Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 09 MARS 2016
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/22051
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011037417
APPELANTE
SARL PUBLIMAG DECO
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 971 .20 0.5 55
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Michel MIORINI de la SELAS MIORINI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIMÉE
SAS GROUPE ALTAX
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 429 .31 3.2 57
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Grégory COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1263
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Janvier 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, chargée du rapport et Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de chambre, rédacteur
Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère
Monsieur François THOMAS, Conseiller
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 28 juin 2013 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- dit valable la convention signée le 10 novembre 2009,
- débouté la société Publimag deco de toutes ses demandes,
- condamné la société Publimag deco à payer à la société Groupe Altax les sommes de :
22 635,97 euros TTC au titre des factures impayées, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2010,
3 395,39 euros TTC au titre de l'indemnité contractuelle de 15 %,
2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Publimag deco aux dépens ;
Vu l'appel relevé par la société Publimag deco et ses dernières conclusions signifiées le 1er août 2014 par lesquelles elle demande à la cour, de :
- réformer le jugement en tous points et, statuant à nouveau :
à titre principal, constater la nullité de la convention passée avec Groupe Altax en vertu de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971,
à titre subsidiaire, constater que la prestation du Groupe Altax ne lui a apporté aucun savoir faire,
- en tout état de cause :
condamner Groupe Altax à lui payer la somme de 37 008,58 euros correspondant au montant qu'elle lui a versé au titre des condamnations prononcées avec exécution provisoire,
débouter Groupe Altax de toutes ses demandes,
condamner Groupe Altax aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu les dernières conclusions signifiées le 20 mars 2014 par la société Groupe Altax qui demande à la cour, au visa de l'article 1134 du code civil, de :
- confirmer le jugement ,
- condamner la société Publimag deco aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- 'prononcer l'exécution provisoire'.
SUR CE LA COUR
Considérant que suivant convention intitulée 'Audit de taxe professionnelle', signée le 10 novembre 2009, la société Groupe Altax s'est engagée envers la société Publimag deco à effectuer pour son compte l'analyse des critères de calcul de la taxe professionnelle à laquelle elle est assujettie et, aux termes des travaux, à présenter et défendre en personne le rapport d'audit à l'administration fiscale compétente; que l'article 4 de cette convention prévoyait une rémunération calculée sur un pourcentage dégressif des dégrèvement, réductions, effets des plafonnements et crédits d'impôts obtenus et à venir provenant d l'audit du Groupe Altax;
Que la société Groupe Altax a facturé à la société Publimag deco la somme de 22.178,86 euros TTC le 22 décembre 2009 et celle de 457,11 euros TTC le 29 mars 2010 pour dégrèvements de taxe professionnelle au titre des années 2008 et 2009; que le 6 octobre 2010, elle l'a mise en demeure de payer la somme totale de 22.635,97 euros TTC outre l'indemnité de 15 % prévue au contrat en cas de non paiement des factures pendant plus d'un mois;
Que n'obtenant pas satisfaction, la société Goupe Altax a saisi le tribunal de commerce de Paris qui, par le jugement déféré, a déclaré valable la convention du 10 novembre 2009 et a condamné la société Publimag deco au paiement des sommes réclamées;
Considérant que la société Publimag deco, appelante, soutient à titre principal, en invoquant notamment deux arrêts de la cour de cassation des 19 juin 2013 et 15 novembre 2010 :
- que la convention litigieuse qui consiste à analyser les critères de calcul de la taxe professionnelle à laquelle elle est assujettie équivaut principalement à délivrer une prestation à caractère juridique et non technique,
- qu'une telle activité juridique n'est autorisée pour les non membres des professions juridiques réglementées qu'à titre accessoire par application des article 54 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971,
- qu'en l'espèce, le contrat porte de manière principale et non pas accessoire sur une prestation juridique ;
Qu'à titre subsidiaire, pour prétendre que la société Groupe Altax ne lui a apporté aucun savoir faire ni bénéfice, l'appelante expose :
- qu'avec l'aide de son expert-comptable, elle a obtenu des dégrèvements fiscaux importants en 2004, 2005, 2006, 2009 et 2010,
- que si la société intimée avait négocié le contrat de bonne foi, elle aurait exclu de sa mission les possibilités de dégrèvements offertes habituellement par son cabinet comptable,
- qu'à tout le moins, la société intimée est mal fondée à solliciter une indemnisation au titre des prestations invoquées ;
Considérant que la société Groupe Altax souligne qu'elle a parfaitement exécuté sa mission en obtenant des dégrèvements ; qu'elle conclut à la validité de la convention en faisant valoir :
- qu'elle justifie d'un agrément OPQCM 'Finances-audit et gestion des risques financiers et d'assurances' depuis 2005, ce domaine de qualification comprenant notamment les activités liées à l'optimisation des coûts liés à l'ingénierie financière, fiscale, des achats et sociale,
- que l'aspect juridique de l'audit d'entreprise constitue l'accessoire nécessaire de son activité,
- qu'elle dispose de l'agrément prévu par l'article 60 de la loi pré-citée,
- que sa prestation ne s'analyse pas en une consultation juridique, puisqu'elle adressait directement les demandes de dégrèvements à l'administration fiscale, sans solliciter l'avis de la société Publimag deco,
- que la loi du 31 décembre 1971 interdit simplement de donner des consultations juridiques aux personnes ne remplissant pas les critères prévus en son article 54, mais n'interdit à aucun moment la prestation à caractère juridique,
- que l'appelante ne peut utilement se prévaloir d'un arrêt de la cour de cassation du 15 novembre 2010 dans une affaire opposant la société Alma consulting group à la société Tycom, le contrat étant différent s'agissant d'un audit de tarification des risques d'accident du travail ;
Que l'intimée ajoute, pour le cas où la nullité de la convention serait prononcée, que la remise des parties dans leur état antérieur se révèle impossible et que la société Publimag deco qui a bénéficié de la prestation doit s'acquitter du prix correspondant; qu'elle allègue encore subir un préjudice certain pour avoir exécuté les prestations qui ont enrichi la société Publimag deco et demande en conséquence son indemnisation à hauteur de la somme de 22 635,97 euros TTC outre celle de 3 395,39 euros ;
Considérant, cela exposé, que l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dispose que nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé pour autrui s'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique appropriée à la consultation et à la rédaction d'actes en matière juridique qu'il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66 de cette loi ;
Que l'article 60 dispose : ' Les personnes exerçant une activité professionnelle non réglementée pour laquelle elles justifient d'une qualification reconnue par l'Etat ou un organisme professionnel agréé peuvent, dans la limite de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité ;
Que si la société Groupe Altax est titulaire d'un agrément délivré par l'Office professionnel de qualification des conseils en management ( OPQCM), elle n'est habilitée à donner des consultations juridiques que relevant directement de son activité principale de conseil en management ; qu'en l'espèce, les prestations de la société Groupe Altax, impliquant la détermination de la taxe professionnelle due au regard de la réglementation en vigueur, ne se limitaient pas à une simple consultation ; que de surcroît, la société intimée s'était fait remettre un mandat de représentation et, aux termes du contrat, son mandant ne pouvait s'opposer à la saisine du tribunal administratif si elle l'estimait nécessaire; que sa mission s'analyse en une prestation à caractère juridique relevant des seules professions réglementées et qu'elle n'était pas en droit d'exercer; qu'en conséquence le contrat signé le 10 novembre 2009 doit être déclaré nul ;
Considérant cependant que le contrat a été exécuté et que les parties ne peuvent être remises dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant son exécution ;
Que la société Publimag deco ne peut utilement se prévaloir de dégrèvements obtenus par l'intervention de son expert-comptable; qu'en effet, l'article 3 du contrat stipulait que pendant sa durée, elle ne pourrait arrêter la mission ou engager toute autre démarche tendant aux mêmes fins que celles visées par la société Groupe Altax; que son article 1 prévoyait encore qu'elle ne pourrait se prévaloir de 'connaître ou avoir eu connaissance des possibilités de dégrèvements ou/et d'économies si ces dernières n'ont pas été au préalable exclues du champ de la mission'; qu'en tout état de cause, la société Publimag deco ne démontre aucune mauvaise foi de la société Groupe Altax lors de la négociation du contrat; que la société Publimag deco, qui a bénéficié des prestations de la société intimée qu'elle ne peut restituer, sera condamnée à lui payer le coût de ces prestations, soit la somme de 22 635,97 euros avec intérêts au taux légal à compter 6 octobre 2010 ; que pour le surplus, la demande de la société Groupe Altax correspondant à une majoration contractuelle doit être rejetée ;
Considérant que chacune des partie qui succombe partiellement en ses prétentions gardera la charge de ses dépens; que leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées;
Qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement et, statuant à nouveau :
DÉCLARE nulle la convention du 10 novembre 2009,
CONDAMNE la société Publimag deco à payer à la société Groupe Altax la somme de 22 635,97 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2010,
DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,
DIT n'y avoir lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire,
DIT que chacune des parties gardera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
Le GreffierLa Présidente
Vincent BRÉANTFrançoise COCCHIELLO