Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 8 mars 2016
(n°150, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/24326
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Novembre 2014 -Président du TGI de MELUN - RG n° 14/00495
APPELANTE
SAS BATIR CONSTRUCTION anciennement dénommée TRADI-ART prise en la personne de son représentant légal Monsieur [V] [S]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 323 934 109
Représentée et assistée de Me Charles GUIEN de la SCP GUIEN LUGNANI & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0488
INTIMEE
SCCV DOMAINE DE LA CITANGUETTE Prise en la personne de son gérant la société ETPE REALISATION elle-même représentée par son gérant Monsieur [F] [E]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 753 472 067
Représentée par Me David BOUAZIZ de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
assistée de Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre et de Madame Evelyne LOUYS, Conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre
Madame Evelyne LOUYS, Conseillère
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Martine ROY-ZENATI, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
La société civile Domaine de la Citanguette a obtenu le 26 septembre 2012 un permis de construire pour l'édification d'un ensemble immobilier de logements et bureaux à [Localité 1]. Ce programme immobilier a été conçu dans le cadre d'une VFA.
Les marchés de travaux ont été passés par corps d'état séparés, et la société Tradi'art devenue la SAS Bâtir Construction s'est vue confier le Gros Oeuvre-Echafaudage, selon contrat du 28 février 2013, portant sur la somme de 1.758.900,98 euros TTC.
La société Bâtir Construction s'est plainte de la méthode employée en cours de chantier.
Les mauvaises relations des parties ont entraîné les 3 et 4 juillet 2014 d'une part une mise en demeure à l'initiative de la société Bâtir Construction de payer le solde des travaux exécutés pour un montant de 217.255,22 euros TTC ainsi que celui de fournir une garantie bancaire pour le montant total du marché et d'autre part la résiliation du marché par la société civile Domaine de la Citanguette.
Un constat contradictoire des travaux exécutés a été effectué par un huissier de justice le 16 juillet 2014.
Le 29 septembre et le 1er octobre 2014, la société Bâtir Construction a fait assigner en référé la société Domaine de la Citanguette et M. [G], architecte, maître d'oeuvre d'exécution, aux fins de désignation d'un expert avec pour mission de décrire l'avancée des travaux jusqu'à la résiliation du contrat et de faire le compte entre les parties, outre de fournir, sous astreinte, une garantie bancaire d'un montant de 1.758.900,98 euros TTC.
Par ordonnance contradictoire du 28 novembre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Melun a notamment fait droit à la demande d'expertise judiciaire de la société Bâtir Construction, désignant à cet effet M. [C] [Q] et a dit n'y avoir lieu à référé sur sa demande de garantie financière, et à application des dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile, chaque partie conservant la charge de ses propres dépens.
La SAS Bâtir Construction a interjeté appel de cette ordonnance le 2 décembre 2014, limité au rejet de sa demande de production de garantie bancaire.
Par ses dernières conclusions transmises le 4 décembre 2015, elle demande à la cour d' infirmer l'ordonnance entreprise sur ce point, sur le fondement de l'article 1799-1 du Code civil, et statuant à nouveau d'ordonner à la société Domaine de la Citanguette, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, de lui fournir une caution bancaire d'un montant de :
* à titre principal, 1.758.900, 98 euros TTC correspondant au montant total du marché convenu,
* à titre subsidiaire, 305.811,17 euros TTC correspondant à la différence entre le montant du marché convenu entre les parties (1.758.900,98 euros TTC) et les sommes payées (1.453.089,88 euros)
* à titre infiniment subsidiaire, 239.629,84 euros TTC correspondant à la différence entre le montant des travaux exécutés facturés par l'entrepreneur (1.692.719,72 euros TTC) et les sommes payées (1.453.089,88 euros)
- et en tout état de cause, de condamner la société Domaine de la Citanguette au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens
Elle fait valoir que la garantie légale de paiement prévue à l'article 1799-1 du Code civil est d'ordre public; qu'elle peut être sollicitée à tout moment quand bien même l'ouvrage aurait déjà été réceptionné, tant que le décompte des travaux n'est pas définitivement arrêté entre les parties et que le marché n'a pas été soldé ; que la résiliation du marché ne peut remettre en cause l'obligation de garantie de la société Domaine de la Citanguette ; que la contestation sur le montant des sommes restant dues et la compensation des créances éventuelles sont sans incidence sur l'obligation de fournir la garantie prévue par cet article ; qu'il en résulte que le premier juge ne pouvait retenir l'existence d'une difficulté sérieuse relative aux nombreux paiement déjà intervenus ou la tardiveté de sa demande de fourniture de la garantie.
Elle soutient encore que tant que les comptes du marché ne sont pas définitivement arrêtés, l'entrepreneur de travaux est en droit d'obtenir la fourniture d'une garantie bancaire à concurrence du montant intégral de son marché, sans que le maître d'ouvrage ne puisse lui opposer la résiliation dudit marché ou le règlement d'acomptes mensuels ; qu'ainsi, le prix du marché initial est l'assiette de la garantie légale indépendamment du moment de la fourniture de celle-ci ; que dès lors, elle est en droit de solliciter la fourniture d'une garantie d'un montant total de 1.758.900, 98 euros TTC correspondant au montant total du marché convenu ou à défaut d'un montant 305.811,17 euros TTC correspondant à la différence entre le montant du marché convenu entre les parties (1.758.900,98 euros TTC) et les sommes payées (1.453.089,88 euros) ou à tout le moins d'un montant de 239.629,84 euros TTC correspondant à la différence entre le montant des travaux exécutés facturés par l'entrepreneur (1.692.719,72 euros TTC) et les sommes payées (1.453.089,88 euros).
Par ses conclusions transmises le 25 février 2015, la société civile Domaine de la Citanguette, intimée, demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise et de condamner la société Bâtir Construction au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle soutient que la société Bâtir Construction ne justifie pas que la garantie financière pour la totalité du marché est causée en raison des nombreux paiements déjà réalisés, sa demande étant intervenue postérieurement aux paiements et dans un contexte de rupture du contrat pour d'autres motifs que le non paiement en fonction de l'état d'avancement des travaux.
SUR CE LA COUR
Considérant qu'aux termes de l'article 809 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ;
Considérant qu'il résulte de l'article 1799-1 du code civil, que le maître d'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent le seuil de 12 000 euros ; que l'application de ces dispositions au marché de travaux liant les parties n'est pas contestée par le maître d'ouvrage, qui discute son obligation de les respecter en raison de contestations qu'il qualifie de sérieuses ;
Considérant que la SCCV Domaine de la Citanguette a adressé à la société Bâtir - Tradi'Art par courrier recommandé du 2 juillet 2014 la résiliation du marché aux torts de l'entreprise ; que c'est par courrier du 3 juillet 2014 que la société Bâtir Construction a mis en demeure le maître d'ouvrage de fournir une caution bancaire garantissant le paiement de ses travaux ;
Considérant que la garantie bancaire peut être demandée par le maître d'oeuvre à tout moment pendant l'exécution du marché ; que la cour constate que durant cette exécution, la société Bâtir construction n'a pas mis en oeuvre la sanction prévue à l'article 1799-1 précité qui lui permettait de surseoir à l'exécution du contrat, mais que sa demande est intervenue alors que le contrat a été résilié pour des motifs qu'il lui appartient de soumettre au juge du fond ; que le marché ayant été résilié, la société Bâtir Construction ne justifie pas que sa demande de fourniture de garantie bancaire repose sur une atteinte à une disposition légale d'ordre public qui lui soit encore applicable, ni par voie de conséquence sur une obligation non sérieusement contestable ; que l'ordonnance sera dès lors confirmée de ce chef, étant rappelé que de par l'effet dévolutif, la cour n'est saisie que de cette demande et ne peut dès lors confirmer l'ordonnance du chef de l'expertise ordonnée ni donner acte à la SCCV Domaine de la Citanguette de ses réserves sur cette mesure ;
Considérant que le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge ;
Qu'à hauteur de cour, il convient de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la Cour ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT