction narrative dans les deux ouvrages », en précisant qu'elles représentent l'amour salvateur, obsessionnel pour [D] et en relevant un même style parataxique, martelé, répétitif pour exprimer le même sentiment) ;
Considérant que si la cour ne saurait porter une appréciation sur le mérite des éléments des deux oeuvres ainsi mis en parallèle, il apparaît que ce qui est présenté comme caractérisant les composantes du physique et de la psychologie des personnages, « piochées ça et là » ainsi qu'apprécié par les intimés, se révèle quelque peu sommaire et, selon des formulations différentes, procèdent d'une même démarche consistant à camper des personnages à l'aspect sympathique mais seuls et malheureux qui se transforment, au fil de la narration, grâce à de mutuels sentiments amoureux ;
Que si les intimés objectent que les caractéristiques évoquées ne peuvent de ce fait donner prise au droit d'auteur, l'appelant ne porte sa réplique que sur les références aux oeuvres antérieures de [E] [G] introduites par les intimés en considérant qu'ils tentent, ce faisant, d'éluder la nécessaire comparaison des personnages ; que la critique des intimés ne peut cependant pas être négligée dans le cadre de cette action en contrefaçon de droits d'auteur ;
S'agissant des caractéristiques des personnages secondaires
Considérant que l'appelant formule une interrogation sur le point de savoir si le fait que les confidents d'[T] dans les oeuvres opposées soient tous deux homosexuels, colocataires et décorateurs relève de la rencontre fortuite et, en réponse, estime qu'ayant à l'esprit les similitudes précédentes, la cour ne pourra que constater que Monsieur [G] les a bien empruntés à son manuscrit ;
Qu'il ajoute que ces confidents sont tous deux des soutiens psychologiques infaillibles, que semblablement ils se mettent dans le rôle de parents à l'égard de/des enfant/s de leur ami/e et que leur activité professionnelle porte de la même façon sur l'art et la décoration ;
Mais considérant qu'à admettre même que ne procède pas de la rencontre fortuite la présence des confidents ainsi dépeints - seuls retenus comme personnages secondaires dans la démonstration en cause d'appel alors que, selon les intimés, était également invoquée en première instance la même présence d'un tueur à gage et d'un employé - et que, par ailleurs, la cour ne s'arrête pas à la démonstration des intimés détaillant les oeuvres antérieures de [E] [G] pour mettre en exergue le choix de personnages secondaires présentant de semblables caractéristiques, force est de considérer que l'appelant ne démontre pas en quoi ces confidents, dont la présence est fréquente dans la littérature, relèvent de ses choix créatifs et révèlent, combinés aux autres éléments qu'il invoque, sa touche personnelle ;
S'agissant des scènes et situations vécues par les personnages
Considérant que l'appelant soutient qu'ajoutés aux précédents, « les points d'impact qui renforcent la constatation du plagiat » tiennent en trois scènes ou situations ;
Qu'elles portent d'abord sur un refus de priorité puisque dans les deux oeuvres, argue-t-il, un personnage féminin risque de mourir à cause d'un camion, sur l'intrusion, ensuite, dans le système de sécurité informatique d'un grand établissement public puisque si de nombreux romans policiers mettent en scène des systèmes de sécurité par vidéo-surveillance, les situations sont quasiment identiques dans les deux ouvrages comparés, et enfin sur une scène d'affrontement avec menace de mort par visioconférence, l'appelant renvoyant la cour, sans plus de précisions sur les éléments de similitude qu'il incrimine, à la consultation de l'Universitaire sus-évoquée qui « explique l'importance de ce type de scène sur la fonction narrative des deux ouvrages » ;
Mais considérant que les intimés réfutent à juste titre « les points d'impact » ainsi mis en avant sans précisions quant à leur contexte factuel et à la faveur de rapprochements contestables (à titre exemplatif : « Les caméras du 37ème étage n'ont rien vu. Puisqu'[P] avait demandé qu'elles ne marchent pas durant son rendez-vous » // « il prit le contrôle des caméras ») ;
Qu'ils se réfèrent à nouveau aux ouvrages antérieurs de [E] [G] en démontrant qu'y ont été introduites ces mêmes « scènes et situations » [ Je reviens te chercher (2008), Et après ' (2004), Sauve-moi (2005), Parce que je t'aime (2007) Seras-tu là (2006), '] ;
Que, de plus, comme précédemment observé, Monsieur [F] s'abstient de démontrer en quoi celles-ci participent aux éléments qui, combinés, permettent à son oeuvre d'être regardée comme originale ;
S'agissant de la description des lieux et d'un objet
Considérant que l'incrimination, par l'appelant, de la reprise de descriptions de lieux - dotés pour certains, expose-t-il, d'une valeur symbolique particulière - concerne l'appartement d'[T] (avec vue sur le fleuve et les buildings new-yorkais dans les deux oeuvres), les lobbys d'établissements publics (avec semblables espace aquatique, « vaisseau spatial » et batteries d'ascenseurs vitrés), un magasin de jouets (avec une même petite fille accompagnée de son père dont les choix se portent sur une poupée et un teddy bear), deux résidences secondaires avec vue sur l'océan à Cap Cod (semblablement habitées par beau temps avec des enfants rieurs et des invités bavards) et les maisons de [D] et d'[T]/[K] (de la même façon décrites comme un refuge pour le bonheur familial) ; qu'il y ajoute la reprise de la description du logo de la marque Apple (retenant l'attention de chacun des héros semblablement attachés à leur portable) ;
Que Monsieur [F] affirme, ici aussi, que ces divers emprunts ne peuvent relever de la rencontre fortuite et veut pour preuve de la contrefaçon le fait qu'un lobby tel que décrit par Monsieur [G] n'existe pas dans la réalité, comme il l'a fait vérifier, mais correspond à la description qu'il faisait d'un hall d'entrée situé à Dubaï dans son manuscrit, qu'il en va de même du magasin de jouets et que les explications fournies par les intimés sont peu convaincantes, voire lacunaires ;
Qu'il reproche au tribunal d'avoir « acté » ces différentes similitudes sans déduire de leur accumulation et dans la logique de celle-ci, les faits de contrefaçon qu'il dénonce ;
Mais considérant qu'il ne peut être fait grief à l'auteur d'un ouvrage de fiction de ne pas rendre compte de la stricte réalité des lieux où il situe l'action ou d'avoir eu recours à des situations banales, telle l'attirance d'un enfant, dans un magasin de jouets, pour un ours en peluche communément nommé « teddy bear » dans le pays où se déroulent les deux actions ;
Qu'il le peut d'autant moins qu'en l'espèce les similitudes évoquées se présentent comme des composantes de descriptions sommaires ou banales (à titre exemplatif, s'agissant des halls évoqués : « vaste, climatisé et rafraîchissant avec une fontaine cascade » // « des éléments naturels ' bambous, orchidées, plantes tropicales, cascade » ou, s'agissant du lieu de villégiature : « domine l'Océan Atlantique » // « l'océan à perte de vue » ; « les rires des enfants se mêlaient aux discussions intellectuelles, artistiques, politiques de [D] et d'[T] avec leurs nombreux invités » // « les femmes papotaient près de l'eau et les enfants jouaient » ) et que si les similitudes relevées, lieux et ordinateur de la marque Apple, existent bien, Monsieur [G] démontre qu'il a repris des éléments qui figuraient déjà et faisaient l'objet de reprises, de roman en roman, dans ses oeuvres antérieures (Sauve moi (2005), Je reviens te chercher (2008), Parce que je t'aime (2007), Et après (2004), Skidamarink (2001), ') ;
Qu'en outre, en se bornant à évoquer une accumulation de similitudes, en rapprochant des éléments épars et non substantiels dans les deux oeuvres en cause, pour en déduire que son action en contrefaçon est fondée, Monsieur [F] omet de démontrer en quoi ces éléments, combinés aux autres similitudes dont la reprise est incriminée, donnent prise au droit d'auteur ;
S'agissant de la formulation d'une expression et de l'emploi de termes
Considérant que Monsieur [F] s'attache à démontrer que la concomitance de l'expression « Eventually why not ' » (dans son manuscrit) devenue « pourquoi pas ' » (dans le roman Demain), personnelle, non nécessaire, présentée dans une typographie particulière et constituant dans les deux oeuvres la première parole formulée par [D] lorsqu'il rencontre [T], doit être tenue, quand bien même il s'agirait d'une formule banale en soi, comme une véritable anomalie traduisant parfaitement un travail de recyclage constitutif d'un plagiat littéraire ;
Qu'est, par ailleurs, suspecte à son sens la reprise du lieu « [Localité 1] » (désignant, dans un contexte fatal, le nom de la ville dans le manuscrit, un nom de rue dans le roman) et du terme désuet « chevalier » (« Un chevalier servant, sur un cheval blanc » // « un chevalier noir aux cheveux d'or ») qu'à tort le tribunal a cru pouvoir retrouver dans l'oeuvre antérieure de [E] [G] ;
Qu'il met, de plus, en évidence 24 mots qui ne furent pas davantage employés par ce dernier avant d'écrire son roman Demain en les présentant comme des mots caractéristiques de son univers lexical (à savoir : investisseur, [Établissement 1], plus-value, Silicon Valley, visioconférence, [Localité 1], teddy bear, chevalier, traquenard, essaim, fantasmagorique, geisha, altruiste, blush, corniche, couperet, trentenaire, cocu, frangin, guérite, [A] [C], passade, tarabiscoté, minauder), précisant qu'il ne revendique aucune propriété sur ces mots mais entend seulement prouver la contrefaçon par détournement de son manuscrit sans qu'il puisse lui être opposé des oeuvres antérieurement écrites par l'intimé ;
Considérant, ceci rappelé, que Monsieur [F] ne peut être suivi dans les conclusions qu'il tire de la concomitance de la formulation des expressions « Eventually why not ' » (finalement pourquoi pas ') et « pourquoi pas ' », en deux langues différentes et, pour Monsieur [G], selon une différence de typographie déjà utilisée dans son oeuvre antérieure, dès lors que, comme le font valoir les intimés dénonçant la création de liens artificiels, il les extrait du contexte particulier des deux récits ; que s'il s'agit, pour le héros de Monsieur [F], de la première phrase qu'il prononce à l'héroïne, l'interrogation « pourquoi pas ' » du héros de l'oeuvre de Monsieur [G] est intérieure et traduit sa décision d'acheter l'ordinateur portable de l'héroïne ;
Que, pour le surplus, les intimés démontrent ici aussi, que les noms [Localité 1] (qui ne désigne pas moins de 30 villes aux Etats-Unis, sans compter les noms de rues éponymes) et [A] [C] apparaissaient déjà dans les romans de [E] [G] précédemment parus et qu'il employait le terme « chevalersque » dans son ouvrage intitulé Que serais-je sans toi ' (2009) ; que, pour ce qui est des 24 noms cités, si Monsieur [F] se défend de vouloir s'arroger un monopole pour chacun d'entre eux, sa revendication tend à se voir attribuer un monopole sur leur combinaison alors qu'ils ne se distinguent pas par leur rareté et doivent, notamment, être laissés à la disposition de la communauté des écrivains rédigeant, qui plus est, des oeuvres de plusieurs centaines de pages en puisant dans le vaste réservoir lexical de la langue française ;
S'agissant de deux têtes de chapitres
Considérant qu'est d'abord incriminée la reprise dans l'ouvrage Demain dont le chapitre 21 est intitulé « A girl on the run » du titre du premier chapitre de l'oeuvre de Monsieur [F], à savoir : « The dead Runner » par référence à un coureur matinal mettant sa vie en danger en traversant les carrefours de Manhattan alors que les voitures démarrent ; que l'appelant fait valoir que la séquence « on the run » est introduite sans nécessité car elle évoque la course poursuite de l'héroïne sans pour autant que sa vie soit mise en danger ;
Qu'opérant un rapprochement entre les titres « L'intersection » et « Les parallèles » dans l'une et l'autre des oeuvres opposées, il reproche de plus à Monsieur [G] d'avoir repris son vocabulaire géométrique pour décrire des itinéraires qui se télescopent et conclut que ces coïncidences, restituées dans le contexte de l'ensemble des reprises qu'il évoque, ne peuvent être fortuites ;
Mais considérant que les intimés dénoncent, ici aussi, avec pertinence le caractère artificiel de ce rapprochement de titres qui n'ont objectivement rien de commun ; que «a girl on the run» qui désigne une fille en cavale, est justifié par le contenu du chapitre de Demain et ne peut être considéré comme similaire au « coureur de la mort » constituant le titre du premier chapitre du manuscrit ;
Qu'il en va de même des expressions évoquant le croisement de vies ou des vies parallèles, d'usage courant et dont il n'est pas précisé en quoi ce « vocabulaire géométrique » est révélateur de la touche personnelle de Monsieur [F] ; qu'en outre, si elles peuvent semblablement se rattacher à ce vocabulaire, elles correspondent objectivement, dans chacune des deux oeuvres, à des situations radicalement différentes ;
Que l'appelant qui laisse sans réponse l'incise des intimés portant sur la reprise, par celui-ci, du titre de chapitre 8 du roman Que serais-je sans toi ' (2009), « la clef du paradis », dans un chapitre de son manuscrit [(épilogue'part 3) « les clés du paradis »], ne peut valablement tirer de conséquences juridiques de ce qu'il considère de manière quelque peu hasardeuse comme des coïncidences non fortuites ;
S'agissant de la reprise de « beaucoup d'autres détails »
Considérant que l'appelant incrimine enfin leur reprise en soutenant qu'elle contribue à renforcer la certitude que son manuscrit a fait l'objet d'un pillage ;
Qu'il reproche au tribunal de les avoir « balayés » au motif qu'il existait une différence de référence dans les deux textes ; que, sans davantage d'argumentation si ce n'est pour affirmer que ces reprises ne peuvent être le fruit du hasard, l'appelant se contente d'en établir une simple liste ;
Qu'il énumère ainsi ces reprises : la référence à [A] [C] / les envois et la réception des messages entre [T] et [D] / les caractéristiques des deux tueurs à gage / la réception de leurs instructions sur des clefs USB / la menace pour les deux héros de perdre leur emploi / la situation initiale et l'effet de surprise lors de l'entretien par visioconférence / l'effet de chute brutale lors de cet entretien / des particularités stylistiques mises en exergue par l'Universitaire consultée ;
Mais considérant qu'en application de l'article 8 du code de procédure civile, la cour ne saurait être tenue de s'expliquer sur des pièces qu'une partie se contente de produire sans indiquer les conséquences qui peuvent en être légalement tirées ;
Qu'en outre, hormis ceux dont il apparaît qu'ils ont été évoqués précédemment, la présentation de ces « détails » sous forme de liste et sans aucune démonstration factuelle ou juridique pour justifier le grief de « pillage » invoqué ne satisfait pas au principe du contradictoire puisqu'elle prive la partie adverse de la faculté de s'en expliquer ;
Qu'en toute hypothèse, il appartenait à Monsieur [F] de démontrer que ces « détails » contribuent à l'originalité de son oeuvre ;
Considérant qu'il convient de constater qu'au terme de l'analyse comparative des deux oeuvres en cause, dont la cour a respecté la présentation, Monsieur [F] récuse, comme précédemment au cours de son analyse, le grief qui lui est fait de s'être lui-même inspiré de l'oeuvre de Monsieur [G] et qui laisserait entendre, expose-t-il, qu'il aurait dû lire les quelques 5.000 pages écrites par Monsieur [G] avant de rédiger son manuscrit, alors qu'il n'en a nul besoin ; qu'il qualifie, ensuite, de « stupéfiante » l'affirmation selon laquelle la couverture de l'ouvrage fini [T] (dont la cour rappelle qu'il a été exclu des débats) s'inspirerait de celle de deux ouvrages antérieurs de Monsieur [G] alors que la figuration d'yeux en page de couverture est d'usage ordinaire et qu'il conclut pour finir :
« en conséquence, la cour, à la lumière des éléments mis ci-dessus en exergue ne pourra que constater que les intimés se sont livrés à une véritable contrefaçon, savamment dissimulée par des exercices de style, relevés et détaillés par (l'Universitaire) dans son étude, versée aux débats » ;
Qu'il y a lieu de considérer que, certes, les deux oeuvres en cause comportent des similitudes ;
Que, toutefois, à l'examen de l'ensemble des emprunts invoqués, un bon nombre ne peut être tenu pour répréhensible, une fois mis à mal le présupposé d'une « probabilité quasi nulle », replacées dans leur contexte factuel des bribes de phrases éparses dans deux récits qui n'ont guère en commun que l'intrication de deux trames, policière et sentimentale, relevé le caractère à tout le moins sommaire de ressemblances entre les personnages ou les lieux, ou après avoir considéré que quelques emprunts incriminés doivent demeurer dans le patrimoine lexical à la disposition de tous les écrivains ;
Que ceci réduit d'autant la masse de la combinaison de caractéristiques de l'oeuvre de Monsieur [F] dont il entend voir sanctionner la reprise non autorisée ;
Que, surtout, alors que chacune des caractéristiques du manuscrit telles que revendiquées et qui ont fait l'objet d'une reprise susceptible d'être retenue se révèle, à l'examen, comme secondaire, non substantielle, voire insignifiante (tels, par exemple, quelques mots sur la vue sur l'Hudson et les gratte-ciel depuis un appartement new-yorkais), Monsieur [F], en dépit de son préambule sur la nécessaire prise en considération de l'ensemble des caractéristiques combinées, et par delà une simple affirmation dans le chapitre qu'il consacre à son préjudice (« ces emprunts, comme il a été ci-dessus démontré, parfois formels, même de faible étendue, portent toujours sur des éléments caractéristiques de l'oeuvre de Monsieur [F], marqué par sa personnalité originale », page 45/57) s'abstient de démontrer que la combinaison des éléments précis de son manuscrit dont il fustige la reprise porte son empreinte personnelle et participe à l'originalité de son oeuvre en contribuant, en tant que telle, à donner prise au droit d'auteur ;
Qu'il se devait d'autant plus d'en faire la démonstration qu'en réplique les intimés se sont attachés à démontrer avec justesse qu'une bonne part des emprunts litigieux entraient déjà dans la composition de l'oeuvre romanesque antérieure de Monsieur [G] ; que si ces derniers n'en tirent pas de conséquence juridique en revendiquant un droit privatif, ils n'en affirment pas moins, évoquant la figure de l'arroseur arrosé que le manuscrit est imprégné de l'univers de [E] [G] ;
Que par voie de conséquence, Monsieur [F] échoue à démontrer que Monsieur [G], dont l'ouvrage Demain a été publié par la société Editions XO, reprend, dans la même combinaison, des caractéristiques essentielles de son manuscrit qui, dans leur combinaison, seraient susceptibles de contribuer à l'originalité de son oeuvre et donner prise au droit d'auteur ;
Que le jugement qui l'a débouté de son action en contrefaçon et de ses demandes subséquentes sera donc confirmé ;
Sur l'action en « concurrence parasitaire »
Considérant qu'à titre subsidiaire Monsieur [F] reproche aux intimés d'avoir tiré profit des efforts déployés pour écrire son manuscrit ;
Qu'il se prévaut des « multiples emprunts et reprises » des éléments originaux de son oeuvre issus de sa création, ajoutant qu'eu égard à la date de remise du manuscrit à l'éditeur et celle de la parution de l'ouvrage Demain, ces emprunts ne peuvent être tenus pour le fruit du hasard :
Mais considérant que Monsieur [F] invoque sans les caractériser des investissements qu'il aurait réalisés pour donner naissance à une oeuvre non finie et non publiée en tant que telle puisqu'il expose lui-même que son manuscrit a fait l'objet de corrections et de réécriture avant de constituer le livre finalement publié ;
Que, se plaçant sur le terrain de l'article 1382 du code civil, il se borne à réitérer sur un autre fondement le même grief que précédemment tenant à la reprise d'une combinaison d'éléments dont il a été dit qu'elle n'était pas susceptible en tant que telle d'être protégée par un droit de propriété intellectuelle ; que, ce faisant, il ne démontre ni même n'invoque l'existence d'un fait distinct de la reprise de ces éléments, sur lesquels il ne dispose pas d'un droit exclusif, qui pourrait être considéré comme fautif ;
Qu'il sera, par conséquent, débouté de sa demande et le jugement confirmé en ce qu'il en dispose ainsi ;
Sur la demande indemnitaire des intimés
Considérant que, formant appel incident, ceux-ci mettent en relief divers aspects du comportement procédural de l'appelant de nature à être qualifiés de fautes ; qu'ils dénoncent une assignation reposant sur des similitudes souvent inconsistantes qui, faisant figure de provocation, présente la particularité de porter sur des éléments déjà présents dans l'oeuvre de Monsieur [G] ; qu'ils incriminent aussi une présentation fallacieuse des deux oeuvres, la poursuite, à travers cette action, d'un unique objectif (à savoir, la volonté de se venger de n'avoir pas été apprécié à sa juste valeur lors de la présentation de son manuscrit), la réclamation de sommes inhabituellement excessives en réparation du préjudice invoqué ou encore un appel qui ne se justifiait pas ;
Que pour parfaire leur demande devant les premiers juges qui ont rejeté leur demande faute de démonstration d'un préjudice corrélatif différent de celui qui résulte de l'exposition de frais de procédure, ils évoquent le trouble causé par cette action et la crainte de possibles retombées médiatiques ainsi que le préjudice moral causé à Monsieur [G], obligé de se justifier dans l'exercice même de son activité et dénigré dans les écritures adverses ;
Considérant, ceci exposé, que s'il est de principe que l'exercice d'une action en justice ou des voies de recours offertes par les textes est un droit et qu'une appréciation erronée de ses droits par un plaideur n'est pas, en soi, fautive, l'abus dans l'exercice de ces voies de droit est constitutif d'une faute ;
Que l'appelant oppose à tort aux intimés - qui n'ont pas tiré de conséquences juridiques des emprunts à l'oeuvre antérieure de Monsieur [G] mais se prévalent d'un abus de procédure - ce qu'il tient pour une contradiction dès lors que le choix de poursuivre la sanction de l'abus dans l'exercice d'un droit plutôt que de revendiquer des droits privatifs relève de leur libre arbitre ;
Qu'il ne peut non plus leur reprocher de « jouer de la victimisation » alors qu'ils ne font qu'expliciter leur préjudice, ni dénier à Monsieur [G] le préjudice qu'il invoque du fait qu'il a pu poursuivre malgré la procédure son oeuvre littéraire, ni davantage opposer à la crainte qu'ils invoquent le fait qu'un préjudice doit être certain et non éventuel alors que la crainte de la réalisation d'un risque est un préjudice réparable pour peu que soit démontré le risque sérieux et certain du dommage ;
Qu'eu égard à l'ensemble des éléments de la cause, il échet de considérer que les intimés sont fondés à prétendre qu'agissant comme il l'a fait sans tenir compte de ce qui pouvait être situé dans le continuum de l'oeuvre romanesque de Monsieur [G], Monsieur [F] a fait preuve de négligence, occasionnant des tracas à ses adversaires qui ont dû se livrer à un minutieux travail de recherche ; que les conséquences négatives que cette action en contrefaçon pouvait avoir sur leur image et leur activité, objet de leur craintes, doivent être considérées comme un risque sérieux et certain de dommage et que, par ailleurs, les intimés incriminent à juste titre les prétentions indemnitaires de Monsieur [G] qui s'analysent en une confiscation des bénéfices, étrangère aux sanctions de la contrefaçon ;
Que leur préjudice sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 4.000 euros au profit de chacun si bien que le jugement qui en dispose autrement doit être réformé de ce chef ;
Sur les autres demandes
Considérant que l'équité commande de condamner Monsieur [F] à verser à Monsieur [G] et à son éditeur une somme complémentaire de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que l'appelant qui succombe sera débouté de sa demande à ce titre et condamné aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement sauf en ses dispositions relatives à la demande indemnitaire fondée sur l'abus de procédure et, statuant à nouveau dans cette limite en y ajoutant ;
Condamne Monsieur [V] [F] à verser à Monsieur [E] [G], d'une part, à la société Editions XO SA, d'autre part, une somme de 4.000 euros au profit de chacun en réparation du préjudice subi du fait de l'abus de procédure ;
Condamne Monsieur [V] [F] à verser à Monsieur [E] [G] et à la société Editions XO SA une somme globale complémentaire de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente