Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 03 MARS 2016
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/24961
Décision déférée à la Cour : Jugement prononcé le 26 Novembre 2014 par la 9ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/05739
APPELANTS
1) Monsieur [Z] [G]
de nationalité algérienne
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1] (ALGÉRIE)
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Rachidah HADDAOUI-HADIOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0345
ayant pour avocat plaidant Me Sandrine BONDRON, du cabinet d'avocats HADDAOUI, avocat au barreau de Paris, toque : C0345
2) Madame [N] [G]
de nationalité française
née le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 2] (ALGÉRIE)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Rachidah HADDAOUI-HADIOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0345
ayant pour avocat plaidant Me Sandrine BONDRON, du cabinet d'avocats HADDAOUI, avocat au barreau de Paris, toque : C0345
3) SARL HOTEL LEONARD DE VINCI
immatriculée au RCS de Paris sous le n° 429 736 911
ayant son siège [Adresse 2]
[Adresse 2]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représenté par Me Rachidah HADDAOUI-HADIOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0345
ayant pour avocat plaidant Me Sandrine BONDRON, du cabinet d'avocats HADDAOUI, avocat au barreau de Paris, toque : C0345
4) SARL LEONARD DE VINCI II
immatriculée au RCS de Paris sous le n° 349 666 230
ayant son siège [Adresse 3]
[Adresse 3]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représenté par Me Rachidah HADDAOUI-HADIOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0345
ayant pour avocat plaidant Me Sandrine BONDRON, du cabinet d'avocats HADDAOUI, avocat au barreau de Paris, toque : C0345
INTIMÉS
1) Monsieur [C] [J]
ès qualités de liquidateur de la société CABINET [J] & [A]
demeurant [Adresse 4]
[Adresse 4]
représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
ayant pour avocat plaidant Me Adeline LAVAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : R094 substituant Me Nathalie SIU-BILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R094
2) SA COVEA RISKS
immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 378 716 419
ayant son siège [Adresse 5]
[Adresse 5]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
ayant pour avocat plaidant Me Adeline LAVAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : R094 substituant Me Nathalie SIU-BILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R094
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Février 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Michèle PICARD, Conseillère et Madame Christine ROSSI, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de Présidente
Madame Christine ROSSI, Conseillère
Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller appelé d'une autre chambre afin de compléter la Cour
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY
MINISTERE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au Ministère Public
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY, Greffier présent lors du prononcé.
*
La société Léonard de Vinci - LDV - gérée par monsieur [G] et la sarl Léonard de Vinci II - LDVII - dont monsieur [G] est associé, ont eu recours aux services du cabinet d'expertise comptable [J] & [A] dès leur création respectivement en 1989 et 2000.
La société LDV s'est vue notifier le 15 novembre 2004 à la suite d'une vérification de sa comptabilité par l'administration fiscale au cours des mois de septembre et octobre 2004, une proposition de rectification pour un montant total de 113.998 euros portant sur des rappels de cotisations d'impôts sur les sociétés pour les exercices 2001 à 2003. La société LDV a contesté cette décision devant le tribunal administratif et devant la cour administrative mais a été déboutée. Elle a obtenu un dégrèvement partiel, ramenant à 75.319 euros l'imposition supplémentaire.
La société LDV II s'est également vue notifier le 16 décembre 2005 à la suite d'une vérification de sa comptabilité par l'administration fiscale au cours du mois de décembre 2004, une proposition de rectification pour un montant total de 136.931 euros portant sur des rappels au titre de la tva pour les exercices 2002 à 2004. Elle a mené des contestations et bénéficié de dégrèvements, étant finalement redevable de la somme de 74.919 euros.
Enfin, l'administration fiscale a notifié à monsieur et madame [G], les 15 novembre 2004 et 20 mars 2006, des propositions de redressement portant sur l'impôt sur le revenu et les contributions sociales au titre des années 2003 et 2004. Ils seraient redevables après dégrèvement de la somme de 61.137 euros.
C'est dans ce contexte que les sociétés LDV, LDV II et les époux [G] ont attrait en responsabilité monsieur [J] ès qualités de liquidateur du Cabinet [J] et [A], avec son assureur la société Covéa Risks, et la sas Fiduciaire de Contrôle Comptable - FICO - devant le tribunal de grande instance de Paris.
Dans un jugement en date du 26 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a fixé au passif de la société Cabinet [J] et [A] à titre de créance indemnitaire la somme de 600 euros au profit de la sarl Hôtel Léonard de Vinci et celle de 500 euros au profit des époux [G], et a condamné la société Covéa Risks au paiement de ces sommes. Les sociétés Hôtel Léonard de Vinci, Léonard de Vinci II, monsieur [Z] [G] et madame [N] [G] ont été condamnés aux entiers dépens ainsi qu'au paiement à la sas FICO de la somme de 1.000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile, toutes autres prétentions ayant été rejetées.
***
Les sociétés Hôtel Léonard de Vinci, Léonard de Vinci II, monsieur [Z] [G] et madame [N] [G] ont interjeté appel de cette décision.
***
Par dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 10 septembre 2015, les sociétés Hôtel Léonard de Vinci, Léonard de Vinci II, monsieur [Z] [G] et madame [N] [G] demandent à la cour au visa des articles 1134, 1147 et 1382 du code civil, d'infirmer la décision déférée sauf en ce qui concerne le cabinet d'expertise FICO non présentement attrait, et, statuant à nouveau, de constater le lien unissant le Cabinet [J] & [A] aux sociétés Hôtel Léonard de Vinci et Léonard de Vinci II, de dire que le cabinet [J] et [A] a manqué à ses obligations contractuelles et à son devoir de conseil à l'égard des sociétés Hôtel Léonard de Vinci et Léonard de Vinci II, de dire que ces fautes contractuelles ont directement entraîné un préjudice personnel pour monsieur et madame [G], de condamner en conséquence in solidum le cabinet [J] & [A] avec son assureur la société Covéa Risks, sur le fondement contractuel à payer à la société Hôtel Léonard de Vinci la somme de 80.535 euros, à la société Léonard de Vinci II celle de 74.919 euros, aux époux [G] sur le fondement délictuel celle de 551.048 euros dans les dernières écritures du 10 septembre 2015, outre au titre du préjudice moral la somme à chacune des sociétés de 15.000 euros et celle de 30.000 euros pour les époux [G], le tout avec intérêts au taux légal et capitalisation, outre 5.000 euros à chacun des appelants du chef de l'article 700 du code de procédure civile. Ils ont demandé que les condamnations prononcées à l'encontre de la société Cabinet [J] & [A] soient fixées au passif de la liquidation de celle-ci. Ils ont demandé la condamnation in solidum du Cabinet [J] & [A] et de la société Covéa Risks au paiement des intérêts au taux légal devant courir sur les condamnations à compter de la décision et avec capitalisation. Ils ont réclamé la condamnation des mêmes, outre aux dépens, au paiement à chacun des appelants de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les deux sociétés LDV et LDV II reprochent au cabinet [J] et [A] qui selon elles était en charge d'une mission de supervision générale des comptes de ne leur avoir pas réclamé les pièces que l'administration fiscale a estimé manquantes, à savoir, celles justifiant des prêts qu'auraient consentis la société LDV à différentes personnes physiques ainsi que les pièces justificatives des primes de gérance versées à monsieur [G] et les bandes de caisse de la société LDV II. Elles estiment donc que l'expert comptable a commis une faute contractuelle et a manqué à son devoir de conseil, et ce faisant a engagé sa responsabilité pleine et entière à l'égard des deux sociétés dont les fautes ne sauraient l'exonérer. Elles sollicitent l'indemnisation intégrale de leur préjudice à raison de leur redressement fiscal dû aux fautes de l'expert comptable ainsi que la réparation de leur préjudice moral résultant des conséquences financières de la procédure.
Par dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 21 septembre 2015, la société Covéa Risks et monsieur [C] [J] ès qualités de liquidateur de la société Cabinet [J] et [A] demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé au passif de la société Cabinet [J] et [A] à titre de créance indemnitaire la somme de 600 euros au profit de la sarl Hôtel Léonard de Vinci et celle de 500 euros au profit des époux [G], et condamné la société Covéa Rosks au paiement de ces sommes ; statuant à nouveau, débouter les deux sociétés et les époux [G] de leurs prétentions ; subsidiairement, confirmer le jugement en toutes ses dispositions, dans tous les cas, condamner in solidum les sociétés et monsieur et madame [G] à payer à monsieur [J] ès qualités et à Covéa Risks, chacun, la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils rappellent que l'expert comptable est débiteur d'une obligation de moyenayant pour corollaire le devoir de coopération et d'information du client, qu'aucune faute n'a été commise, qu'il n'existait pas d'obligation générale d'investigation et d'alerte mais uniquement une mission de présentation des comptes. Ils opposent que les sociétés n'ont pas tenu leur comptabilité dans le respect de leurs obligations légales et qu'il leur appartenait de conserver leur comptabilité durant dix années conformément à l'article L. 123-22 du code de commerce. Ils soutiennent que les sociétés sont directement à l'origine de leur redressement faute d'avoir présenté à l'administration fiscale les pièces comptables nécessaires. Ils font encore valoir que le devoir de conseil de l'expert-comptable ne s'étend pas aux faits connus de ses créanciers, tels que les risques de ne pas avoir recours aux caisses enregistreuses pour établir leur chiffre d'affaires. Ils relèvent que le paiement d'un impôt légalement dû, suite à un redressement, n'est pas un préjudice réparable, et que la demande d'un préjudice distinct est irrecevable pour être nouvelle en cause d'appel.
S'agissant de monsieur et madame [G], ils opposent que le cabinet [J] et [A] n'était pas leur expert-comptable et concluent sur ce point à l'infirmation du jugement. Il opposent encore que le paiement d'un impôt légalement dû n'est pas un préjudice indemnisable.
SUR CE,
Sur les manquements contractuels allégués à l'encontre du cabinet [J] & [A]
Aux termes de l'article 1147 du code civil le débiteur d'une obligation est condamné s'il y a lieu à paiement de dommages et intérêts à raison de l'inexécution de celle-ci.
Aux termes de l'article 1134 du même code, les conventions s'exécutent de bonne foi.
L'expert-comptable doit apporter dans l'exécution de sa mission toute la diligence qu'elle requiert, il est tenu à ce titre à une obligation de moyen et il appartient à son client co-contractant qui entend voir engager sa responsabilité civile professionnelle de faire la preuve d'une faute commise dans l'accomplissement de la mission, d'un préjudice indemnisable et d'un lien de causalité entre le dommage et le manquement allégués.
En l'espèce, il n'est pas discuté qu'aucune lettre de mission n'a été établie entre les parties, et il convient donc de rechercher l'étendue de la mission convenue, étant rappelé que le décret n°2007-1387 du 13 septembre 2007 n'a pas vocation à s'appliquer les exercices concernés par les redressements lui étant antérieurs.
Les factures produites sont relatives à l'établissement et la présentation des comptes annuels des sociétés, aux formalités nécessaires à l'approbation des comptes annuels et aux déclarations relatives à la taxe d'apprentissage sur les salaires et à la taxe sur les séjours. Elles ne permettent pas de retenir qu'une mission complète de tenue de la comptabilité aurait été confiée au cabinet d'expertise ; n'y suffisent pas non plus la justification d'actes réalisés ponctuellement et ayant donné lieu à une facturation supplémentaire, à l'occasion de la modification de statuts, ou de l'assistance juridique et fiscale lors du contrôle de la comptabilité par l'administration. Les deux attestations produites par les appelants, établies les 8 juin 2014 et 25 février 2015 par monsieur [F] ancien salarié du cabinet [J] et [A] - la seconde visant à régulariser la première au regard des dispositions de l'article 202 du code de procédure civile - comportent des termes généraux qui ne permettent pas face aux éléments concordants précités de retenir que la preuve serait faite d'une mission complète de tenue de comptabilité pour les années présentement concernées 2001 à 2004. De même, la production par les appelants de deux correspondances qui auraient été adressées au cabinet d'expertise, émanant de monsieur [G] réclamant des pièces comptables des sociétés, ne suffit pas à faire la preuve de la mission générale prétendue, nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même. Ne sont pas plus pertinentes les pièces relatives à la mission sociale non en cause présentement ; ni la déclaration de sinistre faite en tant que de besoin par monsieur [J] auprès de son assureur ; ni mieux, le montant des honoraires dont les appelants font valoir qu'ils se sont avérés être en 2004 d'un montant très comparable à celui appliqué en 2014 par la société [J] & Associés, successeur de l'intimée et en charge d'une mission complète, l'intimée rappelant qu'il est d'usage afin de fidéliser la clientèle d'étendre le périmètre de la mission sans augmenter les honoraires. Sur ce point, il convient de souligner que dans la lettre de mission produite par les appelants, régularisée le 3 novembre 2014 avec la société [J] & Associés, celle-ci précisait : 'Nous effectuons depuis plusieurs années une mission de présentation des comptes (...)'.
Ainsi, font défaut au soutien de la demande des appelants, auxquels incombe la charge de la preuve, les éléments probants déterminants, factures et autres, de nature à démontrer sans extrapolation la réalité de la mission par eux prétendue.
Il convient donc de rechercher si le cabinet d'expertise a manqué, dans le cadre de sa mission d'établissement des comptes, à l'obligation qui lui incombait d'alerter son client sur des incohérences ou anomalies de nature à lui faire encourir un risque fiscal, étant rappelé qu'il s'agit d'une obligation de moyen ayant pour corollaire le devoir de coopération et d'information du client et que l'intimé n'était pas débiteur d'une obligation générale d'investigation et d'alerte.
- à l'égard de la société LDV
En premier lieu, à propos des trois écritures portées au crédit du compte courant d'associé de monsieur [G], le 31 décembre 2002, pour 22.867,35 euros, 36.774,45 euros et 49.774,45 euros, et comme l'ont exactement relevé les premiers juges, il n'est pas démontré que les dites écritures - dont au demeurant monsieur [G] n'établit pas qu'elles correspondent à des remboursements de prêts octroyés par la société - aient présenté un caractère anormal ou incohérent que l'expert comptable devait relever lors de son contrôle des comptes. Il n'est pas discutable, en effet, que le gérant pouvait réaliser des apports en compte courant d'associé sans susciter de questionnement de son expert comptable. C'est dans le cadre de son contrôle général visant à identifier d'éventuels éléments de minoration de l'assiette de l'impôt sur les sociétés que l'administration fiscale s'est quant à elle arrêtée sur les dites écritures. Or, si celles-ci ont été lues par l'administration fiscale lors de la procédure de rectification du 4 novembre 2004, mais encore par le tribunal administratif de Paris dans sa décision du 25 novembre 2010, confirmée en appel, comme des actes d'augmentation non causés des apports dans le but de diminuer l'assiette de l'impôt sur les sociétés, c'est bien en raison de la non justification des dits apports, en dépit des demandes des services fiscaux. Ces derniers ont ainsi considéré, alors que la société soutenait que l'apport en compte courant de monsieur [G] correspondait à des remboursements de dettes contractées auprès de tiers lors de sa création, que : 'les pièces produites et en particulier les déclarations sur l'honneur de remboursement selon lesquelles le père de Monsieur [G] aurait effectué les remboursements en Algérie, établies postérieurement à la proposition de rectification, ne permettent d'établir ni la réalité des prêts consentis, ni celle des remboursements par Monsieur [G].'
Dès lors, et en tout état de cause, faute de démonstration du versement effectif des sommes alléguées, celles-ci n'ont pu être considérées comme des charges grevant l'assiette du calcul de l'impôt sur les sociétés pour l'exercice 2001 de la société LDV.
De manière semblable et en deuxième lieu, à propos des primes acquittées lors des années 1999 et 2000, il résulte de la procédure de rectification et de la décision du tribunal administratif précitées que la société LDV n'a pas produit de justificatif afin d'établir la cause des sommes ainsi mises à sa charge et ne démontre pas plus aujourd'hui qu'en première instance qu'elle disposait alors des pièces nécessaires et aurait été en mesure de les fournir à l'expert comptable s'il lui en avait fait la demande. En effet, l'administration fiscale a rejeté une écriture passée au crédit du compte courant d'associé de monsieur [G], à raison de 650.000 francs, supposée correspondre à une rémunération de gérance, ce rejet ayant été motivé par l'absence d'approbation de l'assemblée générale des associés, le défaut de définition du mode de calcul, le défaut de paiement effectif des charges sociales afférentes et l'absence de mention sur les déclarations annuelles de salaires. C'est postérieurement, comme le rappellent les intimés, que monsieur [G] a indiqué que la somme en litige correspondait en réalité à une prime attribuée à monsieur [O], directeur commercial, dont certains bulletins de salaires ont été versés entre les mains de l'administration fiscale qui a finalement admis la somme de 32.067 euros comme charge justifiée, le surplus soit 62.874 euros ayant été rejeté sans contestation à la suite de la part de la société. Les appelants soutiennent que cette erreur est imputable à l'intimée qui établissait les bulletins de salaire, cette dernière oppose que ceux-ci étaient établis sur la base des instructions qui lui étaient communiquées.
Enfin, et dans tous les cas, la cour constate comme l'a fait la juridiction administrative, que n'est pas justifié par les appelants le paiement effectif du montant rejeté.
Aussi la société LDV qui ne démontre pas la réalité des charges prétendues, n'établit-elle pas en tout état de cause que les conséquences dommageables de la rectification auraient pu lui être évitées.
La décision déférée sera en conséquence partiellement infirmée sur ce point, en ce qu'elle a admis un manquement du cabinet d'expertise à l'origine d'un préjudice pour la société LDV qu'elle a évalué à la somme de 600 euros en réparation d'une perte de chance de ne pas subir la procédure de rectification fiscale, ses propres carences s'avérant être à l'origine de celle-ci.
- à l'égard de la société LDV II
Il a été notifié à la société LDV II deux propositions de rectification les 16 décembre 2005 et 20 mars 2006 au titre de l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée. La comptabilité de la société a été rejetée et il a été procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires. Le tribunal administratif de Paris, confirmé en appel, a en particulier retenu qu'aucune pièce justificative des recettes n'avait pu être présentée par la société lors du contrôle. Il s'est avéré en effet que la société n'avait pas utilisé les bandes de sa caisse enregistreuse pour établir son chiffre d'affaires ; cette omission a été considérée comme délibérée dans le but de minorer l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée.
Dans ces conditions et alors qu'il est présentement admis que le cabinet [J] & [A] n'était pas en charge d'une mission de tenue complète de comptabilité, c'est à tort que la société lui fait grief de ne lui avoir pas réclamé les bandes de caisse.
Mais encore, la société LDV II ne peut sérieusement soutenir avoir méconnu son obligation de conserver les éléments de nature à démontrer que la comptabilité dont la tenue lui incombait avait été établie sur la base de pièces comptables probantes, la conservation des fiches et rouleaux des caisses enregistreuses constituant une obligation légale dont son activité la rendait débitrice. Dès lors, il ne saurait en tout état de cause être fait grief à l'expert comptable d'avoir failli à un devoir de mise en garde à propos d'obligations connues de sa cliente qui n'a pu ignorer le risque par elle encouru de voir rejeter sa comptabilité en cas de contrôle fiscal.
La décision déférée étant confirmée.
Sur les demandes formées dans l'intérêt de monsieur et madame [G]
Aux termes de l'article 1382 du code civil 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.'
Si un manquement contractuel peut être constitutif d'une faute délictuelle à l'égard de tiers à la convention, il reste qu'en l'espèce, aucun manquement dans l'exécution de sa mission n'étant retenu à l'encontre du Cabinet [J] & [A], les demandes des époux [G] ne peuvent qu'être rejetées. La décision déférée étant à cet égard infirmée.
Pour les motifs qui précèdent, les appelants ne peuvent que voir rejetées leurs demandes en paiement de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral, aucune faute n'étant retenue à l'encontre du Cabinet [J] & [A].
Sur les dépens et les frais irrépétibles de prmière instance et d'appel
La solution retenue fonde de confirmer la décision déférée s'agissant des dépens de première instance et de condamner les appelants aux dépens d'appel.
L'équité justifie de confirmer la décision déférée relativement aux frais irrépétibles de première instance, et, dérogeant aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de laisser à la société Covéa Risks l'entière charge de ses frais irrépétibles d'appel, la demande de ce chef formée dans l'intérêt de cette dernière étant donc rejetée.
PAR CES MOTIFS
Infirme la décision rendue le 26 novembre 2014 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'elle a fixé au passif de la société Cabinet [J] et [A] à titre de créances indemnitaires la somme de 600 euros au profit de la sarl Hôtel Léonard de Vinci - LDV - et celle de 500 euros au profit de monsieur [Z] [G] et madame [N] [G], et a condamné la société Covéa Risks au paiement de ces sommes ;
Confirme la décision déférée pour le surplus ;
Condamne la société Hôtel Léonard de Vinci - LDV -, la société Léonard de Vinci II - LDV II -, monsieur [Z] [G] et madame [N] [G] aux dépens d'appel ;
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE
Xavier FLANDIN-BLETY Michèle PICARD