Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRÊT DU 1 AVRIL 2016
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/05129
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2013 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011000999
APPELANTE
SAS PARFIP FRANCE, inscrite au RCS de PARIS sous le numéro 411.873.706
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Représentée par Me Anne-Charlotte PASSELAC de la SELARL ODINOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0271
INTIMES
Maître [Q] [V] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAFETIC
[Adresse 2]
[Localité 2]
Régulièrement assigné, non représenté
SAS LEARNING MANAGEMENT DEVELOPPEMENT
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 3]
N° SIRET : 490 885 498
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Olivier ROUMELIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1865
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Novembre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre, chargé du rapport
Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre
Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRÊT :
- Réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, président et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
La société LEARNING MANAGEMENT DÉVELOPPEMENT (LMD) a souscrit auprès du fournisseur, la société EASYDENTIC, un contrat de location d'un système d'identification biométrique des personnes, pour son établissement, l'Ecole supérieure de journalisme. EASYDENTIC a cédé le bien à la société PARFIP France selon facture du 20 février 2008.
LMD ayant cessé, à partir du mois d'avril 2009, de régler les loyers dus, PARFIP a adressé au locataire, suivant courrier recommandé avec avis de réception en date du 14 avril 2010, une mise en demeure visant la clause résolutoire, et a fait assigner LMD devant le tribunal de commerce de Paris qui, par jugement rendu le 6 février 2013, a :
- prononcé la nullité du contrat signé le 9 février 2008 avec la société SAFETIC, anciennement dénommée EASYDENTIC ;
- prononcé la caducité du contrat de location financière conclu avec PARFIP France ;
- débouté la société PARFIP France de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné la société PARFIP France à payer à la société LEARNING MANAGEMENT DEVELOPPEMENT la somme de 1.966,22 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de chaque règlement ;
- condamné la société PARFIP France à payer à la société LEARNING MANAGEMENT DEVELOPPEMENT la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
- condamné la société PARFIP France aux dépens.
La société PARFIP FRANCE a interjeté appel de ce jugement le 13 mars 2013.
Par ses dernières conclusions signifiées le 1er avril 2015, elle demande à la Cour de :
- constater que LMD ne justifie ni d'un dysfonctionnement quelconque, ni d'un problème lié à une autorisation ou une déclaration auprès de la CNIL ;
- constater qu'il existe une autorisation unique de la CNIL au titre du matériel installé ;
- constater encore que LMD a exécuté le contrat pendant plus d'un an ;
En conséquence,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que le contrat souscrit avec le prestataire serait affecté d'une cause de nullité ;
- constater que les conditions générales du contrat stipulent une indépendance juridique entre les conventions souscrites auprès du prestataire et auprès de PARFIP interdisant au locataire de pouvoir valablement invoquer à l'encontre de PARFIP les difficultés rencontrées dans le cadre de ses relations avec le prestataire ;
- infirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a considéré que la nullité du
contrat souscrit avec le prestataire devrait engendrer la caducité du contrat de location souscrit avec PARFIP ;
- constater l'acquisition de la clause résolutoire aux torts exclusifs de LMD ;
- condamner LMD en conséquence au paiement au profit de PARFIP de la somme de 5.488,18 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 avril 2010 ;
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil ;
- subsidiairement, si la Cour estimait devoir confirmer la décision rendue en ce
qu'elle a considéré que le contrat de location était affecté d'une cause de caducité, constater que les obligations financières de la locataire seraient intactes et en conséquence, la condamner néanmoins au paiement au profit de PARFIP de la somme de 5.488,18 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 avril 2010 ;
- condamner LMD à verser PARFIP la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Elle conclut à l'absence de nullité du contrat souscrit avec EASYDENTIC en faisant valoir que :
- LMD a régularisé un procès-verbal de réception sans aucune réserve ;
- les conditions générales du contrat de maintenance stipulent, dans leur article 11, que la mise en place du matériel désigné aux conditions particulières impose de la part de l'abonné le respect de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 ;
- il existe une autorisation unique du 27 avril 2006 de la CNIL, décision confortée le 7 Mai 2009, concernant les dispositifs biométriques de la nature de celui commercialisé par la société EASYDENTIC ;
- il est seulement produit par LMD un document émanant du directeur de l'Ecole supérieure de journalisme faisant état de ce que le logiciel associé à EASY TOUCH est supprimé à l'occasion d'un changement de poste de travail et qu'un support individuel n'aurait pas été remis par EASYDENTIC
- il n'est en tout état de cause pas justifié du fait que l'absence prétendue d'utilisation du dispositif aurait été liée à une difficulté quelconque avec la CNIL.
Elle ajoute qu'à supposer que des difficultés existent, elles ne sont pas opposables à PARFIP, les conventions souscrites étant totalement indépendantes, et les conditions générales du contrat de location rappelant que le loueur n'assume aucune responsabilité quant à l'exécution des prestations et que le locataire s'interdit de refuser le paiement des loyers suite à un contentieux l'opposant au prestataire.
La société LEARNING MANAGEMENT DÉVELOPPEMENT, par ses dernières conclusions signifiées le 20 avril 2015, demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner PARFIP au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle indique que la société EASYDENTIC :
- n'a jamais obtenu l'autorisation de la CNIL pour faire fonctionner le matériel installé ;
- sachant qu'elle n'obtiendrait pas cette autorisation préalable du fait de la doctrine de la CNIL, ne l'a d'ailleurs jamais sollicitée ;
- s'est bien gardée d'en informer LMD dans le cadre de son devoir de conseil ;
- a donc commercialisé, en contravention avec les dispositions réglementaires en vigueur, un matériel dès lors inexploitable ; elle en infère la nullité du contrat conclu entre LMD et EASYDENTIC.
Maître [Q] [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAFETIC, venant aux droits de la société EASYDENTIC, auquel PARFIP a fait signifier la copie de sa déclaration d'appel et de ses conclusions selon acte en date du 17 juin 2013, n'a pas constitué avocat.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS
Considérant que, le 9 février 2008, la société LEARNING MANAGEMENT DEVELOPPEMENT (LMD) a loué auprès de la société EASYDENTIC un matériel biométrique Easytouch + logiciel de lecture + easystick, pour une durée de 48 mois et au prix mensuel de 120 euros HT ; qu'EASYDENTIC a dressé, le même jour, un procès-verbal de réception d'installation d'un matériel ET 800 LDL EASYSTICK, non signé par ses soins ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que :
- le 17 mars 2008, LMD a saisi EASYDENTIC pour lui indiquer qu'elle était dans l'attente de l'agrément de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) concernant l'installation, et que, dans cette attente, elle avait demandé à sa banque de suspendre le prélèvement des loyers ;
- le 23 septembre 2008, LMD a informé PARFIP que l'installation n'était pas conforme aux contraintes imposées par la CNIL ;
- LMD a saisi la CNIL aux fins de contrôle de la conformité des équipements ;
Sur la nullité du contrat de fourniture de l'installation
Considérant que LMD invoque la nullité du contrat de fourniture du matériel conclu avec EASYDENTIC aux motifs que l'équipement concerné d'une part n'avait pas reçu l'autorisation de la CNIL, d'autre part ne pouvait fonctionner sans le logiciel correspondant, et que le fournisseur EASYDENTIC a manqué à son obligation de délivrance ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1604 du code civil, 'la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur' ;
Considérant que l'article 9 de l'Autorisation unique n°AU-008 - Délibération n° 2006-102 du 27 avril 2006 portant autorisation unique de mise en 'uvre de dispositifs biométriques reposant sur la reconnaissance de l'empreinte digitale exclusivement enregistrée sur un support individuel détenu par la personne concernée et ayant pour finalité le contrôle de l'accès aux locaux sur les lieux de travail prévoit que 'tout traitement automatisé de données automatisées à caractère personnel reposant sur l'utilisation d'un dispositif de reconnaissance de l'empreinte digitale avec enregistrement sur un support individuel qui n'est pas conforme au dispositions qui précèdent, doit faire l'objet d'une demande d'autorisation auprès de la Commission dans les formes prescrites par les articles 28-8° et 30 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée' ; que l'Autorisation unique n° AU-019 - Délibération n° 2009-316 du 7 mai 2009 portant autorisation unique de mise en oeuvre de dispositifs biométriques reposant sur la reconnaissance du réseau veineux des doigts de la main et ayant pour finalité le contrôle de l'accès aux locaux sur les lieux de travail dispose, en son article 9, que 'tout traitement automatisé de données automatisées à caractère personnel reposant sur l'utilisation d'un dispositif de reconnaissance du réseau veineux des doigts de la main qui n'est pas conforme au dispositions qui précèdent, doit faire l'objet d'une demande d'autorisation auprès de la Commission dans les formes prescrites par les articles 28-8° et 30 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée' ;
Considérant que LMD se prévaut, au soutien de la non-conformité du matériel, du procès-verbal de contrôle sur place du 23 février 2010 de la CNIL dont elle indique qu'il a constaté 'l'absence de logiciel rattaché à Easy Touch, l'absence de support individuel car non remis par la société EASYDENTIC à l'ESJ, l'absence d'information des obligations'informatique et libertés' par le prestataire' (EASYDENTIC) ; qu'il n'est opposé aucun élément à ces constatations ; que l'absence du logiciel de centralisation des données et du support individuel, équipements prescrits par l'article 9 de l'Autorisation unique du 27 avril 2006, faisait obstacle à :
- la vérification de la conformité de l'équipement aux dispositions des Autorisations uniques de la CNIL des 27 avril 2006 et 7 mai 2009 ;
- la mise en fonctionnement complète de l'installation ;
Considérant que c'est vainement que PARFIP invoque les Autorisations uniques des 27 avril 2006 et 7 mai 2009, ces délibérations constituant des actes à caractère général qui ne démontrent pas la conformité des matériels commercialisés par EASYDENTIC ; qu'il est par ailleurs indifférent que LMD ait signé, sans réserve, le 9 février 2008 le procès-verbal de 'réception d'installation', dès lors que ce document :
- ne vise que les équipements suivants : ET 800, UDL, Easystick, et non le logiciel rattaché à Easy Touch, ni le support individuel ;
- n'a pour objet que de constater la remise de certains matériels, de permettre la mise en place du contrat de bail et d'entraîner le transfert de propriété entre le fournisseur et le bailleur ;
- ne suffit pas à rapporter la preuve de l'exécution, par le fournisseur, de son obligation de délivrance complète ;
Qu'il est, dans ces conditions, établi que SAFETIC, anciennement EASYDENTIC, a manqué à son obligation contractuelle de délivrance d'un produit conforme à la réglementation en vigueur et aux exigences de fonctionnement de l'installation prise à bail ; qu'en l'absence de délivrance conforme, et compte tenu de l'impossibilité d'utilisation du dispositif biométrique, le contrat de fourniture et de maintenance s'est trouvé dépourvu de cause ; le locataire est en conséquence fondé à révoquer la nullité du contrat en application de l'article 1108 du code civil ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;
Sur la caducité du contrat de location financière
Considérant que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants ;
Considérant que tel est le cas des conventions conclues entre d'une part LMD et EASYDENTIC, d'autre part LMD et PARFIP, conventions interdépendantes dès lors qu'elles ont été signées pour une durée identique et à la même date, qu'elles participent d'une seule et même opération économique consistant à fournir à LMD un matériel ainsi que la maintenance nécessaire, moyennant le paiement d'un loyer unique versé à PARFIP, et que l'ensemble révèle que l'un des contrats n'a aucun sens sans l'autre ; que la nullité du contrat de fourniture du matériel ôtait tout intérêt à poursuivre l'exécution du contrat de location financière ; qu'en conséquence, eu égard à l'indivisibilité de l'ensemble des contrats, et par suite de la nullité du contrat principal, le contrat de financement est devenu sans cause ;
Considérant que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ; qu'en l'espèce, est en contradiction avec l'économie générale de l'opération et doit est en conséquence être déclarée sans portée la clause faisant peser sur le locataire le risque de défaillance du fournisseur et prestataire, en l'espèce celle de l'article 3 des conditions générales du contrat de location qui rappelle que le locataire a été rendu attentif à l'indépendance juridique du contrat de location et du contrat de prestation de services ou de tout autre contrat conclu entre le locataire et le prestataire et que le locataire accepte cette indépendance et reconnaît qu'il peut s'adresser à tout autre prestataire de son choix en cas de défaillance de la société EASYDENTIC ;
Considérant que, la sanction de l'indivisibilité de l'ensemble contractuel étant la caducité du contrat de location, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé cette caducité ; qu'il sera également confirmé en ses autres dispositions ;
Considérant que l'équité commande de condamner PARFIP à payer à LMD la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire à signifier et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris,
CONDAMNE la SAS PARFIP France à payer à la SAS LEARNING MANAGEMENT DEVELOPPEMENT la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE la SAS PARFIP France aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président
Vincent BRÉANTPatrick BIROLLEAU