Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 09 MARS 2016
(n° , 06 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03879
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Janvier 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011041345
APPELANTE
SARL CONVIVIUM DEVELOPPEMENT, anciennement dénommée POINT CARRE, exploitant sous l'enseigne CONVIVIUM, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Thierry MARTINEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1522
INTIMÉE
SARL AREA, prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 394 233 506
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Gilles BENCHETRIT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0092
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Janvier 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre
Madame Anne-Marie GALLEN, présidente
Madame Brigitte CHOKRON, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : lors des débats : Madame Orokia OUEDRAOGO
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière.
********
Faits et procédure :
Suivant acte sous seing privé en date du 26 mai 2010, la société Point Carré, devenue société Convivium Développement, a consenti à la société Area un mandat sans exclusivité tendant à la cession de son droit au bail sur des locaux à usage commercial situés [Adresse 3] dans le 16ème arrondissement de Paris, moyennant une rémunération de 350.000 euros HT pour le mandataire dont 200.000 euros à la charge de l'acquéreur et 150.000 euros à la charge du vendeur.
Le 2 juin 2010, la société Area a reçu d'une société Sarjel une offre d'achat pour un prix de 5.418.600 euros, équivalent au montant figurant au mandat du 26 mai 2010.
Suite à une mise en demeure adressée du 22 octobre 2010 restée infructueuse, la société Area a fait assigner à la société Convivium Développement devant le tribunal de commerce de Paris par acte d'huissier du 19 mai 2011, en réparation du préjudice résultant de l'absence de règlement de ses honoraires, faisant valoir qu'il relevait de la seule responsabilité de la société Convivium Développement de ne pas avoir contracté avec la société Sarjel en vue de la cession de son fonds et que la rémunération du mandataire immobilier était due.
La société Convivium Développement a soutenu à titre principal que le contrat de mandat était nul et à titre subsidiaire que l'offre de la société Sarjel n'était pas conforme aux stipulations contractuelles.
Par jugement en date du 23 janvier 2014, le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Convivium Développement de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamné la société Convivium Développement au paiement de la somme de 350.000 euros à titre de dommages et intérêts à la société Area, outre intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2011,
- condamné la société Convivium Développement à payer à la société Area la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Convivium Développement aux dépens.
La société Convivium Développement a relevé appel de ce jugement le 20 février 2014. Par ses dernières conclusions signifiées le 16 mai 2014 au visa des articles 1998 à 2002 du code civil, elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris,
- constater que l'offre du 2 juin 2010 n'est pas conforme aux conditions prévues par le mandat du 26 mai 2010,
- dire en conséquence qu'elle n'a commis aucune faute contractuelle susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de la société Area, mandataire, pour n'avoir pas régularisé la cession de droit au bail litigieux avec la société Sarjel, auteur de l'offre non conforme,
- débouter en conséquence la société Area de sa demande de dommages intérêts,
- condamner la société Area à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont le montant sera recouvré par la SCP Mireille Garnier conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
Par ses dernières conclusions signifiées le 11 juillet 2014 au visa des articles 1134, 1147, 1984 et suivants du code civil, la société Area demande à la cour de :
- débouter la société appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Convivium Développement à lui payer la somme de 350.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2011, date de la mise en demeure,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal,
- allouer une indemnité complémentaire de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
- condamner la société Convivium Développement aux dépens, dont le montant sera recouvré par Me Benchetrit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE,
La société Convivium Développement soutient que l'offre de la société Sarjel du 2 juin 2010 n'était pas conforme aux stipulations du mandat donné à la société Area, de trouver un candidat acquéreur du droit au bail pour l'exercice d'une activité de restaurant, salon de thé, alors que l'offre portait sur l'achat d'un fonds de commerce d'alimentation générale sous une enseigne nationale 'ou toutes activités autorisées par le bail', qu'en l'absence de versement d'une somme correspondant à 10 % du prix de cession fixé au mandat, la clause « séquestre » n'avait pas été respectée, qu'il relevait des obligations du mandataire de faire préciser au mandant le séquestre à saisir le cas échéant. Elle reproche au jugement d'avoir considéré qu'elle avait accepté de reporter le versement de cet acompte au jour de la signature alors qu'aucun élément du débat n'atteste de sa renonciation au versement préalable des 10 % du prix de cession ;
Elle ajoute :
- que le gérant de la société Area était personnellement informé de l'engagement pris par la société Convivium Développement auprès d'un tiers cessionnaire depuis le 12 avril 2010,
- que les courriers des 24 juin et 22 octobre 2010 attestent de cette connaissance tant de l'identité du tiers cessionnaire que des conditions de la cession elle-même,
- que divers documents juridiques, administratifs et fiscaux relatifs au droit au bail objet de la cession avaient été remis à la société Area afin de lui permettre d'exercer sa mission,
- qu'en conséquence, le défaut d'information retenue par les premiers juges n'est pas opérant.
Elle ajoute que le courrier du 24 juin 2010, en ce qu'il mentionne la signature d'une éventuelle promesse de vente, est toutefois mensonger et qu'elle n'avait pas implicitement considéré l'offre du 2 juin 2010 conforme aux stipulations du mandat en se rendant à la réunion du 18 juin 2010 avec la société Sarjel.
En toute hypothèse, elle soutient que la société Area ne démontre pas la réalité du préjudice allégué, et ce d'autant que la société Area ne bénéficiait pas d'un mandat exclusif.
La société Area fait valoir au contraire que la société mandante a reçu une offre conforme aux stipulations du mandat dans le délai imparti et que cette dernière a bien communiqué à l'offrant les pièces habituellement nécessaires à l'élaboration d'une promesse de cession de droit au bail ou de fonds de commerce de sorte que la rémunération de l'intermédiaire immobilier est due au titre de l'exécution du mandat.
Elle sollicite principalement le paiement de ses honoraires ou à titre subsidiaire le versement de dommages et intérêts correspondant au montant de la commission contractuellement prévue.
Elle soutient :
- qu'elle n'a pas été tenue informée de l'intention de la société Convivium Développement de contracter avec un tiers en dépit des stipulations de l'article 4 du mandat, ce qui n'est attesté par aucun élément,
- que l'engagement du 12 avril 2010 ne comporte aucune date certaine et n'a pas été enregistré dans les conditions de l'article 1589 al 2 du code civil, de sorte qu'il ne peut constituer un début de commencement de preuve par écrit,
- qu'en toute hypothèse au 31 juillet 2010, date d'expiration de l'engagement du 12 avril 2010, aucune cession n'était consentie de sorte que la société Convivium Développement se trouvait libre de contracter avec la société Sarjel,
- que la société Convivium Développement est donc responsable du refus de contracter avec la société Sarjel et doit indemniser l'agent immobilier qui a satisfait aux obligations du mandat.
En date du 26 mai 2010 la SARL Point Carré devenue Convivium Developpement a donné mandat non exclusif à la société immobiliére Area de céder le droit au bail dont elle était titulaire sur des locaux désignés dans l'acte comme étant des magasins , restaurant sis [Adresse 2], l'activité autorisée étant celle de restaurant, salon de thé en principal, au prix de 5 418 600€ rémunération du mandataire comprise, précision faite que le cessionnaire devra à l'appui de son offre effectuer un versement d'un montant maximum de 10 % du prix total de la cession à l'ordre du séquestre désigné à cet effet, la rémunération du mandataire étant de 418 600€ TTC soit 200 000€ HT par l'acquéreur et 150 000€ HT par le vendeur.
Le mandat avait une durée de trois mois, pouvant être reconduit tacitement pour une durée d'une année maximale au terme de laquelle il devait prendre fin.
Suivant courrier en date du 2 juin 2010, la société Sarjel a, après visite des locaux, offert d'acquérir pour elle-même ou toute société qui lui serait substituée, le droit au bail pour l'exercice d'une activité de magasin d'alimentation générale sous une enseigne nationale ou le fonds de commerce pour l'exercice des activités autorisées au bail (celle de restaurant) au prix de 5 418 600€ incluant la rémunération du mandataire à hauteur de 418 600€, le prix étant payable au jour de la signature de l'acte définitif, la promesse ne devant pas comporter de condition suspensive de prêt, étant précisé que l'occupation des lieux résulte de trois baux à usage commercial dont le loyer ne devra pas dépasser 330 000€ /an HC et HT ;
Par courrier adressé à la société Point Carré le 24 juin 2010, la société Area, après avoir relaté les entretiens et réunion effectués, rappelé la remise par la société Point Carré des documents nécessaires à l'élaboration de l'acte de promesse de vente (bail, avenants, quittances de loyers, montant du dépôt de garantie ...) a indiqué que la signature de la promesse de vente a été fixée au 18 juin 2010, date à laquelle la société Point Carré s'est présentée en compagnie de son avocat pour signer la promesse dans les locaux de l'avocat de l'acquéreur mais que celle-ci a fait connaître son refus de signer en raison de l'existence d'une lettre d'engagement à l'examen de laquelle les avocats ont préféré surseoir à la signature de la promesse et reporter le rendez-vous de signature qui n'a pas eu lieu en définitive,
Cette lettre portant dates des 14 févier 2010 et 12 avril 2010 consiste en l'engagement de la société Point Carré de céder à la société Franprix expansion les droits au bail des divers locaux qu'elle exploite [Adresse 5] ou est exploité un fonds de commerce de restauration moyennant le prix de 4 750 000€, la cession définitive étant prévue sous diverses conditions suspensives et notamment l'agrément par les bailleurs des cessions au profit de toute société appartenant au Groupe Casino Perrachon ou de toute société détenue directement ou indirectement par [Y] [L] ou dans laquelle celui-ci détient une participation.
Cet engagement a donné lieu à la signature ensuite en février 2011 d'une convention de cession entre la société Point Carré et la société Victor Hugo distribution représentée par son président MYA financière d'exploitation représentée elle-même par M. [L].
L'offre de la société Sarjel portait comme l'a souligné le tribunal soit sur le droit au bail pour l'exercice d'un magasin d'alimentation générale soit sur le fonds de commerce de restauration incluant le droit au bail de celui-ci de sorte que la société aujourd'hui Convivium Développement est mal fondée à invoquer que l'offre n'était pas conforme à l'objet du mandat donné à la société Area.
La société Point Carré aujourd'hui Convivium Développement est mal venue au surplus à prétendre que le rendez vous du 18 juin 2010 n'était pas prévue comme étant celui de la signature de la promesse de vente alors qu'elle n'a pas protesté à réception du courrier de la société Area du 24 juin 2010 contre la solennité de cette date présentée comme celle de la signature de la promesse et à laquelle les parties étaient accompagnées de leurs avocats.
Or la société Point Carré ne justifie aucunement avoir en exécution du mandat communiqué à quelque moment que ce soit avant la date prévue pour le rendez-vous de signature de la promesse de vente la lettre d'engagement de la société Franprix expansion et cette connaissance ne peut résulter des relations d'affaires que les dirigeants des deux sociétés entretenaient depuis plusieurs années.
La société Point Carré aujourd'hui Convivium Développement a ainsi agi avec légèreté à l'égard de son mandataire pour, ayant signé mandat de vendre le droit au bail des locaux ou elle exploitait son restaurant alors même qu'elle avait déjà signé un engagement de cession au profit d'un autre cessionnaire et ayant communiqué l'ensemble des éléments nécessaires à l'élaboration de la promesse de cession, s'être rendu à la signature de l'acte avec son avocat, paraissant manifester son accord pour l'offre présentée à un prix supérieur à celui de l'offre précédente acceptée par elle mais dont elle n'avait pas tenu informée le mandataire dans les termes du mandat.
S'agissant toutefois de la validité de l'engagement pris entre ladite société Point Carré et Franprix expansion, il ne peut être retenu que cet engagement n'était pas valable comme n'ayant pas date certaine et que prévoyant d'être réalisé au plus tard le 31 juillet 2010 et aucune cession n'ayant été réalisée à cette date, la société Point Carré était libre de signer avec la société Sarjel dès lors que la société Sarjel qui n'est pas dans la cause n'a pas exigé la réalisation de la vente, les parties ayant d'un commun accord décidé le 18 juin 2010 d'abord de différer la signature de l'acte pour ne plus y donner suite.
Le mandataire lui-même la société Area ne justifie pas de son côté avoir exigé le versement de la somme de 10% prévue dès la présentation de l'offre, aucun séquestre n'ayant d'ailleurs été désigné au stade du mandat qui porte seulement l'indication que le cessionnaire devra verser la somme correspondant à 10 % du prix de cession 'à l'ordre du séquestre désigné à cet effet' ; aucun courrier postérieur à l'offre entre la société Area et la société Sarjel n'est produit concernant le versement de cette somme et manifestant à nouveau sa volonté d'acquérir.
Or ce versement était d'autant plus important qu'il était précisément destinée à garantir l'efficacité de l'acte et la société Area qui ne rapporte la preuve d'aucun accord de la société Point Carré pour un versement différé de la garantie est d'autant plus mal fondée à prétendre que le cessionnaire ne pouvait accepter d'immobiliser d'une somme aussi importante de près de 500 000€ pendant le temps des pourparlers alors que l'offre étant en date du 4 juin 2010, la signature de la promesse était prévue pour le 18 juin suivant soit moins de quinze jours plus tard.
Il ne peut être tenu compte au surplus des autres diligences que la société Area indique avoir effectuées antérieurement dans le cadre d'un autre mandat bien antérieur qui ne peut plus produire effet.
Il suit de ce qui précède que chaque partie a manqué à son engagement tel que prévu dans le mandat qu'elles ont signé, qu'il ne peut être retenu que le manquement de la société Convivium Développement serait plus grave que celui reproché à la société Area de sorte qu'il n'y a pas lieu à indemnisation de cette dernière, étant observé que précisément la somme séquestrée était destinée à garantir son indemnisation.
Le jugement sera réformé et chaque partie supportera les dépens qu'elle a exposés sans pouvoir prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Déboute la société Area de ses demandes,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Dit que chacune d'elles supportera les dépens qu'elle a exposés.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE