RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 09 Mars 2016
(n° , 08 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/06032
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/04683
APPELANT
Monsieur [S] [I]
né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 1] (49)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne
assisté de Me Anne-sophie HETET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0220
INTIMEES
Société AXA FRANCE IARD
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Antoine SAPPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
Société AXA FRANCE VIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Antoine SAPPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Chantal GUICHARD, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [S] [I] a été engagé par la société urbaine accident devenue UAP, elle-même devenue AXA, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er septembre 1965.
Il a été expatrié à compter du 18 août 1989 en Côte d'Ivoire, puis au Cameroun, y a occupé le poste de directeur général des filiales AXA jusqu'au 31 décembre 2010, date à laquelle il a pris sa retraite.
Le 25 avril 2012, M. [S] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir condamner les sociétés AXA Iard et AXA Vie à régler les cotisations auprès des caisses de retraite principale et complémentaires sur la base du salaire global réellement versé pendant les périodes d'expatriation ou, à titre subsidiaire, à lui verser des dommages-intérêts outre une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés AXA France IARD et AXA France Vie ont d'abord soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes de Paris au profit du conseil de prud'hommes de Nanterre, puis la prescription des demandes. À titre subsidiaire, elles ont conclu au débouté de M. [S] [I] et au paiement d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 3 juin 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a retenu sa compétence territoriale, a débouté M. [S] [I] de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamné aux dépens. Il n'a pas fait droit aux demandes formulées par les sociétés défenderesses sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Appelant de ce jugement, M. [S] [I] demande à la cour de l'infirmer, statuant à nouveau, de condamner les sociétés AXA France Iard et AXA France Vie à régulariser la situation auprès des organismes de retraite et de sécurité sociale et notamment auprès de l'Agirc en tenant compte de l'ensemble des éléments de sa rémunération et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.
Subsidiairement, il sollicite leur condamnation à lui verser une somme de 1'298'569 € au titre des dommages-intérêts représentant son préjudice outre une indemnité de 5000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés AXA France vie et AXA France IARD concluent à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions. Elles soulèvent la prescription s'agissant des demandes de régularisation des cotisations sociales auprès des régimes de retraite pour la période allant du 18 août 1989 au 25 avril 2007, au débouté de M. [S] [I] s'agissant de la demande de régularisation pour la période non prescrite.
Elles considèrent que la demande d'indemnisation de M. [S] [I] au titre de l'Agirc et du RRP constitue un détournement de prescription applicable et s'opposent à toutes ses réclamations.
À titre subsidiaire, elles demandent à la cour de juger que les dispositions relatives à l'extension territoriale «'cas A'» sont inapplicables à M. [S] [I] et concluent à son débouté.
À titre infiniment subsidiaire, elles sollicitent que M. [S] [I] soit condamné à verser les cotisations salariales dont il est débiteur exclusif à l'égard des régimes de retraite en cas de régularisation de sa situation par les sociétés et propose que son préjudice soit ramené à de plus justes proportions en ce que les dommages-intérêts à lui revenir ne pourraient être supérieurs à la somme de 260'376,13 euros.
Elles relèvent que l'appelant ne vise que l'ARGIRC et le RRP dans ses demandes et s'opposent à toute demande générale relative aux organismes de retraite et de sécurité sociale.
Elles réclament enfin une indemnité de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS
Sur la demande de régularisation';
M. [S] [I] reproche à ses employeurs d'avoir cotisé au titre des régimes de retraite sur la base de son salaire de référence sans avoir intégré dans l'assiette des cotisations les avantages salariaux dont il a bénéficié au cours de sa période d'expatriation et conclut à la condamnation de ceux-ci au paiement des cotisations dues pour la part des avantages non intégrés pour l'ensemble de la période d'expatriation.
Sur le moyen tiré de la prescription de la demande de régularisation du paiement des cotisations';
Les sociétés AXA France Vie et AXA France Iard soulèvent la prescription des demandes de régularisation du paiement des dites cotisations RRP-Crepsa et pour les cotisations Agirc au moins pour la période antérieure au 25 Avril 2007.
M. [S] [I] considère que la prescription trentenaire de l'article 2262 du Code civil en vigueur au moment des faits était applicable à l'obligation de l'employeur de régler les cotisations découlant de l'affiliation du personnel à un régime de retraite.
Toutefois, dans le cas d'espèce, il n'est pas reproché aux employeurs d'avoir failli à leur obligation d'affiliation et de paiement de cotisations, la réclamation présentée portant sur une demande en paiement de cotisations complémentaires à raison d'une contestation en lien avec l'assiette de calcul des dites cotisations.
Or, dès lors que M. [I] ne serait plus recevable à formuler des demandes en paiement de salaires ou de sommes afférentes aux salaires au motif qu'il serait forclos pour ces demandes, l'action en paiement de cotisations complémentaires de retraite assises sur les dits salaires est nécessairement prescrite pour la période antérieure au 25 avril 2007, le conseil de prud'hommes ayant été saisi le 25 avril 2012.
S'agissant des demandes de régularisation au titre du régime RRP-Crepsa', M. [S] [I] lui-même explique que ce régime a été fermé le 31 décembre 1995. Toute demande de régularisation de paiement des cotisations au titre de ce régime est donc prescrite.
En revanche pour les cotisations Agirc, M. [I] n'est pas forclos en ce qui concerne sa demande de régularisation pour la période postérieure au 25 avril 2007.
Sur la demande de régularisation des paiements des cotisations Agirc pour la période postérieure au 25 avril 2007';
Pour déterminer l'assiette des cotisations à retenir pour la période postérieure au 25 avril 2007, il y a lieu de cerner le régime applicable pour ces cotisations Agirc, étant relevé que l'employeur soutient que seul l'engagement contractuel pris aux termes du contrat du 1er décembre 1999 lui est opposable, la convention collective relative à l'Agirc n'étant pas applicable au cas d'espèce, à défaut d'un accord de la majorité des expatriés pour son extension territoriale aux cadres relevant du cas A comme M. [I].
Il est constant que M. [S] [I] a été engagé par la société Urbaine Accidents, le 1er septembre 1965.
À compter du 18 août 1989, il a été expatrié d'abord en Côte d'Ivoire, en qualité de directeur général adjoint de l'union africaine IARD filiale de l'UAP, puis de directeur général de l'Union Africaine Vie, jusqu'en décembre 1999.
Il a ensuite occupé le poste de directeur général de la filiale d'AXA au Cameroun à compter du 1er janvier 2000 jusqu'au 31 décembre 2010, soit au cours de la période en cause.
Le contrat de travail d'expatriation signé par les deux parties le 1er décembre 1999 établit que M. [S] [I] était transféré sous le statut d'expatrié au regard de la sécurité sociale française, que le GIE AXA demeurait la société de rattachement et à ce titre, le seul employeur responsable du suivi ultérieur de sa carrière, qu'il serait rémunéré et géré administrativement par AXA assurances au Cameroun pour la durée de la mission. Il était expressément indiqué que «'le salarié restait rattaché à la convention nationale de travail du personnel des sociétés d'assurances'».
Aux termes de la rubrique relative à la protection sociale, il était expressément prévu que toutes les dispositions nécessaires étaient prises par l'entité de rattachement pour sauvegarder les droits à la retraite, qu'à cet effet, le salarié était inscrit à la Caisse des Français de l'étranger, de retraite complémentaire en vigueur à AXA conformément à l'article 3 de la convention de retraite et de prévoyance du personnel des sociétés d'assurances du 5 mars 1962, au fonds de pension de la profession. Il était spécifié que pour tous ces régimes, le salaire de référence servirait d'assiette pour le calcul des droits des cotisations réciproques, l'ensemble des cotisations afférentes à ces régimes étant pris en charge par l'entité de rattachement.
Plusieurs clauses distinctes visent la prévoyance (incapacité, invalidité, décès,) la santé, le rapatriement sanitaire, l'assistance ainsi que le chômage.
La convention collective nationale des sociétés d'assurance du 27 mai 1992, postérieure à l'accord du 5 mars 1962, applicable non seulement aux salariés des entreprises ou organismes visés à l'article 1er exerçant leur activité professionnelle en France métropolitaine mais encore aux salariés de ces mêmes entreprises exerçant leurs fonctions en dehors de la France métropolitaine dès lors que leur contrat de travail avait été signé sur le territoire métropolitain, ainsi que le stipule son article 2, précise aux termes de l'article 94 que «'ces personnels bénéficient des régimes professionnels de retraite et de prévoyance institués sur le plan de la profession par la convention de retraite et de prévoyance du personnel des sociétés d'assurances du 5 mars 1962 et les règlements qui en constituent les annexes, compte tenu des modifications qui leur ont été ou qui leur seront apportées. Les organismes et entreprises définis à l'article 1er sont tenues d'affilier le personnel à ces régimes dans les conditions fixées par la convention du 5 mars 1962 précitée ».
L'article 3 de la convention collective nationale des sociétés d'assurance du 27 mai 1992 prévoit que 'les textes législatifs, réglementaires et les conventions interprofessionnelles prévalent sur les dispositions de cette convention sauf dérogation autorisée par ces textes et expressément prévue par la convention elle-même'.
Il s'en déduit que si l'obligation d'affiliation aux différents régimes y compris celui de l'Agirc, telle qu'elle avait déjà été posée aux termes de l'accord du 5 mars 1962 est confirmée par la convention collective des sociétés des assurances du 27 mai 1992, le régime applicable pour le calcul des cotisations Agirc est à partir de 1992, celui que définissait la convention interprofessionnelle Agirc du 14 mars 1947, cette dernière n'autorisant aucune dérogation particulière et spécifique pour les personnels des sociétés d'assurances et plus spécialement l'application des dispositions résultant des articles 6 et 16 de l'accord du 5 mars 1962.
Par ailleurs, l'extension territoriale prévue par la délibération 17 annexée à la convention collective nationale de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 était applicable, non obstant le moyen tiré de la nécessité d'un accord donné par la majorité des salariés expatriés à cette extension conformément à l'article 16 de cette convention interprofessionnelle, puisque l'affiliation des personnels d'assurances travaillant hors le territoire métropolitain mais ayant signé leur contrat sur le territoire métropolitain était expressément prévue par les dispositions combinées de la convention collective du 27 mai 1992 et de l'accord collectif du 5 mars 1962.
Toutefois, la délibération 5 de la dite convention interprofessionnelle du 14 mars 1947 a fait l'objet d'une modification en 1996, puisqu'elle prévoit que « pour les agents dont l'activité s'exerce hors de France, les cotisations sont calculées pour :
- les salariés concernés par une extension territoriale cas A : base du salaire qui aurait été perçu en France pour les fonctions correspondantes éventuellement augmenté de tout ou partie des primes et avantages en nature ainsi que prévu dans le contrat d'expatriation [...] ».
Aux termes du contrat du 1er décembre 1999, il était prévu que les cotisations seraient calculées à partir du salaire de référence, sans aucune augmentation de tout ou partie des avantages en nature.
M. [S] [I] invoque l'obligation d'information pesant sur l'employeur s'agissant de sa situation au regard de la protection sociale pendant la durée de son expatriation et relève que l'employeur ne lui a pas notifié la modification de la délibération 5 de l'Agirc. Il fait valoir que l'intitulé des conventions collectives ne figurait pas sur les bulletins de salaire, qu'aucun avis n'était affiché sur les différents lieux de travail, que les contrats n'explicitaient pas de manière précise l'application concrète des dispositions en faveur des expatriés. Il estime avoir été induit en erreur sur l'étendue de ses droits à la retraite.
Il est exact que l'employeur est tenu d'une obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail et doit informer le salarié expatrié, avant son départ, de sa situation au regard de la protection sociale pendant la durée de son expatriation.
S'agissant du contrat de travail signé le 1er décembre 1999, la cour relève que les dispositions contractuelles étaient en conformité avec la délibération 5 de l'Agirc dans sa rédaction issue de la révision de 1996, antérieure à la signature de ce contrat et que le salarié ne conteste pas avoir eu accès au guide de l'expatrié.
En dernier état, M. [S] [I] considère que le salaire de référence ne correspond en rien au salaire qu'il aurait perçu en France pour des fonctions correspondantes dès lors qu'il aurait dû bénéficier du salaire et des avantages en nature d'un cadre dirigeant de filiale d'une grande compagnie d'assurances française.
Il explique qu'il a exercé des fonctions de direction générale de filiale, de représentation générale, qu'il était par ailleurs administrateur des filiales du groupe de Côte d'Ivoire et du Sénégal pendant toute la durée de son expatriation au Cameroun, que les cadres exerçant des fonctions similaires de direction générale de filiales en France bénéficient eux aussi de rémunérations complémentaires telles des bonus, des primes, des stock-options et des avantages en nature importants tels le logement, le véhicule de fonction qui sont tous inclus dans les assiettes de cotisations, ce dont il ne justifie pas et que contestent les intimées.
Il soutient que la rémunération globale pour une telle responsabilité en France n'est pas inférieure à 130'000 euros voire 150'000 € par an.
Il estime que le salaire de référence ne reflète qu'une rémunération théorique de cadre moyen resté en France au sein d'un grand groupe, sans autonomie, sans grand pouvoir de décision et sans risques professionnels. Il renvoie à la charte de mobilité internationale de l'UAP rédigée le 3 novembre 1993 qui rappelle que le développement de la compagnie est dû en partie à ses expatriés, que la mobilité internationale concerne les cadres à fort potentiel de développement professionnel, qu'il s'agit de responsabilités de haut niveau d'expertise, de direction confiées aux salariés les plus performants.
Il expose que sa dernière classification avant son départ en 1989 était classe 7, soit la dernière avant le corps directorial.
Si M. [S] [I] revendique l'application d'un salaire de référence de cadre dirigeant, il n'apporte en réalité aucun élément de comparaison pour établir non seulement les différences de rémunération mais aussi pour caractériser et permettre de comparer la réalité de ses sphères de responsabilités avec celles des cadres dirigeants de filiales en France.
La cour relève qu'AXA France emploie plus de 10'000 salariés, que M. [S] [I] n'apporte pas de contradiction pertinente au fait que les filiales emploient 74 salariés en Côte d'Ivoire et 87 salariés au Cameroun, soit l'équivalent d'un service ou d'un département du groupe situé en France.
Il ne prétend pas avoir participé au Codir ou au comité exécutif du groupe et ainsi avoir participé à l'orientation stratégique de celui ci.
La lettre de mission de M. [S] [I] et le guide de l'expatriation établi à destination des collaborateurs rappelaient que le salaire de référence fixé par la société d'origine était lié au poste occupé en France et au positionnement du marché, et permettrait de définir la rémunération minimale garantie en cas de retour.
D'après les pièces communiquées, le salaire de référence de M. [S] [I] en novembre 1999, lors de son départ au Cameroun correspondait à 67'982,93 euros soit 5665,24 euros par mois alors que le minimum conventionnel applicable à la classe 7 en 2001, soit deux ans plus tard, était de 43'647 € annuels, soit 3637,25 euros par mois.
Le salaire de référence de M. [S] [I] était donc supérieur au minimum de sa classification professionnelle, à tout le moins, dans la moyenne de celui d'un salarié de classe 7 ayant son ancienneté.
Dans ces conditions, M. [S] [I] ne ne peut voir sa demande de régularisation des cotisations Agirc pour la période du 25 avril 2007 au 31 décembre 2010 prospérer.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices';
À titre subsidiaire, pour la période pour laquelle il est forclos en sa demande de régularisation de paiement des cotisations, M. [S] [I] sollicite des dommages-intérêts alléguant d'un préjudice né de la perte des droits correspondant aux cotisations non versées pendant les années au cours desquelles il a bénéficié d'un contrat d'expatriation.
Les sociétés AXA France Iard et AXA France Vie soutiennent que cette demande consiste à détourner l'application de la prescription quinquennale applicable à la demande principale de régularisation de paiement des cotisations.
Toutefois, l'action du salarié en réparation d'un préjudice allégué résultant selon lui de la faute de l'employeur consistant à n'avoir pas satisfait à son obligation de régler l'intégralité des cotisations découlant de son affiliation à un régime de retraite découle d'un manquement de l'une des parties à une obligation contractuelle. Elle est en conséquence soumise à la prescription de droit commun.
Dans la mesure où la perte de chance d'obtenir une retraite plus élevée n'a pu être appréhendée qu'au moment où M. [I] a eu connaissance de ses droits à la retraite lors de leur liquidation, c'est à cette date qu'est fixé le point de départ du délai de prescription, en l'occurrence le 31 décembre 2010.
M. [I] n'est donc pas forclos en sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance d'obtenir une retraite plus élevée.
Pour déterminer la réalité d'une perte de chance d'obtenir une retraite plus élevée, il y lieu de déterminer le régime applicable au contrat d'expatriation signé le 18 août 1989, les sociétés intimées insistant pour soutenir qu'elles n'étaient tenues que par les termes de l'engagement pris dans le contrat signé par les parties.
Lors de la signature du premier contrat d'expatriation du 18 août 1989, la convention de retraite et de prévoyance du personnel des sociétés d'assurances du 5 mars 1962 en son article 8 faisait obligation à l'employeur d'affilier aux différents régimes, le personnel répondant aux conditions stipulées par chacun d'eux, de verser dans les délais indiqués les cotisations fixées par la présente convention [...]. Les cadres exerçant une activité en France métropolitaine ou dont le contrat de travail a été signé au conclu sur le territoire de celle-ci, étaient spécialement concernés par ce dispositif ainsi que le précisait l'article 3 de cet accord de 1962.
L'article 6 stipulait que pour chaque membre du personnel, le traitement pris en considération est le salaire réel total de l'intéressé tel qu'il résulte de la réglementation et des usages en vigueur et compte tenu des précisions apportées pour chacun des régimes.
L'article 16 du titre III de la convention de retraite et de prévoyance plus spécialement relatif au régime de retraite de l'Agirc précisait que le traitement servant de base au calcul des cotisations déterminé comme il est dit à l'article 5 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 est la rémunération brute servant de base à la déclaration des traitements et salaire fourni chaque année par l'employeur à l'administration des contributions directes en vue de l'établissement des impôts sur le revenu une fois opérée les abattements éventuels pour frais professionnels.
L'article 5 de la dite convention collective du 14 mars 1947 précise que les cotisations sont calculées sur les éléments de rémunération entrant dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale telle que définie à l'article L. 242-1 du code de sécurité sociale.
Ce dernier texte légal dispose que sont prises en compte toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou dans les conditions fixées au titre III. à l'occasion du travail, notamment les salaires ou bien, les indemnités de congés payés,[...] les indemnités, primes gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature[...].
Ainsi, il découle de cet accord de 1962, que non seulement l'affiliation du salarié à l'Agirc était obligatoire dès lors que le contrat d'expatriation avait été signé sur le territoire français comme cela a été le cas en l'espèce, mais encore, que l'assiette des cotisations était clairement définie comme devant correspondre à celle que fixait l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, pour tous les salariés concernés y compris ceux qui devait travailler hors le territoire métropolitain mais ayant signé leur contrat de travail en France.
Lors de la signature du contrat en 1989, l'accord de 1962 obligeait l'employeur à affilier le salarié à l'Agirc, mais aussi à régler les cotisations afférentes compte tenu d'une assiette prenant en compte l'ensemble des éléments de salaire du salarié en ce compris les avantages en nature.
Il en était de même pour les cotisations RRP-Crepsa.
Dans ces conditions, M. [I] est fondé à se prévaloir d'une perte de chance d'obtenir une retraite plus élevée si les cotisations Agirc avaient été réglées sur la période du 18 août 1989 au 30 novembre 1999, avec comme assiette de calcul l'ensemble des éléments de la rémunération perçus en ce compris les avantages en nature étant observé que l'employeur ne peut se prévaloir des dispositions de la délibération 5 à compter de 1996, en cours d'exécution du contrat, le salarié n'ayant pas été informé de cette modification.
S'agissant des cotisations RRP-crepsa, la perte de chance couvre les droits acquis pour la période du 18 août 1989 à la fermeture des droits au 31 décembre 1995.
La perte de chance de M. [I] d'obtenir une retraite plus élevée, si au cours du premier contrat d'expatriation, les cotisations avaient été calculées sur l'ensemble de la rémunération perçue en ce compris les avantages en nature, sera compte tenu des éléments d'appréciation produits de part et d'autre, fixée à la somme de 330 000 euros.
Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
L'équité commande d' accorder à M. [I] une indemnité de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés AXA France Iard et AXA France Vie qui succombent dans la présente instance seront déboutées de leur demande à ce titre et condamnées aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes de régularisation de paiement des cotisations auprès des caisses de retraite,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne les sociétés AXA France Iard et AXA France Vie à verser à M. [I] les sommes suivantes ;
- 330 000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir une retraite plus élevée,
- 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les sociétés AXA France Iard et AXA France Vie de leurs demandes d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne les sociétés AXA France Iard et AXA France Vie aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT