Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 18 MARS 2016
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/12312
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Avril 2013 -Tribunal de Commerce de paris RG n° 2010063287
APPELANTE
SA BPCE ASSURANCES, anciennement GCE ASSURANCES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 350 663 860 (Paris)
Représentée par Me Richard ESQUIER de l'ASSOCIATION Laude Esquier Champey, avocat au barreau de PARIS, toque : R144
INTIMEES
SARL PRESTATIONS MAINTENANCE CASH, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 2]
N° SIRET : 451 372 783 (Paris)
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Représentée par Me Corinne PILLET de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042
Société DELVAG LUFTFAHRTVERSICHERUNGS AG, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 3]
ALLEMAGNE
Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998 Représentée par Me Patrick VOVAN de la SELARL VOVAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0212 substitué par Me Anne Cécile LOUISGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0212
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Janvier 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre
Mme Michèle LIS SCHAAL, Président de chambre, chargée du rapport
Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Patrick BIROLLEAU, président et par Mme Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
La Caisse d' Epargne et de Prévoyance Ile de France (anciennement Caisse d'Epargne et Prévoyance Ile de France Nord), que la société BPCE Assurances a subrogée dans ses droits aux termes d'une quittance subrogative en date du 4 mai 2010, a conclu le 7 avril 2006 avec la société Prestations Maintenance Cash (PMC) un contrat de gestion et de maintenance des distributeurs automatiques de billets (DAB) de certaines agences bancaires, consistant notamment à l'approvisionnement ou alimentation des DAB, la collecte de fonds, la prise en charge et la décharge des DAB ainsi que la vérification du bon fonctionnement des systèmes de distribution.
Le 31 juillet 2007, un vol à main armée était perpétré dans l'agence de la Caisse d'Epargne de Clichy-sous-Bois (Seine Saint Denis), au moment où un employé de PMC effectuait une opération d'approvisionnement des DAB. Une somme d'un montant de 186.000 euros était ainsi été dérobée au préjudice de la Caisse d'Epargne.
La Caisse d'Epargne, assurée pour ce type de sinistre auprès de la société BPCE Assurances, a été indemnisée de son préjudice par cette dernière, laquelle a été subrogée dans ses droits aux termes d'une quittance subrogative en date du 4 mai 2010.
La BPCE a saisi le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir de PMC l'indemnisation des sommes remboursées à la Caisse d' Epargne, victime du vol. La société DELVAG, assureur de la société PMC, a été mise en cause dans la procédure aux fins de garantir la société PMC de toute condamnation éventuelle prononcée à son encontre.
Par jugement en date du 26 avril 2013, le tribunal de commerce a jugé irrecevable l'action intentée par la BPCE à l'encontre de la PCM car prescrite sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile, a débouté les parties de l'ensemble de leurs autres demandes, fins et conclusions, a condamné la BPCE à payer à PCM un montant de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.
Les premiers juges ont estimé que le point de départ de l'action de la Caisse d'Epargne à laquelle la BPCE est subrogée, est le jour de survenance des faits, soit le 31 juillet 2007 et que l'action intentée par la BPCE le 4 mai 2010 est postérieure au délai de deux ans ayant couru à compter du 31 juillet 2007, et que la prescription est opposable à la BPCE subrogeant la Caisse d'Epargne dans ses droits de recours à l'encontre de son co-contractant.
La BPCE a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ses conclusions signifiées le elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris, à la condamnation de la société PMC à lui payer un montant de 186.600 euros au titre de son préjudice financier avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 février 2010 et avec anatocisme, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens des deux instances.
Elle conteste la fin de non-recevoir fondée sur la prescription biennale de l'article L.114-1 du code des assurances qui ne résulte pas de l'intention des parties, cette prescription étant, en tout état de cause, inopposable à PMC et par voie de conséquence à la BPCE subrogée dans les droits de la Caisse d'Epargne.
Elle soutient que :
- le délai de prescription de l'action n'a pas été abrégé par les parties (il n'y a pas eu d'accord formel sur ce point) et est donc soumis à la prescription quinquennale de l'article L.110-4 du code de commerce ;
- il ne résulte pas de l'article 8 du contrat un délai de prescription abrégé et les premiers juges ont donc dénaturé les termes du contrat.
Elle ajoute qu'en tout état de cause, cette prescription biennale lui serait inopposable, la police d'assurance souscrite par PMC auprès de DELVAG ayant été souscrite le 4 février 2007, soit près d'un an après la signature du contrat entre la Caisse d'Epargne et PMC le 7 avril 2006 et qu'aucune attestation ne lui a été communiquée.
Elle rappelle que la prescription biennale de l'article L.114-1 du code des assurances lui est inopposable car elle résulterait de la police d'assurance souscrite par PMC avec DELVAG qui ne l'a jamais opposé à PMC.
Elle invoque la jurisprudence de la Cour de Cassation aux termes de laquelle la prescription biennale n'est opposable à l'assuré qu'à la condition que l'assureur rappelle, dans la police d'assurance, le délai de la prescription conformément à l'article R.121 du code des assurances ; ainsi, l'assureur doit expressément rappeler, sous peine d'inopposabilité, les causes d'interruption du délai de prescription et le point de départ de ce délai ; or, cette obligation d'information n'a pas été respectée dans la police d' assurance entre DELVAG et PMC qui ne fait référence ni aux articles L.114-1 et L.114-2 du code des assurances, ni aux causes d'interruption de la prescription. Elle en déduit que son action, introduite le 8 septembre 2010 pour des faits commis le 31 juillet 2007, est donc recevable.
Sur le fond, elle indique que la responsabilité de PCM est engagée sur le fondement de l'obligation de résultat (qualifiée ainsi par les parties dans le contrat entre PCM et la Caisse d' Epargne) à laquelle aucune cause exonératoire ne peut faire échec ; ainsi l' article 8 du contrat stipule : 'PCM assurera seul l'entière responsabilité des risques liés à l' accomplissement des ces prestations dans le cas où un préjudice devrait être subi par la Caisse d' Epargne'. Seule la force majeure est une cause d'exonération ; or, PMC a failli à son obligation, les fonds ayant été dérobés à l'intérieur du local de la banque pendant une opération d' approvisionnement du DAB.
Elle précise que les prestations mises à la charge de PCM comprennent une obligation de garde, de surveillance et de sécurité des fonds qui lui sont confiés selon l'article 8 du contrat, qu'en l'espèce, PMC ne peut arguer d' aucune cause exonératoire, telle que la force majeure qui nécessite l'imprévisibilité et l'irrésistibilité au stade de l'exécution des prestations, que PCM est incapable de démontrer le caractère imprévisible d'un vol à main armé au moment de la conclusion du contrat, alors que l'agence de [Localité 4] se trouve dans une zone à risque et que les braquages à la voiture bélier sont de plus en plus fréquents, qu'elle ne peut pas non plus invoquer la fragilité des infrastructures, la faute du créancier d'une obligation de résultat n'étant pas exonératoire, et qu'au surplus, les allégations de PMC ne sont pas établies.
Elle estime que la clause d'exclusion de garantie (ou de déchéance de garantie) dans le contrat entre PMC et DELVAG conclu le 14 février 2007 lui est inopposable, faute d'en avoir été informée, et que le fait que PCM n'ait pas averti dans les délais son assureur DELVAG est sans incidence sur l'obligation qui incombe à PMC vis à vis de la Caisse d'Epargne et de BPCE Assurances.
La Sarl PMC, par ses conclusions signifiées le demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris ;
- subsidiairement, au cas où la fin de non recevoir serait écartée, dire qu'elle n'était tenue qu'à une obligation de moyen, qu'elle n'a commis aucune faute, dire que le vol à main armé du 31 juillet 2007 constitue un cas de force majeure exonératoire de la responsabilité contractuelle de PMC ;
- à titre plus subsidiaire, si la force majeure n'était pas retenue, de dire que la Caisse d'Epargne a manqué à son obligation contractuelle de fournir un local sécurisé et a donc commis une faute exonératoire pour PMC, en conséquence débouter la BPCE de sa demande en paiement ainsi que de toute autre demande ;
- à titre très subsidiaire, condamner la société DELVAG en sa qualité d'assureur de PMC à la garantir de toute condamnations prononcée à son encontre ;
- condamner la BPCE Assurances au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle soutient que les parties ont entendu enfermer dans le délai applicable au contrat d'assurance, visé à son article 9, le droit pour la Caisse d'Epargne de demander à la société PCM réparation du dommage subi. Le recours subrogatoire de BPCE se prescrit dans le même délai que l'action en responsabilité dont le subrogé était titulaire à l'encontre du responsable du dommage, ou plus exactement du tiers responsable.
Les premiers juges ont fait une exacte lecture des articles 8 et 9 du contrat, l'indemnisation des préjudices par le prestataire (PMC) étant soumis au délai prévu dans le contrat d'assurance (souscrit par PMC et acceptée par la Caisse d'Epargne) ; ainsi, il résulte d'une intention claire des parties qu'elles ont choisi, comme délai applicable à une demande d'indemnisation fondée sur la responsabilité de la société PMC, le délai prévu dans le contrat. Elle précise que l'article L.114-1 du code des assurances est impératif et que l'article R.112-1 du code des assurances est inapplicable dans les rapports entre PMC et BPCE.
Elle expose qu'elle n'était tenue que par une obligation de moyen et qu'elle n'a commis aucune faute.
Elle ajoute que le vol à main armée est une cause de force majeure, exonératoire de la responsabilité contractuelle et, à titre subsidiaire, au cas où la force majeure ne serait pas retenue, que la Caisse d'Epargne a manqué à son obligation de fournir un local technique sécurisé et a donc commis une faute, exonératoire de responsabilité.
La société DELVAG, assureur de PMC, demande, par conclusions signifiées le de confirmer le jugement entrepris et, au cas où la fin de non recevoir ne serait pas retenue :
A titre principal,
- constater que la clause d'exclusion de garantie insérée à l'article 8.G de la police d'assurances n° 7775 en date du 14 février 2007 est opposable à la société PMC ;
- en conséquence, la débouter ;
A titre subsidiaire,
- dire que le vol à main armée du 31 juillet 2007 est constitutive de force majeure ;
- en conséquence, exonérer PMC de toute responsabilité contractuelle ainsi que du paiement subséquent de dommages et intérêts au bénéfice de BPCE ;
A titre très subsidiaire,
- dire que la caisse d'Epargne a manqué à son obligation contractuelle de fournir un local technique sécurisé ;
- en conséquence, débouter la BPCE de sa demande de paiement ;
- condamner solidairement PMC et BPCE assurances au paiement de la somme de 10.000 euros à DELVAG au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande de la société BPCE Assurances
Considérant qu' il résulte de l' article 8 du contrat de gestion et d' entretien des automates des agences ETS externalisées conclu entre la Crédit agricole et la PMC le 7 avril 2006 que : 'le prestataire (la société PMC) devra assumer toutes les conséquences de sa responsabilité et assurer dans un délai prévu dans le contrat d'assurance, la réparation intégrale des différents préjudices matériels limité au remboursement des fonds volés, disparus ou perdus, pécuniaires, corporels qui pourront être subis par l'expéditeur, le destinataire et/ou leurs clients et préposés respectifs, ainsi que par tous autres tiers' ;
Que l'article 9 portant sur l'assurance du prestataire stipule : 'pour couvrir sa responsabilité telle que définie à l' article ci- dessus (article 8), le prestataire déclare avoir souscrit des polices d' assurances dont les clauses sont acceptées par la Caisse d'Epargne' ; que la société PCM a souscrit le 14 février 2007 une police d'assurance auprès de la compagnie d'assurances DELVAG, contrat produit non traduit duquel il ne ressort aucun délai de prescription biennal, la compagnie DELVAG ne l'opposant d'ailleurs pas à son assurée la société PMC mais lui opposant une clause d'exclusion de garantie ; qu'il ne résulte donc d'aucune pièce contractuelle que les parties (le Crédit agricole et PMC) aient convenu contractuellement d'abréger le délai de prescription quinquennale en un délai de prescription biennale ; que la BPCE Assurances est subrogée dans les droits de la Caisse d'Epargne aux termes de la quittance subrogative du 4 mai 2010 et doit bénéficier des mêmes délais que son assurée ; que c'est donc à tort que les premiers juges ont opposé à la BCPE Assurances un délai de prescription biennale qui ne résultait d'aucune intention des parties, ni d'aucune stipulation contractuelle ; qu'il convient en conséquence d' infirmer le jugement entrepris de ce chef et de dire que l'action de la BPCE est recevable ;
Sur le fond
Considérant qu'il est établi qu'un vol à main armée a eu lieu le 31 juillet 2007 au préjudice de la Caisse d'Epargne au moyen d'une voiture bélier alors qu'un préposé de PMC était en train d' approvisionner les DAB ; qu'une somme de 186.600 euros a été dérobée au préjudice de la Caisse d'Epargne ;
Considérant que l'article 8 du contrat liant la Caisse d'Epargne à la société PMC prévoit que 'le prestataire effectue sous son entière responsabilité, les prestations de Gestion et/ou de Maintenance (ou d'accompagnement) des automates qui lui sont confiées par la Caisse d'Epargne conformément aux modalités et délais fixés dans le présent contrat, dans ses annexes ou dans les avenants d'application. Il contracte à cet effet une obligation de résultat' ; que le 2ème alinéa du même article précise : 'dans le cadre de l' exécution des prestations du présent contrat, le prestataire sera tenu d' une obligation de garde et de surveillance, ainsi que de sécurité des fonds qui lui sont confiés. Il assurera seul l'entière responsabilité des risques liés à l'accomplissement de ces prestations dans le cas où un préjudice devrait être subi par la Caisse d' Epargne' ;
Que cet article, qui porte sur la garde, la surveillance et la sécurité des fonds, ne comporte pas d'obligation de résultat, contrairement aux prestations de gestion et de maintenance des automates, la société PMC n'étant pas une société de convoyage de fonds ;
Considérant qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'occasion du vol à main armée à la société PMC qui n'était tenue qu'à une obligation de moyen ; qu'aucune faute de sa part n'est établie, ni aucun manquement contractuel ; que la responsabilité contractuelle de la société PMC n'est donc pas engagée ;
Qu'il convient donc de débouter la BPCE de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société PMC ; que BPCE sera condamnée à payer à la société PCM un montant de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL 2H AVOCATS en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
Sur l'appel en garantie de la société PMC à l'encontre de la société d'assurances DELVAG
Considérant qu'en raison du débouté de la demande de la BPCE Assurances, cet appel en garantie en garantie est sans objet ;
Considérant que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que précisé au dispositif ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris,
STATUANT A NOUVEAU,
DECLARE la demande de la SA BPCE Assurances recevable,
AU FOND, LA DIT MAL FONDÉE,
LA DÉBOUTE,
DIT l'appel en garantie de la société PCM à l'encontre de la société DELVAG sans objet,
CONDAMNE la SA BPCE Assurances à payer à la SARL PCM la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE la SA BPCE Assurances aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL 2H AVOCATS en application de l'article 699 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties de leurs plus amples prétentions.
Le Greffier Le Président